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10/05/2017 | FRANCE | N°14/09617

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1ère chambre c, 10 mai 2017, 14/09617


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1ère Chambre C



ARRET DU 10 MAI 2017



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/09617







Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 NOVEMBRE 2014

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS

N° RG 07/01463







APPELANTE :



S.A.R.L. LE FOEHN

prise en la personne de son gérant en exercice domicilié ès qualité au siège

[Adresse 1]


[Adresse 1]

représentée par Me Yves GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assistée de Me MAURAND-CIANI de la SELARL MGS.JURISCONSULTE M...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre C

ARRET DU 10 MAI 2017

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/09617

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 NOVEMBRE 2014

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS

N° RG 07/01463

APPELANTE :

S.A.R.L. LE FOEHN

prise en la personne de son gérant en exercice domicilié ès qualité au siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Yves GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assistée de Me MAURAND-CIANI de la SELARL MGS.JURISCONSULTE MAURAND-CIANI - MORET - LEFEBVRE , avocats au barreau de BEZIERS, avocat plaidant

INTIME :

Monsieur [D] [H]

ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL PILOTINE

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté et assisté de Me Jean-Marc NGUYEN-PHUNG de la SCP NGUYEN PHUNG ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocats postulant et plaidant loco Me Laure PARVERIE de la SCP NGUYEN PHUNG ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 15 Février 2017

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 MARS 2017, en audience publique, madame Chantal RODIER, conseiller ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Chantal RODIER, Conseiller

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Lys MAUNIER

L'affaire mis en délibéré au 2 mai 2017 a été prorogé au

10 mai 2017.

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Marie-Lys MAUNIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte notarié en date du 1er août 2005, la SARL Le Foehn a donné à bail à la SARL Pilotine un local à usage commercial de 2 107 m² environ, avec une surface de vente de 2 000 m², sis dans le lotissement artisanal de [Adresse 3], moyennant un loyer annuel de 182 940 € HT, payable par trimestre.

A la suite de loyers impayés, le juge des référés du tribunal de grande instance de Béziers a constaté, par ordonnance du 13 novembre 2007, la résiliation du bail par le jeu de la clause résolutoire, ordonné l'expulsion de la SARL Pilotine sous astreinte, condamné par provision la SARL Pilotine au paiement des loyers et charges échus au 3 juillet 2007 pour la somme de 230 583,59 euros, condamné par provision la SARL Pilotine au paiement de la somme de 54 699,06 € au titre du droit d'entrée.

L'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 27 mars 2008, tout en constatant le jeu de la clause résolutoire, a dit que ses effets sont suspendus en raison des délais accordés, infirmant partiellement cette ordonnance sur ce point et a condamné la SARL Pilotine à payer à titre provisionnel la somme de 395 133,76 € arrêtée au 31 décembre 2007 au titre des loyers impayés, du droit d'entrée, du dépôt de garantie et de la taxe foncière, accordé à la SARL Pilotine des délais de 12 mois pour s'acquitter de sa dette, en sus du loyer courant, avec déchéance de la suspension et expulsion du preneur en cas de défaillance de sa part dans le règlement desdites échéances.

Par jugement en date du 16 novembre 2009, le tribunal de grande instance de Béziers a :

- débouté la SARL Pilotine de sa demande en nullité du contrat de bail,

- dit que la SARL Le Foehn a manqué à son obligation de délivrance et, en conséquence,

- prononcé la résiliation du bail à compter du 1er août 2005,

- avant dire droit, ordonné une expertise, confiée à M. [X] pour déterminer notamment la perte de la valeur du fonds de commerce par rapport à l'inexécution de l'autorisation commerciale et son impact sur la cessation d'activité du fonds de commerce du locataire.

La cour d'appel par un arrêt du 1er février 2011, a confirmé le jugement du 16 novembre 2009 en toutes ses dispositions, y ajoutant, parmi les missions de l'expert, celle de déterminer le montant total des sommes versées et investies par la SARL Pilotine au titre du bail et de la création du fonds de commerce disparu.

Par arrêt du 22 mars 2012, la cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la SARL Le Foehn contre l'arrêt précité.

L'expert [X] a déposé son rapport en l'état le 3 juin 2013, faute de consignation supplémentaire.

*****

Par jugement en date du 17 novembre 2014, le tribunal de grande instance de Béziers, en lecture du rapport d'expertise, a :

- fixé le montant de la créance de la SARL Le Foehn au passif de la liquidation de la SARL Pilotine à la somme de 532 671,24 €,

- condamné la SARL Le Foehn à payer à SARL Pilotine, représentée par maître [H] ès qualités de mandataire liquidateur, les sommes suivantes :

* la somme de 643 911,23 € au titre des dépenses réglées par la SARL Pilotine dans le cadre de l'exécution du bail et de la création du fonds de commerce

* celle de 314 000 € au titre de la valeur du fonds de commerce,

- ordonné la compensation entre les créances,

- dit que les sommes porteront intérêts à compter du 1er août 2005, avec capitalisation de ceux-ci,

- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires,

- condamné la SARL Le Foehn au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL Le Foehn aux dépens, en ce compris les frais d'expertise de Monsieur [X].

APPEL

Par déclaration au greffe en date du 22 décembre 2014, la SARL Le Foehn a interjeté appel du jugement en date du

17 novembre 2014.

Par une requête déposée le 25 août 2015, la SARL Le Foehn a saisi le conseiller de la mise en état pour obtenir la désignation à nouveau de l'expert [X] et sommer la SARL Pilotine de produire des documents comptables.

Par ordonnance en date du 15 mars 2016, le conseiller de la mise en état a rejeté cette requête.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 février 2017.

*****

Vu les dernières conclusions de la SARL Le Foehn en date du 9 février 2017, auxquelles il est expressément référé pour plus ample et complet exposé des motifs et du dispositif, et demandant à la cour de :

Infirmer le jugement du 17 novembre 2014 en ce qu'il a :

- condamné la SARL Le Foehn à payer à SARL Pilotine, représentée par maître [H] ès qualités de mandataire liquidateur :

* la somme de 643 911,23 € au titre des dépenses réglées par la SARL Pilotine dans le cadre de l'exécution du bail et de la création du fonds de commerce

* celle de 314 000 € au titre de la valeur du fonds de commerce,

- condamné la SARL Le Foehn au paiement de la somme de

5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné la SARL Le Foehn aux dépens, en ce compris les frais d'expertise de Monsieur [X].

Juger que :

- la perte de valeur du fonds de commerce de la SARL Pilotine ne résulte que de sa 'gestion aventureuse' et non de l'absence d'autorisation administrative ;

- il n'y a pas de lien de causalité entre l'inexécution de délivrance (de cette autorisation administrative) et la liquidation de la SARL Pilotine,

En conséquence, rejeter :

- toute demande d'indemnisation au titre de la valeur du fonds,

- toute demande d'indemnisation au titre des dépenses réglées par la SARL pour la création et l'exploitation du fonds,

- toute demande de remboursement des loyers perçus.

Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- fixé la créance de la SARL LE FOEHN au passif de la liquidation de la SARL PILOTINE à la somme de

532 671,24 euros,

Rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires,

Lui donner acte de ce qu'elle propose, si la cour l'estime nécessaire, de prendre à sa charge le solde de la consignation des frais d'expertise, afin que l'expert désigné puisse déposer son rapport définitif,

Condamner Maître [H] ès qualités de liquidateur de la SARL Pilotine au paiement de la somme de 10 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile pour son conseil.

*****

Vu les dernières conclusions en date du 14 février 2007 de maître [H], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Pilotine, auxquelles il est expressément référé pour plus ample et complet exposé des motifs et du dispositif, et demandant à la cour de :

Rejetant toutes conclusions plus amples ou contraires ,

Constater que l'absence d'autorisation d'exploitation administrative n'a pas permis à la SARL Pilotine de prendre des mesures de redressement et, en cela, a directement et nécessairement entraîné la perte de son fonds de commerce,

Par conséquent,

Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- condamné la SARL Le Foehn à payer à SARL Pilotine représentée par maître [H] ès qualités de mandataire liquidateur:

* la somme de 643 911,23 euros au titre des dépenses réglées par la SARL Pilotine dans le cadre de l'exécution du bail et la création du fonds de commerce,

* celle de 314 000 euros au titre de la valeur du fonds de commerce,

- dit que ces sommes porteront intérêts à compter du

1er août 2005,

- ordonné la capitalisation des intérêts échus,

- condamné la SARL Le Foehn aux dépens en ce compris les frais d'expertise de Monsieur [X],

Infirmer le jugement rendu en ce qu'il a :

- fixé la créance de la SARL Le Foehn au passif de la liquidation de la SARL Pilotine à la somme de 532 671,24 euros,

- condamné la SARL Le Foehn au paiement de la somme de

5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence,

Juger que le bail commercial est résolu à compter du

1er août 2015,

Partant,

Dire qu'il n'y a lieu à aucune indemnité d'occupation due par le preneur,

Si par impossible la cour décidait de prononcer une indemnité d'occupation,

Juger que tenant le manquement du bailleur à son obligation de délivrance conforme, soit le défaut d'autorisation d'exploitation commerciale, le loyer de référence est celui d'un local industriel raisonnablement fixé à la somme de 35 € du mètre carré,

Fixer le montant de l'indemnité d'occupation à la somme de 246 225 € TTC,

Condamner la SARL le Foehn à payer à la SARL Pilotine et Maître [H] ès qualités la somme de 8 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

*****

SUR CE

Sur le manquement à l'obligation de délivrance et sur son incidence :

Il est constant que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance dans la mesure où il a été dans l'incapacité de délivrer au preneur l'autorisation administrative d'exploitation commerciale pour les locaux litigieux de 2000 m².

Cependant, le preneur ne démontre aucune incidence de ce manquement dans l'exploitation de son commerce et sur la cessation des paiements.

En effet, si le rapport d'expertise a été déposé en l'état, il apporte un certain nombre d'éléments chiffrés, dont il ressort notamment en page 44, l'existence d'un endettement d'environ 900 000 €.

Or, l'absence d'autorisation administrative d'exploitation commerciale n'a jamais empêché - de fait - l'activité du commerce et la réalisation d'un chiffre d'affaires. S'il y a eu des dépenses, il y a également eu des recettes de cette activité.

En toute hypothèse, un tel endettement, qui correspond manifestement à des factures impayées aux fournisseurs ne permettait donc pas au preneur d'éviter la cessation des paiements.

Aucun lien de causalité n'est donc démontré entre le manquement du bailleur à son obligation de délivrance et la cessation des paiements du preneur.

En revanche, il est évident qu'en l'absence d'autorisation administrative d'exploitation commerciale, le preneur ne pouvait après cessation des paiements ni revendre son fonds de commerce, ni même le mettre en location-gérance. Il y a donc un lien de causalité évident entre le manquement du bailleur à son obligation de délivrance et la perte du fonds de commerce, puisque le preneur n'avait aucune possibilité de redressement ou de revente de son fonds.

Avant de calculer le préjudice du preneur, il convient pour plus de clarté dans le compte entre les parties, de calculer la créance du bailleur au titre des indemnités d'occupation.

Sur l'indemnité d'occupation :

Il est constant qu'en l'état du caractère définitif du jugement du

16 novembre 2009, confirmé en toutes ses dispositions par arrêt de la cour d'appel en date du 1er février 2011, ayant lui-même fait l'objet d'un rejet de pourvoi par la Cour de cassation le 22 mars 2012, le contrat de bail a pris fin rétroactivement au 1er août 2005, ainsi que cela figure au dispositif de ce jugement.

En conséquence, tout débat sur le fait qu'une résolution aurait due être prononcée plutôt qu'une résiliation, comme celui sur l'hypothèse d'une autre date d'effet, est totalement inopérant : en effet, l'autorité de chose jugée est attachée à la disposition selon laquelle c'est une résiliation du bail qui a été prononcée avec effet au 1er août 2005.

Dès lors que le bail est anéanti rétroactivement au 1er août 2005, date de sa conclusion, il ne peut être dû aucun loyer, mais seulement une indemnité d'occupation pendant la totalité de la période d'occupation des locaux.

Le principe du droit pour le bailleur à une indemnité d'occupation n'est pas sérieusement contestable puisque, jusqu'à la cessation des paiements, le preneur n'a - de fait - pas été empêché d'exercer une activité commerciale dans ces locaux et qu'il en a tiré des recettes.

La lettre officielle de Maître [D], huissier de Justice, en date du 31 juillet 2008, démontre la remise des clefs à cette date, laquelle doit dès lors être retenue comme celle de la fin de l'occupation par la SARL Pilotine.

Les locaux ont donc été occupés par la SARL Pilotine pendant 3 ans, soit 36 mois.

Il s'évince de la pièce 21 du bailleur qu'en l'absence d'autorisation administrative, le bailleur aurait clairement dû faire apparaître l'interdiction d'utiliser ce local pour une activité commerciale sur une surface de vente supérieure à 300 m².

En l'absence de délivrance d'autorisation administrative d'exploitation commerciale pour les locaux, le bailleur ne peut prétendre qu'à une indemnité d'occupation bien inférieure au prix du loyer et qui peut être calculée :

- soit selon le prix d'un loyer pour des locaux industriels de même surface, comme le propose Me [H],

- soit plus justement - pour prendre en compte sa pièce 21 précitée

- selon le prix du mètre carré des locaux commerciaux pour une surface d'environ 500 m² (dont 300 m² de surface de vente) et selon prix du mètre carré des locaux industriels pour le surplus des 1607 m2.

Le loyer trimestriel facturé, selon la pièce 19 de l'appelante, étant de près de 60 000 € pour un peu plus de 2 000 m2, on peut donc raisonnablement évaluer à la somme de 60000 € un loyer commercial annuel pour 500 m2 avec 300 m2 de surface de vente.

Me [H] évalue sans être contredit sur ce point, qu'un loyer annuel de locaux industriels serait de 35 €/m2/an. Soit, pour les 1607 m² restant, un prix du loyer annuel de 56 245 €.

L'indemnité d'occupation pour ces locaux peut donc justement être évaluée à la somme annuelle de 116 245 € TTC

(= 60 000 € TTC + 56 245 € TTC).

L'indemnité d'occupation totale sera donc évaluée à la somme de 348 735 € (= 116 245 € x 3) pour les trois ans d'occupation du

1er août 2005 au 31 juillet 2008.

Selon le tableau figurant en page 24 du rapport d'expertise, la somme de 230 761,59 € TTC a été réglée par la SARL Pilotine au titre des loyers, le dernier règlement étant intervenu le

10 décembre 2007 pour un montant de 11 960 € TTC. La date et le montant de ce dernier règlement intervenu sont confirmés par le tableau récapitulatif joint à la déclaration de créances effectuée par la SARL Le Foehn entre les mains du mandataire judiciaire.

L'indemnité d'occupation devant se substituer ab initio au loyer, il y a donc lieu de déduire le montant des loyers versés (230 761,59 €) de l'indemnité d'occupation due (348 735 €) pour toute la durée des 3 années d'occupation.

La créance du bailleur au titre de l'indemnité d'occupation s'établit donc à un solde de 117 973,41 € TTC

(348 735 € - 230 761,59 €).

Si selon sa pièce 19, le bailleur avait déclaré une créance de loyers de 532 671,24 € auprès de Me [H], il ne justifie pas pour autant d'une admission de sa créance à hauteur de ce montant, ce qui s'explique bien évidemment par le litige en cours.

La créance de la SARL le Foehn, avant compensation, s'établit donc à la somme de 117 973,41 € TTC.

Sur l'évaluation du préjudice du preneur :

En condamnant le bailleur à régler - qui plus est cumulativement - les sommes de 643 911,23 € et 314 000 €, le premier juge a manifestement commis des erreurs dans le calcul de l'indemnisation du préjudice.

En effet, selon le tableau en page 33 du rapport d'expertise, la somme de 643 911,23 € correspond :

- aux dépenses réglées par la SARL Pilotine dans le cadre de l'exécution du bail pour 256 065,47 €

- à la création du fonds de commerce pour 282 321,85 € .

Cette somme de 643 911,23 € comprend donc non seulement les investissements, mais également les loyers réglés au bailleur au cours du bail.

Or, la somme versée pour les loyers ne doit pas être restituée au preneur, mais seulement venir en compensation avec la créance d'indemnité d'occupation auquel le bailleur peut prétendre, soit ce qui vient d'être fait plus haut.

Par ailleurs, les investissements consistent essentiellement en du matériel et des stocks de marchandises, lesquels font partie des éléments du fonds de commerce.

En effet, selon ce même tableau en page 33 du rapport d'expertise, les dépenses faites pour la création du fond de commerce qui s'élèvent à 282 321,85 € comprennent :

- les investissements corporels à hauteur de 194 976,84 €

- les investissements incorporels pour 44 262,01 €

- les frais de début d'activité pour 22 195 €

- les intérêts d'emprunt pour 20 888 €.

Or, quelle que soit la méthode d'évaluation du fonds de commerce, la valeur de celui-ci couvre en effet nécessairement la totalité de ses éléments corporels et incorporels.

Dès lors, les investissements ne peuvent être pris en compte deux fois dans l'indemnisation de la perte du fonds de commerce : ceux-ci sont par ailleurs déjà nécessairement inclus dans la somme de 314 000 € à laquelle a été évaluée le fonds de commerce par l'expert.

La somme de 314 000 €, en étant supérieure aux dépenses pour la création du fonds de commerce, démontre que la revente du fonds, si elle avait été possible, aurait permis au preneur de recouvrer plus que son investissement de départ. Mais en aucun cas il n'y a lieu de condamner le bailleur à indemniser deux fois le preneur de la perte du fond de commerce.

C'est donc à tort que le premier juge a condamné le bailleur à payer au preneur la somme de 643 911,23 €, alors que la restitution de ces sommes revient à indemniser ce dernier plus de deux fois son préjudice et le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Dès lors qu'une indemnité d'occupation a été substituée au loyer - en tenant compte de l'impossibilité d'exploiter la totalité des locaux pour une activité commerciale - le préjudice du preneur, résultant du manquement fautif du bailleur à son obligation de délivrance, ne peut s'analyser qu'en une perte de chance de revendre son fonds de commerce à son juste prix.

Or, cette perte de chance ne peut pas être totale. Compte tenu d'une valeur du fonds de commerce valablement estimée par l'expert à la somme de 314 000 €, le préjudice sera donc fixé à la somme de 300 000 € TTC.

Faute pour le premier juge d'avoir analysé le préjudice en une perte de chance et d'avoir fixé en conséquence fixé le préjudice à un montant moindre que celui de la valeur du fonds de commerce, le jugement sera également infirmé sur ce point.

Sur la compensation des créances réciproques et le compte entre les parties :

Il sera fait droit à la demande de compensation des créances réciproques, laquelle dégage un solde de 182 026,59 € TTC

(= 300 000 € TTC - 117 973,41 € TTC) en faveur du preneur.

Cette compensation étant opérée, il n'y a plus lieu de ce fait à fixation d'une quelconque créance du bailleur au passif de la liquidation du preneur. Le jugement sera donc infirmé en sa disposition ayant fixé la créance de la SARL Le Foehn au passif de la liquidation de la SARL Pilotine à la somme de

532 671,24 euros.

Le compte entre les parties doit s'apprécier à la date suivant celle de la remise des clefs, en conséquence de la résiliation du bail et d'une occupation des locaux qui a pris fin le 31 juillet 2008. C'est donc à tort que le premier juge a fait courir les intérêts à compter du 1er août 2005.

En définitive, la SARL Le Foehn sera donc condamnée à régler à Maître [H], ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Pilotine la somme de 182 026,59 € TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 1er août 2008.

Il sera fait droit à la demande de capitalisation de ces intérêts dès lors qu'ils sont dus pour une année entière dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

Sur les autres demandes :

Après compensation des créances réciproques, l'appelante reste donc redevable au mandataire liquidateur du preneur de la somme de 182 026,59 € TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 1er août 2008, et capitalisation de ceux-ci.

Succombant partiellement en ce qu'elle reste débitrice, l'appelante supportera les entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Le jugement sera également confirmé sur les frais irrépétibles.

Au regard de la somme déjà allouée par le premier juge à ce titre, il n'y a pas lieu de l'augmenter en cause d'appel, d'autant que les parties disposaient de tous les éléments leur permettant - dès le rapport d'expertise déposé en l'état en 2013 - de parvenir raisonnablement au même résultat par une médiation.

PAR CES MOTIFS

Vu les dispositions de l'article 1134 et 1147 du code civil,

Vu le bail et sa résiliation judiciaire prononcée aux torts du bailleur,

Vu le rapport d'expertise déposé en l'état,

Vu les pièces produites,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement sur :

- le principe de l'indemnisation du préjudice du preneur résultant du manquement du bailleur à son obligation de délivrance,

- le principe d'une créance du bailleur d'indemnité d'occupation,

- le principe de compensation des créances,

- le principe de capitalisation des intérêts,

- les frais irrépétibles et les dépens,

L'infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés,

Fixe à la somme de 117 973,41 € TTC le solde de la créance d'indemnités d'occupation du bailleur, pour l'occupation des locaux litigieux par la SARL Pilotine du 1er août 2005 au

31 juillet 2008 et déduction faite des loyers versés pour cette période à hauteur de 230 761,59 € TTC,

Juge que le préjudice de la SARL Pilotine, résultant du manquement du bailleur à son obligation de délivrance de l'autorisation administrative d'exploitation commerciale des locaux pour leur surface, s'analyse en une perte de chance de revendre le fonds de commerce à son juste prix, et sera indemnisé par la somme de 300 000 € TTC,

Déboute les parties de leurs demandes réciproques plus amples,

Ordonne la compensation des créances réciproques,

En conséquence, après compensation :

Condamne la SARL Le Foehn à payer à Maître [H], ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Pilotine, la somme de

182 026,59 € TTC, avec intérêts au taux légal à compter du

1er août 2008, et capitalisation de ceux-ci dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la SARL Le Foehn aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

MM/CR


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1ère chambre c
Numéro d'arrêt : 14/09617
Date de la décision : 10/05/2017

Références :

Cour d'appel de Montpellier 1D, arrêt n°14/09617 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-10;14.09617 ?
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