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09/09/2015 | FRANCE | N°12/06612

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4ème b chambre sociale, 09 septembre 2015, 12/06612


PC/ RBI
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4ème B chambre sociale
ARRÊT DU 09 Septembre 2015

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 06612

ARRÊT no 15/ 1022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 JUILLET 2012 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER No RG11/ 00287

APPELANTE :

SA X...représentée par sonPrésident Bernard X......34000 MONTPELLIER Représentant : Me Emmanuelle JONZO de la SCP LOBIER MIMRAN GOUIN LEZER JONZO, avocat au barreau de NIMES

INTIME :

Monsieur Porfirio Y...... 34000 MONTPELL

IER Représentant : Me Luc KIRKYACHARIAN de la SCP KIRKYACHARIAN, YEHEZKIELY, MASOTTA, avocat au barreau de M...

PC/ RBI
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4ème B chambre sociale
ARRÊT DU 09 Septembre 2015

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 06612

ARRÊT no 15/ 1022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 JUILLET 2012 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER No RG11/ 00287

APPELANTE :

SA X...représentée par sonPrésident Bernard X......34000 MONTPELLIER Représentant : Me Emmanuelle JONZO de la SCP LOBIER MIMRAN GOUIN LEZER JONZO, avocat au barreau de NIMES

INTIME :

Monsieur Porfirio Y...... 34000 MONTPELLIER Représentant : Me Luc KIRKYACHARIAN de la SCP KIRKYACHARIAN, YEHEZKIELY, MASOTTA, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 01 JUIN 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Président de chambre Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller Mme Isabelle ROUGIER, Conseillère

qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Président de chambre, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *

EXPOSE DU LITIGE
Monsieur Porfirio Y...a été embauché en qualité de " adjoint des services transversaux " par la SA X...et Cie (société X...), suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en date du 09 mai 2000 à effet du 1er octobre 2000.
Le 15 mai 2002 il est signé entre les parties un avenant au contrat de travail qui définit notamment les nouvelles fonctions de M. Y... à compter du 07 mai 2002, à savoir " directeur, cadre dirigeant ".
Le 17 février 2010, le salarié a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie non professionnelle qui s'est prolongé jusqu'au vendredi 31 décembre 2010.
Le 29 décembre 2010 à 18h14 M. Y... s'adresse à l'employeur par mail, il lui indique : " je reprends mon travail le lundi 3 janvier 2011 à partir de 8 heures, pouvez vous donc tenir à ma disposition tous les éléments concernant l'année 2010 afin que je puisse être opérationnel et reprendre mes activités contractuelles de cadre dirigeant immédiatement. "

Le 29 décembre 2010 à 20h04, M. Y... est rendu destinataire par l'employeur d'un message électronique aux termes duquel il lui écrit notamment :
" Pour éviter d'embarrasser (outre mesure) le personnel, ne reprends pas le travail avant la réunion du 3 janvier 2011 à 17 heures, mais aussi avant l'avis du médecin du travail. "
La visite médicale de reprise est organisée par le médecin du travail pour le mercredi 05 janvier 2011 à 10 heures.
Le mardi 04 janvier 2011 l'employeur notifie à M. Y... une mise à pied dans les termes suivants :
" Malgré ton engagement tu ne m'as pas envoyé par mail, hier soir, comme convenu ton budget (signé) 2011 (CA + RBE). Je l'attends par mail aujourd'hui ! Les originaux sont à fournir directement à serge C.... Je te rappelle que ces documents étaient à présenter courant novembre 2010 en application de l'article 11, 2ème 1er alinéa de ton contrat de travail pour approbation par la direction. En attendant tu es mis à pied à compter du 3 janvier 2011 à titre disciplinaire jusqu'à la fourniture et l'approbation de l'ensemble de ces documents. Navré mais ton comportement est inadmissible, j'espère que tu vas te ressaisir. "

Le salarié répond sous la même forme, le même jour 04 janvier 2011 à 15h02 :
".... je suis encore plus surpris de recevoir, ce jour, une mise à pied disciplinaire au titre de ce que je n'aurais pas rendu le budget en novembre 2010, alors qu'à cette période j'étais en maladie et pas simple comme vous le savez. Je conteste les motifs de cette sanction. J'ai bien noté selon votre mail du 29 décembre 2010 à 20h04 que vous ne souhaitiez pas que je reprenne mon travail avant la visite médicale de reprise organisée le 5 janvier 2011 à 10 heures. "

A l'issue de la visite médicale de reprise après maladie, le médecin du travail se prononce comme suit : " apte à la reprise ".
Le 06 janvier 2011 à 12h58 M. Y... adresse à l'employeur " une esquisse de budget " dont il dit lui-même que des " informations essentielles " tenant notamment à " la stratégie tarifaire " lui font défaut " pour faire un budget cohérent " ; par autre courrier électronique l'employeur lui signifie à 16h58 de se présenter à " 17h30 pour le signer (le budget) ensuite tu reprends ton travail ".
Deux mises en demeure en dates des 10 et 25 janvier 2011 sont adressées à M. Y... d'avoir à justifier de son absence.
Par lettre de l'employeur datée du 16 février 2011 M. Y... est licencié " pour cause réelle et sérieuse en raison de votre absence délibérée depuis le 06 janvier 2011 " ; étant précisé qu'aucune des parties ne justifie de la lettre de convocation à l'entretien préalable.
Contestant cette mesure M. Y... a saisi le 18 février 2011 le conseil de prud'hommes de Montpellier d'une demande en paiement de dommages-intérêts et diverses indemnités dont pour travail dissimulé.
Suivant jugement rendu le 23 juillet 2012, la juridiction prud'homale a condamné la société X...à payer à M. Y... les sommes suivantes :-130 000, 00 ¿ de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,-19 249, 98 ¿ d'indemnité de préavis, outre 1924, 99 ¿ pour les congés payés associés,-950, 00 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La même décision a débouté M. Y... du surplus de ses prétentions et condamné l'employeur à verser à Pôle Emploi la somme de 7058, 33 ¿ correspondant à 1 mois de salaire.
Appelante du jugement la société X...soutient que le médecin du travail ayant déclaré le 05 janvier 2011 M. Y... " apte sans réserve " il était d'autant plus tenu de se présenter dès le 06 janvier qu'à cette date l'employeur " mettait un terme à la sanction disciplinaire ".
Considérant que " la mise à pied est expressément levée dès le 06 janvier 2011 ", la société X...se prévaut de l'absence injustifiée du salarié à compter de cette date, ainsi que de ses mises en demeure pour affirmer que le licenciement est fondé ; elle lui fait pareillement grief d'avoir organisé la non exécution du préavis de trois mois auquel il était tenu.
Elle ajoute qu'à raison de son statut de cadre dirigeant le salarié ne peut prétendre au paiement de rappels de salaire (pour heures supplémentaires) ayant pour fondement les dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.
Elle conclut à l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il prononce diverses condamnations à son encontre, à sa confirmation en ce qu'il rejette partie des demandes du salarié et sollicité le déboutement de l'intégralité des réclamations formulées par M. Y..., ainsi que sa condamnation à lui verser la somme de 2500, 00 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. Y... fait valoir que la mesure de mise à pied qui lui a été notifiée alors même qu'il n'avait pas repris son travail, ni passé la visite médicale de reprise, était illégale et qui plus est " à durée indéterminée ".
Il complète en exposant que l'employeur a fait entrave à sa tentative d'exécution du préavis et qu'il ne saurait à présent lui faire grief de son inexcution qu'il n'aurait en tout état de cause pu effectuer car de nouveau placé en arrêt de travail pour maladie.
Il revendique l'accomplissement d'heures supplémentaires dont il affirme qu'elles auraient du lui être payées n'étant pas soumis à à une convention de forfait.
Il conclut à la confirmation " dans son principe " du jugement entrepris en ce qu'il prononce des condamnations à l'encontre de l'employeur, à son infirmation pour le surplus et demande que la société X...soit condamnée à lui payer les sommes suivantes :
-400 000, 00 ¿ de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,-19 249, 98 ¿ d'indemnité de préavis, outre 1924, 99 ¿ de congés payés associés,-14 317, 60 ¿ de restitution de salaire de janvier et février 2011 correspondant à la mise à pied illégale,-359 432, 00 ¿ de rappel pour heures supplémentaires, ainsi que 35 943, 20 ¿ pour les congés payés correspondant,-38 000, 00 ¿ d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,-5000, 00 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives, la Cour se réfère aux conclusions notifiées par les parties et auxquelles elles ont expressément déclaré se rapporter lors des débats.
SUR QUOI
Sur la rupture du contrat de travail
L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.
Les motifs doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalant à une absence de motif.
Dans son courrier en date du 16 février 2011 l'employeur notifie à M. Y... son licenciement dans les termes suivants ; " nous vous notifions votre licenciement pour cause réelle et sérieuse en raison de votre absence délibérée depuis le 6 janvier 2011 ".
Sans qu'il soit nécessaire de reprendre en son entier le calendrier, déjà décliné supra dans l'exposé du litige, des événements qui ont précédé cette mesure il importe néanmoins de rappeler que M. Y... a été placé à compter du 17 février 2010 en arrêt de travail pour maladie tenant à " une tumeur rénale " et que cet arrêt s'est prolongé jusqu'au vendredi 31 décembre 2010 (pièce no5).
En date du 29 décembre 2010 et en réponse à un message électronique du salarié qui annonce son retour pour le lundi 03 janvier 2011, l'employeur l'invite à ne pas le faire avant d'avoir passé la visite médicale de reprise, laquelle se trouve être programmée pour le mercredi 05 janvier 2011 :
" Pour éviter d'embarrasser (outre mesure) le personnel ne reprends pas le travail avant la réunion du 3 janvier 2011 à 17 heures, mais aussi avant l'avis du médecin du travail " (pièce no47).
Pour autant et le 04 janvier 2011 à 09h27 il expédie un mail au salarié en lui reprochant de ne lui avoir pas adressé la veille, 03 janvier, son budget signé et il ajoute : " Je te rappelle que ces documents étaient à présenter courant novembre 2010 en application de l'article 11, 2ème, 1er alinéa de ton contrat de travail pour approbation par la direction. En attendant tu es mis à pied à compter du 3 janvier 2011, à titre disciplinaire jusqu'à la fourniture et l'approbation de l'ensemble de ces documents " (pièce no12).

Ce faisant force est de constater qu'il résulte des pièces ci-dessus visées que d'une part, M. Y... s'est trouvé à compter du 17 février 2010 et jusqu'au 31 décembre 2010 dans une période où l'exécution de son contrat de travail a été temporairement suspendue à raison d'un motif médicalement constaté, d'autre part que bien que la visite médicale de reprise effectuée par le médecin du travail met seule fin à la période de suspension du contrat, l'employeur qui avait enjoint le salarié de ne pas rejoindre l'entreprise avant d'avoir passé cette visite, lui reproche de ne pas avoir présenté en novembre 2010 son budget prévisionnel, de ne l'avoir pas davantage fait le 03 janvier 2011 et lui notifie le 04 janvier 2011, soit antérieurement à la date prévue pour la visite de reprise une mise à pied qu'il qualifie de " disciplinaire " et dont il fait courir les effets à la veille.
Au surplus, bien que le 06 janvier 2011 M. Y... adresse néanmoins à l'employeur et selon ses propres termes une " esquisse de budget 2011 " dont il prend la précaution de dire que " des informations essentielles " tenant à " la stratégie tarifaire " manquent " pour faire un budget cohérent ", il reçoit le même jour un mail de l'employeur à 16h58 qui lui dit que " Serge C..." doit le valider et ajoute il " t'attends à 17 heures 30 minutes pour le signer (ensuite tu reprends ton travail) " (pièce no14).
En sorte que l'employeur qui fait fi des dispositions du code du travail comme de ses obligations à l'égard des salariés dont il semble méconnaître les droits dont ceux-ci peuvent disposer, enjoint à 16h58 M. Y..., de se présenter à 17h30 à un supérieur hiérarchique sans se préoccuper de savoir si son message a bien été lu, ni si les 32 minutes laissées au salarié sont suffisantes pour répondre à l'injonction qui lui est faite, le tout alors que la mesure de mise à pied disciplinaire n'est pas levée et qu'aux deux conditions cumulatives initiales de sa levée, tenant à " la fourniture et l'approbation " l'employeur en a rajouté deux autres consistant en la présence de M. Y... et à sa signature des documents.
Dès lors il est patent qu'en dépit de deux courriers électroniques explicites (04 et 06 janvier 2011) quant à la mise à pied et à ses conditions de levée, la société X...dans un déni total de ses propres documents vient à soutenir que " la sanction litigieuse a été levée dès le 06 janvier 2011 par l'employeur " et se fonde sur l'absence postérieure qu'elle qualifie d'injustifiée du salarié pour prononcer son licenciement alors même qu'elle l'a elle-même et de manière tout à fait irrégulière placé dans l'impossibilité de satisfaire aux exigences qu'il lui est reproché de n'avoir pas respecté.
L'employeur qui a pris une mesure de mise à pied disciplinaire à l'encontre du salarié pendant une période de suspension de son contrat de travail en lui faisant grief de n'avoir pas accompli, au cours de la période considérée, une obligation découlant du-dit contrat a gravement contrevenu à ses obligations et ne se trouve plus légitime a licencier celui-ci au motif qu'il se trouverait en absence injustifié malgré les deux mises en demeure qui lui ont été adressées, le refus du salarié de reprendre le travail pouvant d'autant moins être fautif que pour irrégulières qu'elles soient les conditions de levée de la mesure de mise à pied imposées par l'employeur n'avaient pas été réunies et que le jour même de la notification de la mesure le salarié s'était insurgé et en avait dénoncé le caractère injustifié et irrégulier (pièces no13 et 16).

En confirmant le jugement déféré la Cour dira la mesure de pied irrégulière et le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, ouvrant au salarié droit à paiement de dommages-intérêts.
Sur les demandes en paiement attachées à la rupture
En considération de l'ancienneté acquise par le salarié (plus de 10 ans), de sa qualification et de sa rémunération, des circonstances liées à la rupture du lien professionnel, ainsi que des justificatifs produits, la Cour en infirmant le jugement entrepris sur le quantum des sommes allouées, condamnera la société X...à verser à M. Y... la somme de 170 000, 00 ¿ à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le préavis :
S'il est fait grief au salarié de n'avoir pas accompli le préavis de trois mois tel que la lettre de licenciement lui faisait injonction et qui commençait à courir le 18 février 2011, il demeure ainsi que déjà démontré que M. Y... a été frappé le 04 janvier 2011 d'une mesure de mise à pied totalement irrégulière, qu'à dater du 17 février 2011 et jusqu'au 21 février 2011 inclus il a de nouveau été placé en arrêt de travail pour maladie (pièce no11 bis) et qu'enfin postérieurement à cette date et bien qu'il se soit présenté sur le lieu de travail pour son exécution c'est la société X...qui s'y est opposé ainsi que le mail de l'employeur en date du 25 février 2011 à 19h05 l'établit :
" Nous avons effectivement tiré toutes les conséquences de votre comportement en vous envoyant la lettre recommandée du 23 février 2011. Il me semble que nous avons bien fait car nous n'osons imaginer ce qu'auraient enduré le personnel et les clients pendant 3 mois en votre présence. Nous ne vous avons absolument pas remplacé (mais cela vous arrange de la dire) sinon nous ne vous aurions pas demandé d'effectuer votre préavis. Nous ne saurions donc trop vous conseiller d'en rester là (la justice tranchera notre différent) et de ne pas venir demain, sinon nous nous verrions contraints, pour la bonne et sereine exploitation de l'hôtel ETAP dont vous perturbez la bonne marche, d'appeler les forces de l'ordre. En espérant ne pas en arriver là ! ! ! Veuillez agréer.... " (pièce no10).

En confirmant le jugement attaqué de ce chef, la Cour condamnera la société X...à payer à M. Y... la somme de 19 249, 98 ¿ au titre de l'indemnité de préavis à laquelle s'ajoutera celle de 1924, 99 ¿ pour les congés payés associés.
Le rappel des salaires sur les mois de janvier et février 2011 :
La mesure de mise à pied prise à l'encontre de M. Y... étant illégale et irrégulière il ne saurait lui être tenu rigueur de n'avoir pas travaillé et de le priver ainsi du bénéfice des sommes auxquelles il aurait légitimement pu prétendre ; en infirmant le jugement déféré la Cour condamnera la société X...à payer à M. Y... la somme de 12 206, 85 ¿ tel que sollicité au titre du rappel des salaires.
Le solde de l'indemnité de licenciement :
S'il apparaît du courrier de l'employeur daté du 06 juin 2011, accompagnant le paiement du solde de tout compte, que le montant de l'indemnité de licenciement auquel M. Y... pouvait prétendre s'élevait à 13 227, 33 ¿ (pièce no42) rien ne justifie que la somme de 4610, 91 ¿, dont le salarié réclame paiement à titre de solde, lui ait été retenue et ce n'est pas la pièce no33 que la société X...revendique comme justificatif qui apporte une réponse à ce titre.
La Cour condamnera en conséquence la société X...à payer à M. Y... la somme de 4610, 91 ¿ pour solde de l'indemnité de licenciement.
Les heures supplémentaires et le travail dissimulé :
L'avenant au contrat de travail signé le 15 mai 2002 définit les nouvelles fonctions de M. Y... qui est nommé " directeur, cadre dirigeant " et c'est notamment de cette qualité du salarié dont l'employeur se prévaut pour considérer que M. Y... se trouvait exclu du champ d'application de la réglementation sur la durée du travail et ainsi voir rejeter la réclamation de ce dernier au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé.
Il convient en conséquence liminairement d'apprécier si, dans l'exercice réel de l'activité professionnelle et indépendamment de la qualification retenue dans le contrat de travail, les conditions cumulatives de l'article L. 3111-2 du code du travail définissant la qualité de cadre dirigeant sont réunies, savoir :- avoir des responsabilités importantes impliquant une large indépendance dans l'organisation de son emploi du temps,- être habilité à prendre des décisions de façon largement autonome,- percevoir une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération de l'entreprise.

Concernant l'habilitation à prendre des décisions de manière largement autonome, il appert de la simple lecture de l'avenant précité que, s'agissant de la " gestion administrative (article 3-2) " :
* " les conditions d'exploitation sont fixées par la société X...... " ; * " la comptabilité sera tenue par la SAS X..., à ce titre le directeur s'oblige à mettre à disposition les livres des ventes et les statistiques quotidiennes....., la gestion des encaissements et des dépôts bancaires...., le suivi et le contrôle de la qualité des prestations..... ; * " le directeur fixera les prix de vente de la chambre (...) dans le cadre des lignes directrices de la politique tarifaire définie par la chaîne et aussi en accord avec la direction générale de la SA X..., en cas de désaccord sur celle-ci, la direction générale imposera la politique nécessaire à l'établissement. " (pièce no3).

Il s'induit de ce qui précède que cette condition n'est pas remplie, en sorte qu'il est inutile de s'attacher à l'examen des deux autres dans la mesure où, comme déjà dit, les conditions de l'article L. 3111-2 sont cumulatives.
Ce faisant M. Y... dont il n'est pas discuté qu'il bénéficiait du statut de cadre ne faisait pour autant pas partie de la catégorie la plus élevée dans la mesure où les trois critères d'application de la qualité de cadre dirigeant n'étaient pas cumulés, en sorte qu'il ne se trouvait pas exclu du champ d'application de la réglementation sur la durée du travail.
En application des dispositions de l'article L. 3121-38 du code du travail, le paiement des heures supplémentaires suivant une convention de forfait ne peut résulter que d'un accord entre les parties.
La rémunération forfaitaire d'heures supplémentaires ne se présumant pas, il incombe à celui qui se prévaut de l'existence d'une convention de forfait d'en rapporter la preuve et de justifier qu'elle a été expressément acceptée.
Le contrat de travail de M. Y..., pas plus que l'avenant du 15 mai 2002 ne contenant de clause de forfait et ses bulletins de paye mentionnant un salaire calculé sur une base de 169 heures sans qu'aucune heure supplémentaire n'apparaisse, celui-ci est fondé à formuler une réclamation à ce titre.
Il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail, que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune de parties et qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments e nature à justifier des horaires réalisés par le salarié.
Se prévalant des contraintes attachées à l'exercice de ses fonctions comme découlant des termes mêmes de son contrat de travail, M. Y... réclame paiement d'heures supplémentaires et au-delà du document précité il étaye également sa demande par la production d'un décompte présenté sous forme d'un tableau excel sur lequel figurent notamment au titre de chacune des années 2006 à 2010 le salaire annuel, le nombre de jours de congés pris, le nombre de jours travaillés, les heures travaillées/ an, les heures payées/ an, les heures supplémentaires/ an, les montants réclamés pour chacune des ces années (pièces no1, 3 et 41).
L'employeur qui discute le bien fondé de cette réclamation ne produit cependant aucun élément matériel de nature à apporter véritablement contradiction, mais il multiplie des observations sur le salarié dont il écrit qu'il " fait plaider qu'il est un sur-homme qui aurait travaillé 24/ 24 heures et 7/ 7 jours ".
En considération des pièces no1, 3 et 41 du salarié dont il a déjà dit qu'elles étaient constituées du contrat de travail, de l'avenant à celui-ci et d'un tableau de décompte suffisamment clair et précis, ainsi que de la déclaration du salarié qui expose que " la gestion d'un hôtel nécessite une présence 24 heures sur 24 pour la sécurité et les besoins du client " ce que l'employeur confirme et conforte par les termes mêmes de sa lettre de licenciement dans le corps de laquelle il mentionne : " Vos missions assorties d'une large autonomie, étaient essentielles car elles consistaient en : * gestion totale du personnel (...) ; *gestion administrative (respect des normes et procédures inhérentes à la chaîne Etap-Hôtel et notamment vous deviez assurer la permanence sécurité de cet établissement recevant du public. La réglementation nécessite votre présence 24h/ 24h, raison pour laquelle vous aviez un logement de fonction) ; *gestion commerciale... " (les éléments soulignés sont reproduits tels que figurant soulignés par l'employeur-pièce no6) ; la Cour relève et retient que M. Y...a suffisamment étayé sa demande au titre des heures supplémentaires par le décompte produit qui détaille l'ampleur de ses horaires sans que les pièces versées aux débats par l'employeur fournissent d'éléments précis sur les horaires effectués, elle évaluera en conséquence à la somme de 75 000, 00 ¿ le montant dû par la société X...à M. Y... au titre des heures supplémentaires pour la période de janvier 2006 à février 2010, à laquelle s'ajouteront 7500, 00 ¿ pour les congés payés associés.

L'indemnité prévue à l'article L. 8221-5 du code du travail n'est due que s'il est établi que l'employeur a dissimulé intentionnellement tout ou partie de l'activité de son salarié.
En l'espèce, même si les bulletins de salaire d M. Y... ne mentionnent pas les heures de travail réellement accomplies par ce dernier, le rappel des heures supplémentaires dues par l'employeur intervient seulement à la suite de la décision de la Cour qui s'est prononcée au regard d'une demande pour la première fois formulée en cause d'appel.
L'intention frauduleuse n'apparaissant pas caractérisée, la demande de M. Y... au titre du travail dissimulé sera donc en voie de rejet, la Cour confirmant en cela le jugement entrepris.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement déféré rendu le 23 juillet 2012 par la section encadrement du conseil de prud'hommes de Montpellier, sauf en ce qu'il fixe le montant des dommages-intérêts dus à M. Y... pour le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse à la somme de 130 000, 00 ¿ et le déboute de sa demande sur le rappel des salaires de janvier et février 2011,
Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées,
Condamne la SA X...et Cie, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à payer à M. Porfirio Y...les sommes suivantes :
-170 000, 00 ¿ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-12 206, 85 ¿ de rappel de salaire sur les mois de janvier et février 2011,

Y ajoutant,
Condamne la SA X...et Cie, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à payer à M. Y... :
-75 000, 00 ¿ à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires sur la période de janvier 2006 à février 2010,-7500, 00 ¿ au titre des congés payés associés,-4610, 91 ¿ pour solde de l'indemnité de licenciement,

Déboute M. Y... du surplus de ses demandes,
Condamne la SA X...et Cie, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à verser en cause d'appel et en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à M. Y... la somme de 2000, 00 ¿,
Condamne la SA X...et Cie aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4ème b chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/06612
Date de la décision : 09/09/2015
Type d'affaire : Sociale

Analyses

A gravement contrevenu à ses obligations l'employeur qui a pris une mesure de mise à pied disciplinaire à l'encontre d'un salarié pendant une période de suspension de son contrat de travail en lui faisant grief de n'avoir pas accompli, au cours de la période considérée, une obligation découlant dudit contrat. Il n'est pas légitime à le licencier pour absence injustifiée alors que sa mise à pied disciplinaire n'avait pas été levée et qu'il l'a ainsi lui-même et de manière tout à fait irrégulière placé dans l'impossibilité de satisfaire aux exigences qu'il lui est reproché de n'avoir pas respecté.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Montpellier, 23 juillet 2012


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2015-09-09;12.06612 ?
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