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15/12/2016 | FRANCE | N°13/08490

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1ère chambre a, 15 décembre 2016, 13/08490


Grosse + copie
délivrées le
à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre A

ARRET DU 15 DECEMBRE 2016

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/08490

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 OCTOBRE 2013
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS
No RG 1201190

APPELANTS :

Monsieur ALAIN X...
né le 11 Mai 1964
...
34070 MONTPELLIER
représenté par la SCP LEVY , BALZARINI, SAGNES, SERRE, avocat au barreau de MONTPELLIER

S.A AXA FRANCE IARD représenté par son représentant légal en exercice domicil

ié en cette qualité au siège social
313 Terrasse de l'Arche
92727 NANTERRE CEDEX
défaillante
représenté par Me Gilles ARGELLIES de la SCP G...

Grosse + copie
délivrées le
à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre A

ARRET DU 15 DECEMBRE 2016

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/08490

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 OCTOBRE 2013
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS
No RG 1201190

APPELANTS :

Monsieur ALAIN X...
né le 11 Mai 1964
...
34070 MONTPELLIER
représenté par la SCP LEVY , BALZARINI, SAGNES, SERRE, avocat au barreau de MONTPELLIER

S.A AXA FRANCE IARD représenté par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social
313 Terrasse de l'Arche
92727 NANTERRE CEDEX
défaillante
représenté par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

SAMCV MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS ASSURANCES (MAF ASSURANCES) Prise en la personne de son représentant statutaire domicilié ès qualité audit siège social
9 rue de l'Amiral Hamelin
75783 PARIS CEDEX 16
représenté par la SCP LEVY , BALZARINI, SAGNES, SERRE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Madame Annie Y...
née le 27 Février 1952 à NICE
...
34450 VENDRES
représentée par Me Benjamin JEGOU, avocat, loco Me Dominique Charles FRESET de la SCP AVOCARREDHORT, avocat au barreau de BEZIERS

Monsieur Alain X...
né le 11 Mai 1964 à
...
1 Place Romain Rolland
34070 MONTPELLIER
représenté par la SCP LEVY , BALZARINI, SAGNES, SERRE, avocat au barreau de MONTPELLIER

S.A AXA FRANCE IARD représenté par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social
313 Terrasse de l'Arche
92727 NANTERRE CEDEX
représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

SAMCV MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS ASSURANCES (MAF ASSURANCES) prise en la personne de son représentant statutaire domicilié ès qualité audit siège social
9 RUE DE L'AMIRAL HAMELIN
75783 PARIS CEDEX 16
représenté par la SCP LEVY , BALZARINI, SAGNES, SERRE, avocat au barreau de MONTPELLIER

SA ABELLA
60 boulevard pasteur
34760 BOUJAN SUR LIBRON
représentée par Me CARRIE, avocat, loco Me Mathilde ABELLA, avocat au barreau de BEZIERS

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 18 octobre 2016

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 NOVEMBRE 2016 , en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président de chambre, chargé du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président de chambre
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
Madame Emmanuelle WACONGNE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Dominique SANTONJA

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ;

- signé par Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président de chambre , et par Monsieur Dominique SANTONJA , Greffier

EXPOSE DU LITIGE-

Annie Y... a confié courant 1997 à la SA Abella, assurée auprès de la société Axa France Iard, les travaux de gros oeuvre d'une maison d'habitation à Vendres (34) sous la maîtrise d'oeuvre d'Alain X..., architecte assuré auprès de la société Maf.

Des fissures sont apparues pendant l'été 2008, Annie Y... a sollicité le bénéfice d'une expertise en référé par assignation du 26 mai 2010.

L'expertise a été confiée à Karim Z... qui a déposé son rapport le 23 janvier 2011.

Par acte d'huissier en date des 21 et 22 mars 2012, Annie Y... a fait citer les sociétés Abella, Axa et Maf ainsi qu'Alain X... devant le tribunal de grande instance de Béziers sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil en réparation de ses préjudices.

Par jugement contradictoire en date du 28 octobre 2013 ce tribunal a-:

- homologué le rapport d'expertise de Monsieur Z...;
- rejeté l'exception de prescription de la garantie décennale-;
- condamné in solidum la Sa Abella, la société Axa France Iard, Alain X... et la MAF à payer à Annie Y... les sommes de-:
270.759,13 € TTC au titre des travaux de reprise,
10.000 € au titre des troubles de jouissance,
- dit que dans leurs rapports internes la Sa Abella et la société Axa d'une part et Alain X... et la société MAF d'autre part seront tenus responsables pour moitié-;
- débouté les défendeurs de leurs fins, prétentions et conclusions-;
- rejeté toutes demandes contraires ou plus amples des parties-;
- condamné in solidum la Sa Abella, la société Axa, Alain X... et la société MAF aux entiers dépens y compris les frais d'expertise et à payer à Annie Y... la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Axa France Iard d'une part, et Alain X... et la société MAF d'autre part, ont relevé appel de ce jugement respectivement le 22 novembre 2013 et le 6 décembre 2013.

Ces appels ont été joints par une ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 24 avril 2014 sous le no13.8490.

Vu les conclusions de la société Axa France Iard remises au greffe le 23 juin 2014-;

Vu les conclusions d'Alain X... et de la société MAF remises au greffe le 6 octobre 2016-;

Vu les conclusions de la Sa Abella remises au greffe le 29 avril 2014-;

Vu les conclusions d'Annie Y... remises au greffe le 21 juillet 2016-;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 18 octobre 2016 -;

MOTIFS

Sur la prescription de l'action en garantie décennale-:

La société Abella a été chargée par Annie Y... de la réalisation des lots gros-oeuvre, charpente, couverture et plâtrerie moyennant le prix de 651.246,03 francs soit 99.281,81 €.
Aucun marché n'a été régularisé par écrit entre les parties et la déclaration d'ouverture du chantier en date du 17 mars 1998 ne prévoit pas une réalisation des travaux par tranches s'agissant de la construction d'un immeuble unique à usage d'habitation et aux dimensions modestes (168m2 de SHON).

Les factures de la société Abella ont été réglées par Annie Y... le 20 juillet 1999, le 21 septembre 1999 et le 30 janvier 2000.

Aucun procès-verbal de réception n'a été signé par les parties.

Le maître de l'ouvrage a déclaré les travaux achevés dans leur totalité le 1er juillet 2000 et justifie d'une prise de possession de l'ouvrage au 15 juillet 2000 par la production :
- du certificat de conformité de l'installation intérieure au gaz signé le 29 février 2000 par l'installateur et le 30 juin 2000 par le distributeur EDF GDF,
- des nombreuses attestations de divers amis et du déménageur (Fabrice A... qui atteste avoir déménagé Mme Y... le 15 juillet 2000 avec le camion de l'entreprise dans laquelle il était employé au ...) faisant état de son déménagement le 15 juillet 2000,
- des contrats d'assurance habitation et téléphonique souscrits à l'adresse de la construction à compter, respectivement, du 18 août 2000 et du 24 août 2000 (pas d'installation de la ligne téléphonique décalée dans le temps contrairement à ce qu'affirment sans preuve les appelants et la société Abella).

Le seul règlement du solde des travaux de la société Abella le 30 janvier 2000 est insuffisant à caractériser, en l'absence d'autres éléments, l'intention non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir à cette date les lots exécutés par cette entreprise.

Et il n'est nullement établi que l'entier ouvrage était en état d'être reçu au 30 janvier 2000.

C'est donc en prenant possession de sa maison le 15 juillet 2000 sans remettre en cause la qualité du travail exécuté par la société Abella dont elle avait réglé le solde des travaux depuis le 30 janvier 2000 qu'Annie Y... a manifesté à l'endroit de cette société son intention non équivoque d'accepter l'ouvrage.

L'ouvrage ayant été réceptionné tacitement le 15 juillet 2000, le délai de forclusion décennale expirait par conséquent le 15 juillet 2010.

L'assignation en référé expertise du 26 mai 2010 ayant interrompu le délai précité et l'assignation au fond étant intervenue les 21 et 22 mars 2012, l'action en garantie décennale d'Annie Y... dirigée contre l'architecte, la société Abella et leurs assureurs n'est pas prescrite contrairement à ce que soutiennent à tort les appelants et la société Abella, appelante à titre incident sur ce point, qui verront leur fin de non-recevoir rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le fond

L'expert judiciaire a constaté que l'immeuble d'Annie Y... était affecté de fissures caractéristiques de tassements différentiels, de fissures conséquentes structurelles dans les maçonneries, de dissociations entre les blocs, de fissurations entre les intersections des planchers et des parois, d'une fissure importante dans un mur pignon et d'ouvertures sous les plinthes.

Ces désordres sont apparus courant 2008 soit postérieurement à la réception du 15 juillet 2000.

Ils sont évolutifs, ainsi que l'indique l'expert en page 13 du rapport, et affectent l'ossature de l'ouvrage en compromettant sa solidité.

Ils relèvent donc de la garantie décennale des constructeurs.

Ces fissurations et désolidarisations de la structure et des éléments secondaires sont dus à l'adaptation des fondations au sol d'assise argileux sensible aux variations hydriques.

L'expert impute la survenance des désordres, dans des proportions égales, à une faute de conception de l'architecte consécutive à l'absence d'étude de sol et à une faute d'exécution de l'entreprise qui aurait dû s'apercevoir de la qualité argileuse du sol au stade des fouilles et adapter son ouvrage au sol d'assise.

Contrairement à ce que soutiennent Alain X... et la MAF, il appartenait à l'architecte de solliciter une étude de sol dès le stade des avant projets et de la conception générale afin d'être en mesure de soumettre aux entreprises consultées des plans et coupes intégrant les «-contraintes du site-» ainsi que le stipule l'article 2.2 du cahier des clauses générales du contrat d'architecte définissant l'objectif des études d'avant projet.

Il est donc indifférent que la mission de l'architecte ait été interrompue, de l'accord des parties, après sa mission d'assistance à la passation des marchés et qu'il n'ait pas suivi la phase d'exécution des travaux dès lors qu'il lui appartenait, dans le cadre de ses missions exécutées et facturées, de se préoccuper des contraintes du sol afin d'adapter la conception de l'ouvrage à ces dernières et de solliciter à cet effet une étude de sol, ce qu'il n'a pas fait.

La société Abella a fait le choix du type de fondations qui s'est avéré incompatible avec le sol d'assise (fondations filantes et coulées en pleine fouille de 50 cm de largeur sur 60 cm de hauteur et armées d'une cage de type standard) et a pris des dispositions constructives insuffisantes notamment au niveau des joints de rupture entre les blocs.

Alain X... et la société Abella ont engagé leur responsabilité décennale à l'égard d'Annie Y... pour ces désordres.

L'expert a chiffré le coût des travaux de reprise, consistant en une reprise en sous-oeuvre par micro-pieux, à la somme de 270.759,13€ TTC correspondant au devis de la société Garonnaise des Forages.

Cette somme n'est pas utilement critiquée par les appelants et sera retenue.

Annie Y... vit depuis 2008 dans une maison qui se fissure de part en part. La nature des désordres et leur ampleur de même que les travaux de reprise à venir sont à l'origine d'un préjudice de jouissance important puisque les fissures sont généralisées et que toutes les pièces principales de la maison sont concernées ce qui va contraindre le maître de l'ouvrage à déménager pendant la durée des travaux.

La cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour estimer ce préjudice de jouissance à la somme de 10.000 € et le jugement sera confirmé de ce chef.

Alain X... et son assureur décennal, la société MAF, la société Abella et son assureur décennal, la société Axa, seront condamnés in solidum à payer à Annie Y...les sommes de :
- 270.759,13 € TTC avec indexation sur l'indice BT01 valeur janvier 2011 au titre des travaux de reprise,
- 10.000 € à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2013 en réparation de son trouble de jouissance.

Dans leurs rapports internes, l'architecte et son assureur d'une part, et l'entrepreneur et son assureur d'autre part, seront tenus chacun à hauteur de 50-% et devront se garantir réciproquement dans cette proportion sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, leurs fautes de conception et d'exécution ayant contribué à la réalisation de l'entier dommage dans des proportions similaires et aucun faute n'étant prépondérante par rapport à l'autre contrairement à ce qu'ils soutiennent.

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS-

La cour-;

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant-;

DIT que le coût des travaux de reprise sera indexé sur l'indice BT01 valeur janvier 2011 et que les dommages-intérêts dus au titre du trouble de jouissance produiront intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2013-;

DIT qu'Alain X... et la MAF d'une part, et la société Abella et la société Axa d'autre part, devront se garantir réciproquement des condamnations prononcées contre eux par le présent arrêt en principal, intérêts et frais à concurrence de 50-%-;

CONDAMNE Alain X..., la société MAF, la société Abella et la société Axa in solidum aux dépens de l'appel et à payer à Annie Y... la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais engagés en cause d'appel-;

DÉBOUTE les autres parties de leurs prétentions fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ou sur l'article 10 du décret du 8 mars 2001.

LE GREFFIER LE PRESIDENT
CC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 13/08490
Date de la décision : 15/12/2016

Analyses

Le seul règlement du solde des travaux à un entrepreneur est insuffisant à caractériser, en l'absence d'autres éléments, l'intention non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir à cette date les lots exécutés par lui, alors qu'il n'est nullement établi que l'entier ouvrage était en état d'être reçu à la date de ce règlement et que ce n'est qu'en prenant possession de sa maison cinq mois plus tard, sans remettre en cause la qualité du travail exécuté, que le maître de l'ouvrage a manifesté son intention non équivoque de l'accepter. 2) Un architecte maître d'¿uvre a engagé sa responsabilité décennale au titre de fissures provenant de tassements différentiels, nonobstant l'interruption de sa mission après sa mission d'assistance à la passation des marchés et avant la phase d'exécution des travaux, dès lors qu'il lui appartenait, dès le stade des avant projets et de la conception générale inclus dans ses missions exécutées et facturées, de se préoccuper des contraintes du sol afin d'y adapter la conception de l'ouvrage et de soumettre aux entreprises consultées des plans et coupes intégrant ces contraintes et de solliciter à cet effet une étude de sol .


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Béziers, 28 octobre 2013


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2016-12-15;13.08490 ?
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