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13/01/2016 | FRANCE | N°13/04805

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4ème b chambre sociale, 13 janvier 2016, 13/04805


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4ème B chambre sociale
ARRÊT DU 13 Janvier 2016

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 04805

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 MAI 2013 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER No RGF 11/ 1003

APPELANTE :

Mademoiselle Marion X...... 34070 MONTPELLIER Représentant : Me Natacha YEHEZKIELY de la SELAS KYM, avocat au barreau de MONTPELLIER (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/ 9918 du 27/ 09/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridiction

nelle de MONTPELLIER)

INTIMEE :

SARL LE PASSAGE Place Paul Bec Quartier Antigone 34000 Montpelli...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4ème B chambre sociale
ARRÊT DU 13 Janvier 2016

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 04805

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 MAI 2013 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER No RGF 11/ 1003

APPELANTE :

Mademoiselle Marion X...... 34070 MONTPELLIER Représentant : Me Natacha YEHEZKIELY de la SELAS KYM, avocat au barreau de MONTPELLIER (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/ 9918 du 27/ 09/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEE :

SARL LE PASSAGE Place Paul Bec Quartier Antigone 34000 Montpellier Représentant : Me Patrick BOUYGUES, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 NOVEMBRE 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Président de chambre Monsieur Richard BOUGON, Conseiller Monsieur Philippe ASNARD, Conseiller

qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Catherine BOURBOUSSON
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Président de chambre, et par Madame Catherine BOURBOUSSON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Le 7 septembre 2009 suivant contrat à durée déterminée à effet jusqu'au 5 décembre 2009 souscrit « en raison d'un surcroît d'activité », Mme Marion X...est engagée par la société (sarl) Le Passage en qualité de serveuse préparatrice NII E1 de la convention collective de la restauration rapide pour un salaire mensuel brut de 1545, 84 € pour 151, 67 heures de travail.
Le 4 décembre 2009 suivant contrat à durée indéterminée à effet au 6 décembre 2009, Mme Marion X...est engagée par la société (sarl) Le Passage en qualité de serveuse préparatrice NII E1 pour un salaire mensuel brut de 1545, 84 € pour 151, 67 heures de travail.
A compter d'avril 2011 Mme X...se trouve en situation d'arrêt de travail.
Le 27 juin 2011 Mme X...saisit le Conseil de Prud'hommes de Montpellier d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Le 16 avril 2013 le médecin du travail sur seconde visite de reprise émet l'avis suivant : « inapte définitive à son poste de travail. 2Ème visite au titre de l'article R 4624-31 du code du travail. Visite de poste et des conditions de travail le 4 avril 2013. Inapte à tout poste existant dans l'entreprise à ce jour en raison des capacités médicales restantes ».
Le 10 mai 2013 sur convocation du 25 avril 2013 et entretien préalable prévu au 6 mai 2013 l'employeur notifie à la salariée son licenciement dans les termes suivants : « Nous vous avons reçu le 6 mai 2013 pour l'entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre, en raison d'une inaptitude physique et impossibilité de reclassement. En effet, le 2eme avis médical rendu par le médecin du travail le 16/ 04/ 13 mentionne : « Inapte définitive à son poste de travail... 2ème visite au titre de l'article R4624-31 du code du travail. Visite de poste et des conditions de travail le 04/ 04/ 13. Inapte à tout poste existant dans l'entreprise à ce jour, en raison des capacités médicales restantes ». Après avoir examiné avec le médecin du travail, l'étude des postes de travail au sein de l'entreprise compatibles avec votre état de santé, il s'avère qu'aucun reclassement n'est possible. Nous avons, par ailleurs, tenté ce reclassement auprès des 2 entreprises suivantes : La Terrasse des Filles, 1 Place Paul Bec 34000 Montpellier Skyline Snack, Place de Thessalie 34000 Montpellier. Nous considérons que cette situation constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. La rupture de votre contrat de travail interviendra à réception de la présente. Dans la mesure où vous êtes dans l'incapacité d'exécuter normalement votre travail pendant la durée de votre préavis, aucun salaire ne vous sera versé à ce titre. A ce jour, votre droit individuel à la formation (DIF) s'élève à 77 h... ».
Le 21 mai 2013 le Conseil de Prud'hommes de Montpellier, section commerce, en formation de départage, sur audience de conciliation du 14 septembre 2011, procès-verbal de partage de voix du 25 juillet 2012 et audience de plaidoiries du 2 mai 2013, déboute Mme X...de toutes ses demandes, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne aux dépens.
Le 25 juin 2013 Mme X..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, interjette appel de la décision qui lui est notifiée le 30 mai 2013 et sollicite la réformation :
- en prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur à la date du 10 mai 2013 produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse :
- à titre subsidiaire en jugeant le licenciement pour inaptitude notifié le 10 mai 2013 dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- en tout état de cause en condamnant la société Le Passage, outre aux entiers dépens, à lui payer 25000 € de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait du licenciement abusif, 3237, 32 € (2 mois) d'indemnité compensatrice de préavis, 323, 73 € de congés payés afférents, 1133, 06 € à titre d'indemnité de licenciement et 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société (sarl) Le Passage demande la confirmation avec condamnation de l'appelante, outre aux entiers dépens, à lui payer 2000 € au titre de l'article 700 du CPC.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du Conseil de Prud'hommes et aux conclusions des parties qui ont expressément déclaré s'y rapporter lors des débats du 17 novembre 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur la résiliation
Indépendamment du rappel des textes, des principes et de certains des comportements d'employeurs condamnés, Mme X...sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux motifs que :
- la société Le passage a manqué à son obligation de sécurité qui est une « obligation de résultat, c'est-à-dire qu'à partir du moment où le risque encouru est concrétisé par notamment l'atteinte à la santé du salarié, qui parallèlement a mis en cause ces pratiques, le résultat n'est pas atteint, et le manquement juridiquement constitué » ;
- sa « sécurité psychique a été mise en cause au service de cette société » ;
- elle s'est plainte « de ces attitudes hostiles et attentatoires à sa santé de la part de son employeur » et produit à cet effet un certain nombre d'attestations ;
- les arrêts de travail ont été continus à compter du 8 avril 2011 et illustrent malheureusement très bien la dégradation de son état de santé ;
- dès le mois de mars 2011 elle était sous traitement anti-dépresseur et ce de façon continue jusqu'en 2013 ;
- « en situation d'arrêt de travail elle a dû faire face à la particulière mauvaise foi de son employeur qui a mis tout en œuvre pour retarder les remboursements complémentaires, continuant à mettre en péril sa santé en participant à obérer de façon drastique sa situation financière quotidienne » ;
Au vu de ces éléments il n'apparaît pas inutile de rappeler que le fait qu'une personne, par ailleurs salariée, souffre de problèmes de santé, même psychiques, ne suffit pas à caractériser un manquement de son employeur à son obligation de sécurité de résultat.
Le lien entre son état physique et un éventuel comportement de l'employeur ne saurait être caractérisé par les multiples ordonnances prescrivant des anti-dépresseurs, les arrêts de travail et le courrier du 30 janvier 2013 du médecin traitant adressé au médecin du travail par lequel il précise que « Mme X...ne pourra plus reprendre le travail dans son entreprise » en indiquant qu'il « la sent capable de travailler ailleurs dès qu'elle pourra trouver un emploi », voire d'une ligne d'observation extraite du dossier médical où il est écrit « (la salariée) comprend maintenant que l'inaptitude est la seule solution ».
Ensuite et alors que les parties se sont échangées de nombreux courriers, aucun document ne comporte dénonciation par Mme X...des comportements qu'elle impute à son employeur dans le cadre de la présente instance.
Alors que Mme X...conclut que « la jurisprudence a rendu un certain nombre d'arrêts considérant que des actes de harcèlement moral pouvaient être illustratifs des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité (Cass. soc. 10 octobre 2011, JCP S 2011) », elle précise également qu'elle « s'est plainte de ces attitudes hostiles et attentatoires à sa santé de la part de son employeur » et produit à cet effet un certain nombre d'attestations.

Cette argumentation peut être comprise comme la dénonciation par la salariée d'une situation de harcèlement moral prohibée par les dispositions des articles L 1152-1 du code du travail.

Ainsi et compte-tenu des observations ci-dessus développées, son seul état de santé ne peut la dispenser du respect du processus probatoire prévu à l'article L 1154-1 du code du travail.
Comme faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement Mme X...se prévaut des « attitudes hostiles et attentatoires à sa santé de la part de son employeur » et du retard volontaire dans les remboursements complémentaires en situation d'arrêt de travail.
La seule allégation, très imprécise, par Mme X...de l'émission par l'employeur « d'opinions personnelles (lesquelles ?), portant notamment sur les minorités et tenues en sa présence, qui l'ont affectée car elle est la mère d'une enfant métissée » ne permet pas de caractériser un fait qui permet de présumer l'existence d'un harcèlement.
L'attestation de Mme Y...(pièce no 3) relate la compétence professionnelle de Mme X...et la seule précision que l'employeur soit devenue « de moins en moins aimable » ne permet pas de prouver une « attitude hostile et attentatoire à sa santé de la part de son employeur ».
Les attestations de Mme Z...(pièce no 4) et de Mme A...(pièce no 28) qui ne relatent que les propos qui leur ont été tenus par Mme X...se heurtent aux dispositions du premier alinéa de l'article 202 du code de procédure civile selon lesquelles l'effet probatoire d'une attestation ne peut concerner que la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés.
Ainsi que justement analysé par le premier juge en une motivation d'ailleurs ni évoquée ni critiquée par Mme X...et que la Cour adopte, les seuls documents versés aux débats ne caractérisent nullement un comportement volontaire de l'employeur à l'origine de retards (lesquels ?) « dans les remboursements complémentaires ».
En conséquence le seul fait établi qui permette de présumer l'existence d'un harcèlement consiste dans la défaillance de l'état de santé de Mme X....
Ce seul fait ne peut constituer des agissements répétés de harcèlement moral émanant de l'employeur qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En conséquence il n'existe aucun harcèlement moral.
En conséquence et en l'absence de tout manquement de l'employeur à ses obligations, la demande de résiliation doit être rejetée.
2) Sur la rupture
En raison de ce qui précède l'inaptitude ne peut « découler des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité ».
Selon l'article L1226-2 du code du travail lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, proposition qui prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise, l'emploi proposé devant être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.
L'employeur qui se contente dans la lettre de licenciement de rappeler l'avis d'inaptitude à tout poste existant dans l'entreprise émis par le médecin du travail, d'affirmer « qu'aucun reclassement n'est possible » et de préciser l'existence d'une recherche de reclassement en externe, ne justifie pas du respect de son obligation de recherche d'un reclassement en interne, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail, la salariée excipant à juste titre du fait que l'employeur ne prend même pas la peine de fournir le registre du personnel, pourtant réclamé..., carence qui ne peut être remplacé par l'indication qu'il exploite « un modeste commerce de petite restauration ».
En conséquence la société Le Passage ne justifiant pas d'une recherche loyale, sérieuse et personnalisée de reclassement, le licenciement doit être considéré comme sans cause réelle et sérieuse.
3) Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Au vu des dispositions contractuelles et conventionnelles, de l'ancienneté (en tout état de cause supérieure à deux ans), de l'âge de la salariée au moment du licenciement (née en mai 1980), du montant du salaire brut (1545, 83 €), du fait que la société Le passage emploie habituellement moins de 11 salariés (5 au moment du licenciement) et des précisions et justificatifs sur sa situation ultérieure, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être fixée à la somme de 2000 €.

Mme X...est également fondée à obtenir les sommes de :
-3237, 32 € (2 mois) d'indemnité compensatrice de préavis et 323, 73 € de congés payés afférents ;-1133, 06 € d'indemnité de licenciement.

Sur les dépens
En raison de la solution apportée au présent litige les dépens de première instance doivent être laissés à la charge de Mme X....
En raison de l'issue du présent recours les dépens d'appel doivent être laissés à la charge de la société Le Passage.

PAR CES MOTIFS

La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Confirme le jugement du 21 mai 2013 du Conseil de Prud'hommes de Montpellier, section commerce, en formation de départage ;
Y ajoutant dans la mesure où le licenciement intervient après clôture des débats en première instance ;
Condamne la société Le Passage, outre aux dépens d'appel, à payer à Mme X...les sommes de :
-2000 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;-3237, 32 € (2 mois) d'indemnité compensatrice de préavis et 323, 73 € de congés payés afférents ;-1133, 06 € d'indemnité de licenciement ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4ème b chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/04805
Date de la décision : 13/01/2016
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1º) Le fait qu'un salarié souffre de problèmes de santé psychiques établis par de multiples ordonnances prescrivant des antidépresseur et des arrêts de travail, ne suffit pas à démontrer un lien entre son état et un éventuel comportement de l'employeur et donc à caractériser un manquement à son obligation de sécurité de résultat, alors qu'il ne rapporte pas la preuve du harcèlement moral dont il se prévaut. 2º) Si, selon l'article L1226-2 du code du travail, l'employeur doit prendre prend en compte les conclusions écrites et les indications du médecins du travail sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, l'employeur qui dans la lettre de licenciement se contente de rappeler l'avis d'inaptitude à tout poste existant dans l'entreprise émis par le médecin du travail et d'affirmer « qu'aucun reclassement n'est possible », ne justifie pas d'une recherche loyale, sérieuse et personnalisée de reclassement.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Montpellier, 21 mai 2013


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2016-01-13;13.04805 ?
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