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01/10/2015 | FRANCE | N°15/00442

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Ct0002, 01 octobre 2015, 15/00442


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
DU 1er OCTOBRE 2015
N 2015/00442

APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REMISE A L'AGRASC

DECISION :

ANNULATION DE L'ORDONNANCE DU 28 MAI 2015
prononcé en chambre du conseil le premier octobre deux mil quinze par Madame ISSENJOU, président

PERSONNE MISE EN EXAMEN :

X... Jonathan né le 29 août 1984 à NARBONNE

Ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 11 décembre 2013
mis en examen du chef de vol et recel de vol, abus de confiance et recel d'abus de confiance.
Ayant po

ur avocat Maître MARY, 56, boulevard Général De Gaulle-Bastien Saint Côme-BP 606-11106 NARBONNE CEDEX
COMPO...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
DU 1er OCTOBRE 2015
N 2015/00442

APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REMISE A L'AGRASC

DECISION :

ANNULATION DE L'ORDONNANCE DU 28 MAI 2015
prononcé en chambre du conseil le premier octobre deux mil quinze par Madame ISSENJOU, président

PERSONNE MISE EN EXAMEN :

X... Jonathan né le 29 août 1984 à NARBONNE

Ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 11 décembre 2013
mis en examen du chef de vol et recel de vol, abus de confiance et recel d'abus de confiance.
Ayant pour avocat Maître MARY, 56, boulevard Général De Gaulle-Bastien Saint Côme-BP 606-11106 NARBONNE CEDEX
COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats, du délibéré :

Madame ISSENJOU, Président Madame GAUBERT et Monsieur COMMEIGNES, conseillers,

régulièrement désignés conformément à l'article 191 du code de procédure pénale.
GREFFIER : Madame VIGINIER lors des débats et lors du prononcé de l'arrêt.
MINISTERE PUBLIC : Madame BRIGNOL, substitut général lors des débats. Arrêt prononcé en présence du Ministère Public.

DEBATS
A l'audience en chambre du conseil le 03 septembre 2015 ont été entendus :
Madame GAUBERT, conseiller, en son rapport
Madame BRIGNOL, substitut général, en ses réquisitions
RAPPEL DE LA PROCEDURE
Le 28 mai 2015, le juge d'instruction du Tribunal de Grande Instance de Narbonne a rendu une ordonnance de remise pour aliénation à l'AGRASC d'un bien meuble placé sous main de justice.
Cette ordonnance a été notifiée à la personne mise en examen et à son conseil par lettres recommandées le 28 mai 2015 ; avis en a également été donné à M. Le procureur de la République le même jour.
Par déclaration au greffe du Tribunal de Grande Instance de Narbonne, en date du 01 juin 2015, le procureur de la République a fait connaître sa volonté d'interjeter appel de ladite ordonnance.
Par avis, télécopies lettres recommandées en date du 24 juillet 2015, le procureur général a notifié à la personne mise en examen et à ses avocats la date à laquelle l'affaire serait appelée à l'audience.
Le dossier comprenant le réquisitoire écrit du procureur général a été déposé au greffe de la chambre de l'instruction et tenu à la disposition des avocats des parties.
Il a été ainsi satisfait aux formes et délais prescrits par les articles 194 et 197 du code de procédure pénale.
Maître MARY, avocat, a déposé par télécopie au nom de X... Jonathan, le 12 août 2015 à 09 H 38, au greffe de la Chambre de l'Instruction un mémoire visé par le greffier et communiqué au Ministère Public.
DECISION
prise après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME
Vu les articles 99 et 99-2 du code de procédure pénale, qui prévoient la possibilité de déférer cette ordonnance à la chambre de l'instruction par requête, dans le délai et selon les modalités prévues par le quatrième alinéa de l'article 186 ; l'appel doit être déclaré régulier et recevable.

AU FOND

Le 10 mai 2012, Michel X... décédait par overdose dans sa caravane à LA PALME (11).
L'enquête diligentée par la brigade de gendarmerie de PORT-LA-NOUVELLE s'orientait vers son neveu, Jonathan X..., préparateur en pharmacie, dont les surveillances établissaient qu'il se livrait à la vente de carburant volé.

Le 13 février 2013, une information judiciaire des chefs de vols et recel de vols était ouverte au cabinet de Madame BATAILLE, juge d'instruction au tribunal de grande instance de NARBONNE et les investigations se poursuivaient alors sur commission rogatoire.

Elles permettaient de confirmer que Jonathan X... se procurait régulièrement du carburant volé auprès de Jean-Marc Z..., chauffeur routier de camion-citerne salarié des Transports Napoly, qui détournait ce carburant au préjudice des stations-service d'enseignes de la grande distribution du département de l'Aude et des départements limitrophes, auxquelles il était censé le livrer.
Les deux hommes se retrouvaient la nuit dans des lieux isolés et transvasaient le carburant du camion-citerne dans une cuve de 1000 litres attelée sur le véhicule utilitaire VOLKSWAGEN Caddy de Jonathan X..., grâce à une remorque et à tout le matériel de pompage adapté (tuyaux, pistolet à pompe, etc...).
Le carburant était ensuite revendu par Jonathan X... à son entourage familial ou amical.
Le 9 décembre 2013, Jean-Marc Z... était interpellé au Parc Napoly en pleine transaction flagrante de carburant.
Placé en garde-à-vue, il reconnaissait avoir vendu à Jonathan X... entre 20 000 et 30 000 litres de carburant à 0, 70 ¿ le litre, pour un bénéfice d'environ 14 à 21 000 ¿, sur une période de deux ans. Il reconnaissait également avoir détourné 9000 litres qu'il avait partagés avec différents chauffeurs du groupe Napoly.
Jonathan X... était interpellé le jour même à son domicile.
La perquisition amenait la découverte de 5000 ¿ en numéraire et la saisie de son véhicule de marque VOLKSWAGEN Caddy no... (D161), de sa carte grise (D652), de sa remorque et de sa cuve de 500 litres, outre une pompe électrique, un ensemble de tuyaux, un téléphone portable (D161), un tuyau blindé et 1942 litres de gas-oil.
Jonathan X... reconnaissait avoir acheté environ 24000 litres de carburant pour un montant estimé de 18000 ¿. Il reconnaissait également en avoir revendu 15 830 litres aux membres de sa famille et son entourage proche, à un prix de 0, 90 ¿ et 1 ¿ le litre pour un bénéfice de 4000 ¿ environ.
Le 11 décembre 2013, il était mis en examen des chefs de complicité et recel d'abus de confiance (D172).
Il réitérait ses aveux devant le juge d'instruction.
Par ordonnance du 27 mars 2014, le juge d'instruction, statuant sur la requête déposée par le conseil du mis en examen le 12 février 2014, rejetait sa demande de restitution du véhicule VOLKSWAGEN Caddy et du téléphone portable saisis (D541). Le 28 mai 2014, le Commandant de la Brigade de recherches de Narbonne saisissait le juge d'instruction d'une demande " d'attribution " du véhicule Volkswagen CADDY appartenant à Jonathan X... et de sa carte grise (D632). Le juge d'instruction ne répondait pas à cette demande et le véhicule était maintenu en gardiennage aux établissements GURA à Narbonne.

Par requête déposée le 5 février 2015, le conseil de Jonathan X... sollicitait à nouveau la restitution du véhicule VOLKSWAGEN Caddy ainsi que du téléphone portable saisis (D625). Le juge d'instruction s'abstenait de statuer sur cette demande.
Par ordonnance en date du 28 mai 2015, Madame CALVET, juge placé, qui reprenait en charge le cabinet de Madame BATAILLE, décidait d'affecter le véhicule VOLKSWAGEN Caddy non pas aux domaines, mais à l'AGRASC. C'est l'ordonnance dont appel.
* * * Le procureur Général requiert l'infirmation de l'ordonnance déférée et la remise aux Domaines, en vue de leur affectation à la Brigade de recherches de la gendarmerie de l'Aude, des scellés suivants :

- véhicule de marque Volkswagen, modèle Caddy, immatriculé ... appartenant à Jonathan X... (scellé 02/ 06)- certificat d'immatriculation afférent au dit véhicule (scellé 3-29/ 3).

* * *
Dans son mémoire régulièrement déposé, le conseil de Jonathan X... demande de " mettre à néant " l'ordonnance dont appel et d'ordonner la restitution du véhicule et de la carte grise à son client.
Il fait valoir que la seconde demande de restitution formulée par courrier du 3 février 2015 n'a pas reçu de réponse à ce jour ; que la valeur du véhicule a déjà fortement baissé depuis que la saisie a été effectuée au tout début de la procédure ; que la remise à l'AGRASC n'en stopperait en rien la diminution ; que dans l'hypothèse d'une relaxe ou d'une volonté de ne pas prononcer la confiscation, la procédure de récupération s'avérerait complexe même si l'ordonnance prévoit la consignation du prix de vente du véhicule.
SUR QUOI :
Il se déduit des dispositions des articles 99 et 99-2 du code de procédure pénale que, lorsque le juge d'instruction a été saisi d'une requête en restitution d'un bien meuble placé sous main de justice, il ne peut ordonner la remise de ce bien à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), en vue de son aliénation, qu'après avoir statué par ordonnance motivée sur cette requête.
En l'espèce, il apparaît que le juge d'instruction a rendu le 28 mai 2015 l'ordonnance de remise à l'AGRASC dont appel, sans avoir répondu à la requête en restitution déposée le 5 février 2015 par le conseil de Jonathan X.... En statuant ainsi, le magistrat instructeur a privé de tout objet ladite requête et a empêché son auteur d'exercer son droit à un recours effectif garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En conséquence, il convient d'annuler d'office la décision de remise à l'AGRASC déférée.
La demande de restitution du véhicule Volkswagen Caddy et de sa carte grise, formée par le conseil de Jonathan X... dans son mémoire, sera déclarée irrecevable, dès lors qu'il appartient à ce stade au juge d'instruction, et non pas à la chambre de l'instruction saisie de l'unique objet de l'appel de l'ordonnance de remise pour aliénation à l'AGRASC, de répondre à la requête en restitution du véhicule qui a été présentée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en chambre du conseil après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu les articles 99, 99-2, 185, 186, 194 à 200, 206, 207, 216 et 217 et 802 du code de procédure pénale ;
EN LA FORME
Déclare l'appel recevable.
AU FOND
Prononce l'annulation de l'ordonnance de remise pour aliénation à l'AGRASC d'un bien meuble placé sous main de justice en date du 28 mai 2015 (cote D710).
Ordonne le retrait de cette pièce du dossier et son classement au greffe de la Cour d'appel.
Déclare irrecevable la demande en restitution du véhicule et de la carte grise de Jonathan X....
Ordonne le retour de la procédure au juge d'instruction qui en est saisi.
DIT que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de M. le procureur général.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Ct0002
Numéro d'arrêt : 15/00442
Date de la décision : 01/10/2015

Analyses

Il se déduit des dispositions des articles 99 et 99-2 du code de procédure pénale que, lorsque le juge d'instruction a été saisi d'une requête en restitution d'un bien meuble placé sous main de justice, il ne peut ordonner la remise de ce bien à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), en vue de son aliénation, qu'après avoir statué par ordonnance motivée sur cette requête. En rendant une ordonnance de remise à l'AGRASC, sans avoir répondu à la requête en restitution déposée par le conseil du mis en examen, le magistrat instructeur a privé de tout objet ladite requête et a empêché son auteur d'exercer son droit à un recours effectif garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision doit être en conséquence annulée d'office.


Références :

Décision attaquée : Juge d'instruction près le trib. de grande instance de Narbonne, 28 mai 2015


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2015-10-01;15.00442 ?
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