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19/11/2015 | FRANCE | N°12/06818

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1o chambre section ao1, 19 novembre 2015, 12/06818


Grosse + copie délivrées le à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1o Chambre Section AO1
ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2015
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 06818
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 JUIN 2012 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS No RG 10/ 02309

APPELANTES :
S. A. R. L. O PARTICIPATION venant aux droits de la SNC PALO ALTO, représenté par son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis 125 rue Gilles Martinet 34000 MONTPELLIER représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP Gilles ARGELLIE

S, Emily APOLLIS-avocats associés, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER, assistée de Me Chri...

Grosse + copie délivrées le à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1o Chambre Section AO1
ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2015
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 06818
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 JUIN 2012 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS No RG 10/ 02309

APPELANTES :
S. A. R. L. O PARTICIPATION venant aux droits de la SNC PALO ALTO, représenté par son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis 125 rue Gilles Martinet 34000 MONTPELLIER représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP Gilles ARGELLIES, Emily APOLLIS-avocats associés, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER, assistée de Me Christophe BLONDEAUT, avocat au barreau de MONTPELLIER

SAS IFB FRANCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domiciliée ès qualité audit siège social 55, Avenue Louis Breguet Bâtiment Appolo 31400 TOULOUSE représentée par Me Marie Pierre VEDEL SALLES, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER, assistée de Me Julie RESNIER, avocat plaidant du Cabinet DECKER, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES :

Madame Natacha X... épouse Y...née le 15 Décembre 1974 à SAINT MARTIN D'HERES de nationalité française... 03130 SAINT DIDIER EN DONJON représentée par Me Alexandre GAVEN, avocat postulant au barreau de BEZIERS, assistée par Me Charles FREIDEL, avocat plaidant au barreau de LYON

Monsieur Patrick Y... né le 21 Mars 1957 à DOMPIERRE SUR BESBRE de nationalité française... 03130 SAINT DIDIER EN DONJON représenté par Me Alexandre GAVEN, avocat postulant au barreau de BEZIERS, assistée par Me Charles FREIDEL, avocat plaidant au barreau de LYON

Monsieur Patrick Z... né le 13 Mai 1960 à PARIS de nationalité française... 71640 DRACY LE FORT représenté par Me Alexandre SALVIGNOL, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER, assisté de Me Pierre CUINAT, avocat plaidant au barreau de Chalon-sur-Saône

S. A. R. L. O PARTICIPATION venant aux droits de la SNC PALO ALTO, représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis 125 rue Gilles Martinet 34000 MONTPELLIER représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP Gilles ARGELLIES, Emily APOLLIS-avocats associés, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER, assistée de Me Christophe BLONDEAUT, avocat au barreau de MONTPELLIER

SAS IFB FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège social 55, Avenue Louis Breguet-Bâtiment Apollo 31400 TOULOUSE représentée par Me Marie Pierre VEDEL SALLES, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER, assistée de Me Julie RESNIER, avocat plaidant du Cabinet DECKER, avocat au barreau de TOULOUSE

CREDIT MUTUEL DE DIGOIN GUEUGNON agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis 32 avenue du Général de Gaulle 71160 DIGOIN représentée par Me Yves GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Compagnie d'assurances QBE INSURANCE EUROPE LIMITED société anonyme d'un Etat membre de l'Union Européenne, inscrite au RCS de NANTERRE sous le no2014 B 6940, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis 21-23 Rue Balzac 75008 PARIS représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SCP Philippe SENMARTIN et associés, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER, assistée de Me Julie BRULE, avocat plaidant de la SCP GIDE LOYRETTE NOUEL avocat au barreau de PARIS

ORDONNANCE de CLOTURE du 23 SEPTEMBRE 2015

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le MERCREDI 14 OCTOBRE 2015 à 8H45 en audience publique, Madame Caroline CHICLET, Conseiller ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président Madame Caroline CHICLET, Conseiller Monsieur Thierry JOUVE, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Marie-Françoise COMTE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE,

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président de chambre, et par Marie-Françoise COMTE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE :
La société en nom collectif Palo Alto aux droits de laquelle vient désormais la Sarl O Participation (la société O Participation) a vendu le 25 octobre 2006 un appartement en l'état futur d'achèvement à Patrick Y... et Natacha X... son épouse pour le financement duquel la société crédit mutuel de Digoin-Gueugnon (le crédit mutuel) a consenti un prêt immobilier.
Cet investissement avait été proposé aux époux Y... à leur domicile et après démarchage par Patrick Z..., agent commercial assuré auprès de la société QBE Insurance Europe Limited (la société QBE) et mandaté par la Sas IFB France elle-même investie par la société Palo Alto d'un mandat de commercialisation exclusif.
Se plaignant de divers manquements du vendeur et des personnes chargées de la commercialisation à leurs obligations, les époux Y... ont assigné la société Palo Alto, la Sas IFB France, Patrick Z... ainsi que le crédit mutuel en nullité de l'ensemble contractuel constitué par la vente et le prêt devant le tribunal de grande instance de Béziers par actes d'huissier en date des 1er, 2, 3 et 11 juin 2010.
La société QBE est intervenue volontairement à l'instance.
Par jugement en date du 18 juin 2012, ce tribunal a : ¿ reçu en son intervention volontaire la Sarl O Participation venant aux droits de la Snc Palo Alto ; ¿ reçu l'intervention volontaire de la société QBE Insurance Limited ;

¿ rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la Sarl O Participation ; ¿ déclaré la demande des époux Y... recevable pour avoir été publiée à la conservation des hypothèques de Béziers ; ¿ prononcé la nullité du contrat de réservation du 18 juillet 2006 ainsi que de l'acte authentique de vente du 25 octobre 2006 conclu entre les époux Y... et la Snc Palo Alto ; En conséquence : ¿ condamné la Sarl O Participation venant aux droits de la Snc Palo Alto à restituer aux époux Y... la somme de 139. 200 ¿ avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ; ¿ condamné solidairement les époux Y... à restituer à la Sarl O Participation venant aux droits de la Snc Palo Alto le lot no66 et le lot no12 de la copropriété Palo Alto située à Béziers rue d'Alsace Lorraine cadastrée section OZ no94, 95 et 101 ; ¿ ordonné la publication du présent jugement à la conservation des hypothèques de Béziers à la diligence des époux Y... mais aux frais de la Sarl O Participation venant aux droits de la Snc Palo Alto ; ¿ prononcé la résolution du prêt souscrit le 29 août 2006 par les époux Y... auprès du crédit mutuel de Digoin-Geugnon pour la somme de 139. 000 ¿ ; ¿ condamné solidairement les époux Y... à verser aux crédit mutuel la somme de 139. 000 ¿ représentant le capital emprunté ; ¿ condamné le crédit mutuel à restituer aux époux Y... la somme de 16. 348, 29 ¿ représentant les intérêts et frais perçus au 15 août 2011 ; ¿ dit que le remboursement du capital par les époux Y... interviendra après le remboursement du prix de la vente par O Participation ; ¿ dit que la Sas IFB France est responsable de l'annulation de la vente, a commis une faute en qualité de mandataire des époux Y... et doit répondre des manquements de son mandataire Patrick Z... ; En conséquence : ¿ condamné la Sas IFB France à verser aux époux Y... la somme de 5. 000 ¿ en réparation de leur préjudice avec intérêts au taux légal à compter de ce jour et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

¿ condamné la Sas IFB France à verser au crédit mutuel la somme de 16. 348, 29 ¿ à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice financier outre intérêts de droit à compter de ce jour ; ¿ débouté les époux Y... de leur demande de dommages-intérêts dirigée contre la société O Participation et Patrick Z... ; ¿ débouté le crédit mutuel de son appel en garantie ; ¿ dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ; ¿ condamné la Sas IFB France à indemniser les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans les proportions suivantes : 4. 000 ¿ aux époux Y... ; 3. 000 ¿ à Patrick Z... ; 2. 000 ¿ à la Sarl O Participation ; 2. 000 ¿ à la société QBE Insurance Limited ; 2. 000 ¿ au crédit mutuel de Digoin-Geugnon ; ¿ condamné la Sas IFB France aux dépens.

La Sas IFB France a relevé appel de ce jugement à l'encontre de toutes les parties les 6 et 18 septembre 2012 et la Sarl O Participation en a relevé appel le 20 septembre 2012.
Ces appels enrôlés respectivement sous les no12. 6818, 12. 7073 et 12. 7130 ont été joints par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 10 janvier 2013 sous le premier numéro.
Vu les conclusions de la Sas IFB France remises au greffe le 2 septembre 2015 ;
Vu les conclusions de la Sarl O Participation remises au greffe le 11 janvier 2013 ;
Vu les conclusions des époux Y..., appelants à titre incident, remises au greffe le 21 septembre 2015 ;
Vu les conclusions de Patrick Z..., appelant à titre incident, remises au greffe le 21 décembre 2012 ;
Vu les conclusions de la société QBE Insurance Europe Limited remises au greffe le 7 septembre 2015 ;
Vu les conclusions du crédit mutuel, appelant à titre incident, remises au greffe le 4 décembre 2013 ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 23 septembre 2015 ;

M O T I F S :

Il convient de rappeler que par application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur les mises hors de cause :

Aucune des parties en cause d'appel n'énonce de prétentions, dans le dispositif de ses conclusions, à l'encontre de Jean-Pierre Z... et celui-ci sera par conséquent purement et simplement mis hors de cause.
La société d'assurance QBE contre laquelle seul Jean-Pierre Z... formait une demande de garantie dans le dispositif de ses écritures sera également mise hors de cause.

Sur la nullité de la vente pour non respect des règles relatives au démarchage à domicile :

Aux termes de l'article L. 121-21, alinéa 1er, du Code de la consommation dans sa version applicable au présent litige : " Est soumis aux dispositions de la présente section quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat (..) de biens ou la fourniture de services. "
L'article L. 121-23 du même code dans sa version applicable énonce : " Les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes : 1 o noms du fournisseur et du démarcheur, 2o adresse du fournisseur, 3o adresse du lieu de conclusion du contrat, 4o désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés, 5o conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens (..), 6o prix global à payer et modalités de paiement (..),

7o faculté de renonciation prévue par l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26. ".
D'après l'article L. 121-24, alinéa 1er, dans sa version applicable le contrat doit comprendre un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation.
L'article R. 121-3, dernier alinéa, précise que sur l'exemplaire du contrat, doit figurer la mention : « si vous annulez votre commande, vous pouvez utiliser le formulaire détachable ci-contre. », ce dernier devant comporter, aux termes des articles R. 121-4, alinéa 1 er et R. 121-5, sur une face, l'adresse exacte et complète à laquelle il doit être renvoyé et sur son autre face, les mentions successives ci-après en caractères très lisibles : ¿ 1o en tête, la mention Annulation de commande (en gros caractères), suivie de la référence Code de la consommation, articles L. 121-23 à L. 121-26, ¿ 2o puis, sous la rubrique « Conditions », les instructions suivantes, énoncées en lignes distinctes : « Compléter et signer ce formulaire » ; « L'envoyer par lettre recommandée avec avis de réception » (ces derniers mots doivent être soulignés dans le formulaire ou figurer en caractères gras) ; « utiliser l'adresse figurant au dos », « l'expédier au plus tard le septième jour à partir du jour de la commande ou, si ce délai expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le premier jour ouvrable suivant » (soulignés ou en caractères gras dans le formulaire) ; ¿ 3o et, après un espacement, la phrase : « Je soussigné, déclare annuler la commande ci-après » suivie des indications suivantes, à raison d'une seule par ligne : « Nature du bien ou du service commande »... « Date de la commande "... « Nom du client "... « Adresse du client.. ».

Enfin, selon l'article R. 121-6 le vendeur ne peut porter sur le formulaire que les mentions prévues aux articles R. 121-4 et R. 121-5, ainsi que les références d'ordre comptable.
En l'espèce, nul ne conteste que le contrat de réservation de l'appartement à construire a été signé par les époux Y... après que ceux-ci aient été démarchés par l'agent commercial de la Sas IFB, mandataire de la venderesse, à leur domicile situé à Le Morinot dans l'Allier.

Les dispositions précitées des articles L. 121-21 et suivants et R. 121-3 et suivants du Code de la consommation dans leur version applicable au présent litige lui sont par conséquent applicables, contrairement à ce que soutient à tort la société O Participation.

Or, ni les mentions du contrat préliminaire ni le formulaire de renonciation ne répondent aux exigences d'ordre public précédemment rappelées puisque : en premier lieu, même si le nom du promoteur (Océanis Promotion) est indiqué dans l'avant contrat, celui-ci ne contient aucune précision concernant l'adresse de cette société contrairement aux exigences de l'article L. 121-23 ni aucune autre indication permettant l'identification de cette personne morale (pas de dénomination sociale) et aucune mention ne désigne le vendeur du bien (Snc Palo Alto), en deuxième lieu, l'indication que l'envoi du formulaire doit être effectué par pli recommandé avec avis de réception n'est pas écrite en toutes lettres sur le bordereau mais au moyen, en partie, d'abréviations ni placée sur une ligne distincte de celle concernant le délai de rétractation ni soulignée ou en caractères gras, en troisième lieu, le bordereau contient des indications non prévues par les articles R. 121-4 et R. 121-5 du Code de la consommation puisqu'un ajout en bas de la page fait référence au Code de la construction et de l'habitation.

Ces diverses violations du Code de la consommation dans ses dispositions législatives et réglementaires d'ordre public applicables au présent litige sont de nature à entraîner la nullité du contrat litigieux.
Cependant, ces dispositions ayant été édictées dans l'intérêt des personnes démarchées à domicile que ces textes ont vocation à protéger, leur méconnaissance n'est sanctionnée que par une nullité relative à laquelle les consommateurs peuvent renoncer contrairement à ce que soutiennent les époux Y... et à ce qu'a retenu le premier juge.
Les appelantes font valoir qu'en signant la vente le 25 octobre 2006, les époux Y... ont manifesté leur intention de renoncer à se prévaloir des vices affectant le contrat préliminaire du 18 juillet 2006 dont elle est dissociable.
Mais la renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat préliminaire par la signature du contrat de vente suppose que soit caractérisée la connaissance préalable par les acheteurs de la violation des dispositions destinées à les protéger.
Contrairement à ce qu'affirme la Sas IFB, aucun des articles R. 121-3 et suivants du Code de la consommation n'est reproduit dans l'acte de réservation.
Les époux Y... qui exercent les activités d'agriculteur et de fonctionnaire territoriale n'avaient aucun moyen de savoir si le contrat qu'ils signaient dans le cadre d'un démarchage à leur domicile était conforme aux dispositions d'ordre public destinées à les protéger et s'il respectait notamment les obligations pour le fournisseur de s'identifier précisément et d'indiquer surtout de manière très lisible et apparente le droit pour les réservataires de se rétracter dans le délai de 7 jours ainsi que les modalités de cette rétractation afin de prévenir tout risque de confusion ou d'erreur.
Ces violations des dispositions légales et réglementaires d'ordre public ne leur ont pas davantage été signalées à l'occasion de la signature de l'acte de vente le 25 octobre 2006.
N'ayant pas connaissance des vices affectant le contrat de réservation du 18 juillet 2006, les époux Y... n'ont pu renoncer à s'en prévaloir en signant l'acte authentique le 25 octobre suivant.
La nullité du contrat préliminaire du 18 juillet 2006 doit être prononcée.
Contrairement à ce que font valoir les appelantes, cette nullité se communique par contagion au contrat de vente du 25 octobre 2006 avec lequel il forme un tout indissociable ainsi que le soutiennent justement les époux Y....
En effet, le contrat du 18 juillet 2006 stipule que « le prix sera payé, directement ou indirectement, à l'aide d'un ou plusieurs prêts. Ce contrat est donc conclu sous la condition suspensive de l'obtention du ou des prêts qui en assument le financement ».
Le contrat préliminaire oblige ensuite les réservataires à transmettre au réservant les documents nécessaires à la constitution du dossier bancaire ou à lui justifier par lettre recommandée du dépôt d'un tel dossier auprès de l'organisme de leur choix, le tout dans le délai de sept jours à compter de la date de l'avant contrat.
En prévoyant dès le stade de l'avant contrat les modalités de paiement du prix au moyen d'un recours à l'emprunt, en stipulant que la réservation de l'immeuble à construire " est conclue " sous la condition suspensive de l'obtention des prêts sollicités et en enjoignant au réservataire de communiquer dès à présent les éléments nécessaires à la constitution de son dossier bancaire ou à justifier du dépôt d'un tel dossier auprès d'une banque par lettre recommandée et dans le délai de sept jours consacré en principe à la réflexion, le réservant a manifesté son intention de faire du contrat de réservation un préalable nécessaire à la conclusion de la vente ultérieure en cherchant à régler la question du financement de l'achat immobilier dès avant la signature de l'acte de vente afin d'obtenir un paiement immédiat le jour de la signature de l'acte authentique.
Le jour de la vente du 25 octobre 2006, les époux Y... avaient obtenu le prêt qu'ils avaient sollicité dans les conditions de l'avant contrat ce qui a permis la libération immédiate de la partie exigible du prix au bénéfice du vendeur.
Sans l'avant contrat, ce règlement immédiat aurait été impossible et la vente aurait dû être passée sous la condition suspensive d'obtention du prêt ce que voulait précisément éviter la Snc Palo Alto.
L'ensemble contractuel constitué de l'avant contrat et du contrat définitif formant un tout indissociable, la nullité du premier doit entraîner l'annulation du second.
Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les restitutions :

La société O Participation venant aux droits de la Snc Palo Alto devra restituer aux époux Y..., pris ensemble, le prix de vente de 139. 200 ¿ avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et non à compter du jugement comme l'a prévu à tort le premier juge.

La restitution de l'immeuble par les époux Y... sera subordonnée, ainsi qu'ils le réclament, à la restitution préalable du prix par le vendeur en application de l'article 2286 du Code civil.

En revanche, ne peut être accueillie la demande des époux Y... tendant à voir subordonner le prononcé de la nullité des contrats au remboursement préalable du prix pas plus que celle par laquelle ils demandent à la cour de dire que pour le cas où une procédure collective serait ouverte à l'encontre de leur débiteur, postérieurement à la décision à intervenir et avant que le prix ait été restitué, seule interviendra la réduction du prix de vente et ils seront déboutés de ces prétentions.

Sur la publication du présent arrêt :

Le présent arrêt sera publié au fichier immobilier territorialement compétent à la diligence des époux Y... mais aux frais de la société O Participation venant aux droits de la Snc Palo Alto.

Sur le prêt bancaire :

L'annulation de la vente a pour corollaire l'annulation du prêt (et non sa résolution) ayant servi à son financement et dont il est l'accessoire.
Les époux Y... devront restituer au crédit mutuel de Digoin-Geugnon le capital emprunté de 139. 000 ¿ assorti des intérêts au taux légal à compter de la première demande de restitution formée par la banque dans le cadre du présent procès.
La restitution du capital emprunté ne peut être subordonnée au remboursement préalable du prix et les époux Y... verront cette demande rejetée et le jugement sera infirmé de ce chef.
Le crédit mutuel devra restituer aux époux Y... le montant cumulé des échéances mensuelles payées par ces derniers depuis l'origine du contrat ainsi que les frais de dossier payés à la conclusion du contrat avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.

Sur les dommages-intérêts réclamés par les époux Y... :

Les époux Y... demandent à la cour de condamner in solidum leur vendeur la société O Participation et son mandataire, la Sas IFB, à leur payer la somme de 5. 000 ¿ à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à la perte de chance de ne pas contracter.
L'annulation de l'ensemble contractuel a un effet rétroactif et les époux Y... sont censés n'avoir jamais contracté.
Ils ne peuvent avoir perdu une chance de ne pas contracter contrairement à ce qu'ils soutiennent puisque leur engagement est réputé, dès l'origine, n'avoir jamais existé.
Ils seront déboutés de leurs prétentions de ce chef et le jugement sera infirmé en ce qu'il a fait droit à cette demande.

Sur les dommages-intérêts réclamés par le crédit mutuel :

Le crédit mutuel demande à la cour de condamner la société IFB à lui payer à titre de dommages-intérêts le montant des sommes à restituer aux époux Y... sa faute étant à l'origine de l'annulation de la vente et donc du prêt.
La société IFB qui se présente elle-même sur la première page du contrat de réservation comme un « créateur de patrimoine » et qui exerce en outre l'activité d'agent immobilier a soumis à la signature des époux Y... un contrat préliminaire non conforme aux dispositions protectrices d'ordre public du Code de la consommation relatives au démarchage à domicile.
Cette faute est à l'origine de l'annulation de l'ensemble contractuel et de celle du contrat de prêt dont il est l'accessoire.
Par ses manquements, la Sas IFB France a fait perdre au crédit mutuel les intérêts contractuels et les frais de dossiers qu'il aurait dû percevoir et qu'il cantonne, en l'espèce, à ceux qu'il devra restituer aux époux Y... consécutivement à l'annulation du prêt.
La société IFB sera par conséquent condamnée à payer au crédit mutuel à titre de dommages-intérêts le montant des intérêts contractuels et des frais de dossier que celui-ci devra restituer aux époux Y... avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 16. 348, 29 ¿ et à compter du présent arrêt pour le surplus.
Le crédit mutuel n'établit pas avoir perdu le bénéfice de l'indemnité de résiliation anticipée que les époux Y... n'avaient pas vocation à régler dans le cadre d'un remboursement normal de l'emprunt. Il ne peut s'agir pour le prêteur de deniers que d'une perte de chance dont il ne caractérise nullement la probabilité au cas d'espèce et il sera débouté de cette prétention.
Il sera également débouté de sa demande de condamnation in solidum de la société IFB à lui rembourser le capital prêté de 139. 000 ¿, les restitutions consécutives à l'annulation d'un contrat ne constituant pas un préjudice indemnisable.
Le crédit mutuel sera pour les mêmes motifs débouté de sa demande de garantie.

Sur les demandes reconventionnelles de la société IFB :

La société IFB demande à être garantie par la société O Participation des condamnations prononcées contre elle par le présent arrêt.
Elle soutient qu'en signant le contrat de réservation, son mandant a ratifié le mandat qu'elle lui avait confié.
Mais d'une part, aucun des termes du mandat de vente exclusif confié par la Snc Palo Alto à la société IFB ne stipule que les contrats préliminaires ou les compromis de vente seront établis à partir des modèles proposés ou ratifiés par le mandant et d'autre part, la société IFB n'allègue ni ne démontre que son mandant serait un professionnel du droit immobilier réputé connaître la législation sur le démarchage à domicile.
La signature par la Snc Palo Alto du contrat de réservation, qui a été rédigé sur un document à l'entête de la seule société IFB, ne suffit pas à démontrer sa connaissance des vices affectant ce contrat ni, à plus forte raison, sa volonté de ratifier les irrégularités imputables à son mandataire et sa demande de garantie sera rejetée.

Sur les demandes reconventionnelles de la société O Participation :

La société O Participation demande à être garantie par son mandataire la société IFB de toutes les condamnations prononcées contre elle à titre de dommages-intérêts, frais irrépétibles et dépens.
La demande est sans objet puisque la société O Participation ne subit aucune condamnation autre que la restitution du prix par le présent arrêt.

P A R C E S M O T I F S :

La cour ;
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de réservation du 18 juillet 2006 ainsi que de l'acte authentique de vente du 25 octobre 2006 conclu entre les époux Y... et la Snc Palo Alto et en ce qu'il a condamné la Sarl O Participation venant aux droits de la Snc Palo Alto à restituer aux époux Y... la somme de 139. 200 ¿ et condamné solidairement les époux Y... à restituer à la Sarl O Participation venant aux droits de la Snc Palo Alto le lot no66 et le lot no12 de la copropriété Palo Alto située à Béziers rue d'Alsace Lorraine cadastrée section OZ no94, 95 et 101 ;
Et statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés ;
Met hors de cause Jean-Pierre Z... et la société QBE Insurance Europe Limited ;
Dit que les intérêts au taux légal courront à compter de l'assignation introductive d'instance sur le montant du prix à restituer par la Sarl O Participation ;
Dit que la restitution de l'immeuble par les époux Y... est subordonnée à la restitution préalable du prix par la Sarl O Particpation en application de l'article 2286 du Code civil ;
Déboute les époux Y... de leurs prétentions tendant à voir subordonner le prononcé de la nullité des contrats au remboursement préalable du prix et tendant à dire que pour le cas où une procédure collective serait ouverte à l'encontre de leur débiteur, postérieurement à la décision à intervenir et avant que le prix ait été restitué, seule interviendra la réduction du prix de vente ;
Ordonne la publication du présent arrêt au fichier immobilier de la conservation des hypothèques territorialement compétent à la diligence des époux Y... mais aux frais de la société O Participation venant aux droits de la Snc Palo Alto ;
Prononce l'annulation du contrat de prêt consenti par le crédit mutuel aux époux Y... ;
Condamne les époux Y... solidairement à restituer au crédit mutuel le capital emprunté de 139. 000 ¿ assorti des intérêts au taux légal à compter de la première demande de restitution formée par la banque dans le cadre du présent procès ;
Dit que la restitution du capital emprunté ne peut être subordonnée au remboursement préalable du prix et déboute les époux Y... de cette demande ;
Condamne le crédit mutuel à restituer aux époux Y..., pris ensemble, le montant cumulé des échéances mensuelles payées par ces derniers depuis l'origine du contrat ainsi que les frais de dossier payés à la conclusion du contrat avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance ;
Déboute les époux Y... de leur demande de dommages-intérêts dirigée contre la Sarl O Participation et la Sas IFB France ;
Dit que la société IFB France a engagé sa responsabilité envers le crédit mutuel ;
Condamne en conséquence la Sas IFB France à payer au crédit mutuel à titre de dommages-intérêts le montant des intérêts contractuels et des frais de dossier que celui-ci devra restituer aux époux Y..., avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 16. 348, 29 ¿ et à compter du présent arrêt sur le surplus ;
Déboute le crédit mutuel de ses autres prétentions indemnitaires et de sa demande de garantie ;

Déboute la Sas IFB France de sa demande de garantie dirigée contre la Sarl O Participation venant aux droits de la Snc Palo Alto ;

Condamne la Sas IFB France aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile : aux époux Y... pris ensemble la somme de 3. 000 ¿ ; au crédit mutuel la somme de 2. 000 ¿ ; à la Sarl O Participation la somme de 2. 000 ¿ ; à Jean-Pierre Z... la somme de 1. 500 ¿ ; à la société QBE insurance europe limited la somme de 1. 000 ¿.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

CC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1o chambre section ao1
Numéro d'arrêt : 12/06818
Date de la décision : 19/11/2015

Analyses

1º Les dispositions d'ordre public du Code de la consommation relatives au démarchage à domicile ayant été édictées dans l'intérêt des personnes démarchées, leur méconnaissance n'est sanctionnée que par une nullité relative à laquelle les consommateurs peuvent renoncer. En matière de vente d'un appartement en l'état futur d'achèvement, la renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat préliminaire de réservation par la signature du contrat de vente suppose que soit caractérisée la connaissance préalable par les acheteurs de la violation des dispositions destinées à les protéger. Lorsqu'aucun des articles R.121-3 et suivants du  Code de la consommation n'est reproduit dans l'acte de réservation, les acquéreurs n'avaient aucun moyen de savoir si le contrat qu'ils signaient dans le cadre d'un démarchage à leur domicile était conforme aux dispositions d'ordre public destinées à les protéger et s'il respectait notamment les obligations pour le fournisseur de s'identifier précisément et d'indiquer surtout de manière très lisible et apparente le droit pour les réservataires de se rétracter dans le délai de 7 jours ainsi que les modalités de cette rétractation afin de prévenir tout risque de confusion ou d'erreur. Ces violations ne leur ayant pas davantage été signalées à l'occasion de la signature de l'acte de vente, les acquéreurs qui n'avaient pas connaissance des vices affectant le contrat de réservation n'ont pu renoncer à s'en prévaloir en signant l'acte authentique, ce qui entraine la nullité du contât préliminaire. 2º L'ensemble contractuel constitué de l'avant contrat et du contrat définitif forme un tout indissociable dès lors que le premier constituait un préalable nécessaire à la conclusion de la vente ultérieure en prévoyant dès ce stade le financement de l'achat par un prêt érigé en condition suspensive du contrat de réservation, ce qui a permis le jour de la signature de l'acte authentique la libération immédiate de la partie exigible du prix au bénéfice du vendeur. Dès lors la nullité du premier doit entraîner l'annulation du second.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Béziers, 18 juin 2012


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2015-11-19;12.06818 ?
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