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15/06/2017 | FRANCE | N°12/04372

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Ct0694, 15 juin 2017, 12/04372


Grosse + copie
délivrées le
à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre A

ARRET DU 15 JUIN 2017

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/04372

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 JANVIER 2012
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE RODEZ
No RG 09/01237

APPELANTE :

Madame Aline X... épouse Y...
née le [...]            à [...] (12)
de nationalité Française

[...]                   
représentée par la SCP ARGELLIES, APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER, postulant
e

t par la SCP LARGUIER BRINGER, avocat au barreau de MILLAU, plaidant

INTIMEE :

SARL DU MOULIN DU TARN
RCS du Tarn no (.....), et pour elle son représentant légal ...

Grosse + copie
délivrées le
à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre A

ARRET DU 15 JUIN 2017

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/04372

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 JANVIER 2012
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE RODEZ
No RG 09/01237

APPELANTE :

Madame Aline X... épouse Y...
née le [...]            à [...] (12)
de nationalité Française

[...]                   
représentée par la SCP ARGELLIES, APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER, postulant
et par la SCP LARGUIER BRINGER, avocat au barreau de MILLAU, plaidant

INTIMEE :

SARL DU MOULIN DU TARN
RCS du Tarn no (.....), et pour elle son représentant légal en exercice domicilié [...]                                                 
représentée par Me Séverine Z... de la A...                         , avocat au barreau de MONTPELLIER

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 11 Avril 2017

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 MAI 2017, en audience publique, Caroline CHICLET Conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :
Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président de chambre
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
Madame Brigitte DEVILLE, Conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Elisabeth RAMON

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président, et par Mme Elisabeth RAMON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

**********

EXPOSE DU LITIGE :

Aline Y... née X... est propriétaire sur la commune de [...] (12) de la parcelle cadastrée section [...] comprise entre la voie publique et la rivière le Tarn.

Cette propriété est située au droit d'un barrage hydroélectrique qui a été aménagé dans les années 1970 par la Sarl Moulin du Tarn, sans l'autorisation du propriétaire riverain, auteur d'Alice Y..., lequel a intenté une action en démolition de l'ouvrage devant le tribunal de Millau.

Par jugement de ce tribunal en date du 14 décembre 1978 l'empiétement a été constaté mais la demande de démolition a été rejetée, la Sarl Moulin du Tarn ayant été condamnée à indemniser le propriétaire riverain de ses préjudices.

Invoquant des atteintes nouvelles à son droit de propriété perpétrées en 1984 et en 2008 par la Sarl Moulin du Tarn, Alice Y... a fait citer cette dernière devant le tribunal de grande instance de Rodez en démolition et enlèvement des ouvrages illicites jusqu'à la ligne située au milieu du cours d'eau.

Par jugement en date du 15 avril 2011 ce tribunal a ordonné un transport sur les lieux le 13 octobre 2011.

Par jugement contradictoire prononcé le 24 janvier 2012, le tribunal de Rodez a :
• donné acte à Alice Y... de son absence de contestation des travaux d'enrochement et de soutènement du CD 902 entrepris et financés par la Sarl Moulin du Tarn,
• dit que la réalisation des passes à poissons et à canoës ne porte aucune atteinte nouvelle aux droits d'Alice Y... par rapport à celles indemnisées par le jugement du tribunal de grande instance de Millau du 14 décembre 1978,
• dit que le nouvel enrochement réalisé pour la mise en place des passes à poissons et à canoës constitue une atteinte nouvelle au droit de propriété d'Alice Y... sur la parcelle [...] sise commune de [...],
• condamné la Sarl Moulin du Tarn à payer à Alice Y... la somme de 1000 € à titre de dommages-intérêts,
• condamné la Sarl Moulin du Tarn aux dépens et à payer la somme de (non indiquée dans le jugement) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
• rejeté les autres demandes des parties.

Alice Y... a relevé appel de ce jugement le 7 juin 2012.

Par arrêt prononcé le 16 avril 2015, la cour d'appel de Montpellier a :
• dit que la rivière le Tarn est un cours d'eau non domanial au niveau du département de l'Aveyron permettant l'application de l'article L.215-2 du code de l'environnement ;
• avant dire droit sur les demandes respectives des parties :
• ordonné une expertise aux frais avancés d'Alice Y... et désigné pour y procéder B... Marie-Claire, [...]                                 (12, expert inscrit sur la liste de la cour d'appel de Montpellier avec mission de :
convoquer les parties en cause ainsi que leurs avocats par lettres recommandées avec accusé de réception 15 jours au moins avant chaque accédit, le premier devant avoir lieu impérativement dans les 45 jours suivant l'avis de dépôt de consignation ;
se faire remettre sans délai par les parties ou par tout tiers détenteur les documents qu'il estimera utiles l'accomplissement de sa mission et notamment :
- le procès-verbal de bornage ainsi que le procès-verbal de conciliation signé par les parties ou leurs auteurs en 1973 ;
- le rapport d'expertise de Monsieur C... déposé au greffe du tribunal de grande instance de Millau le 15 février 1978 ;
recueillir les déclarations des parties et éventuellement celles de toute personne informée ;
se rendre sur les lieux sur la commune de [...] (12), parcelle cadastrée section [...] ;
fixer les limites du milieu du lit de la rivière au droit de la propriété d'Alice Y... conformément aux dispositions de l'article L.215-2 du code de l'environnement et les reporter sur un plan comportant en outre la délimitation des propriétés contiguës des parties,
dresser une chronologie de la construction du barrage réalisé par la Sarl Moulin du Tarn depuis 1971 en reportant sur le plan précité, pour chaque période de construction, l'emprise du nouvel ouvrage par rapport l'existant,
donner son avis sur la nature et l'importance des préjudices matériels, physiques ou moraux subis par chaque partie et proposer une base d'évaluation ;
constater l'éventuelle conciliation des parties sans manquer dans ce cas de nous en aviser ;
faire toutes observations utiles au règlement du litige ;

• réservé toutes les demandes et moyens des parties incluant les dépens et les frais irrépétibles.

L'expert a déposé son rapport le 26 janvier 2016.

Vu les conclusions de l'appelante remises au greffe le 10 octobre 2016 ;

Vu les conclusions de la Sarl Moulin du Tarn, appelante à titre incident, remises au greffe le 30 septembre 2016 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 11 avril 2017 ;

M O T I F S :

Il convient de rappeler, à titre liminaire, que l'appelante ne conteste pas les travaux d'enrochement et de soutènement du CD 902 entrepris et financés par la Sarl Moulin du Tarn.

L'appelante conclut à l'infirmation du jugement et demande à la cour d'ordonner la démolition de :
• l'enrochement réalisé en 1984 et distinct de celui réalisé en 1978,
• la piste de remblais, le nouvel enrochement avec couche de béton, la passe à poissons et la passe à canoës avec bordures bétons réalisées en 2008.

Il n'est plus discuté par les parties que la parcelle [...] appartenant à Alice Y... se prolonge jusqu'au milieu du lit de la rivière puisque le lit des cours d'eau non domaniaux appartient par moitié à chacun des propriétaires riverains conformément aux dispositions de l'article L.215-2 du Code de l'environnement dans sa version issue de la loi no2006-1772 du 30 décembre 2006 applicable au présent litige.

L'expert judiciaire, après avoir minutieusement comparé l'évolution des ouvrages réalisés depuis l'origine du barrage et déterminé les limites des fonds appartenant à chacune des parties en intégrant la présomption édictée par l'article L.215-2 précité, a dressé la chronologie de construction des ouvrages depuis l'origine du barrage et a reporté les différentes étapes sur des plans, classés en annexes 8 à 11 du rapport.

Ces plans montrent, sans aucune ambiguïté, que les travaux de construction des passes à poissons et à canoës réalisés en 2008 par la Sarl Moulin du Tarn empiètent sur le fond Y... et privent la propriétaire d'un accès direct à l'eau depuis son fonds sur une longueur de 14 mètres.

Pour s'opposer aux demandes de l'appelante, la Sarl Moulin du Tarn soutient qu'elle n'est pas la propriétaire exclusive des ouvrages et installations dont il est demandé la démolition et que ceux-ci appartiennent, pour partie, à l'État.

Le 23 août 1973, la Sarl Moulin du Tarn a sollicité le bénéfice d'une concession (obligatoire à l'époque pour une puissance supérieure à 500 KW) pour exploiter une micro-centrale électrique d'une puissance brute de 1410 KW sur le Tarn.

La société a signé un contrat de concession avec l'Etat le 6 juillet 1979 qui a été approuvé par un décret du 23 janvier 1980 pour une durée de 12 ans expirant le 31 décembre 2002.

L'article 2 du cahier des charges annexé à cette convention de concession prévoit que « les terrains, immeubles, ouvrages et matériels utilisés indivisément pour l'aménagement et la production, tant de la puissance brute fondée en titre (265 KW) que de la puissance maximum brute équipée en sus (1145 KW) seront considérés comme dépendances immobilières de la concession dans la proportion de 18,8 % pour la puissance brute fondée en titre et de 81,2 % pour la puissance brute maximum équipée en sus ; la part indivise de 81,2 % devant faire gratuitement retour à l'État en fin de concession ».

L'État et la Sarl Moulin du Tarn sont donc propriétaires indivis des terrains, immeubles et ouvrages établis par la Sarl Moulin du Tarn dans le cadre de la concession.

La loi de 1980 sur les économies d'énergie ayant permis une exploitation sous le régime de l'autorisation pour les micro-centrales d'une puissance inférieure à 4500 KW, la Sarl Moulin du Tarn a sollicité le bénéfice de ce régime par requête du 1er juillet 2001.

Par arrêté préfectoral en date du 13 décembre 2004, elle a obtenu cette autorisation pour une durée de trente ans.

Cette autorisation d'exploiter n'a pas modifié les droits de propriété sur les terrains, immeubles et ouvrages établis antérieurement au 13 décembre 2004 et qui restent appartenir en indivision à l'État (81,2%) et à la Sarl Moulin du Tarn (18,8%) ainsi que l'a confirmé le chef de projet de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) à la société Moulin du Tarn dans un courriel en date du 29 avril 2013.

En contrepartie de son occupation du domaine public, la société Moulin du Tarn paye à l'État une redevance annuelle prévue par l'article 29 de l'arrêté du 13 décembre 2004.

Les ouvrages, qui ont été implantés postérieurement au 13 décembre 2004 sur les terrains dont l'Etat est propriétaire indivis en vertu des droits de concession, sont réputés lui appartenir indivisément à concurrence de 81,2% en vertu de l'accession prévue par l'article 546 du Code civil.

Au total les ouvrages établis antérieurement à l'arrêté du 13 décembre 2004 sont la propriété indivise de l'Etat en vertu des droits de concession et ceux établis postérieurement à l'arrêté sont réputés être sa propriété indivise en vertu de l'accession prévue par l'article 546 précité.

Or, Alice Y... n'a pas appelé l'Etat en cause dans le présent litige alors qu'elle demande la démolition d'ouvrage lui appartenant.

Cette mise en cause ne peut être ordonnée pour la première fois en cause d'appel en l'absence d'évolution du litige. En effet, l'appartenance à l'Etat des ouvrages litigieux résulte clairement de la convention de concession du 6 juillet 1979 approuvée par un décret du 23 janvier 1980, régulièrement publié et qu'il appartenait à Alice Y... de se procurer dès avant l'introduction de l'instance.

Faute pour l'appelante d'avoir mis en cause l'État, propriétaire indivis à 81,2 % des terrains sur lesquels ont été établis tous les ouvrages réalisés par la Sarl Moulin du Tarn, sa demande de démolition ne peut qu'être déclarée irrecevable.

Le jugement sera infirmé sauf en ce qu'il a donné acte à Alice Y... de son absence de contestation des travaux d'enrochement et de soutènement du CD 902 entrepris et financés par la Sarl Moulin du Tarn.

P A R C E S M O T I F S :

La cour ;

Infime le jugement sauf en ce qu'il a donné acte à Alice Y... de son absence de contestation des travaux d'enrochement et de soutènement du CD 902 entrepris et financés par la Sarl Moulin du Tarn, 

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;

Constate que les terrains, immeubles et ouvrages servant à l'exploitation de la micro-centrale hydroélectrique du Château de la Brousse sur le Tarn (12) dans le cadre de la concession accordée à la Sarl Moulin du Tarn, et approuvée par décret du 23 janvier 1980, sont la propriété indivise de l'État (81,2%) et de la Sarl Moulin du Tarn pour ceux issus de son droit fondé en titre (18,8%) ;

Dit que tous les ouvrages implantés sur les terrains appartenant en indivision à l'Etat sont réputés lui appartenir dans la même proportion en vertu de l'accession prévue par l'article 546 du Code civil ;

Déclare par conséquent Alice Y... irrecevable en ses demandes de démolition des ouvrages en l'absence de mise en cause de l'État ;

Condamne Alice Y... aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront le coût taxé de l'expertise judiciaire et seront recouvrés pour ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Rejette la demande de la Sarl Moulin du Tarn sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

CC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Ct0694
Numéro d'arrêt : 12/04372
Date de la décision : 15/06/2017

Analyses

Est irrecevable, faute d'avoir appelé l'Etat en la cause, la demande de démolition d'ouvrages construits par l'exploitant d'une micro-centrale électrique et empiétant sur le fonds du propriétaire riverain dès lors qu'il est établi que ces ouvrages sont la propriété indivise de l'Etat et de l'exploitant, certains en vertu de droits de concession et les autres en vertu de l'accession prévue par l'article 546 du Code Civil . Cette mise en cause ne peut être ordonnée pour la première fois en appel en l'absence d'évolution du litige. En effet, l'appartenance à l'Etat de ces ouvrages résulte clairement de la convention de concession approuvée par un décret régulièrement publié et il appartenait au demandeur de se le procurer dès avant l'introduction de l'instance.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Rodez, 24 janvier 2012


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2017-06-15;12.04372 ?
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