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15/01/2015 | FRANCE | N°12/02326

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1o chambre section ao1, 15 janvier 2015, 12/02326


Grosse + copie délivrées le à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section AO1
ARRET DU 15 JANVIER 2015
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02326
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 JANVIER 2011 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE RODEZ No RG 08/ 01512

APPELANTS :
Mademoiselle Maria-Grazia X... née le 7 Octobre 1966 à PARIS 12ème (75012) de nationalité française ...12120 CASSAGNES BEGONHES représentée par Me Morgane SALVIGNOL GUILHEM, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER assistée de Me Jérôme VIALARET, avocat pla

idant au barreau d'ALBI substitué par Me Morgane SALVIGNOL GUILHEM, avocat au barreau de MONTPEL...

Grosse + copie délivrées le à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section AO1
ARRET DU 15 JANVIER 2015
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02326
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 JANVIER 2011 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE RODEZ No RG 08/ 01512

APPELANTS :
Mademoiselle Maria-Grazia X... née le 7 Octobre 1966 à PARIS 12ème (75012) de nationalité française ...12120 CASSAGNES BEGONHES représentée par Me Morgane SALVIGNOL GUILHEM, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER assistée de Me Jérôme VIALARET, avocat plaidant au barreau d'ALBI substitué par Me Morgane SALVIGNOL GUILHEM, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur Pierre-Olivier Y... né le 17 Avril 1967 à PARIS (75012) de nationalité française ...12120 CASSAGNES BEGONHES représenté par Me Morgane SALVIGNOL GUILHEM, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER assisté de Me Jérôme VIALARET, avocat plaidant au barreau d'ALBI substitué par Me Morgane SALVIGNOL GUILHEM, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :
Monsieur Richard Z...né le 17 Mai 1963 à Southampton (Royaume-Uni) de nationalité française ...SOUTHAMPTON représenté par Me Yves GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur Marc A...né le 9 Janvier 1960 à Winchester (Royaume-Uni) de nationalité française ...12120 RULHAC ST CIRCQ représenté par Me Yves GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur Jacques B......12120 CASSAGNES BEGONHES représenté par Me Gilles LASRY de la SCP d'avocats BRUGUES-LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Maître Frédéric C......53500 ERNEE représenté par Me Gilles LASRY de la SCP d'avocats BRUGUES-LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER

ORDONNANCE de CLOTURE du 18 NOVEMBRE 2014
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le MARDI 9 DECEMBRE 2014 à 8H45 en audience publique, Madame Anne BESSON, Présidente ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Madame Anne BESSON, Président de Chambre Madame Caroline CHICLET, Conseiller Monsieur Bruno BERTRAND, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Marie-Françoise COMTE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Madame Anne BESSON, Président de Chambre, et par Colette ROBIN greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Selon acte sous seing privé reçu par Maître B...en concours avec Maître C..., Messieurs Z...et A...ont vendu pour le prix de 555 000 ¿ à Madame X... et Monsieur Y... une maison d'habitation sise lieu dit ... commune de Rulhac Saint Cirq (12 120), sous condition suspensive de l'obtention d'un prêt par les acquéreurs.
Le prêt n'ayant jamais été accordé par la banque, ceux-ci n'ont pas conclu la vente.
Arguant que l'indemnité d'immobilisation de 55 000 ¿ versée lors de la signature du sous seing privé leur revenait à titre de clause pénale, Messieurs Z...et A...ont assigné le 18. 9. 2008 Madame X... et de Monsieur Y... en paiement de dommages et intérêts pour la non réalisation de la vente et les préjudices subis.
Madame X... et de Monsieur Y... ont assigné les 4 juillet et 29 juin 2009 Maître B...et Maître C...en garantie.
Par jugement du 3. 2. 2012, le tribunal de grande instance de Rodez a :
- mis hors de cause Maître C...et Maître B...,- condamné Madame X... et Monsieur Y... à verser à Messieurs Z...et A...la somme de 55 000 ¿ à titre de clause pénale,- débouté Messieurs Z...et A...de leurs demandes d'indemnisation de leurs préjudices nanciers et du manque à gagner résultant du la perte du contrat,- débouté Messieurs Z...et A...de leur demande d'indemnisation de leurs préjudices moraux,- condamné Madame X... et Monsieur Y... à payer à Messieurs Z...et A...la somme de 1000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame X... et Monsieur Y... ont régulièrement interjeté appel le 27. 3. 2012.
Vu les conclusions du 30. 9. 2014 de Maria Grazia X... et de Pierre Olivier Y..., tendant à débouter Messieurs Z...et A..., Me B...et Me C...de l'ensemble de leurs demandes ; à titre subsidiaire, condamner Me B...et Me C...à les garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre au profit de Messieurs Z...et A...; en toute hypothèse, condamner Me B...et Me C...à leur payer la somme de 5. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens ; à titre infiniment subsidiaire, réduire la clause pénale et leur accorder les plus larges délais de paiement ;
Vu les conclusions du 10. 7. 2012 de Richard Z...et Marc A..., tendant à confirmer le jugement sauf en ce qu'il les déboute de leurs demandes d'indemnisation du préjudice financier et moral et du manque à gagner ; par conséquent, constater qu'ils apportent la preuve de ce que les consorts X.../ Y...ont failli à leurs obligations contractuelles et ont commis une faute en sollicitant un crédit d'un montant de 427. 000 ¿ au lieu de 150. 000 ¿ stipulés dans le compromis de vente ; les condamner à leur payer les sommes de 55. 500 euros au titre de la clause pénale assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande, 8. 083, 82 euros à titre d'indemnisation des préjudices matériels, de déplacement, de transport, de logement et de nourriture, 16. 625 euros à tire d'indemnisation du manque à gagner résultant de la perte d'un contrat, 2. 000 euros au titre des préjudices moraux subis et 3. 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens ;
Vu les conclusions du 6. 11. 2014 de Maître Jacques B...et de Maître Frédéric C..., tendant à confirmer le jugement et y ajoutant, dire et juger que l'obtention d'un prêt relais de 180. 000 ¿ n'était pas une condition de la réalisation de la vente et ne devait pas être stipulée comme condition suspensive de la vente dans le compromis, que les termes du compromis sont clairs et explicites, que les acquéreurs se sont engagés en toute connaissance de cause et en ont agréé les termes par leur signature, que les notaires n'ont commis aucune faute et que M. Y... et Mme X... ne justifient d'aucun préjudice en lien causal avec leur intervention ; en conséquence, les débouter de l'ensemble de leurs demandes à leur encontre ; en toute hypothèse, les condamner chacun à leur verser les sommes de 5. 000 ¿ pour appel abusif et 5. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture du 18. 11. 2014 ;
MOTIVATION
SUR LA DEMANDE PRINCIPALE
Le compromis de vente du 19 janvier 2008 stipulait que sur un total à financer de 591. 000 ¿, l'acquéreur avait l'intention de payer 441. 000 ¿ de ses deniers personnels et 150. 000 ¿ au moyen d'un prêt qu'il s'obligeait à demander et dont l'obtention était érigée en condition suspensive de la vente.
Or il résulte de la notification de refus du Crédit Mutuel du 3 février 2008 que le montant du prêt sollicité par Madame X... et Monsieur Y... avait été en réalité de 427. 000 ¿.
En demandant un prêt d'un montant excédant considérablement celui convenu au compromis de vente, ils ont empêché l'accomplissement de la condition suspensive, dès lors réputée accomplie en application de l'article 1178 du Code Civil.
Aucune conséquence ne peut être tirée de l'absence de mention de la date de réalisation de la vente par acte authentique dans le compromis. En effet, outre qu'elle n'est en rien liée à l'obtention du prêt, cette mention ne constitue pas une clause essentielle à la validité de 1'engagement, celui-ci étant en en tout état de cause limité par le délai fixé pour la réalisation de la condition suspensive et chaque partie pouvant solliciter la signature de l'acte authentique dans un délai raisonnable.
Responsables de la rupture des engagements conclus dans ce sous seing privé, les acquéreurs sont en conséquence tenus au paiement de la clause pénale de 55. 000 ¿ mise par le compromis à la charge de la partie qui ne voudrait pas signer l'acte authentique bien que les conditions suspensives soient réalisées.
Cette pénalité d'un montant de 55. 000 ¿, soit 10 % du prix de vente n'apparait pas manifestement excessive au sens de l'article 1152 du Code Civil et leur situation ne justifie pas d'échelonner le paiement de la dette par application de l'article 1244-1.
Par ailleurs, ainsi que le premier juge le rappelle opportunément, cette indemnité forfaitaire a précisément pour objectif de réparer l'ensemble des dommages incontestables qu'ils ont subis du fait de la non réalisation de la vente. Aucun élément objectif ne venant démontrer qu'elle est insuffisante pour en assurer la réparation intégrale, les vendeurs ne sont pas fondés à prétendre à une indemnisation supplémentaire au titre des préjudices financiers et moraux allégués.
Le jugement est donc confirmé de ces chefs.
SUR LE RECOURS EN GARANTIE
Madame X... et Monsieur Y... soutiennent que les deux notaires savaient qu'ils devaient solliciter un prêt-relais dans l'attente de la vente d'un bien immobilier dévolu à Monsieur Y... dans la succession de sa mère et leur reproche de ne pas l'avoir mentionné dans l'acte qu'ils ont rédigé.
Certes, ainsi que le premier juge l'indique, il n'est pas prouvé que les notaires soient intervenus dans les démarches entreprises par eux pour obtenir un prêt ne correspondant pas au montant fixé dans le compromis et il y était clairement précisé que la demande de prêt résultait d'une démarche exclusive et autonome des acquéreurs.
Cependant, cela ne les dispensait nullement, afin de satisfaire à leur obligation d'information et de conseil et d'assurer l'efficacité de leur acte, de s'enquérir précisément auprès des acquéreurs de la manière dont ils comptaient payer la somme de 441. 000 ¿ en sus du prêt de 150. 000 ¿ qu'ils s'engageaient à demander à leur banquier.
Ainsi, s'ils entendaient recourir à un prêt relais en attendant la vente de leur bien immobilier, les notaires se devaient de prendre en considération dans l'acte l'ensemble du financement compte tenu de l'importance de la somme à réunir et d'ériger en condition suspensive l'obtention du montant total qu'ils devaient emprunter, de manière à prémunir les acquéreurs contre le risque de perdre la somme de 55. 000 ¿ versée à titre de clause pénale si leur demande venait à être refusée.
Or l'un et l'autre n'ignoraient rien de la problématique liée à l'obtention d'un prêt relais qui s'avérait indispensable pour pourvoir signer l'acte authentique dans des délais normaux non soumis aux aléas de la vente de leur bien.
C'est ce qui résulte d'un courrier du 19 décembre 2007, soit un mois avant la signature du compromis de vente, par lequel Maître B..., notaire des acquéreurs, écrivait à son confrère Maître C..., notaire des vendeurs :
« L'acquéreur dispose d'une trésorerie personnelle et fait appel à un financement de 150. 000 ¿ à concrétiser (contacts pris et en cours de précision) sur une durée de 25 ans minimum au taux maximum de 5. 20 % l'an hors assurance. « Pour parvenir à une signature dans des délais aussi rapides que possible, l'acquéreur attend l'accord de prêt relais de 180. 000 ¿ qui permettra la signature de l'acte authentique dès l'obtention de l'accord de principe du financement définitif » ;

Or la teneur du compromis fait clairement apparaître que si les notaires ont pris en compte la demande de prêt de 150. 000 ¿ destiné à financer une partie de l'achat, en revanche, ils ont fait totalement impasse sur le prêt relais qui était pourtant une source majeure de financement et une cause potentielle de difficultés.
En effet, alors que Madame X... et Monsieur Y... avaient d'autant plus besoin de leurs conseils que le financement de leur achat s'avérait délicat, le projet qu'ils leur ont proposé ne correspondait ni à leurs attentes ni à la nécessité de sécuriser l'acte, en les exposant dangereusement à perdre le montant de la clause pénale dès lors que le paiement d'une partie du prix était loin d'être acquis et qu'aucune clause ne les mettait à l'abri des conséquences d'un refus du prêt relais par leur banquier.
Ayant failli dans leur devoir d'information et de conseil envers les acquéreurs, les notaires ont engagé à leur égard leur responsabilité professionnelle sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil au regard des conséquences qui ont pu en résulter.
De surcroît Maître B..., en réponse à leur demande du 15 janvier 2008 de « mettre les montants du prêt à jour », et ce en caractères gras pour attirer spécialement son attention sur ce point manifestement déjà évoqué avec lui, n'en a tenu aucun compte et s'est borné à leur envoyer le 18 janvier 2008 soit la veille de l'acte un message laconique les invitant à « signer le compromis en l'état » alors qu'il était encore possible de rectifier le montant du prêt pour répondre à leur souhait.
Les notaires invoquent par ailleurs l'absence de lien causal entre le dommage allégué par les consorts X...-Y...et leur intervention.
Or, s'ils avaient utilement conseillé les acquéreurs et pris en compte leurs besoins de financement réels et en avaient tiré les conséquences dans la rédaction de leur projet, en prévoyant à titre de condition suspensive l'obtention d'un ou de plusieurs prêts d'un montant total correspondant à celui qui leur était nécessaire pour financer leur achat,- soit en dernier lieu une somme totale de 427. 000 ¿ et non plus de 150. 000 + 180. 000 ¿ comme initialement envisagé-, le refus de la banque de leur accorder ce prêt aurait entrainé la défaillance de la condition suspensive et ils n'auraient pas été contraints au paiement de la clause pénale de 55. 000 ¿.
C'est donc bien leur carence dans l'exécution de leur obligation d'information et de conseil à leur égard qui est la cause de leur préjudice.
Le jugement sera en conséquence réformé de ce chef et les notaires condamnés à relever et garantir les acquéreurs de l'ensemble des condamnation mises à leur charge, dépens de première instance et frais irrépétibles compris.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré sur la demande principale.
Le réforme sur le recours en garantie et statuant à nouveau :
Condamne Jacques B...et Frédéric C...à relever et garantir Maria Grazia X... et Pierre Olivier Y... de l'ensemble des condamnations prononcées à leur encontre.
Y ajoutant :
Condamne Maria Grazia X... et Pierre Olivier Y... à payer à Richard Z...et Marc A...la somme de 2. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamne Jacques B...et Frédéric C...à payer à Maria Grazia X... et Pierre Olivier Y... la somme de 2. 000 ¿ sur le même fondement.
Condamne Jacques B...et Frédéric C...aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1o chambre section ao1
Numéro d'arrêt : 12/02326
Date de la décision : 15/01/2015

Analyses

A manqué à son obligation d'information et de conseil le notaire qui, informé que les acquéreurs entendaient recourir, en sus d'un prêt immobilier, à un prêt relais destiné à financer la majeure partie de l'achat, n'en a pas tenu compte dans la rédaction du compromis de vente et ne l'a pas mentionné à titre de condition suspensive, les exposant au risque de perdre le montant de la clause pénale dès lors qu'aucune clause ne les mettait à l'abri des conséquences d'un refus du prêt relais par leur banquier. Sa carence dans l'exécution de son obligation étant la cause de leur préjudice, il doit être condamné à relever et garantir les acquéreurs de la condamnation à payer aux vendeurs le montant de l'indemnité contractuelle.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Rodez, 10 janvier 2011


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2015-01-15;12.02326 ?
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