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04/03/2015 | FRANCE | N°12/09641

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4ème b chambre sociale, 04 mars 2015, 12/09641


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4ème B chambre sociale

ARRÊT DU 04 MARS 2015

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 09641

Arrêt no :

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 NOVEMBRE 2012- TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE HERAULT-No RG 21200014

APPELANTE :

CPAM DE L'HERAULT
29 Cours Gambetta
CS 49001
34934 MONTPELLIER CEDEX 9
Mme Claire X...(Repésentante de la CPAM) en vertu d'un pouvoir du 09/ 01/ 15

INTIMEE :

SAS MANPOWER
305 rue Hélène Boucher
34130 MAUGUIO >Représentant : Me Laurence FOURNIER GATIER de la SCP MICHEL LEDOUX et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

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COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4ème B chambre sociale

ARRÊT DU 04 MARS 2015

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 09641

Arrêt no :

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 NOVEMBRE 2012- TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE HERAULT-No RG 21200014

APPELANTE :

CPAM DE L'HERAULT
29 Cours Gambetta
CS 49001
34934 MONTPELLIER CEDEX 9
Mme Claire X...(Repésentante de la CPAM) en vertu d'un pouvoir du 09/ 01/ 15

INTIMEE :

SAS MANPOWER
305 rue Hélène Boucher
34130 MAUGUIO
Représentant : Me Laurence FOURNIER GATIER de la SCP MICHEL LEDOUX et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 JANVIER 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller
Madame Claire COUTOU, Conseillère
Monsieur Philippe ASNARD, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier

ARRET :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure civile ;

- signé par Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*
**

EXPOSE DU LITIGE :

M Z..., salarié de la société MANPOWER, société d'interim, a été mis à disposition de l'entreprise utilisatrice SYSTEM U en qualité d'employé magasinage.

Le 19 juillet 2011, la société Manpower a effectué une déclaration d'accident du travail le concernant, faisant état d'un d'un accident du travail qui serait survenu le 16 juillet 2011 à 13 heures 30, et mentionnant :

« Selon les dires de la victime, il aurait glissé en préparant des commandes dans le secteur fruits et légumes, et se serait fait mal à l'épaule gauche en se rattrapant au rac. »

Il était également indiqué " réserves émises sur le caractère professionnel. Courrier joint ".

La lettre de réserves indiquait pour sa part : " Nous faisons suite à la déclaration de l'accident cité en référence dont aurait été victime notre salarié (e) intérimaire.
Au vu des premiers éléments d'informations recueillis, nous souhaitons émettre des réserves quant au caractère professionnel de ce prétendu fait accidentel, pour les raisons suivantes :
Aucun témoin n'a été cité. Or, les conditions de travail n'expliquent pas l'absence de témoins. Dans ces conditions, il ne peut être exclu que les lésions soient survenues dans de toutes autres circonstances que celles décrites par Monsieur Z... à un moment où il ne se trouvait plus ou pas aux temps et lieu de travail et échappait par conséquent à l'autorité de son employeur.
Compte tenu de ce qui précède, nous vous prions de bien vouloir nous tenir informés de la décision qui sera prise quant à ce dossier..... "

Le certificat médical initial, en date du 16 juillet 2011, faisait état, tout comme la déclaration d'accident du travail, d'une entorse de l'épaule gauche.

Le 8 août 2011, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault a répondu ".... je ne peux pas prendre en compte vos réserves, car elles ne sont pas motivées conformément à la jurisprudence constante... "

Par un seconde lettre du même jour 8 août 2011, la caisse a notifié à l'employeur sa décision de prendre en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.

La commission de recours amiable ayant rejeté son recours, la société Manpower a saisi la juridiction de sécurité sociale.

Par jugement du 26 novembre 2012, le Tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault a dit que la décision de prise en charge de l'accident dont a été victime M Z...le 16 juillet 2011 est inopposable à son employeur, la société Manpower.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 décembre 2012, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault a interjeté appel de cette décision.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault conclut à l'infirmation du jugement entrepris, et sollicite qu'il soit jugé que c'est à bon droit qu'elle a pris en charge d'emblée cet accident du travail, et que sa décision soit déclarée inopposable à l'employeur.

Elle fait essentiellement valoir que l'employeur ne fournit aucun document prouvant que les dispositions des articles R412-1 et R412-2 du code de la sécurité sociale ont été respectées, que l'accident s'est produit sur le lieu et au temps de travail, et que la simple allégation d'une absence de témoin ne détruit pas la présomption d'imputabilité.

Elle soutient que l'employeur devrait rapporter la preuve, soit de l'inexistence du fait matériel allégué, soit de l'absence de lien de subordination à ce moment là, soit d'un défaut de cause à effet entre la lésion et l'accident.

Elle soutient que l'employeur doit lui adresser des réserves détaillées, et que la simple mention de l'absence de témoin ne suffit pas à répondre à l'obligation de motivation prévue par l'article R441-11 du code de la sécurité sociale, que l'employeur n'indique pas avoir pris contact avec l'entreprise utilisatrice pour connaître les circonstance exacte de l'accident, et que les informations nécessaires n'ont pas été échangées entre ces deux entreprises.

Elle ajoute que les réserves émises se fondant uniquement sur des suppositions, n'étant pas motivées et ne répondant pas, selon elle, à la définition fournie par la jurisprudence sont irrecevables et qu'une enquête n'était pas nécessaire, dès lors qu'elle disposait d'éléments suffisants pour prendre en charge d'emblée l'accident déclaré.

La société Manpower conclut à titre principal à la confirmation du jugement déféré, et à titre subsidiaire, que la décision de prise en charge lui soit déclarée inopposable, la matérialité du fait accidentel n'étant pas établie.

Elle fait essentiellement valoir les éléments suivants :

- la décision de prise en charge lui est inopposable, car la caisse devait effectuer une enquête, ou envoyer un questionnaire aux intéressés, dès lors qu'elle avait émis des réserves motivées.

- En effet les réserves doivent s'entendre du doute émis par l'employeur sur la réalité de la survenance d'un accident au temps et au lieu de travail, l'enquête ayant pour objet de confirmer ou de dissiper ces doutes.
- Le fait d'attirer l'attention de la caisse sur l'absence de témoins et de constatation des lésions sur le temps et le lieu de travail sont d'évidence de nature à mettre en doute la matérialité de l'accident.

- En présence des réserves émises par elle, la caisse ne pouvait se dispenser de mesure d'instruction complémentaire.

- la recevabilité des réserves n'est pas subordonnée à la preuve que l'employeur ait préalablement interrogé l'entreprise utilisatrice, et il ne lui appartient pas non plus de se substituer à la caisse et de procéder à une enquête sur les faits déclarés par le salarié.

- A titre subsidiaire, la caisse primaire d'assurance maladie ne rapporte pas la preuve que l'accident de M Z...est survenu au temps et au lieu de travail, aucune lésion n'ayant été constatée sur le lieu de travail, alors qu'il a continué à travailler de 13 heures à 17 heures, et n'a informé son employeur que deux jours plus tard.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale et aux conclusions écrites auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats.

MOTIFS DE LA DECISION :

Aux termes de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret no 2009-938 du 29 juillet 2009, la déclaration d'accident du travail peut être assortie de réserves motivées de la part de l'employeur.

Dans son III, ce même article prévoit que dans un tel cas, la caisse envoie avant décision à l'employeur et au salarié victime un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés.

Ainsi, l'existence de réserves de la part de l'employeur impose à la caisse de procéder à une instruction préalable à sa décision, de sorte qu'en cas de prise en charge implicite, sa décision doit être déclarée inopposable à celui-ci.

Afin d'éviter des mesures d'instruction inutiles, il est toutefois prévu par ce texte que ces réserves doivent être motivées, la simple mention de réserves, sans autre précision, n'étant pas suffisante pour imposer à la caisse primaire d'assurance maladie de mettre en oeuvre les mesures prévues par le III de l'article R441-11 du code de la sécurité sociale.

Les réserves motivées visées par l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, s'entendant de la contestation du caractère professionnel de l'accident par l'employeur, ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail.

Lorsque l'employeur est une entreprise de travail temporaire, il doit être informé par l'entreprise utilisatrice, conformément aux dispositions de l'article L412-4 du code de la sécurité sociale, de tout accident du travail dont cette dernière a eu connaissance.

De plus, l'entreprise de travail temporaire a le devoir de se renseigner sur les dangers encourus par le salarié lorsque le travail s'exécute dans les locaux d'une autre entreprise, en application des articles 1147 du code civil et L452-1 du code de la sécurité sociale.

Il lui appartient donc de se rapprocher de l'entreprise utilisatrice pour recueillir les informations nécessaires sur les circonstances de l'accident, et de ne pas invoquer de réserves sans s'être assuré de leur exactitude ou de leur vraisemblance.

Compte tenu de la brièveté du délai qui lui est imparti pour effectuer la déclaration d'accident du travail, et comme le souligne la société Manpower, il ne s'agit toutefois pour l'employeur que de faire part d'un doute sur la réalité de la survenance de l'accident au temps et au lieu de travail, l'instruction effectuée par l'organisme social ayant pour objet de confirmer ou de dissiper ce doute.

En l'espèce, la déclaration d'accident du travail porte trace de ce contact préalable avec l'entreprise utilisatrice, puisque l'employeur mentionne qu'il a eu connaissance de cet accident, déclaré comme s'étant produit le 16 juillet 2011 à 13H30, le 18 juillet 2011 à 17H40, et qu'il a été informé par la famille, mais également " Par EU entreprise utilisatrice ".

Par ailleurs, elle est accompagnée d'une lettre détaillant ces réserves, qui ne se bornent pas à l'absence de témoin de l'accident, mais font état que " les conditions de travail n'expliquent pas l'absence de témoin ".

La déclaration d'accident du travail mentionnait en effet un accident alors que le salarié se trouvait " dans le secteur fruits et légumes ", et préparait des commandes.

Comme précédemment rappelé, l'employeur poursuivait "..... Dans ces conditions, il ne peut être exclu que les lésions soient survenues dans de toutes autres circonstances que celles décrites par Monsieur Z... à un moment où il ne se trouvait plus ou pas aux temps et lieu de travail...... ".

L'employeur émettait ainsi des réserves quant aux faits que les lésions dont la prise en charge était sollicitée au titre d'un accident du travail soient survenues au temps et au lieu de travail, et motivait ses doutes par l'absence de témoin alors que le salarié se trouvait dans un rayon où il était susceptible d'être entouré d'autres personnes.

Il s'agissait ainsi de réserves motivées, émises après que l'employeur ait recueilli des informations de l'entreprise utilisatrice, de sorte qu'elles imposaient à la caisse de mettre en oeuvre les mesures d'instruction prévues au III de l'article R41-11 du code de la sécurité sociale, c'est à dire, soit d'envoyer un questionnaire au salarié et à l'employeur, soit de procéder à une enquête.

Faute pour la caisse d'avoir diligenté de telles mesures, sa décision de prise en charge doit être déclarée inopposable à l'employeur, et le jugement déféré sera donc confirmé.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 novembre 2012 par le Tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4ème b chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/09641
Date de la décision : 04/03/2015
Type d'affaire : Sociale

Analyses

Lorsque l'employeur a émis des réserves quant au fait que les lésions dont la prise en charge était sollicitée au titre d'un accident du travail soient survenues au temps et au lieu de travail, et motivé ses doutes par l'absence de témoin alors que le salarié se trouvait dans un rayon où il était susceptible d'être entouré d'autres personnes, de sorte qu'il s'agit ainsi de réserves motivées, émises après que l'employeur ait recueilli des informations de l'entreprise utilisatrice, elles imposaient à la caisse de primaire d'assurance maladie de mettre en oeuvre les mesures d'instruction prévues au III de l'article R41-11 du code de la sécurité sociale , c'est à dire, soit d'envoyer un questionnaire au salarié et à l'employeur, soit de procéder à une enquête. Faute pour la caisse d'avoir diligenté de telles mesures, sa décision de prise en charge doit être déclarée inopposable à l'employeur.


Références :

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault, 26 novembre 2012


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2015-03-04;12.09641 ?
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