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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1ère Chambre C
(anciennement dénommée 1° Chambre Section D)
ARRET DU 24 JANVIER 2017
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/06985
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 JUIN 2014
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE
N° RG 10/00187
APPELANTE :
Compagnie d'assurances AREAS DOMMAGES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Jean Michel CASANOVA de la SCP CASANOVA ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assistée de Me Lisa HAYERE de la SCP ACLM AVOCATS au barreau de PARIS, avocat plaidant
INTIMES :
Monsieur [J] [Q]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
présent
représenté par Me Philippe SENMARTIN de la SCP PHILIPPE SENMARTIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assisté de Me Christophe BRINGER de la SCP LARGUIER/AIMONETTI/BLANC/ BRINGER/MAZARS, avocat au barreau de RODEZ, avocat plaidant
Monsieur [W] (ou [W]) [N]
de nationalité Française
[Adresse 3]
Et actuellement [Adresse 4]
[Localité 4]
(assigné les 17/10/2014 et 19/12/2014 dépôt Etude d'huissier)
défaillant
Société HD ASSURANCES sous l'enseigne TRANQUILLITE SANTE SAS immatriculée au RCS de CRETEIL sous le numéro 395325053 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 5]
[Localité 5]
représentée par Me Pascale CALAUDI de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/MOLINIER/TRIBOUL MAILLET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assistée de la SCP V.PIQUET GAUTHIER F.GUTTON S.ROUME, avocats au barreau de LYON, avocat plaidant substituée par Me BEAUREGARD de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/MOLINIER/TRIBOUL MAILLET, avocat au barreau de MONTPELLIER (dépôt de dossier)
Organisme CARCEPT prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 6]
[Localité 6]
représenté et assisté de Me Rémy GARCIA, avocat au barreau de NARBONNE, avocat postulant et plaidant substitué par Me Alexandre SALVIGNOL, avocat au barreau de MONTPELLIER
Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'HERAULT agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exerccice domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 7]
[Localité 7]
(assignée le 28/10/2014 à personne habilitée)
défaillante
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 26 Octobre 2016
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 NOVEMBRE 2016, en audience publique, madame Martine ROS, conseiller ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre
Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller
Madame Martine ROS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Lys MAUNIER
L'affaire mise en délibéré au 10 janvier 2017 a été prorogé au
24 janvier 2017.
ARRET :
- de DEFAUT
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Marie-Lys MAUNIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Monsieur [J] [Q] a été victime le 2 octobre 2007 d'un accident de la circulation impliquant un véhicule tiers provoquant de graves blessures nécessitant plusieurs interventions chirurgicales et entraînant, en mars et avril 2009, l'amputation de son membre inférieur et la pose d'un appareillage prothétique.
Par actes des 11 et 19 janvier 2010 il a fait assigner la compagnie d'assurances AREAS DOMMAGES, assureur du conducteur adverse Monsieur [W] [N], la caisse de prévoyance CARCEPT exerçant sous l'enseigne SAS ASSURANCES TRANQUILLITE SANTE, sa complémentaire santé, et la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Hérault pour obtenir réparation de son préjudice sur la base des conclusions des experts judiciaires désignés à sa demande en référé aux mois d''avril 2008 et de juillet 2009.
Par jugement en date du 19 juin 2014 le tribunal de grande instance de Narbonne a :
-reconnu le droit à indemnisation entière de Monsieur [J] [Q],
-constaté que la pension versée par la caisse primaire d'assurance-maladie n'était pas mentionnée sur son relevé définitif et dit que son recours subrogatoire ne pouvait s'exercer qu'à due concurrence de son relevé définitif,
-reçu le recours de la société HD ASSURANCES tiers-payeur au titre des frais médicaux avancés,
-reçu le recours subrogatoire de l'institution CARCEPT prévoyance,
-condamné solidairement Monsieur [W] [N] et la compagnie d'assurances AREAS à payer :
'à Monsieur [J] [Q] la somme de 246'188,30 €,
'à la société HD ASSURANCES la somme de 4331,88 €,
'à l'institution CARCEPT prévoyance la somme de 275'280 € au titre des prestations invalidité à échoir,
-ordonné la capitalisation des intérêts,
-condamné solidairement Monsieur [W] [N] et son assureur la compagnie AREAS à payer les indemnités de procédure suivantes :
'à Monsieur [J] [Q], la somme de 4000 €,
'à l'institution CARCEPT prévoyance, la somme de 1500 €,
'à la société HD ASSURANCES, la somme de 1000 €,
-ordonné l'exécution provisoire,
-rejeté toutes les autres demandes,
-condamné solidairement Monsieur [W] [N] et la compagnie AREAS aux dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
La compagnie d'assurances AREAS DOMMAGE a relevé appel de ce jugement par déclaration du 12 septembre 2014.
Dans ses conclusions notifiées le 1er décembre 2014 elle demande à la cour :
d'infirmer le jugement déféré,
d'enjoindre à la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Hérault de fournir tout élément justifiant du montant du capital représentatif de la pension d'invalidité qui a été servie,
à défaut,
de procéder au calcul de ce capital ou à défaut de retenir celui qu'elle a présenté,
de dire et juger qu'en l'absence de communication de relevé de débours précis et détaillé émanant de la SAS HD ASSURANCES, le recours ne sera pas accueilli, la preuve de l'imputabilité des prestations servies aux faits dommageables, objet de l'instance, n'étant pas rapportée,
en l'état,
de faire application du barème de capitalisation de 3,20 % issu de la Gazette du Palais 2004,
de dire et juger que Monsieur [J] [Q] ne présente aucune demande indemnitaire au titre des dépenses de santé actuelles demeurées à charge,
de fixer à la somme de 9308,79 € l'indemnité lui revenant au titre des frais divers,
de fixer à la somme de 48'300 € avant déduction des créances des tiers payeurs la somme lui revenant au titre des pertes de gains professionnels actuels,
de dire et juger qu'après recours subrogatoire de la CARCEPT d'une part et de la CPAM de l'Hérault d'autre part, il ne revient à Monsieur [J] [Q] aucune indemnité au titre des pertes de gains professionnels actuels,
de dire et juger que le recours subrogatoire des organismes tiers payeurs s'effectuera par répartition au marc l'euro compte tenu du préjudice subi par Monsieur [J] [Q] au titre des pertes de gains professionnels actuels qui demeurent inférieurs au montant total des indemnités journalières qui ont été versées,
de fixer :
-à 17'674,30 € l'indemnité due au titre du surcoût d'acquisition d'un véhicule aménagé,
-à 15'786,62 € après déduction de la créance des tiers payeurs l'indemnité allouée au titre des frais liés à l'acquisition et au renouvellement du matériel prothétique,
-à 351'740,02 euro l'indemnité allouée au titre des pertes de gains professionnels futurs avant déduction des créances des organismes payeurs,
de dire et juger qu'après recours subrogatoire de la CARCEPT d'une part et de la CPAM de l'Hérault d'autre part, il ne revient aucune indemnité à Monsieur [J] [Q] au titre des pertes de gains professionnels futurs,
de fixer à 20'000 € l'indemnité due au titre de l'incidence professionnelle,
de dire et juger qu'après recours subrogatoire de la CARCEPT d'une part et de la CPAM de l'Hérault d'autre part, il ne revient aucune indemnité à Monsieur [J] [Q] au titre de l'incidence professionnelle,
de dire et juger que la CPAM de l'Hérault et la CARCEPT seront autorisées à exercer leur recours subrogatoire sur les indemnités accordées à Monsieur [J] [Q] au titre de l'incidence professionnelle et des pertes de gains professionnels futurs concernant les prestations servies à leur assureur au titre de la rente invalidité,
de dire et juger que dans l'hypothèse où le montant des prestations pour lesquelles les organismes tiers payeurs soumis à recours excéderait le montant des indemnités allouées à Monsieur [J] [Q] au titre du préjudice professionnel, le recours de ces organismes devra s'exercer sur les indemnités allouées au titre du déficit fonctionnel permanent,
de dire et juger que dans l'hypothèse où le montant total des indemnités versées par les organismes tiers payeurs à Monsieur [J] [Q] au titre de la rente invalidité excéderait le montant des indemnités totales allouées à ce dernier au titre du préjudice professionnel et du déficit fonctionnel permanent, le recours subrogatoire des tiers payeurs devra s'exercer par répartition au marc l'euro,
de fixer :
-à 3456 € l'indemnité allouée au titre du déficit fonctionnel temporaire total,
-à 3663 € l'indemnité au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel,
-à 80'500 € l'indemnité au titre du déficit fonctionnel permanent,
de dire et juger qu'après recours subrogatoire de la CARCEPT d'une part et de la CPAM de l'Hérault d'autre part il ne revient aucune indemnité à Monsieur [J] [Q] au titre du déficit fonctionnel permanent,
de dire et juger que la CPAM de l'Hérault et la CARCEPT sont autorisées à exercer leur recours subrogatoire sur les indemnités allouées au titre du déficit fonctionnel permanent concernant les prestations servies à leur assuré au titre de la rente invalidité,
de dire et juger que dans l'hypothèse où le montant total des indemnités versées par les organismes tiers payeurs au titre de la rente invalidité excéderait les indemnités totales allouées à ce dernier au titre du préjudice professionnel et du déficit fonctionnel permanent, le recours subrogatoire des tiers-payeurs devra s'exercer par répartition au marc l'euro,
de fixer aux sommes suivantes les postes de préjudices suivants :
-souffrances endurées : 18'000 €,
-préjudice esthétique : 4500 €,
-préjudice sexuel : 8000 €,
-préjudice d'agrément : 4000 €,
de dire et juger que l'ensemble des indemnités allouées à Monsieur [J] [Q] le seront en deniers ou quittance, provision non déduite.
Dans ses conclusions notifiées le 2 février 2015 Monsieur [J] [Q] demande à la cour :
de dire et juger que Monsieur [W] [N] est entièrement responsable de l'accident survenu le 12 octobre 2007 dont il a été victime,
de condamner conjointement et solidairement Monsieur [W] [N] et son assureur la compagnie AREAS DOMMAGES à lui payer les sommes suivantes :
'au titre des préjudices patrimoniaux temporaires avant consolidation du 9 septembre 2009 :
dépenses de santé actuelles, frais médicaux et pharmaceutiques : 127'496,88 €,
honoraires du Docteur [G] : 1700 € et frais divers': 11'030,69 €,
pertes de gains professionnels : 60'317,96 €,
'au titre des préjudices patrimoniaux permanents après consolidation du 9 septembre 2009 :
dépenses de santé futures : 67'610,40 €,
acquisition d'un véhicule adapté : 31'959,55 €,
formation pour régularisation du permis de conduire :780 €,
renouvellement de la voiture adaptée : 78'399,85 €,
renouvellement des pieds prothétiques : 31'137,44 €,
pertes de gains professionnels futurs : 771'996,45 €,
incidence professionnelle : 100'000 €,
'au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires avant consolidation du 9 septembre 2009 :
déficit fonctionnel temporaire : 16'100 €,
pretium doloris : 22'000 €,
'au titre des préjudices extra-patrimoniaux permanents après consolidation du 9 septembre 2009 :
déficit fonctionnel permanent : 105'000 €,
préjudice d'agrément : 12'000 €,
préjudice esthétique : 6000 €,
préjudice sexuel : 10'000 €,
-à titre d'indemnité de procédure, une somme de 5000 €.
Dans ses conclusions notifiées le 22 janvier 2015 la société HD ASSURANCES exerçant sous l'enseigne TRANQUILLITE SANTE, assurance complémentaire santé de Monsieur [J] [Q], demande à la cour':
de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Monsieur [W] [N] et son assureur, solidairement tenus, à lui payer les frais médicaux qu'elle a avancés en sa qualité d'assureur de complémentaire santé pour la somme de 4331,88 € outre 1000 € d'indemnité de procédure,
y ajoutant,
de condamner l'appelante à lui payer une indemnité de procédure supplémentaire de 1000 €.
Dans ses conclusions notifiées le 16 juillet 2015, l'institution CARCEPT PREVOYANCE demande à la cour de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Narbonne et de condamner l'appelante à lui payer une indemnité de procédure de 1500 €.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 26 octobre 2016.
Pour l'exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions il est expressément référé à leurs écritures.
MOTIFS DE LA DECISION
Le droit à indemnisation de Monsieur [J] [Q] n'est pas contesté et le jugement sera nécessairement confirmé sur ce point.
1 - L'indemnisation des postes de préjudice :
a) Préjudices patrimoniaux temporaires :
*les dépenses de santé actuelles : il n'y a aucune contestation sur ce point. Le jugement sera confirmé.
'les frais divers :
frais de télévision pendant la période d'hospitalisation': la cour adopte les justes motifs des premiers juges qui ont rejeté la demande de Monsieur [Q] et confirme le jugement sur ce point'.
frais de déplacement': le jugement déféré a appliqué le barème fiscal usuel sur la base de 0,50 € du kilomètre et non le barème sur la base de 0,30 € du kilomètre comme le sollicitait la société AREAS.
Le jugement déféré n'est pas critiqué sur ce point et sera en conséquence confirmé sur la base de la somme de 2863,20 €.
acquisition d'un ordinateur portable': Monsieur [Q] sollicite la réformation du jugement qui a rejeté sa demande de prise en charge, toutefois la cour adopte les motifs des premiers juges qui, en l'absence d'imputabilité directe avec l'accident, ont rejeté cette demande, et confirme le jugement en ce sens.
vêtements et équipements endommagés dans l'accident': en l'absence de factures, ce poste de préjudice a justement été chiffré à la somme de 540 €, montant de l'offre de la compagnie AREAS.
Le jugement sera confirmé en ce sens.
Les frais divers à la charge d'AREAS ont donc justement été fixés à la somme de 10'324, 56 €.
'la perte de gains professionnels actuelle :
Monsieur [Q] exerçait la profession de chauffeur routier.
Il conteste la somme retenue par le tribunal au titre de la perte de gains professionnels actuelle pour les 23 mois d'ITT du 12 octobre 2007 au 9 septembre 2009, lui reprochant d'être basé sur un revenu net et non sur un revenu brut.
Toutefois, l'indemnisation de ce poste de préjudice a pour objet de réparer la perte des revenus que la victime aurait normalement perçus en l'absence de survenance du dommage.
C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont pris pour base de calcul le salaire net.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé la perte de gains professionnels actuels à la somme de 48'300 €.
b) Préjudices patrimoniaux permanents :
'les dépenses de santé futures telles que retenues par le tribunal ne sont pas contestées. Le jugement sera donc confirmé sur la base de la somme de 67'610,40 €.
'les frais de formation pour la régularisation du permis : il en est de même pour l'indemnisation de ce poste de préjudice , non contestée.
'l'acquisition d'un véhicule à boîte automatique :
la compagnie AREAS demande à la cour de ne prendre en compte que le surcoût lié au handicap et non le coût de l'acquisition globale d'un véhicule adapté, et conteste en ce sens l'indemnisation retenue par le tribunal, proposant pour sa part une somme de 17'674,30 € ainsi décomposée :
'pour 10'000 € le surcoût lié à l'acquisition du véhicule aménagé,
'pour 7674, 30 € la capitalisation du coût du renouvellement des aménagements tous les 10 ans, sur la base de 15,581 € le point de rente viagère pour un homme âgé de 58 ans lors du premier renouvellement en 2025.
Considérant cependant qu'il est justifié par Monsieur [Q] qu'il ne peut plus conduire son véhicule actuel équipé d'une boîte de vitesses manuelle avec trois pédales, et qu'il est impossible techniquement de le modifier de sorte qu'il sera contraint de faire l'acquisition d'un véhicule LAGUNA avec une boîte de vitesses automatique avec adaptation de la pédale gauche, la cour confirmera le jugement pour ce qui concerne le coût de l'acquisition d'un véhicule aménagé, justement évalué à la somme de 31959, 55 €.
-le renouvellement du véhicule adapté': Monsieur [Q] demande à la cour de retenir un point de capitalisation à 24,531 selon barème de la Gazette du Palais de 2011 et de fixer la somme restée à charge à 3195, 95 € x 24,531 = 78'399,85 €.
Les premiers juges ont écarté cette demande au motif que Monsieur [Q] conservait son véhicule actuel et de ce qu'il disposerait d'un véhicule neuf adapté alors qu'il avait jusqu'alors un véhicule ancien.
Il convient de prendre en compte en premier lieu, le fait que Monsieur [Q] peut revendre le véhicule dont il est actuellement propriétaire et affecter une partie du produit de la vente à l'acquisition du véhicule adapté, en second lieu qu'il aurait de toute façon été contraint de renouveler son véhicule, en troisième lieu que seul le surcoût lié au handicap doit être indemnisé, et qu'enfin comme le fait valoir la compagnie AREAS il n'a pas encore justifié à ce jour de l'acquisition d'un véhicule adapté, de sorte qu'il ne peut demander à la cour d'anticiper sur le renouvellement de ce véhicule.
Pour ces motifs ajoutés à ceux des premiers juges la cour rejettera la demande et confirmera le jugement déféré sur ce point.
'le renouvellement des pieds prothétiques : l'expert judiciaire retient dans son rapport que «'l'état de santé de Monsieur [Q] justifie l'éventuel changement du matériel prothétique pour l'amputation de sa jambe droite'».
Le coût de ce renouvellement a été chiffré par le prothésiste consulté le 20 octobre 2009, sur la base d'un renouvellement tous les 5 ans de 2 prothèses de vie courante, à la somme de
15 069, 77 €.
La compagnie AREAS conteste la décision déférée qui retient ce devis qui, selon elle, ne correspond pas aux préconisations de l'expert judiciaire qui ne porte que sur une seule prothèse.
Elle fait valoir que la facture acquittée le 19 juin 2009 au titre des frais d'acquisition de la prothèse dont est porteur Monsieur [Q] fait état d'un montant total de 9941,87 € dont 6172,20 € pris en charge par l'assurance et 3769, 67 € demeurant à la charge de Monsieur [Q], somme qu'elle demande à la cour de retenir et qu'elle capitalise sur la base de 20, 939 € de rente viagère, pour un montant global de 15'786,62 €.
Considérant toutefois que Monsieur [W], prothésiste, précise que':
« deux prothèses de vie courante sont attribuées tous les cinq ans, renouvelables à ces dates là sur prescription médicale et devis de prothésiste.
De plus, durant la période des cinq ans, des changements d'emboiture, de manchon , et de suspension, sont à prévoir en fonction des changements morphologiques du moignon et de l'usure de la prothèse »,
la cour considère que les premiers juges ont, au vu de ces éléments techniques qui ne sont pas sérieusement combattus par la compagnie AREAS, parfaitement justifié leur décision en retenant le montant du devis produit.
Il est par ailleurs justifié par Monsieur [Q] qui produit le courrier de sa mutuelle HD ASSURANCES TRANQUILLITE SANTE de la non prise en charge de la somme résiduelle de 6346, 55 € restant à sa charge sur cinq années soit 1269,31'€ par an.
Appliquant la capitalisation par application du barème de la Gazette du Palais 2011, choix non contesté, le tribunal a fixé ce chef de préjudice à la somme de 31'137,44 €.
Le jugement sera confirmé en ce sens.
-les pertes de gains professionnels futurs':
Le tribunal a fixé la réparation de ce poste de préjudice à la somme de 351'740,02 €, suivant en cela la proposition de la compagnie AREAS.
Monsieur [Q] demande à la cour de fixer ce poste de préjudice à la somme de 771'996,45 € sur la base de 100 % du revenu mensuel brut antérieur à l'accident, capitalisé selon le barème de la Gazette du Palais 2011.
Considérant toutefois que Monsieur [Q] est bénéficiaire d'une rente d'invalidité qui justifie de retenir un taux de perte de chance de retrouver un emploi de 66, 66 %, la cour retiendra la somme fixée par le tribunal : 351'740,02 €.
Après déduction du reliquat des indemnités journalières servies après la consolidation ainsi que de la pension d'invalidité versée, le tribunal a justement déduit':
- les indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance-maladie du 10 septembre 2009 au 7 décembre 2009 pour 3103,86 €,
- les indemnités journalières servies du 10 septembre 2009 au 30 janvier 2010 par la CARCEPT pour 4279,99 €,
- enfin, la pension d'invalidité qui est a la charge de la CARCEPT pour 338'261,40 €, soit au total une somme de 346'345,25 €,
- et a dit que l'indemnité revenant à Monsieur [Q] après déduction de ces créances s'élevait à 5'394,77 €.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
- l'incidence professionnelle :
Monsieur [Q] chiffre son préjudice à la somme de 100'000 €.
La compagnie AREAS offre 20'000 €.
Cette somme a été retenue par le tribunal au motif que le surplus concerne une indemnisation correspondant aux séquelles qui limitent les possibilités professionnelles et constitue donc un chef de préjudice distinct.
Il convient de rappeler que l'incidence professionnelle doit indemniser la dévalorisation sur le marché du travail, la perte d'une chance professionnelle et la pénibilité accrue au travail et, enfin, la nécessité d'abandonner une profession à la suite du dommage.
Il s'ensuit que doivent être pris en compte les frais liés au reclassement professionnel et d'une manière plus générale au retour de la victime dans la sphère professionnelle ainsi que le déficit de revenus futurs qui aura une incidence sur le montant de la retraite à laquelle il pourra prétendre.
Monsieur [J] [Q] exerçait la profession de chauffeur routier dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée avec la qualification de cadre au coefficient 145 de la convention collective des transports routiers de marchandises.
L'expert judiciaire Monsieur [K] a conclu qu'il n'était pas apte sur le plan médical à reprendre l'activité professionnelle qu'il exerçait lors de l'accident et ce de façon définitive.
Le médecin du travail l'a déclaré définitivement inapte à son poste de travail le 16 février 2010.
Il a été licencié pour inaptitude le 15 mars 2010 pour impossibilité de reclassement.
Par ailleurs il a été reconnu travailleur handicapé le
28 juillet 2009.
Enfin la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Hérault lui a notifié le 15 janvier 2010 son invalidité en catégorie 2.
Le classement en invalidité deuxième catégorie n'interdit pas l'exercice d'une activité professionnelle, et Monsieur [Q] est encore à un âge où il peut envisager une reconversion, après avoir surmonté le syndrome dépressif réactionnel dont il souffre.
Toutefois, la réparation intégrale du préjudice impose de tenir compte du fait que Monsieur [Q] qui a quitté le collège en classe de troisième sans obtenir son brevet, n'a pour toute qualification que son certificat de formation professionnelle de conducteur routier avec lequel il avait accédé à un emploi stable dans lequel il a progressé et trouvé reconnaissance et équilibre, et dans le cadre duquel il pouvait espérer encore développer ses perspectives de carrière.
Par ailleurs, né en 1967, Monsieur [Q] pouvait raisonnablement espérer y travailler jusqu'à l'âge de 65 ans et non de 60 ans ainsi que cela a été retenu.
Dans ces conditions, son retour sur le marché du travail, compliqué par les incidences sur ses capacités physiques du port d'une prothèse qui rend la station assise douloureuse et la station debout pénible est fortement anxiogène.
Dès lors, la cour chiffrera la réparation de ce poste de préjudice à la somme de 50'000 €.
Le jugement déféré sera réformé en ce sens.
c) Préjudices extra-patrimoniaux temporaires :
'le déficit fonctionnel temporaire : sur ce point, Monsieur [Q] conteste les conclusions de l'expert judiciaire qui a opéré une distinction entre les périodes d'hospitalisation qu'il a retenues comme période d'incapacité temporaire personnelle totale, et les périodes de non hospitalisation qu'il a retenues comme périodes d'incapacité temporaire personnelle partielle.
Il demande à la cour de tenir compte du fait que lorsqu'il n'était pas hospitalisé, il se trouvait en fauteuil roulant dans l'impossibilité d'exercer une quelconque activité personnelle habituelle et en conséquence de dire que la période d'incapacité temporaire personnelle totale subie s'étend de la date de l'accident le 12 octobre 2007 à la date de consolidation le
9 septembre 2009.
La compagnie AREAS accepte la distinction retenue par l'expert judiciaire mais demande à la cour de calculer le préjudice sur la base d'une indemnité journalière du 18 € et non de 24 € comme l'a retenu par le tribunal.
Toutefois, sur le premier point, le tribunal a justement dit que la gêne n'était pas de même intensité durant les périodes d'hospitalisation et celle pendant lesquelles Monsieur [Q] était à domicile, et sur le second point, la compagnie AREAS n'a pas justifié sa critique à l'égard de la base de calcul retenue par le tribunal.
La cour confirmera en conséquence le jugement déféré en ce qu'il a chiffré ce poste de préjudice à la somme de 4608 € pour les gênes temporaires totales et 4884 € pour les gênes temporaires partielles.
'le pretium doloris chiffré par l'expert judiciaire à 5/7 : la compagnie AREAS demande à la cour de réduire l'indemnité accordée par le tribunal à la somme de 20'000 €.
La cour retiendra cependant l'indemnité accordée par les premiers juges au regard du traumatisme initial, des traitements subis et de leur durée, ainsi que de la souffrance morale endurée.
Le jugement sera confirmé en ce sens.
d) les préjudices extra-patrimoniaux permanents :
'le déficit fonctionnel permanent chiffré par l'expert judiciaire à 35 % : la compagnie AREAS demande à la cour de réduire l'indemnité de 92'400 € retenue par le tribunal et en outre d'en imputer le montant sur le montant de l'indemnité allouée au titre du déficit fonctionnel permanent.
Monsieur [Q] sollicite le calcul de cette indemnité sur la base d'un point d'incapacité de 3000 € et non de 2640 € comme retenu par le tribunal.
La cour confirmera cependant la juste appréciation faite par le tribunal pour l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent subi par Monsieur [Q].
'le préjudice d'agrément retenu par l'expert judiciaire : le tribunal a indemnisé ce poste de préjudice par la somme de 6000 € que Monsieur [Q] demande à la cour d'élever à 12'000 €.
La compagnie AREAS demande à la cour de ramener l'indemnité à 4000 €, et fait valoir que l'expert judiciaire a retenu l'existence d'un préjudice limité à la pratique de la moto et qu'il s'agit d'une part d'un préjudice qui pourrait être compensé par un certain aménagement et d'autre part de la seule activité de loisir évoquée par Monsieur [Q].
Cependant, les attestations produites justifient d'une pratique sportive de la moto et l'expert judiciaire a souligné qu'une reprise ne peut s'envisager qu'avec un important aménagement.
La cour confirmera en conséquence la décision des premiers juges qui ont justement évalué ce poste de préjudice.
'le préjudice esthétique permanent chiffré à 3,5 par l'expert judiciaire :
Monsieur [Q] sollicite une indemnisation à hauteur de 6000 €, montant accordé par les premiers juges.
La compagnie AREAS demande à la cour de réduire cette somme à 4500 €.
La cour confirmera la décision des premiers juges dès lors que ce préjudice esthétique tient compte de l'amputation de la jambe droite.
'le préjudice sexuel retenu par l'expert judiciaire : les premiers juges ont fixé ce préjudice à la somme de 9000 €, somme que Monsieur [Q] demande à la cour de l'élever à 10'000 €.
La compagnie AREAS demande à la cour de réduire l'indemnité à la somme de 8000'€.
Toutefois, eu égard notamment à l'âge de la victime et au siège des lésions définitives, la cour confirmera la décision des premiers juges.
2 - Les recours des organismes sociaux':
Les prestations versées par les différents organismes tiers- payeurs ayant pour objet d'indemniser partiellement le préjudice dont il est recherché la liquidation doivent s'imputer sur les indemnités accordées à la victime.
Pour faire valoir leur recours subrogatoire, il appartient aux organismes tiers-payeurs de justifier des prestations servies en précisant leur date et leur nature.
Toutefois, les organismes tiers ne sont admis à recourir sur les indemnités accordées à la victime que dans la limite des indemnités qui lui sont accordées.
À défaut de solde disponible, il doit être ordonné entre eux une répartition au marc l'euro.
La compagnie AREAS propose une clé de répartition basée sur la proportion des débours pris dans leur globalité entre les organismes sociaux à savoir :
33,35 % pour la caisse primaire d'assurance-maladie,
66,65 % pour la CARCEPT.
Sur la créance de la SAS HD ASSURANCES TRANQUILLITE SANTE :
l'appelante fait valoir que les relevés de prestations qui ont été fournis sont trop imprécis, car ils n'indiquent pas la nature exacte des prestations servies, et ne permettent pas de distinguer celles qui sont en lien avec l'accident dont a été victime Monsieur [Q].
La SAS HD ASSURANCES TRANQUILLITE SANTE justifie cependant son recours pour la somme de 4331,88 € en produisant le visuel historique des décomptes au nom de [J] [Q] ainsi que le relevé de débours définitif pour la période du 12 octobre 2007 au 2 avril 2009.
Le jugement qui a fait droit au recours subrogatoire pour la somme de 4331,88 € sera confirmé.
Sur la créance de la CARCEPT :
La CARCEPT qui a servi des prestations d'incapacité et invalidité au titre d'une police d'assurance dont les conditions générales et particulières prévoient que le recours subrogatoire l'autorise à agir contre l'auteur du fait dommageable a justement été reçue dans son recours.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné solidairement Monsieur [W] [N] et la compagnie d'assurances AREAS à payer à l'institution de prévoyance CARCEPT la somme de 79'381,78 € au titre des prestations incapacité invalidité échues et celle de 275'212,80 € au titre des prestations invalidité à échoir.
Sur la créance de la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Hérault :
la compagnie AREAS DOMMAGES demande à la cour de déduire des postes de préjudice le montant capitalisé de la pension servie à Monsieur [Q].
L'état récapitulatif définitif produit par la caisse en date du
10 octobre 2012 a été établi pour un montant total de
237'564,43 €.
Se référant au protocole de 1983, il précise' que « les règles du protocole ne permettent pas de présenter en l'espèce la pension d'invalidité ».
Il n'est pas contesté que Monsieur [Q] perçoit de la caisse primaire d'assurance-maladie une pension d'invalidité, c'est toutefois délibérément que la caisse primaire d'assurance-maladie n'a pas inclus la pension dans ses débours et qu'elle n'en demande par restitution.
Si la victime doit être indemnisée de l'intégralité de son préjudice sans perte ni profit, ce qui entraîne la nécessaire imputabilité des prestations servies sur le poste de préjudice concerné, le principe de la réparation intégrale due par l'assureur s'oppose à ce que la pension non réclamée par la caisse primaire d'assurance-maladie soit déduite de l'indemnisation mise à la charge de celui-ci.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit que le recours subrogatoire de la caisse primaire d'assurance-maladie ne peut s'exercer qu'à due concurrence de son relevé définitif du 10 octobre 2012.
L'indemnité de procédure : les dispositions du jugement sont confirmées pour ce qui concerne les indemnités de procédure accordées en première instance.
L'équité commande l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile également en cause d'appel .
La compagnie AREAS DOMMAGES sera condamnée à payer aux intimés les indemnités de procédure suivantes :
-à Monsieur [J] [Q] la somme de 3000 €,
-à la SAS HD ASSURANCES TRANQUILLITE SANTE la somme de 1000 €,
-à la caisse de prévoyance CARCEPT la somme de 1000 €.
les dépens : La compagnie AREAS DOMMAGES supportera les dépens d'appel des dispositions du jugement étant confirmées pour ce qui concerne les dépens de première instance.
La caisse primaire d'assurance-maladie a été assignée devant la cour par des actes huissier du 22 décembre 2014 et du
10 février 2015 qui ont fait l'objet d'une signification à personne habilitée.
[W] [N] a été assigné devant la cour par un acte du huissier du 30 décembre 2014 qui a fait l'objet d'une signification à étude, de sorte que la signification à personne a été impossible.
En application de l'article 474 du code de procédure civile, l'arrêt sera rendu par défaut.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant par arrêt par défaut rendu par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu le 19 juin 2014 par le tribunal de grande instance de Narbonne sauf en ce qui concerne la réparation de l'incidence professionnelle,
Statuant à nouveau du chef réformé,
Fixe l'indemnisation accordée à Monsieur [J] [Q] au titre de l'incidence professionnelle à la somme de 50'000 €,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [W] [N] solidairement avec son assureur la compagnie AREAS DOMMAGES à payer les indemnités de procédure suivantes :
-à Monsieur [J] [Q] la somme de 3000 €,
-à la SA S HD ASSURANCES TRANQUILLITE SANTE la somme de 1000 €,
-à la caisse de prévoyance CARCEPT la somme de 1000 €.
Les condamne solidairement aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
MR/MM