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14/12/2016 | FRANCE | N°14/08193

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1ère chambre c, 14 décembre 2016, 14/08193


Grosse + copie délivrées le à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre C
ARRET DU 14 DECEMBRE 2016
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 08193
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 MAI 2010 DE LA COMMISSION D'INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTIONS DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN
APPELANTE :
Madame Christiane X...... 66000 PERPIGNAN représentée par Me AUCHE HEDOU substituant Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE-AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me DEMATTEIS su

bstituant Me CONS, avocat au barreau de PERPIGNAN, avocat plaidant

INTIMES :
Monsieur ...

Grosse + copie délivrées le à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre C
ARRET DU 14 DECEMBRE 2016
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 08193
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 MAI 2010 DE LA COMMISSION D'INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTIONS DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN
APPELANTE :
Madame Christiane X...... 66000 PERPIGNAN représentée par Me AUCHE HEDOU substituant Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE-AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me DEMATTEIS substituant Me CONS, avocat au barreau de PERPIGNAN, avocat plaidant

INTIMES :
Monsieur LE PROCUREUR GENERAL En son Parquet près la cour d'Appel 1, rue Foch 34000 MONTPELLIER

FONDS DE GARANTIE Les bureaux de la Méditerrannée 39 boulevard Vincent Delpuech 13255 MARSEILLE représenté par Me Philippe SENMARTIN de la SCP PHILIPPE SENMARTIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me Séverine VALLET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 19 Octobre 2016
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 NOVEMBRE 2016, en chambre du conseil, Philippe GAILLARD ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller Madame Chantal RODIER, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Laurence SENDRA

Ministère public : L'affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

- contradictoire
-prononcé en chambre du conseil par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
Christopher C... né le 28 octobre 1986 a été assassiné le 30 décembre 2007 par Joachim D..., lequel a été condamné pour ces faits par la cour d'assises des Pyrénées-Orientales le 18 décembre 2009. Par un arrêt civil du même jour, la cour d'assises a alloué à Christiane X... qui se prétendait la mère biologique de Christopher C... une indemnisation de 20 000 €. Ces condamnations étaient confirmées en appel par la cour d'assises de l'Hérault le 18 mars 2011.

Christopher C... avait fait l'objet d'un jugement d'adoption plénière le 23 février 1988 par Rose-Marie X..., la sœur de Christiane X... et l'épouse de Guy C... qui s'est déclaré le père de l'enfant.

Par ordonnance rendue le 20 mai 2010, le président de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions du tribunal de grande instance de Perpignan a rejeté une demande de Christiane X... de provision de 20 000 € en indemnisation du préjudice résultant du décès de Christopher C... par les motifs suivants : En l'état des pièces produites, il n'est rapporté aucune preuve de l'existence de liens étroits entre Christopher C... et Christiane X.... L'existence d'un droit à indemnisation par la commission juridiction indépendante non tenue par l'arrêt de la cour d'assises n'est donc pas certaine.

Christiane X... a relevé appel de cette décision le 2 juin 2010.
La cour a par un arrêt du 11 mai 2011, sursis à statuer jusqu'à la décision à intervenir sur la tierce-opposition formée par Christiane X... au jugement du 23 février 1988.
Le magistrat chargé de la mise en état a ordonné par décision du 24 janvier 2013 la radiation de l'affaire du rôle au motif que l'appelante n'avait toujours pas justifié de la décision sur la tierce-opposition. L'affaire a été réinscrite au rôle sur la transmission par le conseil de Christiane X... le 30 novembre 2014 de la copie du jugement du 17 décembre 2012 du tribunal de grande instance de Bobigny statuant sur la tierce-opposition, et de l'arrêt rendu le 5 novembre 2013 par la cour d'appel de Paris sur ce jugement.

Le jugement du 17 décembre 2012 a déclaré nulle l'adoption plénière de Christopher C... par Christiane X... au motif du caractère frauduleux des déclarations de consentement des parents à l'adoption, alors que Guy C... a reconnu qu'il n'était pas le père biologique de l'enfant et que Christiane X... ne pouvait pas l'ignorer et conteste sa signature de l'acte de son consentement. L'arrêt du 5 novembre 2013 infirme le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de l'adoption, en retenant que le caractère mensonger de la reconnaissance paternelle ne fait pas obstacle aux conditions de l'adoption et la validité du consentement à l'adoption de Christiane X....

Le dispositif des dernières écritures de reprise d'instance en appel déposées le 7 mai 2015 pour Christiane X... énonce :
· Infirmer l'ordonnance rendue le 20 mai 2010 par la commission d'indemnisation des victimes d'infractions. · Allouer à Christiane X... la somme de 20 000 € d'indemnisation en réparation de son préjudice moral. · Statuer ce que de droit sur les dépens, précision faite qu'elle est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale.

Christiane X... prétend démontrer une grande proximité d'une vie avec son fils biologique devenu juridiquement son neveu par l'adoption plénière. Elle a d'abord vécu avec l'enfant sous le même toit que sa sœur et son mari Guy C... jusqu'à la naissance de son enfant Anthony, puis a continué à se rendre presque quotidiennement chez sa sœur où était resté Christopher. Elle prétend n'avoir appris l'existence du jugement d'adoption plénière qu'à l'occasion de l'instruction menée sur l'assassinat de Christopher.

Elle produit son dossier médical relatif à sa maternité de Christopher, des photographies et des attestations notamment sur le maintien de sa proximité affective malgré la volonté d'emprise de sa sœur sur l'enfant et sa propre vulnérabilité dans une situation financièrement démunie.
Le dispositif des dernières écritures en appel déposées le 23 mars 2015 pour le Fonds de garantie des victimes d'infractions énonce :
· Confirmer en toutes ses dispositions la décision de première instance. · Mettre les dépens à la charge du Trésor Public, ceux d'appel distraits au profit de la SCP d'avocats postulant dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Fonds de garantie fait observer que la mère avait donnée pour consigne à l'accouchement que l'enfant porte le nom de C..., que la cour d'appel de Paris a écarté l'argument qu'elle n'aurait découvert l'adoption de son fils qu'à l'occasion de son décès. Il soutient le motif de la décision déférée que Christiane X... n'apporte aucune démonstration sérieuse de liens étroits avec Christopher indépendamment de sa qualité de mère biologique, alors que les attestations produites ne donnent aucune précision de date et que celle de l'employeur se contente de rapporter les propos de Christiane X..., et que dans une instance engagée aux mêmes fins d'indemnisation par la famille adoptive sa sœur dénonce l'absence de tout lien affectif.

Par un avis du 21 octobre 2016, le ministère public s'en rapporte à l'appréciation de la cour.

MOTIFS

Sur l'objet du litige

La demande d'indemnisation de Christiane X... doit être examinée au regard des éléments de preuve qu'elle apporte dans les débats d'une réalité concrète de proximité et de qualité des liens affectifs avec Christopher C... tout au long de la vie de celui-ci jusqu'à son assassinat, pour apprécier l'importance du préjudice personnel d'un proche de la victime décédée, indépendamment de la relation de parenté de fait ou de droit. La cour est saisie par l'appel formé par Christiane X... de la critique de l'ordonnance du 20 mai 2010 qui a considéré qu'elle ne rapportait pas la preuve de l'existence de liens étroits. Dans l'espèce il est établi que Christiane X... est la mère biologique de Christopher C..., mais juridiquement sa tante dans la situation actuelle du rejet judiciaire par la cour d'appel de Paris de la demande de nullité de l'adoption plénière de celui-ci par Rose-Marie X....

Enfin la cour précise que sur un appel d'une ordonnance de refus d'une demande de provision elle n'est saisie que d'une demande de condamnation par provision.
Sur le contenu du lien de proximité
Il n'est pas contesté dans les débats que Christiane X... vivait au moment de la naissance de son enfant Christopher dans le même domicile d'habitation que sa sœur et son beau-frère, qu'elle est partie ensuite environ deux années en Espagne, puis est revenue un peu avant la naissance de son autre enfant Anthony vivre à nouveau au domicile des parents adoptifs de Christopher. Pendant plusieurs années de vie commune les enfants ont été élevé ensemble dans ce même logement.

Christiane X... explique dans un procès-verbal d'enquête des services de police du 27 octobre 2009 qu'elle a pris un logement séparé lorsque Anthony a eu 14 ans, mais à proximité et que les deux garçons continuaient à se voir presque tous les jours.
Christiane X... produit plusieurs attestations pour fonder l'importance du lien affectif avec la victime :
· son autre fils Anthony confirme la vie commune avec Christopher qu'il pensait son cousin chez sa tante Rose-Marie et avec sa mère Christiane X..., dans une proximité affective commune et permanente ; · une autre sœur de Christiane, Rosette X..., et une nièce Sandrine E..., donnent le même récit ; · la directrice de l'association dont Christiane était salariée depuis 1995 indique qu'elle a eu de nombreuses conversations avec celle-ci confirmant cette situation de vie.

Des photographies montrent les deux jeunes enfants dans une situation de quotidien de vie familiale commune corroborant le récit de Christiane X....
Le Fonds de garantie n'apporte pas de contradiction sérieuse au récit de Christiane X.... La circonstance que celle-ci ait laissée donner le nom de C... à son fils à la naissance s'inscrit dans un contexte évident d'instabilité de vie de Christiane à ce moment-là. La seule pièce que produit le Fonds de garantie, une lettre que lui adresse Rose-Marie le 7 juin 2011 pour s'opposer à la demande d'indemnisation de sa sœur Christiane au prétexte qu'elle avait abandonné son enfant sans assumer son rôle de mère, s'inscrit dans un contexte tout aussi évident de conflit concernant la contestation judiciaire du jugement d'adoption plénière dont avait bénéficié Rose-Marie.

Sur la demande d'indemnisation
Les éléments ainsi établis d'une réalité de proximité affective évidente entre Christopher et sa mère biologique tout au long de sa vie fondent nécessairement un droit à indemnisation du préjudice de la souffrance ressentie par le décès de Christopher à l'âge de 21 ans dans les circonstances dramatiques d'un assassinat.
Le médecin psychiatre de Christiane X... établit une attestation en date du 18 novembre 2009 que sa patiente dont il assure le suivi depuis le 27 novembre 2008 présente un état dépressif sévère consécutif au décès de son fils.
La cour apprécie le bien-fondé d'une demande de provision sur l'indemnisation de ce préjudice à hauteur d'une somme de 15 000 €.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant en chambre du conseil par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe ;

Infirme l'ordonnance rendue le 20 mai 2010 par le président de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions du tribunal de grande instance de Perpignan ;
Fixe l'indemnisation par provision à la charge du Fonds de garantie des victimes d'infractions du préjudice de Christiane X..., victime indirecte de l'assassinat de Christopher C..., à la somme de 15 000 € ;
Dit que les dépens seront à la charge du Trésor Public.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

PG


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1ère chambre c
Numéro d'arrêt : 14/08193
Date de la décision : 14/12/2016
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2016-12-14;14.08193 ?
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