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03/02/2016 | FRANCE | N°12/08127

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4ème b chambre sociale, 03 février 2016, 12/08127


CB/ RBN

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4ème B chambre sociale
ARRÊT DU 03 Février 2016

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 08127

ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 SEPTEMBRE 2012- CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER No RG 09/ 01969

APPELANTE :

S. A. E. M. L TAM prise en la personne de son représentant légal 125 rue Léon Trotsky 34075 MONTPELLIER CEDEX 3 Représentant : Me Marie BOUSSAC Avocat de la SELAS BARTHELEMY et ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES

INTIME :
>Monsieur Philippe X... ......34250 PALAVAS LES FLOTS Représentant : Me Fabienne GOURINCHAS, avocat au barreau d...

CB/ RBN

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4ème B chambre sociale
ARRÊT DU 03 Février 2016

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 08127

ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 SEPTEMBRE 2012- CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER No RG 09/ 01969

APPELANTE :

S. A. E. M. L TAM prise en la personne de son représentant légal 125 rue Léon Trotsky 34075 MONTPELLIER CEDEX 3 Représentant : Me Marie BOUSSAC Avocat de la SELAS BARTHELEMY et ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES

INTIME :

Monsieur Philippe X... ......34250 PALAVAS LES FLOTS Représentant : Me Fabienne GOURINCHAS, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 DECEMBRE 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Président de chambre Monsieur Richard BOUGON, Conseiller Monsieur Philippe ASNARD, Conseiller

qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Catherine BOURBOUSSON
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Président de chambre, et par Madame Catherine BOURBOUSSON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* **

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

M. Philippe X... est salarié de la société Transports de l'agglomération de Montpellier dite TAM en qualité de conducteur receveur depuis le 28 mai 1990.
L'article 8-1 de l'accord d'entreprise du 6 février 2003 prévoit les dispositions suivantes pour le déroulement de carrière des « conducteurs-receveurs » :
- à sa date d'embauche, un conducteur-receveur est classé au coefficient 202 ;
- dès le 1er jour du mois suivant le 2ème anniversaire de la date du début de l'exercice effectif du métier de conducteur-receveur, il est classé au coefficient 204 ;
- dès le 1er jour du mois suivant le 10ème anniversaire de la date de début de l'exercice effectif du métier de conducteur-receveur, il est classé au coefficient 209 sous réserve de l'application des modalités particulières prévues et déterminées dans les articles 23-24-25 et 26 de l'accord d'entreprise du 23 février 1996 ;
- dès le 1er jour du mois suivant le 15ème anniversaire de la date du début de l'exercice effectif du métier de conducteur-receveur, il est classé au coefficient 212 sous réserve des modalités définies en annexe 1 du présent accord.
L'annexe 1 sur « les modalités de passage au coefficient supérieur » prévoit :
- qu'ont un effet d'accélérateur les bonus acquis par la qualité de l'exercice effective (sic) du métier, ainsi pour les conducteurs-receveurs, si l'agent n'a eu aucun accident responsable pendant 12 mois consécutifs travaillés représentant une année civile, il lui est attribué un bonus de 2 mois, les bonus peuvent se cumuler d'une année sur l'autre ¿
- qu'ont un effet retardateur les absences de l'agent ci-dessous définies ainsi que les sanctions conventionnelles selon l'échelle ci-dessous définie.
Les absences et les sanctions sont comptabilisées depuis la date du passage au nouveau coefficient.
a) Les absences
* absences sans motif, absences liées à la maladie, accident de trajet, mise à pied ; * les accidents de travail d'une durée supérieure à 6 mois, ces cas feront l'objet d'une étude particulière ; * les absences liées à des congés autres que les congés payés : CIF, congés sans solde, congés parentaux, congé maternité, congé paternité ; * incapacités d'exercice du métier liées à des inaptitudes temporaires ou définitives.

La totalité des absences en jours ouvrables au-delà de 2 mois décaleront d'autant le passage au coefficient supérieur. En ce qui concerne les CR et les ACV, si la totalité des absences est inférieure ou égale à 2 mois, ils bénéficient d'un bonus de 2 mois diminué de la totalité de leurs absences.
Le 29 octobre 2009 M. X... qui réclame, notamment, l'attribution du coefficient 212 à compter du 6 mai 2005 et un rappel de salaire à ce titre saisit le Conseil de Prud'hommes de Montpellier.
Le 11 septembre 2012 le Conseil de Prud'hommes de Montpellier, section commerce, en formation de départage, sur audience de conciliation du 28 janvier 2010, procès-verbal de partage de voix du 7 décembre 2011 et audience de plaidoiries du 22 mai 2012 :
- « donne injonction à la SAEML TAM d'attribuer à M. Philippe X... le coefficient 212 et ce dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement, et passé ce délai, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant un nouveau délai de trois mois passé lequel il sera à nouveau statué » ;
- condamne la SAEML TAM, outre aux dépens, à payer à M. Philippe X... les sommes de :
* 4938, 07 ¿ bruts de rappel de salaire pour « la période du 5 mai 2005 jusqu'au mois de mai 2012 inclusivement avec intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2009 à concurrence de la somme de 4081, 77 ¿ bruts et à compter du 22 mai 2012 pour le surplus " ; * 1500 ¿ de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant de la non attribution du coefficient 212 ; * 900 ¿ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déboute M. Philippe X... de ses demandes en reconnaissance d'une discrimination fondée sur l'état de santé et en dommages et intérêts de ce chef et en attribution de la dotation habillement correspondant à sa famille professionnelle et déclare cette demande sans objet ;

- constate que M. Philippe X... ne maintient pas sa demande en paiement de la somme de 590 ¿ au titre du remboursement de sa paire de lunettes de vue.

Le 26 octobre 2012 la SAEML TAM interjette appel de la décision qui lui est notifiée le 26 octobre 2012.
Le 25 mars 2015 la chambre sociale de la Cour ordonne la réouverture des débats afin que :
- la TAM indique de manière précise si oui ou non elle considère, au regard des dispositions impératives et d'ordre public du second alinéa de l'article L1226-8 du code du travail, qu'elle peut différer l'acquisition du coefficient 212 en raison des accidents de travail subis par M. Philippe X... ;
- la TAM indique les raisons pour lesquelles elle diffère l'acquisition du coefficient 212 en raison des accidents de travail subis par M. Philippe X... alors que le texte de l'accord d'entreprise ne donne un effet retardateur qu'aux seuls absences liées aux « accidents de travail d'une durée supérieure à 6 mois » et qu'elle reconnaît que M. Philippe X... n'a jamais eu d'accident de travail provoquant une absence de plus de six mois ;
- la TAM produise un décompte daté et conforme aux prévisions de l'accord d'entreprise avec imputation des jours d'arrêt maladie, des jours non rémunérés et ventilation des jours « en détachement autres services » selon leur origine avec précision s'ils sont ou non la conséquence d'un accident du travail ;
- les parties concluent sur la conformité de la clause de l'annexe 1 sur les absences produisant un effet retardateur au regard du principe selon lequel si un accord collectif peut tenir compte des absences pour l'acquisition d'un avantage, c'est à la condition que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution.
La SAEML TAM sollicite :
- la confirmation du jugement de départage en ce qu'il a constaté l'absence de quelconque acte discriminatoire ;- l'infirmation pour le surplus en déboutant M. Philippe X... de l'intégralité de ses demandes ;- la condamnation de M. Philippe X..., outre aux entiers dépens, à lui payer les sommes de 2500 ¿ au titre de l'article 700 du CPC.

Philippe X... demande :
- sur l'appel principal la confirmation du jugement en ce qu'il a fait injonction à la SAEML TAM de lui attribuer le coefficient 212 sur le constat qui devait bénéficier de ce coefficient à compter du 6 février 2005 ;
- sur l'appel incident d'infirmer le jugement s'agissant du caractère discriminatoire des décisions prises par la S. A. E. M. L TAM à son encontre pour refuser son passage au coefficient 212 à compter du 6 février 2005, de constater le retard de passage au coefficient 214 et en conséquence de condamner l'employeur, outre aux entiers dépens, à lui payer 10000 ¿ de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés de la discrimination subie, 213, 51 ¿ de rappels de salaires et 21, 35 ¿ de congés payés afférents et 2000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du CPC.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du Conseil de Prud'hommes et aux conclusions des parties qui ont expressément déclaré s'y rapporter lors des débats du 15 décembre 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les dispositions de la décision déférée déboutant M. X... de sa demande d'attribution de la dotation habillement correspondant à sa famille professionnelle ne sont pas remises en cause dans le cadre du présent recours.

En l'espèce et en application de l'article 8-1 de l'accord d'entreprise du 6 février 2003, M. X... avait vocation, eu égard à sa date d'embauche au 28 mai 1990, à bénéficier du coefficient 212 à compter du 1er juin 2005 (« dès le 1er jour du mois suivant le 15ème anniversaire de la date de début de l'exercice effectif du métier de conducteur-receveur »).
M. X... demande à la Cour le bénéfice du coefficient 212 et ceci à compter du 6 février 2005 en tenant compte du 1er jour du mois suivant le 15ème anniversaire de la date du début de l'exercice effectif du métier de Conducteur-Receveur (1er juin 2005) et du bonus de 4 mois tenant le fait qu'il n'a eu aucun accident responsable pendant 12 mois consécutifs travaillés représentant une année civile, en 1994 et en 1999 en jugeant que son employeur ne peut faire produire, pour son avancement, un effet retardateur à :
- ses jours d'absence consécutifs à un accident du travail et aux jours de travail où il est détaché dans un autre service, sans exercer son emploi de receveur conducteur, en raison d'une inaptitude consécutive à un accident du travail puisque un tel effet est prohibé par les dispositions du second alinéa de l'article L 1226-8 du code du travail et ne rentre pas dans les prévisions de l'annexe 1 de l'accord d'entreprise du 6 février 2003 (qui ne fait produire un effet retardateur qu'aux seules absences pour accident de travail d'une durée supérieure à 6 mois) ;
- ses jours d'absence consécutifs à une maladie dans la mesure où cet effet constitue une discrimination en raison de son état de santé prohibée et de nul effet en application des articles L 1132-2 et L 1132-4 du code du travail ;
- ses jours d'absence consécutifs à l'exercice de son droit de grève puisque un tel effet ne rentre pas dans les prévisions de l'annexe 1 de l'accord d'entreprise du 6 février 2003 et constitue une discrimination prohibée et de nul effet en application des articles L 1132-2 et L 1132-4 du code du travail.
Enfin il explique qu'il a été discriminé car « des agents de la TAM embauchés postérieurement, reclassés sur un poste d'agent de contrôle de la réglementation dans les mêmes conditions que lui, bénéficie toutefois déjà du coefficient 212... avec une ancienneté inférieure à la sienne et remplissant ou non les conditions d'ancienneté fixées par l'accord d'entreprise du 6 février 2003 », Thierry M. embauché le 3 novembre 1989, Denis C. le 3 août 1992, Xavier P. le 2 février 1991, Kere B. le 27 avril 1987, Yves B. le 14 novembre 1994, Omar C. le 21 juin 1999, Stéphane H. le 5 juillet 1999, Patrick P. le 10 mai 1999, Thierry T. le 15 juillet 1997, M. P. le 3 août 1992, Alain R. le 28 mai 1990, Gérard R. le 28 août 1992, Emmanuel C. le 31 janvier 1994, Eric G. le 1 septembre 1998, Christian P. le 17 octobre1988, Jean Noël J. le 12 décembre 1998, Patrick F. le 15 décembre 1986, Antoine P. le 29 août 1983, Domin L. le 5 mai 1986, Serge G. le 27 janvier 1987, Max F. le 3 mars 1986, J. Alec B. le 24 mai 1982 et Christian A. le 29 mars 1982.
Enfin et sans que la Cour ne soit en mesure, au vu de la rédaction des conclusions, de distinguer une demande particulière précise à ce titre, les développements de M. X... étant insérés dans ceux sur l'attribution du coefficient 212, ce dernier évoque une discrimination syndicale à son encontre puisque :
- « bien qu'il ait été déclaré par le médecin du travail le 26 mai 2014 apte au poste de Conducteur-Receveur à plein temps, avec alternance postes de conduite et poste d'AACS (ex ACR), sa candidature au poste de Chef d'équipe AACS en date du 21 août 2014 est rejetée au motif que « les candidats doivent exercer la conduite commerciale bus et tramway, ce qui n'est pas votre cas » ce qui est inexact !- annexes 158-159 » ;
- « son dossier « Notation Exploitation » aurait disparu-annexe 160 » ;
- « à la question des DP du 2 octobre 2014 concernant la justification du refus de candidature, en l'absence dudit dossier, la TAM répondait « ne pas avoir encore répondu à la dernière candidature de cet agent-annexe 161 ».
1) Sur la prise en compte des jours d'absence consécutifs à un accident du travail
Dans un premier temps l'employeur reconnaissait avoir fait produire un effet retardateur à 385 jours d'absence pour accident du travail pour la période du 1er septembre 2001 au 20 avril 2010 (cf décision avant dire-droit).
Dans le dernier document élaboré (cf pièces 115 et 116), il apparaît que l'employeur recense un effet retardateur pour 642 jours d'absence pour accident du travail pour la période s'écoulant jusqu'au 6 janvier 2015 pour « 30 périodes d'arrêt et 56 arrêts ».
Par la décision du 25 mars 2015 la TAM est invitée à indiquer « les raisons pour lesquelles elle diffère l'acquisition du coefficient 212 en raison des accidents de travail subis par M. Philippe X... alors que le texte de l'accord d'entreprise ne donne un effet retardateur qu'aux seuls absences liées aux accidents de travail d'une durée supérieure à 6 mois et qu'elle reconnaît que M. Philippe X... n'a jamais eu d'accident de travail provoquant une absence de plus de six mois ».
La Tam, sans répondre aux interrogations de la Cour, continue de plaider (cf pages 13 des conclusions déposées pour l'audience du 17 février 2015 et 13 de celles déposées pour l'audience du 15 décembre 2015) que « M. Philippe X... n'a jamais eu d'accident de travail provoquant une absence de plus de six mois » tout en remettant des documents, les pièces 115 et 116, qui font apparaître une période d'arrêt de travail suite à un accident du travail du « 18 décembre 2002 au 3 octobre 2004 » pour 343 jours...
En premier lieu et puisque toutes les autres périodes d'arrêt du salarié font suite à un accident du travail et sont inférieures à six mois, il convient de décider, par simple application des dispositions de l'accord d'entreprise du 6 février 2003, que ses jours d'absence ne peuvent produire d'effet retardateur.
En ce qui concerne la période d'arrêt du « 18 décembre 2002 au 3 octobre 2004 » et à supposer, hypothèse la plus favorable à l'employeur selon laquelle elle ne se ventile pas en plusieurs arrêts, du 18 décembre 2002 au 25 mai 2003 (5 mois et 7 jours), du 23 juin au 30 septembre 2003 (3 mois et 7 jours), du 27 octobre au 27 novembre 2003 (1 mois), du 26 février au 11 mars 2004 (14 jours) et du 28 août au 3 octobre 2004 (1 mois et 5 jours), elle ne peut pas plus produire d'effet retardateur dans la mesure où les dispositions de l'accord d'entreprise du 6 février 2003 ne peuvent aller à l'encontre des dispositions légales contenues au second alinéa de l'article L1226-8 du code du travail selon lesquelles les conséquences d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne peuvent entraîner pour l'intéressé aucun retard de promotion ou d'avancement au sein de l'entreprise.
En effet le salarié est parfaitement recevable et fondé à solliciter devant la juridiction prudhommale l'inopposabilité des certaines dispositions de l'accord d'entreprise, illégales et/ ou contraires à des dispositions d'ordre public et ce sans qu'il n'y ait lieu à contentieux préalable devant le Tribunal de Grande instance.
En conséquence aucun jour d'arrêt pour accident du travail ne peut provoquer un différé dans l'acquisition par Philippe X... du coefficient 212.
2) Sur la prise en compte des jours de travail où le salarié est détaché dans un autre service sans exercer son emploi de receveur conducteur
Philippe X... incrimine son employeur pour avoir, « selon la fiche individuelle absences établie par la TAM », fait produire un effet retardateur à un « total de 318 jours... pour la période du 1 mai 2004 au 30 juin 2005 où il fait l'objet de détachements autres services », soit « 92 jours du 1er mai au 31 juillet 2004, 15 jours du 1er au 15 octobre 2004, 181 jours du 1er novembre (2004 ?) au 31 mai 2005 et 30 jours du 1er au 30 juin 2005 ".
L'examen des dernières pièces versées aux débats par l'employeur, notamment la pièce 115 portant « impression des fiches individuelles d'absence du 1er juin 1990 au 30 novembre 2015 » fait apparaître que la TAM ne décompte aucun jour d'effet retardateur pour des jours de détachements sur autres services pour les périodes du 1 mai 2004 au 31 juillet 2004, du 1er au 15 octobre 2004 (si ce n'est 2 jours d'accident du travail ci-dessus déjà déduits pour la période du 1er au 3 octobre 2004), du 1er novembre 2004 au 31 mai 2005 (si ce n'est 11 jours d'accident du travail ci-dessus déjà déduits pour la période du 1er au 12 novembre 2004) et du 1er au 30 juin 2005.
En conséquence il n'existe pour la période incriminée par le salarié et pour l'acquisition du coefficient 212 à compter du 6 février 2005 aucun jour où le salarié est détaché dans un autre service et pour lequel l'employeur fait produire un effet retardateur.
3) Sur la prise en compte des jours d'absence consécutifs à l'exercice du droit de grève
La lecture de la « fiche individuelle absences » pour la période du 1er septembre 2001 au 20 avril 2010 (pièce no 2 du dossier de la TAM) fait apparaître que l'employeur fait produire un effet retardateur pour des jours au cours desquels Philippe X... exerce son droit de grève (« G »), notamment les 3 et 10 juin 2003, les 16 janvier, 17 mai 2004, 16 mai, 21 juin et 4 octobre 2005 etc...
En l'état de rédaction du texte de l'accord d'entreprise du 6 février 2003 (ci-dessus reproduit) avec emploi de la formule « les absences de l'agent ci-dessous définies » et énumération limitative de certaines absences, l'absence pour fait de grève ne figure pas au nombre de celles qui permettent à l'employeur d'appliquer au salarié un effet retardateur pour l'obtention des coefficients d'avancement.
Cet effet ne peut pas plus résulter de ce que le texte prévoit une acquisition des différents coefficients suivant les dates anniversaires de « début de l'exercice effectif du métier de conducteur receveur ».
En conséquence aucun jour d'arrêt ou d'absence pour exercice du droit de grève ne peut provoquer un différé dans l'acquisition par Philippe X... du coefficient 212.
4) Sur la prise en compte des jours d'absence consécutifs à une maladie
Selon l'article 1132-1 du code du travail aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m ¿ urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence
physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
L'article L1132-4 frappe de nullité toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces dispositions.
Lorsque survient un litige en raison d'une discrimination prohibée, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En l'espèce ce processus probatoire ne peut être affecté, ainsi que le précise pour la première fois la société TAM après réouverture des débats, par la « jurisprudence récente de la Cour de Cassation... sur les différences de traitement opérées par voie de convention ou d'accords collectifs négociés et signés par des organisations syndicales représentatives investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote qui seraient présumés justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elle sont étrangères à toute considération de nature professionnelle (cass. Soc ; 27 janv. 2015, no13-221. 79, no13-254. 37 et no13-147. 73) ».
En effet la Cour ne peut que renvoyer le conseil de la société TAM à la lecture complète de cet arrêt qui n'a nullement vocation à s'appliquer en l'espèce puisque le présent litige ne porte nullement sur l'existence ou non d'une « différence de traitement entre catégories professionnelles », seul champ d'application de cette décision, champ qui ne peut être généralisé par le seul oubli ou l'omission du terme « entre catégories professionnelles », voire la reprise tronquée d'une décision.
L'accord d'entreprise du 6 février 2003 n'opère aucune différence de traitement entre catégories professionnelles et ne porte que sur le déroulement de carrière des « conducteurs-receveurs ».
Si les affirmations générales et imprécises de M. X... sur l'acquisition du coefficient 212 par des agents de la TAM embauchés postérieurement « et remplissant ou non les conditions d'ancienneté fixées par l'accord d'entreprise du 6 février 2003 » ne peuvent constituer des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, ne serait-ce d'ailleurs que pour les salariés cités avec une embauche antérieure à celle de M. X... (Messieurs Thierry M., Kere B. Christian P., Patrick F., Antoine P., Domin L., Serge G., Max F., J. Alec B. et Christian A.), le fait que dans l'accord d'entreprise les absences pour maladie ne soient pas traitées sur le même plan que les arrêts pour accident de travail d'une durée inférieure à six mois laisse supposer l'existence d'une discrimination à raison de l'état de santé.
Pour autant et indépendamment des lacunes et imprécisions du texte de l'accord d'entreprise du 6 février 2003, il est établi, par les éléments de fait produits aux débats tant par M. X... (ses décomptes où lui sont retirés ses absences pour jour de grève et ses arrêts de travail d'une durée inférieure à six mois) que par la TAM (les nombreux relevés dit d'absentéisme et les fiches individuelles d'absences pour d'autres salariés-cf notamment pièces nos 72, 73, 79, 81, 82, 84, 88, 89) que cette dernière, sur la base d'un texte qui n'évoque pas certaines absences, fait produire à toutes les absences le même effet retardateur en ne décomptant que les années où les salariés sont présents et exercent effectivement le métier de conducteur receveur, précision devant être faite, au vu des conclusions de M. X..., que les « absences pour siéger en qualité de juré de Cour d'assise, pour congé d'enseignement, de recherche et d'innovation, pour catastrophe naturelle, pour création d'entreprise, pour enfant malade » sont visées par le texte de l'accord en sa dimension « congés sans solde ».
En ce qui concerne la dénonciation faite par M. X... du meilleur sort qui aurait été réservé à certains salariés recrutés après lui, il convient d'observer qu'elle s'effectue sans prise en compte des conditions d'avancement prévues par l'accord d'entreprise du 6 février 2003 (« et remplissant ou non les conditions d'ancienneté fixées par l'accord d'entreprise du 6 février 2003 »).
Surtout l'employeur justifie, par la production de relevés dit d'absentéisme et de fiches individuelles d'absences, que ces salariés se sont vus appliquer le même régime que M. X... pour l'appréciation des 15 ans d'exercice effectif du métier, n'étant que de relever la situation de salariés avec une date d'embauche proche de celle de M. X... qui acquièrent le coefficient 212, certes avant ce dernier, mais en connaissant une présence et un exercice du métier plus importants (cf notamment M. Thierry M.- pièces 82 et 83, Dominique L.- pièces 88 et 89, Yves B-pièce 93, Alain R.- pièces 96 et 97).
L'inexactitude du motif du rejet le 16 septembre 2014 de la candidature de M. X... au poste de chef d'équipe AACS n'est pas démontrée, pas plus que la perte de son dossier « notation exploitation », preuve qui ne peut résulter des seules interrogations présentées à ce titre par une union syndicale.
Enfin il ne saurait y avoir quelque comportement discriminant lorsque l'employeur répond le 2 octobre 2014 qu'il n'existe pas de refus de détachement mais que la demande du salarié est en cours d'instruction, aucune réponse n'ayant encore été apportée à la demande du salarié.
Au vu de tout ce qui précède il n'existe aucune discrimination et l'employeur est fondé à décompter les jours d'absence pour arrêt maladie comme effet retardateur au regard de l'accord d'entreprise du 6 février 2003, accord qui s'applique ainsi tant en ses effets négatifs (effet retardateur) que positifs (effet d'accélérateur).
Au regard d'une date d'entrée au 28 mai 1990, d'une date de passage théorique au coefficient 212 le 28 mai 2005, d'un « absentéisme » en jours jusqu'à cette dernière date de 192 jours (selon la pièce no 115 ¿ récapitulatif des fiches individuelles d'absence du 1er juin 1990 au 30 novembre 2015), donc 6 mois, de la neutralisation de deux mois, de l'absence d'accident responsable pour l'année 1994 au cours de laquelle il n'est pas décompté de jours d'absence (l'effet accélérateur de 2 mois étant acquis en l'absence d'accident responsable pendant 12 mois travaillés consécutifs), du fait que le salarié n'a pas exercé effectivement pendant 12 mois consécutifs en 1999, le coefficient 212 doit être accordé au salarié à compter du 1er août 2005, date qui rend totalement inopérant, dans le cadre de la discussion sur l'acquisition de ce coefficient et l'existence d'une discrimination, les arguments relatifs à l'intervention les 13 décembre 2011 et 3 juillet 2012 d'accords d'entreprise modifiant celui du 6 février 2003.
Le déficit salarial à raison du retard d'acquisition à compter de février 2005 du coefficient 212 est chiffré par le salarié à la somme de 4938, 07 ¿ (cf ventilation et décompte figurant aux pièces 141 et 145).
En raison d'un retard qui n'intervient qu'à compter du 1er août 2015, la réclamation salariale est fondée pour la somme de 4505 ¿ (4938, 07 ¿-433, 7 ¿).
En l'absence de discrimination, la seule demande du salarié tendant à la condamnation de la TAM au paiement d'une somme de 10000 ¿ « de dommages intérêts en réparation des préjudices nés de la discrimination subie » ne peut être que rejetée.
5) Sur les demandes relatives aux coefficients 213 et 214
Dans ses conclusions déposées pour l'audience du 17 février 2015, M. X... réclame le paiement (cf pages 17 et 23) d'une somme de 588, 81 ¿ pour la période de février 2012 à octobre 2014 à raison de l'absence d'attribution du coefficient 213 et du coefficient 214.
Dans ses « conclusions complétives après réouverture des débats » déposées pour l'audience du 15 décembre 2015, M. X... ne réclame plus, dans le cadre de la reformulation de son appel incident, que le paiement (cf pages 15 et 16) d'une somme de 213, 51 ¿ pour la période de mars 2014 à juin 2015 à raison du fait « que le coefficient 214 aurait du lui être attribué à compter de mars 2014 conformément à l'accord d'entreprise conclu ».
A l'appui de sa demande M. X... se contente d'indiquer qu'il « bénéficie à ce jour du coefficient 215, et ce depuis le 1er juin 2015, qu'il s'est vu attribué antérieurement le 1er mars 2014 le coefficient 213, le 1er mars 2015 le coefficient 214 et qu'il lui reste donc dus le rappel de salaires afférent courant sur la période de mars 2014 à juin 2015, soit la somme de 213, 51 ¿, augmentée des congés payés afférents ».
Le texte de l'accord du 6 février 2003 n'évoque ni de près ni de loin les coefficients 213 et 214.
Le texte de l'accord du 13 décembre 2011 prévoit, à compter du 1er janvier 2012, l'acquisition du coefficient 214 « après 25 ans d'exercice effectif du métier de CR », soit en théorie pour M. X... à compter du 1er juin 2015.
En conséquence et la Cour n'étant pas en mesure de deviner les raisons pour lesquelles M. X... pourrait obtenir le bénéfice du coefficient 214 de manière anticipée, cette demande ne peut être que rejetée.

Sur les dépens

En raison de la solution apportée au présent litige et de l'issue du présent recours les dépens de première instance et d'appel doivent être mis à la charge de la société TAM.

PAR CES MOTIFS

La Cour ;
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Vu l'arrêt avant-dire droit du 25 mars 2015 ;
Constate que les recours (appel principal et appel incident) ne remettent pas en cause les dispositions de la décision déférée déboutant M. X... de sa demande d'attribution de la dotation habillement correspondant à sa famille professionnelle ;
Confirme le jugement du 11 septembre 2012 du Conseil de Prud'hommes de Montpellier, section commerce, en formation de départage, en ce qu'il condamne la TAM aux dépens de première instance et déboute M. X... de ses demandes en reconnaissance d'une discrimination et en dommages et intérêts de ce chef ;
Pour le surplus infirme et statuant à nouveau des chefs infirmés
Décide que par simple application des dispositions de l'accord d'entreprise du 6 février 2003 la TAM ne peut faire produire un effet retardateur pour l'acquisition du coefficient 212 aux jours :
- d'absence en raison des accidents de travail d'une durée inférieure à six mois ;- d'absence pour exercice de son droit de grève par Philippe X... ;

Décide que par simple application des dispositions du second alinéa de l'article L1226-8 du code du travail la TAM ne peut faire produire un effet retardateur pour l'acquisition du coefficient 212 aux jours d'absence de M. Philippe X... en raison des accidents de travail d'une durée supérieure à six mois ;
Décide que pour la seule période incriminée par le salarié, il n'existe aucun jour où le salarié est détaché dans un autre service et pour lequel l'employeur fait produire un effet retardateur ;
Décide qu'en l'absence de discrimination la TAM est fondée à décompter les jours d'absence pour arrêt maladie comme effet retardateur au regard de l'accord d'entreprise du 6 février 2003 ;
Décide que le coefficient 212 doit être accordé au salarié à compter du 1er août 2005 et condamne la TAM à payer M. X... la somme de 4505 ¿ pour le rappel de salaire en découlant, somme produisant intérêt au taux légal à compter du 11 septembre 2012 ;
Y ajoutant ;
Déboute M. X... de sa demande relative au retard dans l'acquisition du coefficient 214 ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la TAM aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4ème b chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/08127
Date de la décision : 03/02/2016
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1) Les dispositions d'un accord d'entreprise qui donnent un effet retardateur, pour l'acquisition d'un coefficient lié à l'ancienneté, aux absences liées aux « accidents de travail d'une durée supérieure à 6 mois » sont inopposables au salarié comme contraires aux dispositions d'ordre public de l'article L1226-8 alinéa 2nd du code du travail selon lesquelles les conséquences d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne peuvent entraîner pour l'intéressé aucun retard de promotion ou d'avancement au sein de l'entreprise. 2) L'employeur est fondé à décompter les jours d'absence pour arrêt maladie du salarié comme effet retardateur au regard de l'accord d'entreprise qui le prévoit, dès lors que cet accord fait produire à toutes les absences le même effet retardateur en ne décomptant que les années où les salariés sont présents et exercent effectivement le métier de conducteur receveur et qu'il n'opère aucune discrimination fondée sur l'état de santé.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Montpellier, 11 septembre 2012


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2016-02-03;12.08127 ?
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