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07/01/2016 | FRANCE | N°12/01702

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1o chambre section ao1, 07 janvier 2016, 12/01702


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section AO1
ARRÊT DU 7 JANVIER 2016
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01702
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 DECEMBRE 2011 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER No RG 10/ 02639

APPELANTE :
SA COUTOT-ROERIGH pris en sa qualité de représentant de la succession de Monsieur Manuel X... Y...... 34000 Montpellier représentée par Me Rafaele BLACHERE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Madame Sylvie Z... épouse A... née le 15 Juillet 1962 à GRENOBLE (38000) de nati

onalité française... 34970 LATTES représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SCP Philippe SENMAR...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section AO1
ARRÊT DU 7 JANVIER 2016
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01702
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 DECEMBRE 2011 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER No RG 10/ 02639

APPELANTE :
SA COUTOT-ROERIGH pris en sa qualité de représentant de la succession de Monsieur Manuel X... Y...... 34000 Montpellier représentée par Me Rafaele BLACHERE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Madame Sylvie Z... épouse A... née le 15 Juillet 1962 à GRENOBLE (38000) de nationalité française... 34970 LATTES représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SCP Philippe SENMARTIN et associés, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER, assistée de Me Sophie DEBERNARD JULIEN, avocat de la SCP PALIES-DEBERNARD JULIEN, avocat au barreau de MONTPELLIER

Mademoiselle Catherine Z... née le 5 Janvier 1964 à GRENOBLE (34000) de nationalité française...... 34970 LATTES représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SCP Philippe SENMARTIN et associés, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER, assistée de Me Sophie DEBERNARD JULIEN, avocat de la SCP PALIES-DEBERNARD JULIEN, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur Bruno Z... né le 29 Décembre 1965 à LA TRONCHE (38700) de nationalité française... 20600 FURIANI représenté par Me Philippe SENMARTIN de la SCP Philippe SENMARTIN et associés, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER, assisté de Me Sophie DEBERNARD JULIEN, avocat de la SCP PALIES-DEBERNARD JULIEN, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTERVENANTS :

Monsieur Javier X... B... né le 16 Septembre 1979 à SABADELL (Espagne) de nationalité française...... BARCELONA (Espagne) représenté par Me Rafaële BLACHERE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur Julia X... C... né le 8 Septembre 1974 à SABADELL (Espagne) de nationalité française...... BARCELONA (Espagne) représentée par Me Rafaële BLACHERE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur Patrick X... D... né le 10 Juillet 1972 à SABADELL (Espagne) de nationalité française...... ESPAGNE représenté par Me Rafaële BLACHERE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur Paul Y... né le 14 Juillet 1940 à NABEUL (Tunisie) de nationalité française... 75015 PARIS 15o représenté par Me Rafaële BLACHERE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame Jacqueline Y... née le 15 Octobre 1928 à NIORT (79000) de nationalité française...... 12092 TUNIS (Tunisie) représentée par Me Rafaële BLACHERE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame Anny Maria X... E... née le 6 Décembre 1948 à VILLERABLE (41100) de nationalité française...... 08206 ESPAGNE représentée par Me Rafaële BLACHERE, avocat au barreau de MONTPELLIER

ORDONNANCE de CLOTURE du 4 NOVEMBRE 2015

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le MERCREDI 25 NOVEMBRE 2015 à 8H45 en audience publique, Madame Caroline CHICLET, Conseiller ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président de chambre Madame Caroline CHICLET, Conseillère Madame Brigitte DEVILLE, Conseillère qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Marie-Françoise COMTE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE,
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président, et par Marie-Françoise COMTE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE :
Du mariage de Georgette F... et d'Ernest Z... sont nés trois enfants : Sylvie, Catherine et Bruno Z....
Ernest Z... est décédé le 12 mai 1992.
Dans le courant de l'année 1995, Georgette Z... a rencontré Manuel X... Y... avec lequel elle a vécu en concubinage jusqu'à son décès survenu le 3 juin 2006. Elle a laissé ses trois enfants pour lui succéder.
Manuel X... Y... est décédé le 29 septembre 2007 sans héritiers connus.
Les héritiers de Georgette Z..., estimant détenir une créance de 60. 000 ¿ à l'encontre de la succession de Manuel X... Y..., en ont informé le notaire qui a transmis cette requête au généalogiste chargé de rechercher des héritiers.
Les héritiers de Manuel X... Y... ayant été retrouvés, les consorts Z... ont fait procéder à une saisie conservatoire le 7 avril 2010 entre les mains du notaire et du généalogiste en garantie de leur créance.
Par acte d'huissier en date du 5 mai 2010 les consorts Z... ont fait citer la Sa Coutot Roehrig prise en sa qualité de représentants
de la succession de Manuel X... Y... devant le tribunal de grande instance de Montpellier en paiement à titre principal de la somme de 57. 622, 45 ¿ correspondant au montant d'un prêt consenti par leur mère à son compagnon et jamais remboursé par ce dernier.
Par jugement contradictoire en date du 15 décembre 2011 ce tribunal a : ¿ condamné la Sa Coutot Roehrig, généalogiste en sa qualité de représentant des héritiers de Manuel X... Y..., à payer aux consorts Z... en leur qualité d'héritiers de Georgette Z... la somme de 57. 622, 45 ¿ avec intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2010 ; ¿ ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil ; ¿ débouté les demandeurs de leur demande de dommages-intérêts ; ¿ dit n'y avoir lieu à validation des saisies conservatoires pratiquées le 7 avril 2010 par les demandeurs et dont la conversion en saisie attribution doit être faite conformément aux dispositions des articles 240 et suivants du décret du 31 juillet 1992 ; ¿ condamné la Sa Coutot Roehrig, ès qualités, aux dépens et à payer aux consorts Z... la somme de 1500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; ¿ rejeté le surplus des demandes.

La Sa Coutot Roehrig a relevé appel de ce jugement le 6 mars 2012.
Vu les conclusions de l'appelante remises au greffe le 18 décembre 2014 ;
Vu les conclusions d'intervention volontaire de Javier X... B..., Julia X... C..., Patrick X... D..., Paul Y..., Jacqueline Y... et Anny X... E... en leur qualité d'héritiers de Manuel X... Y... (les héritiers X... Y...) remises au greffe le 18 décembre 2014 ;
Vu les conclusions des consorts Z..., appelants à titre incident, remises au greffe le 25 février 2015 ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 4 novembre 2015 ;

M O T I F S :

Il convient de recevoir en leur intervention volontaire les héritiers de Manuel X... Y....
L'appelante et les héritiers X... Y... soutiennent que les chèques litigieux ont été remis par Georgette Z... à Manuel X... Y... à titre de libéralité et qu'ils doivent être qualifiés de dons manuels. Ils contestent l'impossibilité morale de se procurer un écrit invoquée par les intimés pour prouver la réalité des prêts qu'ils allèguent.
La remise de fonds à une personne ne suffit pas à justifier l'obligation de celle-ci de les restituer.
La preuve d'un acte juridique dont le montant est supérieur à 1. 500 ¿ doit être rapportée par écrit et ce principe ne reçoit exception qu'en cas d'impossibilité établie de se procurer un écrit.
Indépendamment des liens d'affection qui ont uni Georgette Z... à Manuel X... Y... pendant plusieurs années au point de les déterminer à vivre ensemble d'abord dans la maison de ce dernier à Juvignac puis dans son appartement de Palavas-les-Flots (attestation I...) et ce, jusqu'au décès de la première et à disposer d'un compte joint, il résulte du dossier que ceux-ci avaient tissé une relation de confiance particulière, à un âge mûr de leur vie (ils avaient 55 ans et 60 ans au moment de leur rencontre en 1995) puisque Georgette Z... avait accepté d'être tutrice de la mère de son compagnon, ce qui démontre une confiance réciproque allant bien au-delà des simples liens d'affection sans que cette circonstance ait fait dégénérer leur lien en " relations d'affaires ", contrairement à ce que soutiennent à tort l'appelante et les héritiers X... Y....
Ce rapport particulier de confiance réciproque en la loyauté et en l'honnêteté de chacun constituait un obstacle moral entre les concubins pour mettre par écrit les obligations financières contractées l'un envers l'autre pendant leur vie commune.
Cette impossibilité morale rend admissible la preuve des prêts allégués par tous moyens.
Il est acquis que Georgette Z... a remis deux chèques à Manuel X... Y..., qui les a encaissés.
Le premier chèque d'un montant de 7. 622, 45 ¿ a été tiré le 19 février 2003 et a été débité immédiatement du compte de Georgette Z....
Ce chèque a été émis le même jour que le paiement du dépôt de garantie de 10. 013, 70 ¿ par Manuel X... Y... à sa venderesse pour réserver l'appartement en l'état futur d'achèvement qu'il a acquis à Palavas-les-Flots ainsi que cela ressort du tableau prévisionnel des travaux et des paiements édité le 6 novembre 2003 par la Sci Alliance (venderesse) dans lequel apparaît le règlement reçu le 19 février 2003.
Le second chèque de 50. 000 ¿ a été tiré le 19 février 2004 juste avant la signature du contrat du 16 mars 2004 dans lequel l'officier ministériel indique avoir reçu un versement de 70. 096, 90 ¿.
Il résulte des éléments du dossier que Manuel X... Y..., qui pensait pouvoir financer le prix de l'appartement de Palavas-les-Flots grâce au produit de la vente de sa maison de Juvignac, a dû modifier ses projets au dernier moment en raison de la défection de son acquéreur et recourir à un emprunt immobilier de 150. 000 ¿.
Dans le contrat de prêt il est stipulé qu'il devait financer l'acquisition au moyen d'un apport personnel de 50. 000 ¿.
La proximité entre les dates d'émission des chèques et celles des règlements intervenus dans le cadre du financement de l'appartement de Palavas-les-Flots, la compatibilité des montants concernés, le contexte qui a contraint Manuel X... Y... à recourir à un emprunt (remboursé par la suite avec le prix obtenu de la maison de Juvignac) sont autant d'indices concordants permettant d'affirmer que les sommes remises par Georgette Z... ont été affectées par Manuel X... Y... au financement de l'immeuble, contrairement à ce que soutiennent l'appelante et les héritiers X... Y....
S'agissant de la preuve du prêt allégué, la soeur de Georgette Z... atteste le 26 avril 2010 que cette dernière " avait consenti un prêt à Manuel X... Y... pour l'acquisition de l'appartement résidence Malvina à Palavas, celui-ci n'ayant pas perçu à temps l'argent de la vente de sa villa de Juvignac comme cela était prévu. "
Valérie G... et Catherine H... qui sont des amies de Sylvie et de Catherine Z..., rapportent, de manière très circonstanciée, les
promesses de remboursement du prêt litigieux faites par Manuel X... Y... en leur présence en réponse aux interpellations des filles Z... à l'occasion de rencontres fortuites avec ce dernier dans les rues de Palavas-les Flots courant 2007.
Ces trois témoignages convergent, dont la crédibilité n'a pas à être remise en cause dès lors qu'ils émanent de personnes n'ayant aucun intérêt dans le présent litige, suffisent à établir l'existence du prêt allégué.
Il est indifférent pour l'existence de ce prêt que Georgette Z..., dont le patrimoine à son décès était non négligeable sans toutefois pouvoir être qualifié d'important, contrairement à ce qu'affirment l'appelante et les héritiers X... Y... (l'actif net successoral se limitant à 477. 200, 00 ¿), ait manifesté par ailleurs, au cours de sa vie commune avec Manuel X... Y..., une intention libérale envers son compagnon.
Il est pareillement inopérant qu'elle n'ait pas cru devoir solliciter le remboursement des sommes qui lui étaient dues dès après la vente de la maison de Juvignac courant 2004.
Enfin il est sans incidence sur la réalité des prêts que Manuel X... Y..., qui n'avait pas d'enfant, ait souscrit une assurance vie en désignant sa compagne comme bénéficiaire.
La preuve des prêts étant établie et aucun remboursement des sommes avancées n'étant démontré, les héritiers de Manuel X... Y... seront condamnés à payer aux consorts Z..., pris ensemble, la somme empruntée de 57. 622, 45 ¿ avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 5 mai 2010 valant mise en demeure et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil.
Les consorts Z... ne démontrent pas l'existence d'un préjudice distinct de celui occasionné par le retard dans le paiement lequel est réparé par les intérêts moratoires et ils seront déboutés de leur appel incident concernant la demande de dommages-intérêts de 10. 000 ¿.
Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions sauf en celle ayant condamné la Sa Coutot Roehrig, généalogiste, en qualité de représentants des héritiers de Manuel X... Y..., ces derniers étant intervenus volontairement en cause d'appel.

L'appelante et les héritiers de Manuel X... Y... qui succombent seront déboutés de leur demande de dommages-intérêts.

P A R C E S M O T I F S :

La cour ;
Reçoit Javier X... B..., Julia X... C..., Patrick X... D..., Paul Y..., Jacqueline Y... et Anny X... E..., ès qualités d'héritiers de Manuel X... Y..., en leur intervention volontaire ;
Confirme le jugement entrepris sauf à préciser que le paiement de la somme de 57. 622, 45 ¿ en principal, intérêts et frais ainsi que des dépens de première instance seront supportés par Javier X... B..., Julia X... C..., Patrick X... D..., Paul Y..., Jacqueline Y... et Anny X... E..., tous pris en leur qualité d'héritiers de Manuel X... Y... ;
Y ajoutant ;
Déboute la Sa Coutot Roehrig et les héritiers X... Y... de leur demande de dommages-intérêts ;
Condamne Javier X... B..., Julia X... C..., Patrick X... D..., Paul Y..., Jacqueline Y... et Anny X... E..., pris en leur qualité d'héritiers de Manuel X... Y..., aux dépens de l'appel qui comprendront le coût de la saisie conservatoire et seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer aux consorts Z..., pris ensemble, la somme de 3. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais engagés en cause d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT

CC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1o chambre section ao1
Numéro d'arrêt : 12/01702
Date de la décision : 07/01/2016

Analyses

La preuve d'un acte juridique dont le montant est supérieur à 1.500 ¿ doit être rapportée par écrit, sauf en cas d'impossibilité de se procurer un écrit. Un telle impossibilité est établie lorsqu'un rapport particulier de confiance réciproque en la loyauté et en l'honnêteté de chacun,  tissé entre deux concubins et allant bien au-delà de simples liens d'affection, constituait un obstacle moral pour mettre par écrit les obligations financières contractées l'un envers l'autre pendant leur vie commune.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Montpellier, 15 décembre 2011


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2016-01-07;12.01702 ?
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