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14/09/2017 | FRANCE | N°13/03202

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1ère chambre a, 14 septembre 2017, 13/03202


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1ère Chambre A



ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2017



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/03202





Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 MARS 2013

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONNE

N° RG 1200009







APPELANTE :



MAIF

et pour elle son représentant légal domicilié en cette qualité

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représe

ntée par la SCP ARGELLIES APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER, postulant

et par Me Gilles VAISSIERE, avocat au barreau de CARCASSONNE, plaidant







INTIMES :



Monsieur [K] [I]

né le [Date naissance 1] 1952 à [Locali...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre A

ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2017

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/03202

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 MARS 2013

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONNE

N° RG 1200009

APPELANTE :

MAIF

et pour elle son représentant légal domicilié en cette qualité

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par la SCP ARGELLIES APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER, postulant

et par Me Gilles VAISSIERE, avocat au barreau de CARCASSONNE, plaidant

INTIMES :

Monsieur [K] [I]

né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par Me Alexandre SALVIGNOL, avocat au barreau de MONTPELLIER, postulant

et par Me Laurent DUPUY avocat au barreau de TOULOUSE, plaidant

Madame [C] [Y] épouse [I]

née le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Alexandre SALVIGNOL, avocat au barreau de MONTPELLIER, postulant

et par Me Laurent DUPUY avocat au barreau de TOULOUSE, plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 21 Décembre 2016

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 JUIN 2017, en audience publique, Madame Emmanuelle WACONGNE Conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :

Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président de chambre

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Madame Emmanuelle WACONGNE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Elisabeth RAMON

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Madame Caroline CHICLET Conseiller, en l'absence de Monsieur le Président, empêché, et par Madame Elisabeth RAMON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

**********

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [K] [I] et son épouse, Madame [C] [Y] sont propriétaires d'une maison d'habitation située à [Adresse 3] dont ils ont réceptionné les travaux de construction 1e 21 octobre 1982. Le 1er février 1992, ils saisissaient la société d'assurance mutuelle MAIF, leur assurance multirisque-habitation et de protection juridique d'un sinistre consistant en l'apparition de désordres, à savoir un tassement de la dalle située sur 1'emprise du séjour et du dégagement, un défaut d'étanchéité des menuiseries. La compagnie mandatait Monsieur [L] en qualité d' expert.

Les assureurs de responsabilité décennale des entreprises indemnisaient certains désordres tandis que l'une des entreprises intervenait directement pour réparer les cloisons au cours du mois

de septembre 1992.

Le 13 octobre 1992, les époux [I] écrivaient a la MAIF pour lui signifier que les travaux de reprise n'avaient pas donné satisfaction.

Le 15 février 2002,1e couple déclarait à son assureur une aggravation des désordres. Celui-ci désignait un nouvel expert le 4 mars 2002, le cabinet SATEB. Après instruction du dossier, l'assureur classait le dossier au motif de l'écoulement du délai décennal.

Les époux [I] reprochaient alors à la MAIF de s'être fondée sur un rapport erroné et incomplet ayant abouti au classement du dossier et à l'écoulement du délai décennal.

Par ordonnance en date du 15 juillet 2010, le juge des référés ordonnait une expertise con'ée a Monsieur [H] qui déposait son rapport le 29 juillet 2011.

Par exploit en date du 26 décembre 2011, les époux [I] assignaient leur assureur devant le tribunal de grande instance de Carcassonne qui par jugement en date du 14 mars 2013 a:

- dit que la MAIF a engagé sa responsabilité en acceptant en 1992, s'agissant du début d'affaissement du dallage, une réparation qui ne portait que sur le symptôme sans intervenir sur la cause qui n'avait pas été précisément recherchée, et en classant le dossier en 2002, sans rechercher si les entreprises et leur assureur pouvaient être recherchés pour n'avoir pas procédé à une réparation pérenne des désordres initiaux,

- dit que les époux [I] ont perdu une chance de voir réparer intégralement leur préjudice, à hauteur de 70 %,

- fixé le coût des travaux de reprise, embellissements compris, à la somme de 37.756,97 € TTC,

- condamné la MAIF à payer aux époux [I] la somme de 26.429,88 € TTC, avec indexation sur l'indice BT01 du bâtiment du 29 juillet 2011 jusqu'au jugement,

- fixé le préjudice de jouissance subi par les époux [I] à la somme de 26.400 € TTC au titre des travaux de reprise ,

- condamné la MAIF à payer aux époux [I] la somme de 18.480 € au titre du trouble de jouissance,

- condamné la MAIF à payer aux époux [I] la somme de 1.752,38 € TTC au titre des frais d'expertises privées,

- dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné la MAIF à payer aux époux [I] la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés,

- ordonné l'exécution provisoire.

La MAIF a interjeté appel de cette décision le 23 avril 2013.

Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier en date du 4 août 2016 ayant reçu l'appel de la société MAIF, ordonné la réouverture des débats, invité les parties à produire l'intégralité des documents contractuels qui ont été à leur disposition, et renvoyé l'affaire à l'audience du 3 janvier 2017 à 8h45.

Vu les conclusions de la Maif remises au greffe 1e 13 décembre 2016 sollicitant

- l'infirmation du jugement déféré, et à titre principal qu'il soit dit et jugé que l'action des époux [I] est prescrite, que les époux [I] soient déclarés irrecevables en leurs demandes,

- subsidiairement, au fond, qu'il soit dit et jugé qu'elle n'a commis aucune faute au préjudice de ses adversaires, le rejet de l'ensemble des demandes adverses, qu'il soit dit et juge au contraire que les époux [I], de par leur inertie caractérisée, ont commis une faute, cause exclusive du dommage dont ils se prévalent, de nature à exclure leur droit à indemnisation, le rejet en conséquence de leurs demandes, plus subsidiairement encore au fond, qu'il soit dit et jugé qu'en tout état de cause, les fautes des époux [I] sont de nature à l'exonérer très largement de son éventuelle responsabilité, qu'il soit dit et jugé en conséquence qu'el1e ne pourrait, dans cette hypothèse, qu'avoir une part de responsabilité réduite à une part symbolique, à titre infiniment subsidiaire, au fond, qu'il soit dit et jugé qu'elle n'a fait perdre aucune chance aux époux [I] de voir réparer les désordres affectant leur habitation, le rejet en conséquence de l'integra1ite de leurs demandes,

- qu'il soit dit et juge qu'en tout état de cause, la perte d'une chance ne pourrait être que symbolique, que les préjudices allégués sont majoritairement injustifiés, que le préjudice matériel ne saurait excéder la somme globale de 37 756,97 € comprenant les travaux de reprise ainsi que les travaux d'embel1issements, le rejet de la demande adverse en paiement de prétendus préjudices immatériels, qu'i1soit dit et jugé que les époux [I] seraient en tout état de cause responsables de tels préjudices a compter du mois d'avri1 2013, date a laquelle ils ont été réglés des sommes dues au titre de l'exécution provisoire et qui ont vocation a être affectées a la réalisation des travaux, 1e rejet de toutes demandes complémentaires ou plus amples, la condamnation des époux [I] à lui payer la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les conclusions des époux [I] remises au greffe le 5 décembre 2016 sollicitant, la réformation partielle du jugement déféré uniquement en ce qu'il a limité 1' indemnisation de leur perte de chance à 70 % et rejeté la demande formulée au titre des embellissements, et sollicitant :

- le rejet de toutes conclusions contraires, la condamnation de la MAIF à les indemniser à hauteur de 39 367,86 € TTC au titre des travaux de reprise des désordres actualisés en fonction de l'indice BT01 au jour de 1'arrêt,

- la condamnation de la MAIF à les indemniser à hauteur de 35 520 € correspondant à la somme de 240 € mensuelle à compter du 15 janvier 2004, arrêtée au 15 mai 2016, à réactualiser à la date de l'arrêt à intervenir, et ce, au titre du trouble de jouissance,

- la condamnation de la MAIF à les indemniser à hauteur de 46 389,78 € TTC au titre des travaux de reprise des embellissements actualises en fonction de l'indice BT01 au jour de 1'arrêt,

- subsidiairement, si la cour venait à écarter 1e devis présenté par leurs soins, la condamnation de la MAIF à les indemniser à hauteur de 14 715,30 € au titre des travaux de reprise des embellissements actualisés en fonction de l'indice BT01 au jour de l'arrêt,

- la condamnation de la MAIF à leur payer la somme de 4 000 € en application des dispositions de1'artic1e 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de 1'instance dont distraction au profit de leur conseil.

L'ordonnance de clôture était rendue le 21 décembre 2016 et renvoyait l'affaire pour plaidoirie au 11 janvier 2017. A cette date l'affaire était renvoyée à l'audience de plaidoirie du 14 juin 2017.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le point de départ de la prescription

L'arrêt du 4 août 2016 de la Cour d'Appel de Montpellier a définitivement statué sur ce point en retenant comme point de départ du délai biennal de prescription issu des dispositions de l'article L114-1 du code des assurances la date du 18 juin 2004.

Sur l'opposabilité de la prescription de l'action sur le fondement de l'article L 114-1 du code des assurances,

La compagnie d'assurance Maif considère que cette prescription de deux années est acquise et est opposable aux époux [I] dans la mesure où la police du contrat RAQVAM qui les lie les informe expressément de l'existence de cette prescription.

Les époux [I] considèrent que leur assureur a manqué à son devoir d'information au regard des dispositions de l'article R 112-1 du code des assurances , et ne rapporte pas la preuve de la délivrance de cette information aux époux [I], en ne produisant ni le contrat d'assurance signé entre les parties, ni un exemplaire signé par les époux [I] dus conditions générales RAQVAM, ni la date d'envoi et de réception par les époux [I] de la lettre circulaire adressée aux assurés en 1988. Ils invoquent en conséquence l'inopposabilité de cette prescription.

Aux termes de ce texte les polices d'assurance doivent rappeler les dispositions des titres Ier et II, du livre 1er de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance.

Il en résulte que l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale, les différents points de départ du délai de la prescription biennale prévus par l'article L. 114-1 du code des assurances, à savoir :

1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance ;

2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là.

Suite à la réouverture des débats, il y a lieu de constater qu'aucune des parties ne produit le contrat d'assurance, ou les conditions générales.

L'existence de ce contrat d'assurance n'est pas contestée par la MAIF qui ne dénie pas être l'assureur des époux [I].

En l'espèce, en l'absence de production du contrat d'assurance et de conditions générales ou particulières signées des époux [I], il y a lieu de constater que la MAIF ne rapporte pas la preuve de la notification aux époux [I] du délai de prescription biennale prévu à l'article L 114-1 du code des assurances.

En effet la lettre circulaire adressée par la MAIF à tous ses assurés en juin 1988 ne saurait suffire à établir que ce délai de prescription a bien été notifié aux époux [I], dès lors qu'il n'est pas établi que ces derniers en aient été destinataires, ce qu'ils contestent par ailleurs, et en l'absence de production de la police RAQVAM signée par ces derniers.

En conséquence, le délai de prescription édicté par l'article L 114-1 du code des assurances n'est pas opposable aux époux [I].

Sur la responsabilité de la MAIF

La MAIF conteste le jugement attaqué en ce qu'il a retenu la perte de chance dans la mesure où l'expert mandaté en 1992 n'a pas effectué de sondages pour vérifier que le désordre (affaissement du dallage) n'était pas la conséquence d'un réel défaut de conception de l'ouvrage et s'est contenté de le qualifier de désordre esthétique. Elle invoque':

- d'une part'l'absence de faute de l'expert de l'assureur en 1992 qui n'avait pas, compte tenu du caractère non décennal du désordre à cette date, soit à l'extrême fin du délai de garantie décennale, à effectuer d'investigations complémentaires

-d'autre part conteste le raisonnement retenu par le premier juge selon lequel étant donné que certains désordres étaient de nature décennale et que tous les désordres litigieux en 1992 , même non décennaux , avaient la même cause, il était nécessaire d'opérer dès 1992 des investigations complémentaires même si le caractère évolutif du désordre n'était pas établi.

La Maif considère ainsi que le désordre constaté en 1992 était un tassement du dallage, créant un vide sous plinthe de 5 millimètres, et ce à quelques mois de la fin de l'expiration de la garantie décennale, et qu'il ne pouvait présenter de caractère évolutif étant stabilisé, la meilleure preuve en étant que l'aggravation de ces désordres n'est intervenue qu'en 2002, soit près de 20 ans après la réception des travaux.

Les époux [I] se fondent sur le rapport d'expertise judiciaire déposé le 29 juillet 2011, et indiquent que certains désordres ayant été qualifiés de désordres décennaux, et que tous les désordres ayant la même cause, la réalisation d'investigations complémentaires par l'expert était indispensable, et que la MAIF en ne sollicitant pas la réalisation d'investigations complémentaires leur avait fait perdre une première chance de voir la cause du désordre traitée et non simplement le symptôme de ce désordre.

Les conclusions du rapport d'expertise réalisé par Monsieur [H] architecte DPLG, expert près la Cour d'Appel de Montpellier, au contradictoire des parties, et en date du 29 juillet 2011 reposent sur une analyse rigoureuse des faits et de la cause et sur des arguments techniques précis et circonstanciés. Il a en effet analysé les différents rapports amiables antérieurs, a fait intervenir un bureau d'études pour effectuer des sondages aux fins d'étude géotechnique des sols. Ces conclusions serviront de base au présent arrêt.

L'expert constate 'l'existence d'un tassement du dallage très importants par endroits et la fissuration des doublages et cloisonnements à proximité des zones de tassement important' ; il relève que l'étude géotechnique réalisée pour reconnaître les fondations et les caractéristiques des sols a confirmé que les désordres étaient dus à un mauvais compactage des remblais et des terre-pleins lors des opérations de construction'». Il conclut que les causes du sinistre sont présentes depuis la construction et l'ampleur des désordres rend l'ouvrage impropre à destination.

L'expert précise que le premier expert, Monsieur [L], intervenu en 1992 à la demande de la MAIF, n'ayant pas considéré que ces désordres étaient de nature décennale, n'a pas agi sur les causes des désordres, n'a mené aucune investigation et n'a pris en compte que les réparations des désordres, en préconisant un jointoiement de l'interstice apparu entre le carrelage et la plinthe.

L'expert indique que compte tenu de la proximité de la fin du délai décennal, l'expert avait considéré que le désordre n'évoluerait pas assez vite pour acquérir un caractère décennal avant la fin dudit délai.

Il convient de relever qu'un affaissement de la dalle de la construction représente un désordre grave, et ce surtout lorsque d'autres désordres importants sont constatés simultanément, comme les fissurations affectant les menuiseries et les maçonneries, et pour lesquels le caractère décennal a été retenu. Comme l'a souligné le premier expert amiable Monsieur [F] en 2002, l'expert [L] en 1992 aurait du effectuer des investigations complémentaires pour s'assurer que cet affaissement du dallage n'était pas du à un défaut de construction de la maison depuis l'origine, présentant un caractère évolutif susceptible de s'aggraver de telle manière que l'impropriété à destination était inéluctable.

La nécessité de faire réaliser des investigations complémentaires, identiques à celles réalisées par l'expert amiable [F] en 2002, étaient d'autant plus prégnante que le désordre est apparu à la fin du délai décennal, et que les constructeurs et leurs assureurs décennaux n'ont pas dénié, à l'époque, leur garantie.

Ainsi, en se conformant à la solution superficielle préconisée par l'expert [L], la MAIF a manqué au devoir de vigilance et de conseil dans la défense de ses assurés, et les a privés de la possibilité de faire prendre en charge dès 1992 les causes exactes des désordres par les assureurs décennaux des constructeurs.

Cette première faute est aggravée par un second manquement constaté en 2002. Ainsi l'expert [H] considère qu'en 2002 il était évident que le désordre était évolutif puisque l'affaissement maximum du dallage était passé de 5mm en 1992 à 20 mm. Il indique en page 17 de son rapport que l'origine des désordres était identifiable en 1992 et 2002, qu'en 2004, Monsieur [F] , expert amiable des époux [I], donnait son avis sur la cause probable des désordres en approchant de très près les causes réelles, et qu'à ces dates des investigations auraient pu être menées pour déterminer les causes des désordres avec certitude'».

Cette nouvelle absence d'investigation en 2002 constitue également un manquement de la MAIF au devoir de vigilance et de conseil dans la défense de ses assurés, et les a privés de la possibilité de faire prendre en charge en 2002 le sinistre dans le cadre de la garantie décennale.

En effet, même si cette garantie n'était pas acquise de manière certaine à cette date, les époux [I] auraient pu l'invoquer compte tenu des travaux de reprise intervenus en 1992 sur certains désordres, et de l'unicité de cause des désordres qui permettait d'envisager de rattacher cet affaissement de la dalle à la même cause que les autres désordres ayant déjà reçu la qualification de désordre décennal.

Le préjudice est constitué par l'impossibilité à ce jour de faire reprendre les désordres aux frais des constructeurs et de leurs assureurs garantie décennale, et ce de manière définitive à ce jour, la prescription étant acquise.

Ce préjudice résulte directement de l'action, ou plutôt de l'insuffisance d'action de la MAIF comme démontré précédemment.

Sa responsabilité est donc engagée en ce qu'elle a fait perdre une chance aux époux [I] d'être indemnisé et de voir l'intégralité des désordres réparés.

Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la MAIF sur le fondement de la perte d'une chance.

Sur le montant des travaux de reprise

Les époux [I] contestent quant à eux la limitation de leur indemnisation effectuée par le premier juge, se fondant sur leur inaction pendant une longue période.

Il ne saurait cependant être reproché aux époux [I] une inaction particulière dès lors qu'ils ont signalé à la MAIF dès le 30 octobre 1992 que les travaux de reprise entrepris à compter du 21 septembre 1992 ne suffiraient pas à enrayer les désordres et qu'ils doutaient du caractère durable des travaux préconisés par l'expert, consistant en la pose d'un joint de silicone.

Les époux [I] ont ensuite à nouveau signalé l'aggravation des désordres en 2002 quand l'aggravation de ceux-ci a atteint un niveau entraînant un véritable trouble de jouissance, voire une inquiétude quant à la solidité de la structure de la construction.

Dès lors, comme en attestent les pièces produites, les époux [I] n'ont cessé d'échanger avec leur assureur et ont fait appel à des experts privés [F] et [O].

En conséquence, aucune inaction ne saurait leur être reprochée sur toute la durée de l'évolution du sinistre.

Il n'y a pas lieu à limiter l'indemnisation de leur préjudice à 70'% des montants chiffrés par l'expert et le jugement de première instance sera infirmé en ce sens.

L'expert évalue le coût total des travaux de reprise et des embellissements à la somme de 37.756,97 euro TTC.

Contrairement aux allégations des époux [I], l'expert a détaillé l'ensemble des postes de reprise en page 18 de son rapport, et la somme de 37.756,97 euro comprend l'intégralité des travaux de reprise des désordres et des embellissements parfaitement détaillés.

L'expert a rejeté les devis présentés par Monsieur et Madame [I], les prix unitaires mentionnés étant supérieurs à ceux du marché, et ces devis comportant la reprise de zones exemptes de désordres au titre des travaux d'embellissement. Seule l'évaluation de l'expert sera en conséquence retenue.

La MAIF sera condamnée à payer aux époux [I] la somme 37.756,97 euro TTC comprenant la reprise des désordres et des embellissements, et ce avec indexation au 29 juillet 2011 date du dépôt du rapport d'expertise.

Sur le préjudice de jouissance

L'expert [H] a retenu un préjudice de jouissance équivalent à 30'% de la valeur locative de la maison, soit 240 euro mensuels, à prendre en compte à compter de la date du rapport de Monsieur [F], le 15 janvier 2004, date à laquelle l'affaissement du carrelage est devenu suffisamment important pour constituer un trouble de jouissance.

Il est non contesté que la MAIF a réglé les sommes résultant de la condamnation de première instance le 22 avril 2013. Cependant en l'état de l'appel interjeté, il est patent que Monsieur et madame [I] ne pouvaient prendre le risque de procéder aux dits travaux, alors même qu'en cas d'infirmation du jugement, ils devraient restituer ladite somme à la MAIF.

Ils n'ont donc fait réaliser les travaux de reprise, et cela ne saurait leur être reproché. Ainsi il sera fait droit à leur demande de réparation du préjudice de jouissance jusqu'au 15 janvier 2017, à parfaire à la date de l'arrêt.

Ainsi la MAIF sera condamnée à payer aux époux [I] la somme de'(240X12) X 13= 37.440 euro plus 240 X 9 (du 15 janvier 2017 au 14 septembre 2017) soit la somme totale de 39.600 euro, à parfaire au jour de l'exécution de l'arrêt, au titre de l'indemnisation du préjudice de jouissance

Enfin le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a condamné la MAIF à régler aux époux [I] la somme de 1.752,38 euro au titre des frais d'expertises privées, et également en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens.

Sur les frais irrépétibles

Au regard de l'équité et de la situation des parties la MAIF sera condamnée à payer aux époux [I] la somme de 3,000 euro sur le fondement de l'article 700 du CPC.

Sur les dépens

La Maif appelante principale et succombante sera condamné aux entiers dépens d'appel, recouvrés au profit de Maître Salvignol.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Dit que la prescription tirée des dispositions de l'article L 114-1 du code des assurances, soulevée pour la première fois en cause d'appel, est inopposable aux époux [I]

Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Carcassonne en date du 14 mars 2013, en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a limité l'indemnisation du préjudices des époux [I] à 70'% des sommes retenues par l'expert,

L'infirme sur ce point et statuant à nouveau

Dit n'y avoir lieu à limitation de l'indemnisation du préjudice des époux [I] à 70'% des sommes retenues par l'expert

Condamne la MAIF à payer aux époux [I] les sommes suivantes':

- 37.756,97 euro TTC au titre de la reprise des désordres et des embellissements, et ce avec indexation au 29 juillet 2011 date du dépôt du rapport d'expertise,

- 39.600 euro au titre de l'indemnisation du préjudice de jouissance, à parfaire au jour de l'exécution de l'arrêt

Y ajoutant

Rejette toute demande contraire

Condamne la MAIF à payer aux époux [I] la somme de 3,000 euro sur le fondement de l'article 700 du CPC,

Condamne la MAIF aux entiers dépens d'appel, recouvrés au profit de Maître Salvignol.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

EW


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 13/03202
Date de la décision : 14/09/2017

Références :

Cour d'appel de Montpellier A1, arrêt n°13/03202 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-14;13.03202 ?
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