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02/03/2015 | FRANCE | N°14/07129

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1o chambre section as, 02 mars 2015, 14/07129


Grosse + copie délivrées le à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section AS
ARRÊT DU 02 MARS 2015
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 07129
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 août 2014 CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DE MONTPELLIER

DEMANDEUR AU RECOURS :
SCP Philippe X......34000 MONTPELLIER

assistée de Maître Pierre ALFREDO
DEFENDEUR AU RECOURS :
Madame Cristelle Y..., avocate ... 34000 MONTPELLIER

représentée par Maître Vincent CADORET loco Maître Julie de RUDNICKI, avocats au barreau d

e Montpellier

EN PRÉSENCE DE :

CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DE MONTPELLIER Maison des avocats 14, rue Marc...

Grosse + copie délivrées le à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section AS
ARRÊT DU 02 MARS 2015
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 07129
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 août 2014 CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DE MONTPELLIER

DEMANDEUR AU RECOURS :
SCP Philippe X......34000 MONTPELLIER

assistée de Maître Pierre ALFREDO
DEFENDEUR AU RECOURS :
Madame Cristelle Y..., avocate ... 34000 MONTPELLIER

représentée par Maître Vincent CADORET loco Maître Julie de RUDNICKI, avocats au barreau de Montpellier

EN PRÉSENCE DE :

CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DE MONTPELLIER Maison des avocats 14, rue Marcel de Serres 34000 MONTPELLIER

représenté par Maître Laurent SALLELES, avocat au barreau de Montpellier
Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL En son parquet près la Cour d'Appel 1, rue Foch 34000 MONTPELLIER

représenté par Monsieur Pierre DENIER, avocat général

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Anne BESSON, présidente de chambre Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, président de chambre Madame Corinne DESJARDINS, conseillère Madame Caroline CHICLET, conseillère Madame Brigitte DEVILLE, conseillère

qui en ont délibéré.
L'affaire a été débattue en audience publique, le 02 février 2015, Anne BESSON ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile,
GREFFIER :
Monsieur Dominique SANTONJA, greffier lors des débats
MINISTÈRE PUBLIC :
représenté lors des débats par Pierre DENIER, avocat général.
ARRÊT :
- contradictoire
-prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Madame Anne BESSON, présidente de chambre, et par Monsieur Dominique SANTONJA, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
DÉBATS :
En audience publique, le 02 février 2015, les parties ayant donné leur accord.
L'affaire a été mise en délibéré au 02 mars 2015.
La SCP X...et Maître Christelle Y...ont conclu le 14 février 2012 un contrat de collaboration prenant effet le 27 février 2012. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 novembre 2013, la SCP X...a mis fin sans préavis au contrat, alléguant une faute grave rendant impossible la poursuite de la collaboration au motif que Maître Christelle Y...a fait intervenir, de sa propre initiative, des personnes étrangères sur l'installation informatique de la SCP pour installer un logiciel.

Par requête du 10 mars 2014, Maître Christelle Y...a saisi Monsieur le Bâtonnier de l'ordre des avocats de Montpellier contestant les conditions de forme et de fond de la rupture de son contrat et sollicitant des rétrocessions d'honoraires.
Par ordonnance en date 20 août 2014, Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Montpellier a considéré que « dans le mesure où le manquement survenu ne constitue pas un manquement grave et flagrant, il ne justifiait pas la rupture immédiate sans respect du délai de prévenance » et a condamné la SCP Philippe X...au paiement au profit de Maître Christelle Y..., des sommes de 6 900 ¿ au titre de la rétrocession d'honoraires pendant le délai de prévenance de trois mois et de 985, 71 ¿ au titre d'indemnité pour repos non pris.
Par lettre recommandée avec accusé de réception, reçue au greffe le 22 septembre 2014, la SCP Philippe X...a interjeté appel de l'ordonnance.

Vu les conclusions du 27/ 01/ 2015 de l'appelante demandant en application des articles 452, 454 et 458 du CPC, de l'article 6 de la CEDH et de l'article 145 du décret du 27 novembre 1991, de prononcer la nullité de l'ordonnance rendue par le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats en ce qu'elle n'a pas été prise par le juge qui a assisté aux débats, subsidiairement pour ne pas mentionner le nom du juge qui en a délibéré mais encore pour absence de secrétaire à l'audience et, par voie de conséquence, défaut de mention de son nom et défaut d'établissement du procès-verbal de l'instance ; subsidiairement la SCP conclut à l'infirmation de l'ordonnance en raison des manquements de Me Y...aux règles de la profession.

Vu les conclusions du 22/ 01/ 2015 de Maître Christelle Y...sollicitant à la Cour, à titre principal, sur le fondement des articles 430 et 458 du CPC, des articles 142 et suivants du Décret du 27 novembre 1991 et du Règlement Intérieur National de la profession d'avocat, l'irrecevabilité ou à tout le moins le défaut de fondement des moyens de nullité soulevés par la SCP X...et la confirmation de l'ordonnance du 20 août 2014 dans toutes ses dispositions, au motif que la SCP X...a rompu le contrat de collaboration libérale de manière illicite ; ; subsidiairement, Maître Christelle Y...sollicite, si la Cour décidait d'annuler l'ordonnance du 20 août 2014, et par l'effet dévolutif de l'appel la confirmation de l'ordonnance :

Vu l'avis Monsieur l'Avocat général en date du 14 janvier 2015,

MOTIVATION
Sur la nullité de l'ordonnance 20 août 2014 Cette décision a été rendue par le M. le Bâtonnier en mentionnant l'existence d'une audience publique qui s'est tenue le 2 juin 2014 où chacune des parties a exposé sa situation et où les conseils des parties ont remis leurs pièces. Cette ordonnance n'indique pas l'assistance d'une secrétaire, ni la date à laquelle la décision sera rendue.

Contrairement à ce que soutient Mme Y..., l'article 175 du décret du 27 novembre 1991 relatif aux contestations en matière d'honoraires ne s'applique pas au règlement des litiges nés à l'occasion d'un contrat de collaboration, comme c'est le cas en l'espèce.
Or M. Le bâtonnier Luc Kirkyacharian n'a jamais entendu les parties contradictoirement comme l'article 144 du décret du 27 novembre 1991 lui en fait l'obligation, puisque c'est Mme le bâtonnier Tisseyre qui, sur délégation du bâtonnier en exercice, a entendu les parties à l'audience du 2 juin 2014 sans établir de compte-rendu des débats, mais uniquement des notes personnelles, dont il n'est pas fait état dans l'ordonnance déférée.
Ainsi Le bâtonnier Kirkyacharian a rendu une décision sans avoir entendu les parties au cours d'une audience ; Conformément à l'article 452 code de procédure civile, l'ordonnance est nulle pour avoir été prononcée par un juge n'ayant pas participé aux débats.
La cour saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, est tenue de statuer sur le fond, les deux parties ayant conclu sur la rupture du contrat de collaboration et ses conséquences.

Sur la rupture du contrat de travail

Le contrat de collaboration libérale étant conclu le 14. 2. 2012 pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin unilatéralement en respectant un délai de prévenance de trois mois, conformément aux dispositions de l'article 14. 2 du contrat et de l'article 14-4 du règlement intérieur national de la profession d'avocat, ce délai n'ayant pas à être observé en cas de manquement grave flagrant aux règles professionnelles.
La SCP X...a rompu le contrat de collaboration avec Mme Y...sans préavis, compte tenu de la faute grave rendant impossible la poursuite de la collaboration même pendant la durée du préavis, au motif qu'elle a fait intervenir sans avertir Me X...ou demander son autorisation « des personnes étrangères sur mon installation informatique pour installer un logiciel qui lui est propre »... « ces personnes ont eu accès à mes logiciels, fichiers, etc... ils ont pu consulter ou copier ce qu'ils ont voulu en infraction avec le secret professionnel ». « ces personnes ont également installé un système de connexion à distance, ce qui va leur permettre, à votre initiative et sans que je le sache de rentrer à tout moment, sur le réseau informatique de la SCP, ce qui est absolument inadmissible »
En sa qualité de collaboratrice, Mme Y...avait l'usage d'un ordinateur mis à sa disposition par la SCP X...tant pour les besoins de sa collaboration que pour le développement de sa clientèle personnelle, conformément à l'article 3-2 du contrat de collaboration libérale. Elle avait donc le droit d'utiliser cet ordinateur dans des conditions normales et dans le respect des principes essentiels de la profession conformément aux articles 14. 3, 1. 1 et 14. 4 du règlement intérieur.

Me Y...a fait installer sur cet ordinateur le logiciel adwin/ adapps, qui est un logiciel professionnel de gestion administrative des dossiers par la société ADWIN et un logiciel Ccleaner destiné à protéger l'ordinateur contre des virus, des spywares ou malwares. L'installation de tels logiciels relève d'une utilisation normale de son ordinateur par un avocat collaborateur.

Me Y...a fait le choix de la société ADWIN pour installer ces logiciels professionnels, cette société étant un prestataire habituel et reconnu des avocats, de nombreux Barreaux et des institutions des avocats (CARPA, conférence des bâtonniers, CNB, Ecole des avocats de Montpellier et autres), elle présentait toutes les garanties de sérieux exigibles ; Me Y...lui a fait signer un engagement de confidentialité et est restée présente pendant toute l'intervention de l'informaticien, de telle sorte que la SCP X...ne peut lui reprocher une atteinte au principe du secret professionnel ou à l'obligation de confidentialité, alors qu'elle n'allègue aucun fait de détournement de ses dossiers, même si en théorie ce fût possible. Tout accès à distance par la société ADWIN au serveur du cabinet X...est impossible car il nécessite un code d'accès dont Me Y...était la seule détentrice. Il n'y a donc eu aucun manquement au secret professionnel et aux règles de confidentialité, contrairement aux affirmations non étayées de la SCP X.... En l'absence de tout manquement grave flagrant, la SCP ne pouvait procéder à la rupture du contrat avec Me Y...sans délai de prévenance.

Cependant Me Y..., collaboratrice de la SCP X...ne pouvait pas faire procéder à l'installation de logiciels par une personne extérieure au cabinet sur l'ordinateur dont elle avait l'usage sans en avoir la propriété, et ce à l'insu de Me X...et en son absence, alors qu'elle n'avait jamais sollicité l'autorisation de la SCP ni même ne l'en avait informée ; le droit de Me Y...de faire installer des logiciels professionnels sur l'ordinateur connecté au réseau du cabinet ne pouvait la dispenser d'en informer la SCP, qui aurait pu prendre des mesures propres à assurer la sécurité du réseau informatique du cabinet.

Ce manquement ruinant toute confiance envers cette jeune collaboratrice constitue un motif de rupture du contrat de collaboration, sans avoir un caractère de gravité telle qu'il dispense la SCP X...du délai de prévenance.

Dans ces conditions, le délai de prévenance de trois mois correspond à une rétrocession d'honoraires de 6900 ¿.
Me Y...sollicite le paiement de neuf jours, auquel la SCP s'oppose au motif que ces jours doivent être pris pendant le délai de prévenance en sorte qu'ils ne s'ajoutent pas à celui-ci.
Conformément à l'art 14-4 du RIN, le collaborateur a droit à indemnité équivalente à la rétrocession d'honoraires qui aurait dû lui être versée pendant la période de repos rémunérée. Il est de principe que les jours de repos compensateur se cumulent au délai de prévenance. Le nombre de jours de repos ainsi que le montant de l'indemnité journalière ne font l'objet d'aucune critique. Il convient donc de fixer cette indemnité à la somme de 985, 71 ¿.

Me Y...se borne à solliciter des dommages et intérêts sans préciser en quoi l'exercice du recours de la SCP X...serait dilatoire, alors que son appel était fondé en ce qui concerne la nullité de l'ordonnance déférée ; elle est donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Prononce la nullité de l'ordonnance rendue par M Le bâtonnier le 20 août 2014,
Statuant sur le fond par l'effet dévolutif de l'appel de Me Y...,
Dit que la rupture du contrat de collaboration liant Me Y...à la SCP X...est intervenue sans manquement grave aux règles professionnelles,
Condamne en conséquence la SCP X...à payer à Me Y...la somme de 6 900 ¿ au titre du délai de prévenance de trois mois et la somme de 985, 71 ¿ à titre d'indemnité pour neuf jours de repos non pris,

Déboute Me Y...de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne la SCP X...à payer à Me Y...la somme de 1 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure pénal,
Condamne la SCP X...aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
Dominique SANTONJA Anne BESSON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1o chambre section as
Numéro d'arrêt : 14/07129
Date de la décision : 02/03/2015

Analyses

Une ordonnance rendue par le bâtonnier de l'Ordre des avocats est nulle en application de l'article 452 du Code de Procédure Civile dès lors qu'il n'a pas participé aux débats et n'a pas entendu les parties contradictoirement comme l'article 144 du décret du 27 novembre 1991 lui en fait l'obligation, les parties ayant été entendues à l'audience par un bâtonnier agissant sur délégation du bâtonnier en exercice sans établir de compte rendu des débats mais uniquement des notes personnelles dont l'ordonnance n'a pas fait état. Une avocate collaboratrice d'une SCP d'avocats qui a fait installer sur l'ordinateur dont elle avait l'usage un logiciel professionnel par une personne extérieure au cabinet n'a commis aucun manquement au secret professionnel et aux règles de la confidentialité justifiant la rupture du contrat de collaboration sans délai de prévenance, dès lors que la société choisie était un prestataire habituel et reconnu des Barreaux et des institutions d'avocats et présentait toutes les garanties de sérieux exigibles, qu'elle lui avait fait signer un engagement de confidentialité et qu'elle était restée présente pendant toute la durée de son intervention. En revanche, en faisant procéder à l'installation de logiciels sur cet ordinateur appartenant au cabinet et connecté à son réseau par une personne extérieure, à son insu et sans solliciter l'autorisation de la SCP ni même l'en informer, ce qui lui aurait permis de prendre des mesures propres à assurer la sécurité de son réseau, elle a commis un manquement ruinant toute confiance à son égard et constituant un motif de rupture du contrat de collaboration.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2015-03-02;14.07129 ?
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