La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/09/2017 | FRANCE | N°15/04235

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1ère chambre c, 05 septembre 2017, 15/04235


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1ère Chambre C



ARRET DU 05 SEPTEMBRE 2017



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04235







Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 MAI 2015

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE

N° RG 13/00994







APPELANTE :



SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC ROUSSILLON Banque coopérative régie par les articles L 512-85 et suivants du

Code Monétaire et Financier, Société anonyme à directoire et à conseil d'orientation et de surveillance au capital social de 295 600 000 €, SIREN 383 421 267 RCS MONTPELLIER, représentée par son Président Di...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre C

ARRET DU 05 SEPTEMBRE 2017

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04235

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 MAI 2015

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE

N° RG 13/00994

APPELANTE :

SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC ROUSSILLON Banque coopérative régie par les articles L 512-85 et suivants du Code Monétaire et Financier, Société anonyme à directoire et à conseil d'orientation et de surveillance au capital social de 295 600 000 €, SIREN 383 421 267 RCS MONTPELLIER, représentée par son Président Directeur Général en exercice, domicilié ès qualités audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Claude CALVET de la SCP GOUIRY/MARY/CALVET/BENET, avocat au barreau de NARBONNE, avocat postulant

assistée de Me Antoine BENET de la SCP GOUIRY/MARY/CALVET/BENET, avocat au barreau de NARBONNE, avocat plaidant

INTIMEE :

Madame [D] [I] épouse [C]

née le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES, SENMARTIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Nicolas SAINTE CLUQUE, avocat au barreau de NARBONNE, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 29 Mai 2017

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 JUIN 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, chargé du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

Madame Leïla REMILI, Vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Ouahiba BOUAZIZ, faisant fonction de greffier

ARRET :

- contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Mme Ouahiba BOUAZIZ, faisant fonction de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par jugement du tribunal correctionnel de Narbonne en date du 19 novembre 1999, [D] [I] a été condamnée pour escroquerie après avoir ouvert fictivement auprès de la Caisse d'épargne et de prévoyance Languedoc-Roussillon un compte au nom du comité d'établissement de la Matmut, dont elle était trésorier adjoint.

Par jugement du tribunal de grande instance de Narbonne du 30 janvier 2007, la Caisse d'épargne et de prévoyance Languedoc-Roussillon a été condamnée à verser au comité d'établissement de la Matmut la somme de 205 018,91 € après que sa faute et ses négligences aient été reconnues pour moitié à l'origine du dommage financier subi par le comité.

Par arrêt du 7 décembre 2010, la cour d'appel de Toulouse a infirmé partiellement la décision précédente, et le comité d'établissement de la Matmut a restitué la somme de 101 413,23 € à la Caisse d'épargne et de prévoyance Languedoc-Roussillon.

Par acte du 4 juin 2013, la Caisse d'épargne et de prévoyance Languedoc-Roussillon a assigné [D] [I] en paiement de la somme de 103 605,98 € (205 018,91 € ' 101 413,23 €) estimant que le versement de cette somme qu'elle a dû effectuer au comité d'établissement est imputable à une faute intentionnelle de cette dernière.

Le jugement rendu le 28 mai 2015 par le tribunal de grande instance de Narbonne énonce dans son dispositif :

' Constate la prescription de l'action introduite le 4 juin 2013 par la Caisse d'épargne et de prévoyance Languedoc-Roussillon à l'encontre de [D] [I].

' Rejette toutes les demandes des parties.

'Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

'Laisse les dépens de l'action à la charge des parties qui les ont exposés.

Le jugement retient que si le 15 septembre 1999, la Caisse d'épargne ne subissait aucun dommage du fait des agissements de [D] [I] en raison de la condamnation de la Banque Populaire à lui rembourser le montant des chèques émis, ce n'était pas le cas à la date du jugement du 30 janvier 2007 où un dommage était né pour elle du fait de sa condamnation à verser la somme de 205 018,91 € au comité d'établissement de la Matmut, sa faute ayant été reconnue comme partiellement à l'origine du préjudice subi par ce dernier.

Compte tenu du délai de prescription en vigueur au 30 janvier 2007 pour les actions personnelles ou mobilières, et nonobstant l'appel interjeté puisqu'il n'a pas été demandé la suspension de l'exécution provisoire, la Caisse d'épargne avait alors 10 ans pour introduire une action en responsabilité à l'encontre de [D] [I], soit jusqu'au 30 janvier 2017.

Néanmoins, à compter de la loi du 17 juin 2008, le délai de prescription est passé à 5 ans, de sorte qu'en juin 2008, la Caisse d'épargne ne disposait plus que de 5 ans pour introduire son action, soit jusqu'au 30 janvier 2013.

Par conséquent, l'action introduite le 4 juin 2013 se trouve prescrite.

Le jugement déboute [D] [I] de sa demande en dommages et intérêts considérant qu'elle ne justifie d'aucun préjudice qui soit né de la procédure introduite par la Caisse d'épargne qui ne fait que faire valoir ses droits.

La SA Caisse d'épargne et de prévoyance Languedoc-Roussillon a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 9 juin 2015.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 29 mai 2017.

Les dernières écritures de la Caisse d'épargne et de prévoyance Languedoc-Roussillon ont été déposées le 5 août 2016.

Les dernières écritures de [D] [I] ont été déposées le 19 août 2016.

Le dispositif des dernières écritures de la Caisse d'épargne et de prévoyance Languedoc-Roussillon énonce :

' Dire que le délai de 5 ans pour agir a couru à compter soit de l'arrêt rendu le 7 décembre 2010, soit du remboursement intervenu le 30 mars 2011.

' Dire que c'est à tort que le premier juge a d'une part fait courir le délai de prescription de 5 ans à compter du 30 janvier 2007, et d'autre part fixé le terme du délai au 30 janvier 2013.

' Dire en conséquence que l'action engagée par acte du 4 juin 2013 est recevable.

' Dire que la somme de 103 605,98 € payée par la Caisse d'épargne et de prévoyance Languedoc-Roussillon au Comité d'établissement de la Matmut est incontestablement imputable aux agissements frauduleux commis par [D] [I].

' Dire en conséquence que [D] [I] a commis une faute à l'égard de la Caisse d'épargne et de prévoyance Languedoc-Roussillon, laquelle a entraîné un préjudice à hauteur de 103 605,98 € définitivement fixé par l'arrêt en date du 7 décembre 2010.

' Dire que les sommes allouées à la Caisse d'épargne et de prévoyance Languedoc-Roussillon par ordonnance de référé du 15 septembre 1999 n'ont pas supprimé le préjudice subi puisque le comité d'établissement de la Matmut s'est retourné contre la Caisse d'épargne et de prévoyance Languedoc-Roussillon.

' Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 28 mai 2015.

' Condamner [D] [I] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Languedoc-Roussillon la somme de 103 605,98 €, plus intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 4 juin 2013.

' Condamner [D] [I] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Languedoc-Roussillon la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

' Condamner [D] [I] aux entiers dépens.

La Caisse d'épargne et de prévoyance Languedoc-Roussillon expose qu'au terme de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 et de l'article 2222 du code civil, le nouveau délai de prescription de 5 ans court à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, soit le 17 juin 2008, ce qui signifie que le terme de ce délai était fixé au 17 juin 2013, et non pas au 30 janvier 2013 comme l'a considéré à tort le premier juge, de sorte que l'action introduite le 4 juin 2013, signifiée dans le délai de prescription, est recevable.

Elle soutient en tout état de cause que le délai de prescription quinquennal n'a pu courir qu'à compter de l'arrêt du 7 décembre 2010 ayant définitivement reconnu sa responsabilité et fixé le montant de l'indemnisation à verser au comité d'établissement de la Matmut, dès lors que c'est seulement à cette date que son préjudice est effectivement né et qu'elle était en mesure d'exercer une action conformément à l'article 2224 du code civil.

Elle ajoute que le premier juge a considéré à tort que le jugement du 30 janvier 2007 était le point de départ du délai de prescription dans la mesure où si elle avait entrepris une action en responsabilité à la suite de celui-ci, cela n'aurait pu s'analyser que comme une reconnaissance du jugement qui l'a contrainte dans le cadre de l'exécution provisoire à payer la somme à laquelle elle a été condamnée, de sorte qu'elle devait d'abord contester ce jugement en interjetant appel.

Elle soutient que contrairement à ce que prétend [D] [I], le délai de prescription ne peut courir à compter du jugement pour escroquerie du 19 novembre 1999 puisque ce dernier n'a mis aucune somme à la charge de la Caisse d'épargne, étant rappelé que son préjudice n'a pu être définitivement chiffré qu'au jour de l'arrêt du 7 décembre 2010, soit le point de départ du délai de prescription de 5 ans.

Elle fait observer que [D] [I] lui reproche de ne pas l'avoir assignée en intervention forcée devant le TGI et la Cour d'appel, alors que celle-ci n'a formé aucune contestation à l'encontre du jugement du 30 janvier 2007, ni de l'arrêt du 7 décembre 2010, et qu'elle ne démontre nullement en quoi sa présence à ces procédures aurait modifié l'issue des décisions rendues, outre le fait que l'absence d'intervention forcée n'équivaut en rien à une reconnaissance par la Caisse d'épargne d'une faute personnelle lui interdisant d'agir à l'encontre de [D] [I].

Elle soutient que les agissements frauduleux de [D] [I], objets d'un jugement pénal en 1999, sont à l'origine de la condamnation de la Caisse d'épargne par jugement du 30 janvier 2007 à verser au Comité d'établissement de la Matmut la somme de 205 018,91 €, ramenée à 103 605,98 € par l'arrêt du 7 décembre 2010.

En effet, elle expose que le comité d'établissement de la Matmut, après avoir été condamné à garantir la Banque Populaire du fait des détournements de fonds opérés par [D] [I] par l'ordonnance de référé du 15 septembre 1999, s'est retourné contre la Caisse d'épargne dont la responsabilité a été reconnue dans les décisions de 2007 et 2010.

Par conséquent, la faute grave commise par [D] [I], qu'elle ne peut sérieusement contester en tentant d'imputer à son tour une faute à la Caisse d'épargne, est à l'origine du préjudice subi par cette dernière qui réside dans le paiement effectif de la somme de 103 605,98 €.

Elle ajoute que la décision du 7 décembre 2010 justifie le bien fondé de l'action entreprise dans la mesure où il est précisé que le sort réservé aux fonds détournés par [D] [I] n'est toujours pas connu, de même que le degré de sa prétendue insolvabilité qui justifierait qu'aucune voie d'exécution n'aurait été tentée à son encontre.

Elle soutient que [D] [I] ne peut lui opposer les précédentes condamnations dont elle a fait l'objet et qui ont mis à sa charge diverses sommes, l'action de la Caisse d'épargne étant étrangère à ces condamnations antérieures.

Le dispositif des dernières écritures de [D] [I] énonce :

' Confirmer le jugement du 28 mai 2015 en ce qu'il a constaté la prescription de l'action introduite par la Caisse d'épargne et de prévoyance Languedoc-Roussillon à l'encontre de [D] [I].

' Constater que la Caisse d'épargne connaissait les agissements de [D] [I] depuis décembre 1998, date à laquelle elle a porté plainte à son encontre.

' Dire à titre subsidiaire que l'action est prescrite depuis le 18 octobre 2012, le comité d'établissement de la Matmut ayant assigné la Caisse d'épargne par acte du 18 octobre 2002.

'En conséquence, déclarer irrecevable l'action extracontractuelle introduite le 4 juin 2013 par la Caisse d'épargne, cette dernière étant prescrite soit depuis le mois de décembre 2008, soit depuis le 18 octobre 2002.

' Juger que l'indemnité de 100 000 € versée par la Caisse d'épargne au Comité d'établissement de la Matmut, suite à sa condamnation par l'arrêt du 7 décembre 2010, correspond uniquement à la part de responsabilité imputable à la Caisse d'épargne, déduction faite de la faute commise par [D] [I].

' Dire que la faute commise par la Caisse d'épargne est à l'origine exclusive du préjudice allégué.

' Dire que la Caisse d'épargne échoue à rapporter la preuve de ce que sa créance est certaine, liquide, et exigible.

' Dire que la Caisse d'épargne échoue à rapporter la triple preuve cumulative d'une faute, d'un préjudice, et d'un lien de causalité justifiant la condamnation de [D] [I] à lui régler une somme de 103 605,98 € avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2013.

' Débouter la Caisse d'épargne de l'ensemble de ses demandes, fins, et prétentions contraires.

' Condamner la Caisse d'épargne à payer une indemnité de 3 000 € à [D] [I] à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée.

' Condamner la Caisse d'épargne à payer à [D] [I] la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'exécution de l'arrêt à intervenir, dont distraction au profit de la SCP d'avocats postulants avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

[D] [I] soutient que la Caisse d'épargne connaissait l'existence de ses agissements frauduleux à minima dès le mois de décembre 1998 étant donné qu'à cette date elle a porté plainte à son encontre, de sorte que conformément à l'article 2224 du code civil, la prescription décennale en vigueur à l'époque courrait à compter de la connaissance par la Caisse d'épargne des faits commis par [D] [I], soit à compter du mois de décembre 1998 jusqu'au mois de décembre 2008, rendant de ce fait l'action introduite le 4 juin 2013 prescrite.

En toute hypothèse, elle expose que la Caisse d'épargne avait parfaitement connaissance de ses agissements frauduleux lorsqu'elle a été assignée par le Comité d'établissement de la Matmut par acte du 18 octobre 2002, de sorte que l'action se prescrivait le 18 octobre 2012, outre le fait que l'arrêt du 7 décembre 2010 indique que la Caisse d'épargne affirme avoir pris connaissance des agissements frauduleux à l'occasion de la précédente procédure.

Elle ajoute que contrairement à ce que prétend la Caisse d'épargne, le fait d'assigner [D] [I] après le jugement du 30 janvier 2007 n'équivaut nullement à une reconnaissance des prétentions développées par le Comité d'établissement de la Matmut.

Elle soutient qu'elle n'est redevable d'aucune somme à l'égard de la Caisse d'épargne en raison des condamnations dont elle a déjà fait l'objet, notamment par jugement du 19 novembre 1999 l'ayant condamnée à verser une indemnité provisionnelle d'un montant de 121 959,21 € au Comité d'établissement de la Matmut.

Elle expose que la Caisse d'épargne a été condamnée à payer la somme de 103 605,98 € par l'arrêt du 7 décembre 2010 pour sa faute lourde de négligence qui a concouru à la réalisation du préjudice subi par le Comité d'établissement de la Matmut, l'arrêt relevant à ce titre l'attitude particulièrement fautive de la banque, qu'il ne désigne à aucun moment comme une victime de [D] [I] contrairement à ce qu'elle prétend.

Elle ajoute que cette somme correspond à la part de responsabilité qui revient exclusivement à la Caisse d'épargne, déduction faite des responsabilités incombant au Comité et à [D] [I], de sorte que la faute de la Caisse d'épargne est à l'origine exclusive du préjudice allégué.

Elle fait observer que la Caisse d'épargne ne l'a pas appelée en la cause ni devant le premier juge, ni devant la cour d'appel, ce qui démontre qu'elle avait parfaitement conscience de sa faute personnelle et de sa contribution au dommage dont elle doit en répondre seule.

Elle soutient que la Caisse d'épargne n'a subi aucune perte financière du fait des agissements frauduleux commis par [D] [I], dans la mesure où elle a obtenu par ordonnance de référé en date du 15 septembre 1999 la condamnation de la Banque Populaire à lui verser le montant des chèques émis, soit la somme de 290 872,72 €, d'autant que le 30 mars 2011 le Comité d'établissement de la Matmut lui a remboursé la somme de 101 413,23 € conformément à l'arrêt de 2010.

Elle fait observer que la Caisse d'épargne prétend que les sommes relatives à l'ordonnance de référé sont étrangères à la somme de 103 605,98 €, alors que paradoxalement elle considère, sans en rapporter la preuve, qu'elles auraient été prises en compte dans les décisions de 2007 et 2010, ce qui est contredit par l'arrêt de 2010 qui précise que le calcul de la somme de 103 605,98 € a été effectué en considération seulement des fautes commises respectivement par la banque, [D] [I], et le Comité.

Elle ajoute qu'en août 1999, avant qu'elle ne perçoive les sommes provenant de l'ordonnance de référé, la Caisse d'épargne chiffrait déjà son préjudice à la somme de 104 838,25 €, et qu'en tout état de cause il ressort du procès-verbal d'enquête que les opérations réalisées par [D] [I] lui ont rapporté des sommes importantes.

Elle sollicite l'allocation de la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts au motif que le comportement abusif de la Caisse d'épargne lui cause un grave préjudice dans la mesure où elle se trouve contrainte une nouvelle fois de s'expliquer sur des faits qui ont déjà fait l'objet de procédures pénales et civiles, et que c'est avec une mauvaise foi certaine que la banque lui réclame le remboursement de la somme de 103 605,98 € alors qu'elle a été condamnée à payer cette somme au Comité d'établissement de la Matmut sur le fondement de sa propre faute.

MOTIFS

Sur la prescription

Le jugement de première instance a retenu avec pertinence que le point de départ de la prescription de l'action de la Caisse d'épargne se situait à la date du jugement du 30 janvier 2007 qui a condamné celle-ci au paiement d'une somme dont elle demande dans cette instance le remboursement à [D] [I].

En effet, l'article 2224 du Code civil dispose que les actions mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Dans l'espèce, la Caisse d'épargne n'était pas en mesure de connaître sa prétention pour agir à l'encontre de [D] [I] avant le jugement de condamnation.

Elle n'est pas fondée à retarder le point de départ de ce délai jusqu'à la décision en appel du jugement par l'arrêt du 7 décembre 2010, dans la mesure où le jugement de première instance a été rendu avec le bénéfice d'une exécution provisoire dont elle n'a pas sollicité judiciairement la levée pendant l'instance d'appel.

La cour ajoute d'une part que la diminution du montant de la condamnation en appel n'a pas d'incidence sur l'ouverture du droit invoqué au remboursement de la condamnation effective par [D] [I], d'autre part que l'action en remboursement n'aurait pas été de nature à constituer une reconnaissance du montant de la condamnation prononcée au premier degré de l'instance judiciaire mais bien au contraire une contestation de la responsabilité de la Caisse d'épargne fondement de sa condamnation.

Il est constant que le délai de prescription était de 10 ans, ramené ensuite à cinq ans par l'application de la loi du 17 juin 2008.

L'article 2222 du Code civil dispose notamment :

en cas de réduction de la durée du délai de prescription, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Il en résulte que le délai de 10 ans ouvert dans l'espèce à compter du 30 janvier 2007 s'est trouvé modifié au bénéfice d'un délai de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle le 17 juin 2008, soit jusqu'au 17 juin 2013, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, ce qui est le cas puisque le délai prévu par la loi antérieure expirait seulement le 30 janvier 2017.

Dans ces conditions, l'action judiciaire engagée antérieurement au 17 juin 2013 par la caisse d'épargne par acte du 4 juin 2013 n'était pas prescrite.

Le premier juge sera infirmé en ce qu'il a retenu la prescription de l'action au motif que le nouveau délai de cinq ans avait pour point de départ le jugement du 30 janvier 2007 en contradiction avec les dispositions du deuxième alinéa de l'article 2222 du Code civil.

Contrairement à ce que soutient [D] [I], le point de départ de la prescription ne pouvait pas être antérieur à la première décision judiciaire rendue le 30 janvier 2007 de condamnation de la Caisse d'épargne au paiement de sommes pour lesquelles celle-ci pouvait engager une action récursoire, quel que soit la date à laquelle la Caisse d'épargne aurait pu avoir connaissance des agissements frauduleux reprochés à [D] [I].

Sur la responsabilité de [D] [I]

[D] [I] a été condamnée par un jugement pénal du 19 novembre 1999 du fait de détournements de fonds qui sont effectivement la cause immédiate de la condamnation ultérieure de la Caisse d'épargne au paiement de sommes au profit du comité d'établissement de la banque MATMUT.

L'arrêt définitif du 7 décembre 2010 a retenu d'une part que la Caisse d'épargne avait commis une faute lourde en acceptant sans vérification sérieuse les mouvements de fonds sollicités par la trésorière du comité d'établissement de la MATMUT, faute qui a concouru au préjudice du comité d'établissement, mais d'autre part que la propre négligence de ce dernier et les agissements frauduleux de sa trésorière ont réduit ses droits contre la Caisse d'épargne à un montant de 100 000 €, décision judiciaire qui a fondé la restitution à la Caisse d'épargne d'une partie du paiement effectué réduisant le préjudice dont elle réclame aujourd'hui réparation à [D] [I] dans cette instance.

Il en résulte que si la faute retenue contre la Caisse d'épargne a directement fondé son obligation de paiement de sommes au bénéfice du comité d'établissement de la MATMUT, et celles retenues à l'encontre du comité et de sa trésorière en ont affecté le montant, ces fautes ne peuvent avoir d'incidence que dans les rapports entre la Caisse d'épargne et le comité d'établissement, et ne peuvent être invoquées utilement par [D] [I] pour réduire ou faire disparaître sa responsabilité fautive initiale dans le préjudice de la Caisse d'épargne qui lui est ainsi directement et entièrement imputable.

[D] [I] est particulièrement mal fondée à invoquer pour écarter sa responsabilité un contrôle insuffisant de la Caisse d'épargne sur ses propres turpitudes.

La Caisse d'épargne est en conséquence fondée à prétendre à l'indemnisation par [D] [I] de son entier préjudice constitué par le montant du paiement qu'elle a dû effectuer pour restituer au comité d'établissement de la MATMUT une partie des fonds frauduleusement détournés par [D] [I].

Le montant non contesté du préjudice de la Caisse d'épargne pour la somme principale de 103 605,98 € n'est en aucune façon affecté par des condamnations intervenues pour des motifs étrangers dans d'autres instances judiciaires au bénéfice de la Caisse d'épargne, alors qu'il n'est pas contesté que ce montant a bien été effectivement payé en conséquence des agissements frauduleux de [D] [I].

[D] [I] sera en conséquence condamnée à payer à la Caisse d'épargne la somme de 103 605,98 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 4 juin 2013.

Sur les autres prétentions

Il est équitable de mettre à la charge de [D] [I] une part des frais non remboursables exposés en première instance et en appel par la Caisse d'épargne à hauteur de la somme réclamée de 1000 €.

[D] [I] supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe ;

Infirme le jugement rendu le 28 mai 2015 par le tribunal de grande instance de Narbonne ;

Dit que l'action introduite le 4 juin 2013 devant le juge de première instance par la Caisse d'épargne et de prévoyance Languedoc-Roussillon à l'encontre de [D] [I] n'est pas prescrite et la déclare recevable ;

Condamne [D] [I] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Languedoc-Roussillon la somme de 103 605,98 € avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2013 ;

Condamne [D] [I] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Languedoc-Roussillon la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne [D] [I] aux dépens de première instance et d'appel.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1ère chambre c
Numéro d'arrêt : 15/04235
Date de la décision : 05/09/2017

Références :

Cour d'appel de Montpellier 1D, arrêt n°15/04235 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-05;15.04235 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award