COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section AO1
ORDONNANCE sur REQUÊTE
RG N : 13/ 09282
APPELANTE :
EURL ABC COUVERTURES
2532 ROUTE DE MENDE
34090 MONTPELLIER
Représentée par Me Stéphane FERNANDEZ, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Mme Ilham X...
...
34000 MONTPELLIER
Représentée par Me Cyrille CAMILLERAPP, avocat au barreau de MONTPELLIER
M. Paul Y...
...
48140 MALZIEU FORAIN
Représenté par Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE-AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
SAS SOCIÉTÉ K PAR K Prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualité audit siège.
66 Boulevard Félix Faure-BP 230
93533 AUBERVILLIERS CEDEX
Représentée par Me Jean-louis DEMERSSEMAN de la SELARL ACCESSIT, avocat au barreau de MONTPELLIER
Le DIX NEUF JUIN DEUX MILLE QUATORZE,
Nous, Bruno BERTRAND, Conseiller, magistrat chargé de la mise en état, assisté de Catherine LE LEER, greffière,
Vu les débats à l'audience sur incident du 14 mai 2014 en présence de Colette ROBIN, greffière, à laquelle l'affaire a été mise en délibéré au 19 juin 2014,
Vu la déclaration d'appel de l'EURL ABC Couverture à l'encontre du jugement prononcé le 2 décembre 2013 par le tribunal de grande instance de Montpellier dans une instance l'opposant à Mme Ilham X..., M. Paul Y...et la SAS K par K, parvenue au greffe de la cour le 23 décembre 2013 ;
Vu l'avis de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le conseiller de la mise en état de la 1ère chambre section A 01 à laquelle l'affaire avait été enrôlée, adressé à Me Stéphane Fernandez, avocat de l'appelante, le 8 avril 2014, par application des dispositions des articles 908 et 911-1 du code de procédure civile, faute du dépôt par l'appelante de ses conclusions dans le délai de 3 mois de la déclaration d'appel ;
Vu la convocation adressée le 28 avril 2014 aux avocats des parties pour présenter leurs observations sur la caducité de l'appel, à l'audience d'incident fixée au 14 mai 2014 ;
Vu les observations écrites déposées au greffe de la cour le 22 avril 2014 par Me Stéphane Fernandez, avocat de l'appelante, sollicitant que ses conclusions soient reçues, bien que tardives ;
Vu l'envoi par Me Fernandez, le 23 avril 2014, d'un avis d'arrêt de travail prolongé en date du 8 janvier 2014, le concernant personnellement, et sa lettre adressée le 14 mai 2014 au conseiller de la mise en état, contestant la possibilité pour son adversaire, si son appel n'était pas caduc, d'invoquer les dispositions de l'article 526 du code de procédure civile, au motif que, selon lui, le jugement du tribunal de grande instance de Montpellier déclaré exécutoire par provision dans son jugement ne relèverait pas de ces dispositions parce qu'il ne s'agit pas d'une décision de référé, d'une ordonnance sur requête ou d'un jugement rendu par le juge de l'exécution ;
Vu les observations déposées par l'avocat de Mme X...le 13 mai 2014, indiquant s'en rapporter à justice sur la caducité de l'appel mais entendre faire observer qu'en cas de rejet de la caducité elle solliciterait la radiation de l'affaire sur le fondement des dispositions de l'article 526 du code de procédure civile ;
SUR CE :
Attendu qu'il est constant que Me Stéphane Fernandez, avocat de l'appelante, l'EURL ABC Couvertures, n'a pas conclu au fond à l'appui de son appel interjeté le 23 décembre 2013, soit avant le 24 mars 2014, dans le délai de 3 mois qui lui était imparti pour ce faire par les dispositions de l'article 908 du code de procédure civile ;
Que la caducité de son appel est donc encourue de ce chef ;
Que les problèmes d'organisation de son cabinet d'avocat rencontrés pendant cette période par Me Stéphan Fernandez, ainsi qu'il les expose dans ses observations, tenant à un problème de santé l'ayant contraint à cesser son activité professionnelle en janvier 2014 et à l'absence pour raison familiale d'une collaboratrice en mars 2014, ne sont pas de nature à justifier un report du délai pour conclure fixé par l'article 908 du code de procédure civile à trois mois, ni permettre au conseiller de la mise en état chargé de veiller au respect de ces dispositions légales d'ordre public, de s'abstenir de prononcer la caducité de l'appel prévue en cas d'inobservation de ce délai ;
Que de même, les défaillances de sa cliente à lui fournir en temps utile les éléments de fait et les pièces justificatives permettant la rédaction des conclusions d'appel, ne sont pas de nature à l'exonérer de l'obligation de respecter les dispositions de l'article 908 du code de procédure civile, prévues à peine de caducité de l'appel ;
Attendu que par ailleurs Me Fernandez invoque l'inconstitutionnalité selon lui des articles 908, 911-1 et 916 du code de procédure civile, en ce qu'ils entraîneraient une rupture de l'égalité des citoyens devant la justice ;
Mais attendu que le Conseil Constitutionnel, seul compétent pour déclarer conformes ou non à la Constitution des dispositions legislatives n'a jamais déclaré les dispositions invoquées des articles 908, 911-1 et 916 du code de procédure civile contraires à la Constitution ;
Que d'autre part, conformément aux dispositions de l'article 61-1 de la Constitution, la partie qui soutient devant une instance en cours devant une juridiction judiciaire qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, doit saisir la juridiction d'une question prioritaire de Constitutionnalité selon la procédure particulière prévue aux articles 126-1 et suivants du code de procédure civile, dans un écrit distinct et motivé sollicitant la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation ;
Que cette demande de transmission n'ayant pas été faite, ni la procédure susvisée suivie par Me Fernandez, l'inconstitutionnalité alléguée doit être déclarée irrecevable, en application de l'article 126-2 du code de procédure civile ;
Attendu qu'ensuite Me Fernandez soutient, au visa de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, que les dispositions de l'article 899 du code de procédure civile, imposant aux parties à un litige civil soumis à la cour d'appel de constituer avocat, caractériseraient une violation du principe d'égalité entre les justiciables, au motif que cette exigence ne se retrouve pas dans toutes les matières, notamment prud'homale, ni devant toutes les juridictions de première instance, notamment les conseils de prud'hommes, les tribunaux d'instance et les tribunaux de commerce ; que selon lui cette disposition législative serait aggravée par les articles 905 et suivants du code de procédure civile compliquant la procédure d'appel au détriment du justiciable civil ;
Mais attendu que les dispositions critiquées des articles 899, 907, 908, 911-1 et 916 du code de procédure civile, seules applicables en l'espèce, s'appliquent de façon générale à tous les citoyens qui sont parties à un litige civil devant la cour d'appel, de la même manière ; que ces dispositions n'emportent donc pas en elles-mêmes rupture de l'égalité des armes entre les parties à un litige, ni entre les citoyens eux-mêmes, soumis aux mêmes obligations procédurales dans des situations identiques ;
Que par ailleurs l'obligation faite aux parties de constituer avocat devant la cour d'appel, si elle peut, par son coût, être de nature à entraver l'accès à la Justice permettant à chaque personne de mettre en oeuvre son droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial, se trouve adaptée en l'occurrence par les dispositions de l'aide juridictionnelle, permettant aux justiciables dépourvus de moyens suffisant de bénéficier du concours gratuit, ou à prix réduit d'un avocat ; qu'en l'état du système français relatif à l'aide juridictionnelle, dont la procédure d'admission prévoit justement le report du délai pour conclure de l'appelant prévu à l'article 908 du code de procédure civile durant l'instruction de sa demande, il n'apparaît pas que les dispositions de l'article 899 du code de procédure civile entraînent une violation de l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme comme constituant une atteinte disproportionnée au principe du procès équitable au regard du but d'intérêt général de meilleure gestion et de célérité des procédures civiles d'appel poursuivi par le législateur ;
Qu'il en est de même pour les articles 907, 908, 911-1 et 916 du code de procédure civile, fixant les règles de la procédure d'appel avec représentation obligatoire, avec des délais impératifs pour conclure, qui s'adresse uniquement à des avocats, professionnels
du droit et de la Justice, mieux à même que les justiciables eux-mêmes de respecter ces délais impératifs, fixés en fonction de l'intérêt général du bon fonctionnement de l'appareil judiciaire ;
Qu'il convient donc de prononcer la caducité de l'appel interjeté le 23 décembre 2013 par l'EURL ABC Couvertures ;
PAR CES MOTIFS :
Nous, conseiller de la mise en état, statuant publiquement,
et contradictoirement,
Vu l'article 6-1 de la Convention Européenne des droits de l'Homme,
Vu l'article 61-1 de la Constitution,
Vu les articles 6, 9, 126-1 et 126-2, 899, 907, 908, 911-1 et 916 du code de procédure civile,
Déclarons irrecevable l'exception d'inconstitutionnalité des articles 908, 911-1 et 916 du code de procédure civile, invoquée par Me Stéphane Fernandez, avocat de l'EURL ABC Couvertures,
Constatons que les dispositions des articles 908, 911-1 et 916 du code de procédure civile n'ont jamais été déclarées contraire à la Constitution par le Conseil Constitutionnel,
Disons et jugeons que les dispositions de l'article 899 et des articles 908, 911-1 et 916 ne sont pas, en l'état du droit et de l'organisation judiciaire française, contraires aux dispositions de l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme,
Constatons que l'EURL ABC Couvertures n'a pas déposé ses conclusions dans le délai de 3 mois suivant sa déclaration d'appel du 23 décembre 2013, sans pouvoir arguer d'une cause de suspension ou d'interruption de ce délai impératif,
Prononçons en conséquence la caducité de l'appel,
Condamnons l'EURL ABC Couvertures aux dépens de l'instance ;
Ainsi prononcé et jugé à Montpellier, le 19 juin 2014.
Le Greffier, Le Conseiller de la mise en état,