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16/10/2014 | FRANCE | N°12/00871

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1o chambre section ao1, 16 octobre 2014, 12/00871


Grosse + copie délivrées le à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1o Chambre Section AO1
ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2014
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 00871
Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 NOVEMBRE 2011 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN No RG 0600081

APPELANTE :
S. A SOCOTEC représentée par son Président Directeur Général en exercice domicilié en cette qualité au siège social 3 Avenue du Centre Les Quadrants 78280 GUYANCOURT représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP Gilles ARGELLIES, Emily APOLLIS-avocats

associés, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER, assistée de Me Jean-Baptiste BENE, avocat plai...

Grosse + copie délivrées le à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1o Chambre Section AO1
ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2014
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 00871
Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 NOVEMBRE 2011 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN No RG 0600081

APPELANTE :
S. A SOCOTEC représentée par son Président Directeur Général en exercice domicilié en cette qualité au siège social 3 Avenue du Centre Les Quadrants 78280 GUYANCOURT représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP Gilles ARGELLIES, Emily APOLLIS-avocats associés, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER, assistée de Me Jean-Baptiste BENE, avocat plaidant au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Monsieur François X...né le 28 Avril 1945 à PERPIGNAN de nationalité française ...66000 PERPIGNAN représenté par Me Philippe CODERCH-HERRE de la SCP SAGARD-CODERCH-HERRE-JUSTAFRE, avocat au barreau des Pyrénées-Orientales

SAS MEDITERRANEE IMMOBILIER, venant aux droits de l'EURL MEDITERRANEE IMMOBILIER, immatriculée au RCS de Montpellier no 378 693 949 prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social 204 rue Michel Teule 34000 MONTPELLIER représentée par Me Marie Pierre VEDEL SALLES, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER assistée de Me Thierry VERNHET de la SCP SCHEUER, VERNHET et associés, avocat plaidant au barreau de MONTPELLIER

SA AXA FRANCE IARD représentée par son Président du Directoire en exercice domicilié ès qualités audit siège social 313 Terrasses de l'Arche 92727 NANTERRE CEDEX représentée par Me Marie Camille PEPRATX NEGRE de la SCP Eric NEGRE, Marie Camille PEPRATX NEGRE, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER, assistée de Me Jean Pierre BERTHOMIEU, avocat plaidant au barreau de MONTPELLIER

Syndicat des copropriétaires IMMEUBLE 9 ET 19 ESPACE MEDITERRANEE prise en la personne de son syndic en exercice Espace Méditerranée 66000 PERPIGNAN représenté par Me Yves GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LA PORTE, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER, assisté de Me Philippe NESE, avocat plaidant au barreau des Pyrénées-Orientales

ORDONNANCE de CLOTURE du 26 AOÛT 2014

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le MARDI 16 SEPTEMBRE 2014 à 8H45 en audience publique, Madame Anne BESSON, Présidente ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Madame Anne BESSON, Président de Chambre Madame Caroline CHICLET, Conseiller Monsieur Bruno BERTRAND, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Marie-Françoise COMTE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Madame Anne BESSON, Président de Chambre, et par Marie-Françoise COMTE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE
Ayant souscrit le 12 novembre 1991 une police unique de chantier auprès de la société UAP devenue la société AXA France, la société d'économie mixte SIVP a, sous la maîtrise d'¿ uvre complète de Monsieur X..., architecte, fait édifier entre 1991 et 1993 un ensemble immobilier dénommé " Espace Méditerranée ", comprenant un immeuble de prestige à usage de bureaux de sept étages lui-même divisé en 114 lots, qu'elle a vendu sous le régime de la copropriété ; sont notamment intervenues à cette opération la société SOGEA SUD chargée des travaux tous corps d'état et la SOCOTEC, chargée du contrôle technique.
Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 16 février 1994 avec effet au 30 juillet 1993.
La SIVP a été déclarée en redressement judiciaire par jugement du 10 septembre 1993 du tribunal de commerce de Perpignan, qui a ordonné la cession du fonds de commerce et de ses actifs à l'EURL Méditerranée Immobilier.
En 1998 le syndicat des copropriétaires a chargé la SOCOTEC d'une mission de contrôle et dans son rapport, elle a précisé que l'effectif total cumulé des étages 1 à 7 de l'immeuble de bureaux devait être limité à 500 personnes (personnel et public) en raison de la capacité d'évacuation des escaliers.
En 2001 toujours à la demande du syndicat des copropriétaires, la Socotec a précisé que si l'effectif de l'immeuble devait être maintenu, il conviendrait de créer un nouveau dégagement avec un 3ème escalier à partir du 3ème étage.
Compte tenu de ce rapport d'audit de sécurité, la commission communale de sécurité et d'accessibilité émettait le 5 octobre 2001 un avis défavorable à la poursuite du fonctionnement de l'immeuble eu égard au « fort déficit de sécurité ».
Sur la déclaration de sinistre de son assuré du 20 décembre 2001, la société AXA en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage a refusé sa garantie au motif que « la non-conformité de l'immeuble au niveau des issues de secours est liée à une surexploitation anarchique des locaux générant des sureffectifs par rapport aux hypothèses d'origine. ».
Le syndicat des copropriétaires et 35 copropriétaires ont assigné le 24 juillet 2003 la SA AXA Assurances, Monsieur X..., la SOCOTEC et la SNC Sogea Sud, Maître A... commissaire à l'exécution du plan de la SIVP, et l'EURL Méditerranée Immobilier aux fins de les voir condamner in solidum à les indemniser des préjudices subis, sur la base de l'expertise judiciaire de Monsieur Z...commis par ordonnance de référé du 27 février 2003.
Le rapport de Monsieur Z...a été déposé le 7 décembre 2005.
Par ordonnance du 8 août 2006, le juge de la mise en état a autorisé le syndicat des copropriétaires à faire réaliser les travaux de conformité à ses frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra. Par ordonnance du 23 novembre 2006 le juge de la mise en état a condamné la compagnie AXA à titre provisionnel à verser au syndicat des copropriétaires et aux copropriétaires la somme de 665 338, 86 ¿ pour ne pas avoir pris position dans les délais légaux.

Par jugement du 8 novembre 2011 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Perpignan a :- jugé que Monsieur X...et la SA Socotec sont responsables de la non-conformité de l'ouvrage aux règles de sécurité sur le fondement de l'article 1792 du code civil et doivent dans le cadre d'une obligation in solidum réparer l'entier préjudice subi par le syndicat des copropriétaires de la résidence 9 et 19 espace Méditerranée,- jugé que la compagnie AXA France devait préfinancer le coût des travaux de mise en conformité, soit la somme de 665. 338, 86 ¿ avec réactualisation et doit les intérêts au double du taux légal de cette somme du 12 avril 2006 au 9 février 2007,- constaté que le syndicat des copropriétaires a été indemnisé du coût de la remise en état et des intérêts, soit 668 020, 22 ¿,- condamné in solidum la SA AXA France, Monsieur X...et la SA Socotec à payer au syndicat des copropriétaires : * la réactualisation de la somme de 665 338, 86 ¿ sur l'indice BT 01 du 7 décembre 2005 au 9 février 2007, * la somme de 51 426, 05 ¿ au titre du préjudice accessoire,- jugé que le syndicat des copropriétaires est mal fondé en ses demandes contre la SAS Méditerranée et l'en a débouté,

- jugé que Monsieur X...et la SA Socotec ont commis une faute qui a concouru au dommage et dont la responsabilité incombe à chacun pour moitié,- jugé qu'aucune faute n'est imputable à la SAS Méditerranée,- débouté la SA Socotec de son recours contre le syndicat des copropriétaires,- jugé que la compagnie AXA France ne peut exercer de recours contre Monsieur X...et qu'en revanche elle doit le garantir,- dit que dans les rapports entre Monsieur X...et la SOCOTEC la charge des condamnations au titre des travaux et du préjudice sera prise en charge à hauteur de 50 % par la Socotec et 50 % à la charge in solidum de la SA AXA et de Monsieur X...,- mis hors de cause la SNC Sogea Sud, et l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts,- mis la totalité des dépens in solidum à AXA, X...et Socotec.

La SA Socotec a régulièrement interjeté appel le 2 février 2012 à l'encontre de Monsieur X..., la SAS Méditerranée Immobilier venant aux droits de l'EURL Méditerranée Immobilier, la SA AXA France Iard et le syndicat des copropriétaires.
Vu les conclusions du 25 juin 2012 de la SA SOCOTEC,
Vu les conclusions du 2 novembre 2012 de Monsieur X..., appelant à titre incident,
Vu les conclusions du 10 juillet 2012 de la société AXA France Iard,
Vu les conclusions du 27 juillet 2014 du syndicat des copropriétaires Immeuble 9 et 19 Espace méditerranée,
Vu les conclusions du 14 août 2014 de la SAS Méditerranée Immobilier,
Vu l'ordonnance de clôture du 26 août 2014 ;
M O T I V A T I O N

Sur la responsabilité décennale

La Socotec et Monsieur X..., appelant à titre incident ainsi que son assureur de responsabilité décennale, AXA, contestent devoir leur garantie décennale ;
Les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance ; En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties, en retenant que la non-conformité de l'immeuble à l'usage qui en a été fait par les différents acquéreurs par rapport aux règles de sécurité caractérise un dommage de nature décennale, qui soumet à la présomption de responsabilité de l'article 1792 du code civil l'architecte et le bureau de contrôle.

Comme l'a très bien analysé le premier juge, la construction portait sur un immeuble de sept étages divisés en 114 lots privatifs qui avait pour destination un usage commercial et professionnel, à l'affectation exclusive de professions libérales, de bureaux et de sièges de sociétés commerciales ; les lots étaient livrés à la réception de l'immeuble « bruts de béton » sans aménagement ni cloisonnement intérieurs et consistaient en des surfaces modulables et divisibles à partir de 50 m ², chaque acquéreur pouvant modifier les dispositions intérieures de son lot.
Avant la construction, la Socotec a établi le 30 août 1991 un rapport de sécurité-incendie dans lequel elle retenait un classement de l'immeuble en 5ème catégorie type PE par application de l'article W2 de l'arrêté du 21 avril 1983 nécessitant deux escaliers et six unités de passage, attirant toutefois l'attention du maître d'ouvrage sur l'absence de précisions quant à l'occupation des locaux. Elle a retenu le classement en 5ème catégorie en déterminant l'effectif du personnel sur la base d'une seule personne par local et l'effectif du public sur la base d'une personne par 100 m ², soit un effectif total de l'ensemble des bureaux et de la banque de 405 personnes dont 98 personnes publiques.
Par convention de contrôle technique AT 5702 du 29 mai 1992, la SOCOTEC a été chargée par la SIVP d'une mission portant sur la solidité de l'immeuble et des équipements indissociables et sur la sécurité des personnes dans les constructions et à la qualité acoustique de bâtiment ; elle devait donc veiller à ce que la construction de cet immeuble respecte les normes de sécurité jusqu'à la fin de sa mission s'arrêtant à la réception des travaux.
La SOCOTEC a maintenu le classement de l'immeuble en 5ème catégorie sur la base d'une personne public pour 100 m ², imposant un effectif global qui ne peut être supérieur à 500 personnes en raison de la capacité des évacuations des escaliers.
En application de l'article L 111-24 du code de la construction et de l'habitation, le contrôleur technique est soumis à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792 et suivants du code civil dans la limite de la mission à lui confiée par le maître d'ouvrage.
En exécution de la convention du 29 mai 1992 portant notamment sur la sécurité des personnes dans les constructions, la Socotec a retenu un effectif de personnes susceptibles de fréquenter cet immeuble devant être un « centre d'affaires et pôle administratif » qui s'est révélé insuffisant et a entraîné une impropriété à destination de cet immeuble de bureau, faute d'issues suffisantes pour l'évacuation du bâtiment en cas d'urgence.
Chargé d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre par contrat du 19 février 1991, Monsieur X...a conçu et dirigé les travaux de cet immeuble de bureaux livré et réceptionné brut sans aménagement ni cloisonnement intérieurs ; il a notamment établi le 31 mars 1992 un CCTP détaillé comportant la totalité des lots prévus pour un immeuble aménagé, seule la distribution des lots restant à définir.
La livraison de locaux « brut de béton » ne dispensait pas l'architecte de concevoir un immeuble qui devait répondre aux normes de sécurité lorsqu'il serait utilisé selon la destination prévue dès l'origine, c'est-à-dire comme un immeuble de bureaux pour des activités tertiaires et donc recevoir du personnel et du public en adéquation avec la surface des locaux.
Monsieur X...ne pouvait se satisfaire des données théoriques et imprécises de la SOCOTEC pour retenir le classement en catégorie 5 de l'immeuble, alors qu'en sa qualité de maître d'¿ uvre il est tenu au respect des normes de prévention et de sauvegarde propres à assurer la sécurité des personnes.
Chargée d'un audit de sécurité limité aux évacuations du public et du personnel de l'immeuble, la Socotec a, dans un rapport de 2001, établi l'effectif à partir de la déclaration de chaque exploitant en activité sur le site, sans comptabiliser l'effectif du rez de chaussée qui dispose de dégagements indépendants, et ce alors que quelques surfaces d'environ 200m ² ne sont pas encore exploitées au 7ème étage ; elle a retenu un effectif cumulé de l'ordre de 661 personnes dont 296 personnels et 365 personnes publiques et a conclu que le classement existant de l'immeuble devait être modifié pour être classé en 3ème catégorie type W, imposant la création d'un troisième escalier à partir du 3ème étage.
La commission de Sécurité a le 17 mars 2003 émis un avis défavorable en mettant en évidence une insuffisance de dégagement pour l'évacuation des personnes (personnel et public) à partir du 3ème étage en cas d'incendie ainsi qu'un défaut d'accessibilité aux escaliers du 5ème étage.
L'expert judiciaire a constaté qu'en juillet 2004 l'effectif cumulé pour les étages et le rez de chaussée atteint 886 personnes entraînant le classement de l'immeuble en type W 2ème catégorie ; il conclut que le danger, que les graves non-conformités actuelles font courir aux occupants, rend l'immeuble impropre à sa destination, en raison des risques pour la sécurité des personnes, et que ces non-conformités non apparentes à la réception concernent des insuffisances dans les escaliers de secours, les dispositifs de désenfumage et de ventilation ainsi que les installations électriques et d'éclairage.
Cette non-conformité à la réglementation sur les règles d'occupation des immeubles destinés à recevoir du public constitue
un désordre décennal, puisque l'immeuble ne peut plus être occupé en l'état et sans création d'escaliers et d'équipements supplémentaires.
En effet cet immeuble recevant exclusivement des activités tertiaires (bureaux, administrations, professions libérales) s'est donc révélé, dans les dix ans de sa réception, impropre à sa destination par insuffisance des équipements de sécurité, ainsi qu'il résulte de l'avis défavorable à la poursuite du fonctionnement, émis par la commission communale de sécurité le 5 octobre 2001 eu égard au « fort déficit de sécurité » ; le défaut de conformité de l'immeuble aux règlements de sécurité incendie le rend impropre à sa destination.
Ce désordre n'était pas apparent à la réception dans toute son ampleur et ses conséquences, puisque la commission communale de sécurité avait émis un avis favorable au projet de construction et que le permis de construire avait été accordé le 1er octobre 1991 sur cette base ; à la réception aucune information n'avait été portée à la connaissance du maître d'ouvrage sur la nécessité de ne pas dépasser l'effectif cumulé dans les étages de 500 personnes, sous peine de devoir procéder à des aménagements coûteux dans l'immeuble pour assurer la sécurité du personnel et du public le fréquentant.
La SOCOTEC, contrôleur technique chargé d'une mission portant sur la sécurité des personnes jusqu'à la réception de l'ouvrage, et monsieur X...architecte chargé d'une mission complète de maîtrise d'¿ uvre, sont responsables de plein droit envers le syndicat des copropriétaires en application de l'article 1792 du code civil de ce désordre décennal.
La SOCOTEC et Monsieur X...recherchent la responsabilité du maître d'ouvrage.
L'immeuble étant réceptionné « brut de béton » et les lots devant être aménagés par les acquéreurs, la SOCOTEC et Monsieur X...ne pouvaient se limiter à n'envisager que l'hypothèse la plus réduite d'occupation, alors qu'il fallait prévoir une densité optimale de bureaux et une fréquentation du public en rapport pour cet immeuble destiné à recevoir du public, dont les locaux étaient susceptibles de changement d'affectation et donc de fréquentation.
La SOCOTEC ne pouvait se limiter à prendre en considération l'effectif mentionné dans le dossier du permis de construire et pris en compte dans son rapport de 1991 sans tenir compte du nombre des lots (114), de la surface totale de cet immeuble (3500 m ² environ au sol sur 8 niveaux, SHON nette de 12 113m ²) et de l'affectation susceptible d'être faite au gré les acquéreurs dans les dix ans.
La SOCOTEC argue vainement de l'absence de déclaration du maître d'ouvrage quant à l'effectif de personnes devant fréquenter l'immeuble, et de ce qu'elle n'avait pas à deviner quels seraient les aménagements d'un bâtiment dans le temps ; Les mentions dans son rapport de 1991 sur le fait que la présence de salles de réunion en étage est susceptible d'entraîner un effectif global supérieur à 100, ce qui induirait un classement de l'établissement dans une catégorie supérieure et que les hypothèses d'effectifs définies devront être confirmées par le maître d'ouvrage sont totalement insuffisantes pour alerter le maître d'ouvrage sur la difficulté et sur les conséquences d'une sous-estimation des effectifs quant aux issues et équipements de sécurité à prévoir dans les étages dès le dépôt du permis de construire.

De plus la SOCOTEC n'a jamais dans le cadre de la convention du 22 mai 1992 demandé au maître d'ouvrage des informations sur l'effectif des personnes devant fréquenter l'immeuble et ne l'a jamais alerté sur les risques pour la sécurité des personnes d'une minoration du nombre de personnes, alors que sa mission ne se terminant qu'à la réception de l'ouvrage elle devait en phase d'exécution des travaux exiger du maître d'ouvrage des précisions indispensables pour l'élaboration des normes de sécurité, et à défaut de réponse anticiper une occupation optimale compatible avec la destination de l'immeuble.
L'acceptation délibérée des risques suppose que le maître d'ouvrage ait été clairement informé des risques encourus ; La SIVP n'a jamais été clairement informée tant par la SOCOTEC que par Monsieur X...d'une part du choix induit par le classement de l'immeuble en catégorie 5 tel que proposé par le bureau de contrôle et le maître d'¿ uvre, imposant le maintien d'un effectif global inférieur à 500 personnes et d'autre part des risques inhérents à ce choix quant à l'utilisation des bureaux sur la limitation

de la fréquentation du public dans cet immeuble, qui devrait s'imposer aux futurs acquéreurs.

La SOCOTEC et Monsieur X...arguent vainement de l'exploitation anarchique des locaux générant des effectifs de personnes supérieurs aux hypothèses prises pour le projet, alors que leurs hypothèses n'ont jamais reçu l'aval express de la SIVP et qu'elles étaient minorées, puisque un promoteur immobilier vendant des « surfaces de béton-brut » les destine à tous types d'activité de bureaux dans cet immeuble de prestige du centre de Perpignan destiné à recevoir des activités tertiaires.
Cet immeuble abrite effectivement notamment les locaux de la caisse primaire d'assurance maladie (5ème étage), ceux de la caisse d'épargne (7ème étage), ceux de la communauté de commune (6ème étage), une agence immobilière et des cabinets médicaux (4ème et 3ème étages), des cabinets d'avocats et des sièges sociaux (2ème étage) ainsi qu'une banque (1er étage), ce qui est conforme à sa destination d'origine : un centre commercial et d'affaires.
La Socotec et Monsieur X...seront donc déboutés de leur demande de voir retenir la responsabilité du maître d'ouvrage.
En l'absence de toute clause restrictive du règlement de copropriété, chaque acquéreur de lots de copropriété est libre de prévoir l'occupation de sa surface sans que le syndicat des copropriétaires ne puisse en limiter l'usage et notamment le nombre des personnels et la fréquentation du public, d'autant que les acquéreurs n'ont pas été informés des normes de sécurité retenues lors de la construction de l'immeuble par leur vendeur, notamment du seuil de fréquentation à ne pas dépasser.
Il appartenait tant à l'architecte qu'au contrôleur technique de s'enquérir par eux-mêmes des capacités de fréquentation de l'immeuble, même dans le silence du maître d'ouvrage, et de prévoir non pas la norme minimale pour cet immeuble qualifié de centre d'affaires et pôle administratif, mais une norme optimale d'occupation conforme à la destination de l'immeuble.
Le fait que la Socotec, bureau de contrôle technique, soit chargée d'une mission relative à la sécurité des ouvrages, ne dispense pas Monsieur X..., d'établir les normes de sécurité en fonction du taux d'occupation prévisible de cet immeuble de bureaux et de veiller à leur respect.
En conséquence, tant Monsieur X...que la Socotec, ont failli à leur obligation de conseil envers le maître d'ouvrage en maintenant des normes minimales d'occupation de cet immeuble de bureau, sans demander formellement au maître d'ouvrage de leur indiquer les effectifs de fréquentation et sans l'alerter sur les risques encourus par le classement de l'immeuble en catégorie W2, 5ème catégorie.
Compte tenu des manquements réciproques retenus à l'encontre de coobligés à l'égard du syndicat des copropriétaires, il convient de partager la responsabilité par moitié entre Monsieur X...et la SOCOTEC.
La Socotec et Monsieur X...demandent à être relevés et garantis par le syndicat des copropriétaires et la société Méditerranée Immobilier, aux motifs que c'est l'évolution de l'immeuble et son surpeuplement anarchique qui ont conduit aux non conformités, l'exploitant de l'immeuble n'ayant jamais satisfait à son obligation de sécurité.
Cet immeuble présenté dès l'origine comme « un nouveau centre d'affaires et pôle administratif » « conçu pour répondre aux besoins des entreprises désireuses de préserver leur implantation en centre-ville tout en profitant des commodités offertes par un outil de travail à la fois moderne et performant. » a été acquis et utilisé conformément à sa destination puisqu'il reçoit exclusivement des activités de type tertiaire ; il n'y a aucune évolution dans l'occupation de l'immeuble qui n'était imprévisible et contraire à sa destination.
Il ne peut être reproché au syndicat des copropriétaires de ne pas avoir limité le taux d'occupation de chacun des lots au seuil d'occupation retenu par la SOCOTEC, alors que les actes de vente ne stipulaient aucune restriction des droits de chacun des propriétaires d'exploiter son lot, que l'utilisation des lots relève du pouvoir de chaque propriétaire et que ce seuil de 500 personnes maximun dans cet immeuble de bureau était irréaliste, comme ne correspondant pas à sa destination. Le syndicat des copropriétaires n'a donc pas changé la destination de l'immeuble, ni n'en a fait une mauvaise utilisation.

L'impropriété de l'immeuble à sa destination ne provient pas du fait des propriétaires des lots puisque des copropriétaires ont acheté des locaux à usage de bureaux qu'ils ont aménagés et occupés conformément à leur destination, sans que le syndicat des copropriétaires ne puisse être responsable d'une mauvaise utilisation, qui relèverait éventuellement de la seule responsabilité de chaque copropriétaire.
En conséquence la SOCOTEC et Monsieur X...seront déboutés de leurs recours à l'encontre du syndicat des copropriétaires.

Sur les préjudices

Monsieur X...et la SOCOTEC doivent prendre à leur charge le coût des travaux de mise en conformité de l'immeuble, soit la somme de 665 338, 86 ¿ avec indexation selon les variations de l'indice BT01 du 7 décembre 2005 date du dépôt du rapport de l'expert judiciaire au 9 février 2007, date du versement de l'indemnité par la compagnie AXA, assureur dommages-ouvrage.
Les préjudices annexes liés à l'achat de surface par le syndicat des copropriétaires pour créer l'ascenseur ainsi que les pertes locatives et frais d'assistance ont été exactement chiffrés par le premier juge à la somme de 51 426, 05 ¿.
Les intérêts au taux légal sur cette dernière somme courent à compter du jugement déféré qui a statué sur les responsabilités et est confirmé par le présent arrêt.
Sur la garantie de la compagnie AXA
La compagnie AXA, assureur au titre de la police unique de chantier, doit sa garantie à Monsieur X..., assuré au titre de sa garantie décennale par cette police. Aucune franchise ne peut s'appliquer à la garantie décennale des préjudices matériels, qui sont seuls indemnisés par la présente décision confirmative.

P A R C E S M O T I F S

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Condamne in solidum Monsieur X...avec son assureur la SA AXA France et la SOCOTEC à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 4 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les autres parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum Monsieur X...avec son assureur la SA AXA France et la SOCOTEC en tous les dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile,
Dit que dans les rapports entre Monsieur X...et la SOCOTEC la charge finale des dépens et de l'indemnité pour frais irrépétibles sera répartie par moitié.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

AB


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1o chambre section ao1
Numéro d'arrêt : 12/00871
Date de la décision : 16/10/2014

Analyses

1) Le défaut de conformité d'une construction aux règlements de sécurité applicables aux immeubles destinés à recevoir du public constitue un désordre décennal dès lors que sa fréquentation ayant été sous estimée, il s'est révélé dans les dix ans de sa réception impropre à sa destination en raison d'une insuffisance des équipements de sécurité incendie motivant un avis défavorable de la commission communale de sécurité à son utilisation en l'état. Ce désordre n'était pas apparent à la réception, faute d'information donnée au maître de l'ouvrage sur l'effectif à ne pas dépasser dans cet immeuble conçu pour une fréquentation limitée. 2) Chargé d'une mission portant sur la sécurité des personnes et tenu de veiller dans ce cadre au respect des normes de sécurité d'un immeuble destiné à être un « centre d'affaires et pôle administratif », le contrôleur technique qui a retenu un effectif de personnes susceptibles de le fréquenter qui s'est révélé insuffisant, a entrainé une impropriété à sa destination, faute d'issues suffisantes pour l'évacuation du bâtiment en cas d'urgence 3) L'architecte maître d'¿uvre étant tenu au respect des normes de prévention et de sauvegarde propres à assurer la sécurité des personnes, la livraison de locaux « brut de béton » ne le dispensait pas de concevoir un immeuble qui devait répondre aux normes de sécurité lorsqu'il serait utilisé selon sa destination prévue d'immeuble voué exclusivement à des activités tertiaires et appelé à recevoir du personnel et du public en adéquation avec la surface des locaux, et ce, sans pouvoir se satisfaire des données théoriques et imprécises du bureau de contrôle .


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Perpignan, 08 novembre 2011


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2014-10-16;12.00871 ?
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