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04/06/2014 | FRANCE | N°12/05547

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4o chambre sociale, 04 juin 2014, 12/05547


DV/ RBN

4o chambre sociale

ARRÊT DU 04 Juin 2014

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 05547

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 JUIN 2012 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE

No RG11/ 145

APPELANTE :

SARL DORHEL PORTAGE, prise en la personne de son représentant légal

5 rue de la Fusterie-11300 LIMOUX

Représentant : Me Françoise ROBAGLIA, avocat au barreau de NARBONNE

INTIMES :

Madame Anne X...

...

11490 PORTEL DES CORBIERES



Représentant : Me Davide VAYSSIE de la SCP FORNAIRON/ VAYSSIE, avocat au barreau de NARBONNE

Monsieur Guillaume Y...

...

Représentant : M...

DV/ RBN

4o chambre sociale

ARRÊT DU 04 Juin 2014

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 05547

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 JUIN 2012 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE

No RG11/ 145

APPELANTE :

SARL DORHEL PORTAGE, prise en la personne de son représentant légal

5 rue de la Fusterie-11300 LIMOUX

Représentant : Me Françoise ROBAGLIA, avocat au barreau de NARBONNE

INTIMES :

Madame Anne X...

...

11490 PORTEL DES CORBIERES

Représentant : Me Davide VAYSSIE de la SCP FORNAIRON/ VAYSSIE, avocat au barreau de NARBONNE

Monsieur Guillaume Y...

...

Représentant : Me BENET de la SCP GOUIRY/ MARY/ CALVET/ BENET, avocat au barreau de NARBONNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2013/ 16951 du 29/ 01/ 2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 MARS 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Marc PIETTON, Président de chambre et Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Marc PIETTON, Président de chambre

Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Dominique VALLIER

ARRÊT :

- Contradictoire

-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure civile ;

- signé par Monsieur Marc PIETTON, Président de chambre, et par Madame Dominique VALLIER, Adjointe administrative principale f. f. de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Suivant " convention de portage " du 20 octobre 2010 souscrite pour une durée indéterminée et conclue " conformément aux dispositions des articles L 1251-64 et L 8241-1 du code du travail ", Mme Anne X... est engagée par la société (sarl) Dorhel Portage " pour se voir confier la prospection et l'exécution de missions sous le statut salarié ".

Suivant contrat de mission du 20 octobre 2010 M. Guillaume Y..., auto entrepreneur exerçant son activité de graphiste multimédia sous l'enseigne " Studio CG Designer ", contrat conclu " conjointement conformément aux dispositions des articles L 1251-64 et L 8241-1 du code du travail ", confie à la société Dorhel Portage la réalisation d'une prestation de démarchage téléphonique par téléprospection avec divers moyens pour trouver les clients, de gestion des RDV téléphonique et internet, de gestion des mailings, de gestion des devis, de relance des factures et de conseil sur les décisions prises dans l'entreprise en concertation avec l'ensemble de l'équipe pour divers projets ou campagnes publicitaires, mission confiée à Mme Anne X....

Suivant contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel du 26 octobre 2010 conclu " conformément aux dispositions des articles

L 1251-64 et L 8241-1 du code du travail " dans le cadre de la convention de portage établie préalablement, Mme Anne X... est engagée par la société Dorhel Portage en qualité de téléconseillère commerciale statut non cadre au taux horaire de 16 ¿ " le nombre d'heures variant en fonction de son activité ", étant précisé qu'elle variera en fonction de chacune des missions, l'ordre de mission constituant d'un commun accord un avenant au contrat de travail pour chaque mission ".

Suivant courrier du 16 décembre 2010 adressé à la société (sarl) Dorhel Portage, Mme Anne X... démissionne dans les termes suivants : " Par cette présente je vous fais ma demande de démission à compter du 20 décembre inclus ainsi que la demande de résiliation de la convention de portage à compter du 20 décembre inclus ".

Suivant courrier du 3 janvier 2011 adressé à la société (sarl) Dorhel Portage, Mme Anne X... sollicite le " paiement des heures réelles de travail pour la période du 26 octobre au 17 décembre 2010 ".

Le 5 avril 2011 Mme Anne X... qui estime être créancière d'un rappel de salaire et que la rupture du contrat de travail procède d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse saisit le Conseil de prud'hommes de Narbonne à l'encontre de la société Dorhel Portage et de M. Guillaume Y....

Le 27 juin 2012 le Conseil de prud'hommes de Narbonne, section activités diverses, sur audiences de conciliation du 18 mai 2011 et de plaidoiries du 9 mai 2012, du 3 mai 2012, " met hors de cause M. Guillaume Y... ", décide que la démission doit être analysée en une prise d'acte de rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne :

* la société (sarl) Dorhel Portage, outre aux dépens et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à payer à Mme Anne X... les sommes de :

-2. 426, 76 ¿ d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-2. 400 ¿ d'indemnité pour irrégularité de procédure ;

-638, 24 ¿ d'indemnité de préavis et 63, 82 ¿ de congés payés afférents ;

-3. 930, 16 ¿ de rappel de salaire et 393, 01 ¿ de congés payés afférents ;

-14. 560, 56 ¿ au titre de l'indemnité pour travail dissimulé ;

-1. 200 ¿ par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

* Mme Anne X... à payer à M. Guillaume Y... 500 ¿ par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Conseil de prud'hommes " rejette les demandes plus amples ou contraires " et ordonne la délivrance des bulletins de salaire, certificat de travail, attestation Pôle Emploi rectifiés conformes à la décision dans les

15 jours de " la première présentation de la notification de cette décision " sous peine d'une " astreinte de 200 ¿ par jour de retard, astreinte tout d'abord provisoire pendant 90 jours, puis définitive pendant 90 autres jours, le Conseil se réservant le droit de liquider ladite astreinte le cas échéant ".

Le 12 juillet 2012 la société (sarl) Dorhel Portage interjette appel et demande :

- à titre principal l'infirmation par rejet de toutes les demandes ;

- à titre subsidiaire " si la Cour devait entrer en voie de condamnation à son encontre de dire que cette condamnation sera étendue solidairement à M. Guillaume Y... et qu'elle peut être considérée en qualité de co-employeur, conformément aux règles du portage salarial " ;

- en tout état de cause de condamner Mme Anne X... outre aux entiers dépens, à lui payer 2. 000 ¿ au " titre de l'article 700 ".

Mme Anne X... demande :

- de " confirmer en tous ses éléments le jugement rendu, le réformant uniquement sur le quantum des dommages et intérêts alloués et le portant à 4. 000 ¿ et de liquider l'astreinte prononcée et condamner la société Dorhel Portage et M. Guillaume Y... à une nouvelle astreinte de

500 ¿ par jour de retard, astreinte tout d'abord provisoire pendant 90 jours, puis définitive pendant 90 autres jours, la juridiction se réservant expressément le droit de liquider ladite astreinte " ;

- de " réformer par contre le jugement rendu qui a écarté la fraude à la loi de M. Guillaume Y... qui est à l'origine de son embauche au sein de la société (sarl) Dorhel Portage'en les condamnant à payer solidairement et conjointement les sommes résultant du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes et de la Cour d'appel de céans " ;

- de " condamner chacun des deux employeurs à lui payer une somme de 2. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ".

M. Guillaume Y... sollicite la confirmation avec condamnation de la " partie succombante ", outre aux entiers dépens, à lui payer 2. 500 ¿ par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du Conseil de Prud'hommes et aux conclusions des parties qui ont expressément déclaré s'y rapporter lors des débats du 25 mars 2014.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité.

Il y a contrat de travail lorsqu'une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la subordination d'une autre, moyennant rémunération.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Selon l'article L1251-64 en sa rédaction issue de l'article 8 de la loi no2008-596 du 25 juin 2008 le portage salarial est défini comme un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l'entreprise de portage.

Un mécanisme, même défini légalement comme le portage salarial, peut être détourné afin de se dispenser du respect de certaines dispositions légales impératives, notamment en matière de contrat à durée déterminée et de contrat à temps partiel.

Selon les articles L1242-1 et suivants du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans des cas limitativement prévus (remplacement d'un salarié absent, accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise etc'), doit comporter un terme fixé avec précision dès sa conclusion ou une durée minimale et ne peut excéder une certaine durée.

Le contrat de travail à durée déterminée doit être établi par écrit et doit comporter, outre la définition précise de son motif, le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsqu'il est conclu au titre des 1o, 4o et 5o de l'article L. 1242-2, la date du terme et, le cas échéant, une clause de renouvellement lorsqu'il comporte un terme précis, la durée minimale pour laquelle il est conclu lorsqu'il ne comporte pas de terme précis, la désignation du poste de travail, la durée de la période d'essai éventuellement prévue, le montant de la rémunération et de ses différentes composantes, y compris les primes et accessoires de salaire s'il en existe.

Selon les articles L3123- 1et suivants du code du travail et notamment l'article L3123-14, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit qui doit mentionner la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié et les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

En l'espèce les documents versés aux débats établissent que :

- M. Guillaume Y... recherche, pour les besoins de son activité normale et permanente de son entreprise qui comprend nécessairement le démarchage téléphonique avec divers moyens pour trouver les clients, la gestion des RDV téléphoniques et internets, la gestion des mailings, la gestion des devis et relance des factures, et suivant offre actualisée le 24 septembre 2010 auprès de Pôle Emploi (no 325249R), un salarié sous " contrat à durée déterminée de 12 mois " pour une mission de prospection et de fidélisation des clients pour les publicités, espaces publicitaires et site internet ;

- Mme Anne X... présente sa candidature à M. Guillaume Y... dès le 27 septembre 2010 qui lui propose alors (cf mail du 12 octobre 2010 à 13h59) le processus contractuel du portage (soit auprès de Dorhel Portage soit auprès de Ventoris " autre société de portage ", certes en émettant une préférence pour Dorhel) afin de la recruter, selon ses termes mêmes, en " contrat de CDD en portage salarial transformé en CDI en portage salarial sous les mêmes conditions dès lors que votre travail génère des revenus suffisants et que nous voyons votre investissement ".

Cette manière de procéder initiée par M. Guillaume Y... en renvoyant la salariée à se pourvoir auprès de la société de portage pour finaliser le contrat de travail permet à M. Guillaume Y..., qui définit lui-même initialement la rémunération pour une activité salariée exclusivement sur les résultats (" commission à hauteur de 50 % brut des prestations dites de services et 50 % net des prestations dites de bien "- cf mail adressé par M. Guillaume Y... à la société Dorhel Portage le 13 octobre 2010 à 10h43), de se dispenser du respect des règles, ci-dessus rappelées, sur :

- le contrat de travail à durée déterminée, notamment sur le cas de recours

-le contrat de travail à temps partiel sans définir de temps de travail, sans mentionner, notamment, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois qui fait présumer un contrat à temps complet.

Cette volonté de détournement est pleinement affirmée par M. Guillaume Y... qui précise lui-même à Mme Anne X... que le " contrat proposé est un contrat de CDD en portage salarial transformé en CDI en portage salarial sous les mêmes conditions dès lors que votre travail génère des revenus suffisants et que nous voyons votre investissement ", précision devant également tout de même être faite que le recours au contrat de travail à durée déterminée ne peut jamais avoir pour objet de permettre à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail.

Ces éléments établissent que le recours au portage salarial ne procède que d'un habillage formel uniquement motivé par la volonté de M. Guillaume Y... de pourvoir un emploi salarié de son entreprise sans respect des règles impératives sur le contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel.

Ces carences qui permettent à tout le moins de considérer que le contrat de travail doit être présumé conclu à temps complet trouveront fort logiquement leur prolongement dans le cadre de l'exécution du contrat de travail au cours duquel pour la période du 26 octobre 2010 au 16 décembre 2010 Mme Anne X... ne sera rémunérée (cf fiche individuelle établie pour l'année 2010 par la société Dorhel Portage) que pour 250, 80 ¿ bruts, rémunération exclusivement calculée en fonction des résultats des ventes et des prestations et totalement déconnectée des heures de travail réalisés.

Il est d'ailleurs révélateur que ni M. Guillaume Y... qui indique dans son offre d'emploi 35 heures hebdomadaires ni la société Dorhel Portage qui tout en prévoyant dans son contrat de travail que la rémunération est " au taux horaire de 16 ¿ suivant le nombre d'heures variant en fonction de son activité " précise (cf page 14/ 19 de ses conclusions) que la rémunération " dépend exclusivement du montant du chiffre d'affaire " :

- n'ose conclure expressément que pour la période du 26 octobre 2010 au 16 décembre 2010 Mme Anne X... n'aurait travaillé que 14, 25 heures, indication de la fiche individuelle établie pour l'année 2010 par la société Dorhel Portage ;

- ne présente d'observations sur le fait que, quelle que soit la forme de sa rémunération, au temps, au rendement, à la tâche, à la pièce, à la commission ou au pourboire, un salarié ne peut percevoir une rémunération inférieure au salaire minimum de croissance.

Dès lors le détournement par M. Guillaume Y... et la société Dorhel Portage de toutes les règles impératives ci-dessus rappelées sous couvert d'une relation artificielle de portage salarial a nécessairement pour conséquence que la relation contractuelle se déroule sous leur subordination juridique commune et qu'ils doivent solidairement assumer les conséquences au regard de la rémunération et de la rupture.

Enfin pour la moralité des débats et même si effectivement l'accord professionnel du 24 juin 2010 relatif au portage salarial dont se prévaut la société Dorhel Portage n'est effectivement pas applicable au présent litige puisque cette dernière n'allègue ni de son appartenance aux syndicats patronaux signataires ni d'une application volontaire et que l'arrêté portant extension de l'accord intervient le 24 mai 2013 avec publication au journal officiel le 8 juin 2013 (JORF no0131 page 9590- http :// legifrance. gouv. fr/ affichTexte. do'cidTexte = JORFTEXT000027519405), il convient néanmoins de rappeler que :

- l'article 1 de l'arrêté du 24 mai 2013 exclut " le paragraphe 2. 1. 1 de l'article 2 de l'accord qui crée un cas de recours sui generis au contrat à durée déterminée, de l'extension en tant qu'il contrevient aux dispositions de l'article L. 1242-2 du code du travail " ;

- les partenaires sociaux, soucieux que " l'exercice de l'activité de portage salarial ne puisse provoquer des dérives remettant en cause les relations contractuelles de droit commun ", précisent :

1) qu'en " tout état de cause, la situation de portage salarial est caractérisée par le fait que la démarche de portage salarial est à la seule initiative de la personne portée " ;

2) que la personne portée prospecte ses clients, négocie le prix de la prestation et met directement une entreprise cliente en relation avec l'entreprise de portage salarial et que dès lors qu'il est établi que le salarié n'a pas été apporteur de la prestation faisant l'objet du contrat de travail en portage salarial et que l'entreprise de portage salarial a effectué en réalité une mise à disposition auprès de l'entreprise cliente qu'elle aura elle-même prospectée, le contrat de travail en portage salarial pourra être requalifié en contrat à durée indéterminée ;

3) le salarié porté a le statut cadre et dispose d'un niveau d'expertise et de qualification tel qu'il s'accompagne nécessairement d'une autonomie dans la négociation de la prestation avec le client et dans l'exécution de cette prestation.

Dans la mesure où les attestations produites par M. Guillaume Y... qui affirment de manière imprécise que Mme Anne X... n'était pas soumise à des horaires précis, fixes, voire qu'à plusieurs reprises elle n'était pas présente à 17h30, arrivait certains matins à 9h30 en partant parfois plus tôt que 18 heures, ne permettent pas de combattre la présomption d'un travail à temps complet, il convient de condamner solidairement M. Guillaume Y... et la société Dorhel Portage au paiement de la somme de 3. 930, 16 ¿ pour le rappel de salaire " au taux plein multiplié par le taux horaire contractuellement prévu de 16 ¿ pour la période du 27 octobre au 17 décembre 2010 " outre 393, 01 ¿ de congés payés afférents.

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, que celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission.

En l'espèce si la démission du 16 décembre 2010 ne comporte aucune réserve, il n'en reste pas moins qu'elle est équivoque puisque dès le 3 janvier 2011 Mme Anne X... sollicite le " paiement des heures réelles de travail pour la période du 26 octobre au 17 décembre 2010 " et justifie ainsi d'un différend contemporain de la rupture l'opposant à son employeur.

En conséquence cette démission doit s'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse puisque l'absence de paiement du salaire ci-dessus fixé constitue une violation des obligations contractuelles des deux employeurs.

En raison de l'ancienneté limitée de la salariée (en tout état de cause inférieure à deux ans), de son âge au moment du licenciement (née en mars 1978), du montant de la rémunération brute et de l'absence de toute précision et justificatifs sur sa situation ultérieure, il y a lieu de fixer l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 1. 000 ¿.

Au vu des dispositions contractuelles et légales Mme Anne X... est également fondée en sa réclamation d'une somme de 638, 24 ¿ d'indemnité compensatrice de préavis et 63, 82 ¿ de congés payés afférents.

En l'état il n'existe pas de procédure de licenciement, la rupture procède de la seule initiative de la salariée et même si la démission doit s'analyser en une prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il ne peut exister d'irrégularité de la procédure de licenciement et la demande présentée à ce titre doit être rejetée.

Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur, soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche, soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie, soit de ne pas accomplir auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales les déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci.

En l'espèce le processus frauduleux ci-dessus analysé et construit par M. Guillaume Y... et la société Dorhel Portage établit le caractère intentionnel de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

En conséquence il convient de les condamner solidairement au paiement de la somme réclamée pour 14. 560, 56 ¿ au titre de l'indemnité pour travail dissimulé.

En raison de l'issue tant du litige que du présent recours les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de M. Guillaume Y... et de la société Dorhel Portage.

PAR CES MOTIFS

La Cour ;

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du 27 juin 2012 du Conseil de prud'hommes de Narbonne, section activités diverses, uniquement en ce qu'il décide que la démission doit être analysée en une prise d'acte de rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Pour le surplus infirme et statuant à nouveau de tous les chefs infirmés ;

Condamne solidairement M. Guillaume Y... et la société Dorhel Portage, outre aux dépens de première instance et d'appel, à payer à Mme Anne X... les sommes de :

-3. 930, 16 ¿ pour le rappel de salaire pour la période du 27 octobre au 17 décembre 2010 " outre 393, 01 ¿ de congés payés afférents ;

-1. 000 ¿ d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-638, 24 ¿ d'indemnité compensatrice de préavis et 63, 82 ¿ de congés payés afférents.

-14. 560, 56 ¿ d'indemnité pour travail dissimulé.

-1. 500 ¿ pour l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mme Anne X... de sa demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement ;

Ordonne sans astreinte à la charge de M. Guillaume Y... et de la société Dorhel Portage la délivrance des documents sociaux (bulletin de paie récapitulatif, certificat de travail et attestation Pôle Emploi) conformes aux prévisions de la présente décision dans les deux mois du présent arrêt ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4o chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/05547
Date de la décision : 04/06/2014
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1) Le portage salarial ne peut être détourné afin de se dispenser du respect de certaines dispositions légales impératives, notamment en matière de contrat à durée déterminée et de contrat à temps partiel. Ainsi, méconnait les dispositions régissant le recours à un contrat à durée déterminée un CDD conclu dans le cadre d'une convention de portage salarial pour une mission de prospection et de fidélisation des clients correspondant à l'activité normale et permanente de l'entreprise, avec une rémunération fondée exclusivement sur les résultats et prévoyant qu'il sera transformé en CDI lorsque le travail génèrera des revenus suffisants, alors qu'un contrat à durée déterminée ne peut jamais avoir pour objet de permettre à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié. Il méconnait également les dispositions légales sur le travail à temps partiel dans la mesure où il ne définit pas le temps partiel et ne mentionne pas la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ce qui fait présumer un contrat à temps complet. Ces éléments établissent que le recours au portage salarial ne procède que d'un habillage formel uniquement motivé par la volonté de l'entreprise cliente de pourvoir un emploi salarié sans respect des règles impératives sur le contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel. 2) Le détournement par la société de portage et par l'entreprise cliente de toutes les règles impératives sur le contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel sous couvert d'une relation artificielle de portage salarial a nécessairement pour conséquence que la relation contractuelle se déroule sous leur subordination juridique commune et qu'ils doivent solidairement en assumer les conséquences au regard de la rémunération et de la rupture.


Références :

ARRET du 31 mars 2016, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 31 mars 2016, 14-20.590, Inédit

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Narbonne, 27 juin 2012


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2014-06-04;12.05547 ?
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