Grosse + copie délivrées le à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section AO1
ARRÊT DU 10 DECEMBRE 2015
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 04494
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 AVRIL 2013 TRIBUNAL D'INSTANCE DE MONTPELLIER No RG 1112001660
APPELANTE :
SCI KBJS prise en la personne de sa gérante en exercice, Madame Fatima X..., domiciliée ès qualité audit siège ...30820 CAVEIRAC représentée par Me Bénédicte LEVY, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIME :
Maître Stéphane Y...... 30900 NÎMES représenté par Me Gilles LASRY de la SCP d'avocats BRUGUES-LASRY, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER, assisté de Me Elise BOUCHET, avocat plaidant substituant Me LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE de CLOTURE du 13 OCTOBRE 2015
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le MARDI 3 NOVEMBRE 2015 à 8H45 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président de chambre, et Madame Caroline CHICLET, Conseiller chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président de chambre Madame Caroline CHICLET, Conseiller Monsieur Thierry JOUVE, Conseiller
Greffier, lors des débats : Marie-Françoise COMTE
MINISTÈRE PUBLIC :
L'affaire a été communiquée au ministère public.
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE,
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ;
- signé par Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président de chambre, et par Marie-Françoise COMTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE :
La société KBJS est propriétaire d'un immeuble à usage d'habitation sis à Nîmes qu'elle a donné à bail le 25 mars 2007 aux époux B...auxquels elle a fait délivrer un commandement visant la clause résolutoire le 21 novembre 2007 en raison des impayés locatifs.
Parallèlement, elle a sollicité la garantie de la société l'Equité pour les loyers impayés et obtenu à ce titre le versement de diverses sommes.
Courant septembre 2009 la société d'assurance, ayant découvert que les lieux avaient été repris depuis le 12 novembre 2008, a réclamé à la société KBJS la restitution des sommes versées sans cause postérieurement à cette date et d'un montant de 4. 875, 69 ¿.
La société KJBS, invoquant la responsabilité délictuelle de son huissier de justice instrumentaire, Stéphane Y..., auquel elle reproche de ne pas avoir informé l'assureur de la reprise des lieux, a fait citer celui-ci le 11 janvier 2011 devant le tribunal d'instance de Nîmes qui a renvoyé l'affaire devant le tribunal d'instance de Montpellier sur demande de l'officier ministériel.
Par jugement en date du 18 avril 2013 ce tribunal a débouté la société KJBS de l'ensemble de ses demande et l'a condamnée aux dépens et à payer la somme de 700 ¿ à Stéphane Y...sur le fondement de l'article 700 du code de procédure cvile et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
La société KBJS a relevé appel de ce jugement le 13 juin 2013.
Vu les conclusions de l'appelant remises au greffe le 4 août 2014 ;
Vu les conclusions de Stéphane Y...remises au greffe le 30 septembre 2014 ;
Vu la communication de la procédure au Ministère Public ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 octobre 2015 ;
M O T I F S :
La responsabilité civile des huissiers de justice peut être de nature contractuelle si celui qui l'invoque a donné mandat à l'officier ministériel d'exécuter une décision de justice.
En l'espèce, la société KBJS a confié à Maître Y...la mission d'exécuter l'ordonnance de référé expulsion du 12 septembre 2008 et de reprendre les lieux.
La responsabilité de l'officier ministériel ne peut être recherchée que sur le fondement contractuel ainsi que le soutient à titre subsidiaire l'appelante.
Le mandataire doit rendre compte à son mandant des diligences accomplies et des difficultés rencontrées le cas échéant dans l'exécution de sa mission.
Il appartenait par conséquent à Maître Y...de rendre compte à la société KBJS de la reprise des lieux intervenue le 12 novembre 2008 avec intervention d'un serrurier le 17 novembre 2008.
Stéphane Y...affirme s'être conformé à son obligation sans pour autant fournir la moindre preuve de la reddition alléguée.
Et cette reddition ne peut se déduire de l'envoi de la facture datée du 3 décembre 2008 (d'un montant de 76, 49 ¿) faisant apparaître le coût d'intervention du serrurier.
En effet, la société KBJS conteste avoir reçue cette note de frais et elle n'en acquittera d'ailleurs le montant qu'au cours de l'été 2009 à réception d'une facture datée du 15 juillet 2009.
L'intimé soutient qu'une telle reddition était inutile car son mandant savait que les locataires avaient quitté les lieux depuis le mois de mars 2008.
Mais même si la société KBJS a eu connaissance du départ " à la cloche de bois " en mars 2008 de ses locataires impécunieux, cela ne prouve pas pour autant sa connaissance de la reprise des lieux effectuée par l'huissier de justice le 12 novembre 2008.
Stéphane Y...invoque ensuite son droit de rétention en l'état du défaut de paiement de la facture d'un montant de 76, 49 ¿.
Mais la rétention ne peut porter que sur des sommes ou des objets matériels remis à l'huissier en exécution de son mandat et non sur l'obligation de rendre des comptes.
Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, Stéphane Y...a commis une faute dans l'exercice de son mandat en n'informant pas la société KBJS de la reprise des lieux du 12 novembre 2008 ; reprise que le mandant n'apprendra incidemment qu'au milieu de l'année 2009 en même temps qu'il obtiendra la restitution des clés le 15 juillet 2009.
Le seul fait pour la société KBJS d'avoir dû rembourser à son assureur les sommes indûment reçues de ce dernier n'est pas constitutif d'un préjudice indemnisable en l'absence d'autres éléments.
Le préjudice consiste en l'espèce, ainsi que l'invoque par ailleurs la société KBJS, en la perte de chance de retrouver la libre disposition de son bien plus tôt.
Il ne fait pas de doute que si elle avait été informée dès novembre 2008 de la reprise des lieux, la société KBJS aurait été mise en mesure de régler le solde d'honoraires très résiduel dû à l'huissier de justice (76, 49 ¿) et aurait ainsi pu récupérer les clés de son bien avant le 15 juillet 2009.
Cette perte de chance, qui doit être qualifiée d'importante, ouvre droit à réparation.
La cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour estimer ce préjudice à la somme de 1. 500 ¿.
Le jugement sera infirmé.
Stéphane Y..., dont la faute a été reconnue, ne prouve pas le caractère abusif de la présente procédure et il sera débouté de sa demande de dommages-intérêts.
P A R C E S M O T I F S :
La cour ;
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau ;
Dit que Stéphane Y...a engagé sa responsabilité envers la société KBJS ;
Condamne Stéphane Y...à payer à la société KBJS la somme de 1. 500 ¿ en réparation de son préjudice ;
Déboute Stéphane Y...de sa demande de dommages-intérêts ;
Condamne Stéphane Y...aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés pour ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer
à la société KBJS la somme de 2. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais engagés en première instance et en cause d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
CC