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17/12/2015 | FRANCE | N°13/00519

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1o chambre section ao1, 17 décembre 2015, 13/00519


Grosse + copie délivrées le à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1o Chambre Section AO1
ARRÊT DU 17 DECEMBRE 2015
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 00519

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 SEPTEMBRE 2012 TRIBUNAL D'INSTANCE DE BEZIERS No RG 1112000174

APPELANT :

Monsieur Jean X...né le 9 Septembre 1960 à NARBONNE (11100) de nationalité française ...34600 LE POUJOL SUR ORB représenté par Me Jean BELLISSENT de la SCP BELLISSENT LE COZ HENRY, avocat postulant au barreau de BEZIERS, assisté de Me LE COZ, avocat pl

aidant au barreau de BEZIERS

INTIMES :

Monsieur André Y...né le 17 Octobre 1944 à BEDARIEUX de nati...

Grosse + copie délivrées le à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1o Chambre Section AO1
ARRÊT DU 17 DECEMBRE 2015
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 00519

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 SEPTEMBRE 2012 TRIBUNAL D'INSTANCE DE BEZIERS No RG 1112000174

APPELANT :

Monsieur Jean X...né le 9 Septembre 1960 à NARBONNE (11100) de nationalité française ...34600 LE POUJOL SUR ORB représenté par Me Jean BELLISSENT de la SCP BELLISSENT LE COZ HENRY, avocat postulant au barreau de BEZIERS, assisté de Me LE COZ, avocat plaidant au barreau de BEZIERS

INTIMES :

Monsieur André Y...né le 17 Octobre 1944 à BEDARIEUX de nationalité française ...34600 BEDARIEUX représenté par Me Dominique Charles FRESET de la SCP AVOCARREDHORT, avocat postulant au barreau de BEZIERS, assisté de Me Benjamin JEGOU, avocat plaidant substituant Me FRESET, avocat

Monsieur Bertrand Y...né le 16 Avril 1972 à BEAUVAIS de nationalité française ...75020 PARIS représenté par Me Dominique Charles FRESET de la SCP AVOCARREDHORT, avocat postulant au barreau de BEZIERS, assisté de Me Benjamin JEGOU, avocat plaidant substituant Me FRESET, avocat

Monsieur Guilhem Y...né le 8 Septembre 1976 à BEDARIEUX de nationalité française ...38100 GRENOBLE représenté par Me Dominique Charles FRESET de la SCP AVOCARREDHORT, avocat postulant au barreau de BEZIERS, assisté de Me Benjamin JEGOU, avocat plaidant substituant Me FRESET, avocat

Mademoiselle Marie Y...née le 3 Novembre 1981 à NIMES de nationalité française ... 30000 NIMES représentée par Me Dominique Charles FRESET de la SCP AVOCARREDHORT, avocat postulant au barreau de BEZIERS, assistée de Me Benjamin JEGOU, avocat plaidant substituant Me FRESET, avocat

ORDONNANCE de CLOTURE du 20 OCTOBRE 2015

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le MARDI 10 NOVEMBRE 2015 à 8H45 en audience publique, Madame Caroline CHICLET, Conseiller ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président de chambre Madame Caroline CHICLET, Conseillère Madame Brigitte DEVILLE, Conseillère qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Marie-Françoise COMTE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE,

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président, et par Marie-Françoise COMTE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE :
André Y..., ès qualités d'usufruitier, et ses enfants Bertrand, Guilhem et Marie Y..., ès qualités de nus-propriétaires, ont confié à Jean X...courant 2003 dans le cadre de l'extension de leur maison sise à Bédarieux (34) des travaux de carrelage intérieur, d'enduit de façade et de réalisation d'une plage de piscine.
Fin 2009, ayant constaté l'apparition de désordres, les consorts Y...ont sollicité le bénéfice d'une expertise en référé.
L'expert Z..., désigné par ordonnance du 30 septembre 2010, a déposé son rapport en juillet 2011.
Les consorts Y...ont fait citer Jean X...devant le tribunal d'instance de Béziers par acte du 1er février 2012 afin d'obtenir la réparation de leurs préjudices.
Par jugement contradictoire en date du 28 septembre 2012 ce tribunal a : ¿ condamné Jean X...à payer aux consorts Y...les sommes de : 1. 750 ¿ au titre des travaux de reprise des plages de la piscine, 1. 800 ¿ au titre de la reprise des carrelages du premier étage, 1. 750 ¿ au titre de la reprise du carrelage du second étage, ¿ rejeté la demande au titre des frais de déménagement ; ¿ rejeté la demande au titre des travaux de reprise de la façade ;

¿ rejeté la demande au titre du trouble de jouissance ; ¿ rejeté les autres demandes ; ¿ condamné Jean X...aux dépens y compris les frais d'expertise et à payer aux consorts Y...la somme de 1000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Jean X...a relevé appel de ce jugement le 23 janvier 2013.
Vu les conclusions de l'appelant remises au greffe le 23 avril 2013 ;
Vu les conclusions des consorts Y..., appelants à titre incident, remises au greffe le 6 mai 2013 ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 20 octobre 2015 ;

M O T I F S :

Sur les désordres affectant les plages de la piscine :
Jean X...conclut à la responsabilité exclusive d'André Y...dont les travaux de remblaiement non stabilisé sont, selon lui, à l'origine des désordres. Subsidiairement, il demande à ce que la cour limite sa responsabilité à 10 %, André Y...ayant accepté délibérément les risques.
Les travaux exécutés par Jean X...ont consisté à couler une dalle en béton armé autour de la piscine sur un remblai préalablement réalisé par André Y...avec du tout venant.
Cette dalle en béton armé qui forme une chape de plus d'un mètre de largeur sur les pourtours de la piscine constitue un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil.
Cet ouvrage achevé en octobre 2003 a été facturé par Jean X...le 3 décembre 2003.
André Y..., qui a réglé l'intégralité de la facture, a manifesté sa volonté non équivoque d'accepter l'ouvrage en y posant le pavage en pierre au printemps 2004 et l'a réceptionné tacitement à compter de cette date.
Les désordres d'affaissement sont apparus courant 2008 après la réception.
L'expert a relevé un enfoncement de la plage localisé au centre de l'ouvrage sur 5 mètres linéaires et dont la profondeur de 8 cm en moyenne atteint 12 cm par endroit.
Cet enfoncement important et profond, visible sur les photographies annexées au rapport, rend l'ouvrage dangereux pour les usagers ce qui constitue une impropriété à sa destination.
La responsabilité décennale de Jean X..., invoquée par les consorts Y..., est par conséquent engagée.
L'expert impute la cause de cet enfoncement à la mauvaise qualité du remblai mis en oeuvre par André Y...qui est composé de matériaux hétéroclites inconnus associés à de la brique, matériaux par nature friable et poreux qui ne facilite pas le compactage puisqu'il évolue dans le temps.
Il stigmatise en outre le fait que le remblaiement ait été effectué par André Y...en couches trop épaisses (50 à 60 cm au lieu de 20 à 30 cm préconisés) et au moyen d'un engin inadéquat (petit tracto-pelle au lieu d'une pilonneuse ou d'un rouleau vibrant).
Mais il appartenait à Jean X..., professionnel tenu de livrer un ouvrage exempt de vice, de se renseigner sur la composition du remblai sur lequel il devait couler la dalle en béton armé et d'interroger à cette fin le maître de l'ouvrage qui a toujours admis avoir procédé à ses travaux lui-même, ce qu'il ne démontre pas avoir fait.
Par ailleurs, si l'attestation produite établit que Jean X...a mis en garde André Y...sur le temps minimum de séchage de la chape après sa mise en oeuvre, ce qui n'est pas à l'origine du désordre décennal, elle ne prouve pas qu'il l'aurait informé, avant la réalisation des travaux, sur les risques d'enfoncement de l'ouvrage en cas de défaut de stabilisation du remblai mis en oeuvre par le maître de l'ouvrage lui-même et sur la nécessité de vérifier la résistance mécanique de celui-ci.
Il ne démontre donc pas, contrairement à ce qu'il prétend, qu'André Y...aurait accepté sciemment et en conscience les risques d'affaissement liés au défaut de stabilisation du remblai.
Contrairement à ce qu'a proposé l'expert judiciaire, aucune exonération de responsabilité, même partielle, ne peut être retenue et Jean X...doit réparer intégralement le préjudice consécutif au désordre affectant la plage de la piscine, ainsi que l'a justement décidé le premier juge.
Le coût de reprise du désordre consistant en la démolition de la chape après enlèvement du pavage en pierre a été évalué par Jean X...lui-même à la somme de 2. 380 ¿ HT dans un devis du 15 juin 2011 (annexe 2. 6 du rapport) repris par l'expert dans son estimation des travaux en page 14 du rapport.
Il convient par conséquent de faire droit à l'appel incident des consorts Y...et de condamner Jean X...à leur payer la somme de 2. 380 ¿ HT à majorer du taux de TVA applicable au jour du prononcé du présent arrêt avec indexation sur l'indice BT01 valeur juillet 2011.
Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a condamné Jean X...à payer à André Y...la somme de 1. 750 ¿ TTC.

Sur les désordres affectant le carrelage :

L'expert judiciaire a relevé des désafleurs ponctuels de plusieurs millimètres (jusqu'à 5 mm) sur une partie du carrelage du premier étage de l'habitation (une douzaine de carreaux dans le salon).
Il indique que ces désafleurs n'affectent généralement qu'un angle et non la totalité d'un côté ce qui exclut un défaut généralisé de pose.
Par ailleurs, l'expert a relevé un défaut de planéité du carrelage posé au niveau du pied de marche en arrivant au 2ème étage sur plus de 10 millimètres.
Les désafleurs de 5 mm en divers endroits du salon et le défaut de planéité du carrelage sur 10 mm situé juste à l'arrivée des escaliers
du deuxième étage, sans compromettre la solidité de l'ouvrage (extension), le rendent impropre à sa destination dès lors qu'ils constituent des obstacles peu ou pas visibles, susceptibles d'entraîner la chute de ses occupants ; ils sont par conséquent constitutifs d'un danger pour les personnes ainsi que le relève justement l'expert judiciaire en page 9 de son rapport.
Ces irrégularités dangereuses, imputables selon l'expert à un manquement aux règles de l'art lors de la pose, sont sans rapport avec la qualité du matériau mis en oeuvre (carreaux anciens).
Le danger constitué par les irrégularités importantes du carrelage dans le salon et à l'arrivée du 2ème étage de l'extension rend l'ouvrage impropre à sa destination même s'ils affectent un élément d'équipement dissociable non destiné à fonctionner.
La dangerosité de l'ouvrage en raison de ce défaut de pose n'était pas immédiatement décelable par le maître de l'ouvrage lors de la réception.
La responsabilité décennale de Jean X...est donc engagée et il doit réparation aux consorts Y....
Les consorts Y...produisent un devis de 1. 800 ¿ pour le ponçage de la totalité du carrelage dans le séjour du premier étage d'une surface de 45 m ² alors que l'expert préconise un ponçage limité aux seuls carreaux émergents. Ce devis ne sera donc pas retenu.
L'expert a préconisé une dépose ponctuelle du carrelage du second étage avec remise à niveau, en jouant entre autre sur la chape, afin de récupérer une planéité d'ensemble.
Il valide le coût de reprise des carrelages du 1er et du 2ème étage estimé par Jean X...à la somme de 960 ¿ HT.
Cette somme sera retenue et les consorts Y...seront déboutés du surplus de leur prétention (la pièce no12 visée dans leurs écritures à l'appui de leur demande de 1. 750 ¿ étant le devis de reprise de la plage de la piscine, aucun devis de reprise du carrelage du 2ème étage n'étant produit).

Jean X...sera condamné à payer aux consorts Y...la somme de 960 ¿ HT à majorer du taux de TVA applicable au jour du présent arrêt et indexée sur l'indice BT01 valeur juillet 2011.

Le jugement sera infirmé.

Sur l'enduit de façade :

Les consorts Y..., formant appel incident, demandent à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté leur demande au titre de l'enduit de façade et d'accueillir leur prétention indemnitaire fondée sur la responsabilité de droit commun.
L'expert a relevé une irrégularité de surface centimétrique sur une zone de 3 à 4 m ² située à l'arrière de la maison en raison d'une insuffisance de traitement préalable du mur brut imputable à Jean X....
La responsabilité contractuelle de JeanToral est engagée à l'endroit des consorts Y....
L'expert préconise de décaper cette zone, de la mettre à niveau avant de l'enduire à nouveau pour un coût estimé à 420 ¿ HT qui sera validé.
Jean X...sera condamné à payer aux consorts Y...la somme de 420 ¿ HT à majorer du taux de TVA applicable au jour du présent arrêt et indexée sur l'indice BT01 valeur juillet 2011.
Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur le trouble de jouissance :

Contrairement à ce qu'a décidé le premier juge, les consorts Y...subissent un réel trouble de jouissance puisqu'ils sont privés de l'usage d'une partie de la plage de leur piscine depuis 2008 et qu'ils sont exposés dans une partie du salon de leur premier étage et au niveau de l'accès au deuxième étage à un risque de chute depuis 11 ans ; risque qui augmente avec le temps puisque André Y...a aujourd'hui 72 ans.
Leur appel incident sera dès lors accueilli et Jean X...sera condamné à leur payer la somme de 1. 000 ¿ de ce chef, les consorts Y...étant déboutés du surplus de leur prétention.
Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les frais de déménagement :

Aucun des travaux de reprise du carrelage à savoir ponçage ponctuel au premier étage et reprise d'une petite surface au deuxième étage n'impose un déménagement et les consorts Y...seront déboutés de leur appel incident sur ce point, le jugement étant confirmé de ce chef.

P A R C E S M O T I F S :

La cour ;
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté les consorts Y...de leur demande au titre des frais de déménagement ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;
Dit que Jean X...a engagé sa responsabilité décennale envers les consorts Y...pour les désordres affectant la plage de la piscine et les carrelages intérieurs et qu'il leur doit réparation intégrale ;
Dit que Jean X...a engagé sa responsabilité contractuelle envers les consorts Y...pour le désordre affectant l'enduit de façade ;
Condamne Jean X...à payer aux consorts Y...pris ensemble les sommes de : ¿ 2380 ¿ HT pour la reprise de la plage de la piscine ; ¿ 960 ¿ HT pour la reprise des carrelages intérieurs ; ¿ 420 ¿ HT pour la reprise de l'enduit de façade ;

Dit que ces sommes seront à majorer du taux de TVA applicable au jour du présent arrêt et indexées sur l'indice BT01 valeur juillet 2011 ;

Condamne Jean X...à payer aux consorts Y...pris ensemble la somme de 1. 000 ¿ pour leur préjudice de jouissance avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Déboute les consorts Y...du surplus de leurs prétentions ;
Condamne Jean X...aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais de la procédure de référé expertise et le coût de l'expertise judiciaire et qui seront recouvrés pour ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer aux consorts Y...pris ensemble la somme de 2. 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais engagés en première instance et en cause d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

CC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1o chambre section ao1
Numéro d'arrêt : 13/00519
Date de la décision : 17/12/2015

Analyses

Tenu de livrer un ouvrage exempt de vice, le constructeur de la plage d'une piscine ne peut s'exonérer même partiellement de sa responsabilité au motif que son affaissement a été provoqué par la mauvaise qualité du remblai réalisé par le maître de l'ouvrage lui-même, dès lors qu'il n'établit pas l'avoir interrogé sur la composition du remblai sur lequel il devait couler la dalle en béton armé ni informé de la nécessité de vérifier sa résistance mécanique et ne démontre pas que le maître de l'ouvrage a accepté sciemment et en conscience les risques d'affaissement liés au défaut de stabilisation du remblai.


Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Béziers, 28 septembre 2012


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2015-12-17;13.00519 ?
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