4o chambre sociale
ARRÊT DU 30 Avril 2014
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/05910
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 JUILLET 2012 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE HERAULT No RG21101471
APPELANTE :
CPAM DE L'HERAULT29 Cours GambettaCS 4900134934 MONTPELLIER CEDEX 9Représentant : Mme Claire X... (Repésentante de la CPAM) en vertu d'un pouvoir spécial en date du 25 février 2014
INTIMEE :
Société JUBIL INTERIMprise en la personne de son représentant légal17 Quai Boissier de SauvagesBP 9024330105 ALESReprésentant : Me Vincent LE FAUCHEUR de la SELARL OPTIMA Avocats Conseils, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 MARS 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Régis TOURNIER, Conseiller, faisant fonction de PrésidentMonsieur Robert BELLETTI, ConseillerMadame Claire COUTOU, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON
ARRÊT :
- Contradictoire.- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Régis TOURNIER, Conseiller, faisant fonction de Président, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Monsieur Wesley Y... était embauché le 3 janvier 2011 en qualité d'intérimaire par la société JUBIL INTERIM, entreprise de travail temporaire, et mis à disposition d'une entreprise utilisatrice en qualité de manutentionnaire préparateur.
Le 11 mars 2011 l'agence de Béziers de cette société déclarait un accident de travail ayant occasionné des blessures le 10 mars 2011 à Monsieur Wesley Y... et écrivait :«En manipulant son transpalette, la victime s'est coincée le talon dans le chariot qui traînait derrière lui qui lui a retourné les doigts de pieds. Transpalette électrique ».
Il était précisé dans cette déclaration que l'accident, décrit par la victime, avait eu lieu dans l'entrepôt S2S et que ses horaires de travail étaient de 7 h 40 à 12 h et de 14 h à 17 h. Lez certificat médical initial était du 10 mars 2011.
Par lettre du même jour 11 mars 2011 la société JUBIL INTERIM adressait à la CPAM de l'Hérault un courrier ainsi libellé :« Nous entendons formuler des réserves sur le caractère professionnel de l'accident ci-dessus référencé pour les raisons suivantes : M Wesley Y... nous a déclaré le 10/03/11 à 14 heures 30 que dans la matinée, en reculant avec un transpalette, il s'était cogné le pied droit à un autre transpalette (le port des chaussures de sécurité est obligatoire au sein de l'entreprise utilisatrice chez qui M Y... est en mission). Nous ne connaissons pas l'heure exacte où l'incident se serait produit. De plus, aucun témoin n'était présent au moment de la survenance de l'accident ce qui nous conduit à douter de sa survenance au temps et au lieu du travail ».
Le 22 mars 2011 la Caisse notifiait à la société JUBIL une décision de prise en charge de son accident au titre de la législation professionnelle considérant que d'une part les éléments fournis par l'employeur ne pouvaient pas être qualifiés de réserves motivées, d'autre part la prise en charge pouvait être effectuée d'emblée sans enquête complémentaire.
Après procédure amiable infructueuse la société JUBIL INTERIM saisissait le Tribunal des affaires de sécurité sociale d'une demande d'inopposabilité de la prise en charge de l'accident de Monsieur Wesley Y....Par jugement du 10 juillet 2012 cette juridiction accueillait la demande d'inopposabilité énonçant :
« Au cas d'espèce, la formulation même de réserves émises par la société JUBIL INTERIM dans le document qui accompagnait la déclaration d'accident du travail montre que l'employeur entendait connaître l'heure exacte de la survenue de l'accident, ce qui en tout état de cause s'agissant d'une entreprise de travail temporaire s'explique tout à fait au regard en particulier de la nécessité pour elle de connaitre cet élément et alors encore qu'elle s'interrogeait sur la présence de témoins susceptibles de corroborer les dires du salarié, étant précisé que la déclaration n'a été établies par employeur que sur les seuls dires de la victime.Contrairement à ce qu'affirme la Caisse, ces réserves portent sur les circonstances de temps et de lieu et sont en conséquence parfaitement recevables ».
La Caisse a régulièrement relevé appel de cette décision et soutient que :
-d'abord il suffit que le fait accidentel se produise au temps et au lieu du travail pour relever de la législation professionnelle,
-ensuite les règles régissant l'employeur et l'entreprise utilisatrice à l'occasion d'un accident de travail sont précises, l'employeur doit établir la déclaration d'accident de travail au vu des renseignements transmis par l'entreprise utilisatrice mais ces dispositions n'ont pas été en l'espèce respectées,
-enfin l'heure du fait accidentel n'est pas inscrite sur la déclaration d'accident de travail et la société JUBIL INTERIM dit ne pas la connaître, mais il appartenait à la société JUBIL INTERIM de se renseigner auprès de l'entreprise utilisatrice pour laquelle Monsieur Y... était à disposition afin de connaître l'heure de l'accident, et rien n'indique que le salarié n'ait pas voulu communiquer l'heure ni à l'entreprise utilisatrice ni à l'employeur,
Elle prétend, pour terminer, que :
-il est important de rappeler que l'entreprise de travail temporaire est tenue de vérifier les conditions de travail dans l'entreprise utilisatrice puisqu'elle est soumise à une obligation de sécurité à l'égard de ses salariés conformément à l'article L 4121-1 du Code du travail,
-elle ne peut que noter qu'il est récurrent, dans les dossiers l'opposant à la sociétéJUBIL INTER1M en matière d'opposabilité d'accident du travail, que les déclarations d'accident de travail ne mentionnent pas l'heure de l'accident et que la société se prévaut de ce manque d'information pour « motiver » ses courriers de réserves.
La Caisse sollicite donc le rejet du recours.
La société JUBIL INTERIM demande la confirmation de la décision déférée et la condamnation de la Caisse à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Attendu que selon l'article L412-4 du Code de la sécurité sociale, sans préjudice des obligations qui lui incombent à l'égard de son employeur en exécution des dispositions de l'article L. 441-1, la victime d'un accident du travail doit en informer ou en faire informer l'utilisateur, et ce dernier doit déclarer à l'entreprise de travail temporaire tout accident dont il a eu connaissance et dont a été victime un salarié mis à sa disposition par cette entreprise ;
Attendu que selon l'article R 412-1 la déclaration que le salarié d'un entrepreneur de travail temporaire est tenu de faire à l'utilisateur, en application de l'article L. 412-4, doit être effectuée dans un délai de vingt-quatre heures par lettre recommandée si elle n'a pas été faite à l'utilisateur ou à son préposé sur les lieux de l'accident ; que selon l'article R 412-2 le délai dans lequel l'utilisateur doit, en application de l'article L412-4 informer l'entreprise de travail temporaire de tout accident dont il a eu connaissance et dont a été victime un salarié mis à sa disposition par cette entreprise est de vingt-quatre heures ; que cette information est transmise par lettre recommandée et doit être également communiquée par l'entreprise utilisatrice, dans le même délai et les mêmes formes, au service de prévention de la Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail et à l'inspecteur du travail ;
Attendu que, selon l'article R441-11, la déclaration d'accident du travail peut être assortie de réserves motivées de la part de l'employeur et que constitue des réserves motivées de la part de l'employeur, au sens de cet texte, toute contestation du caractère professionnel de l'accident portant sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'un cause totalement étrangère au travail ;
Attendu qu'en l'espèce de première part la procédure telle que précisée à l'article R 412-2 n'a pas été mise en ¿uvre par l'entreprise utilisatrice toutefois l'employeur a connu l'existence de l'accident le jour même de celui-ci le 10 mars 2011 à 14 h 30 ; que la société JUBIL INTERIM n'a jamais précisé par qui elle en avait été informée, étant observé que le certificat d'arrêt de travail est du même jour 10 mars, et que le lieu de l'accident est bien identifié à savoir un entrepôt dont il n'est pas discuté qu'il était utilisé par l'entreprise utilisatrice ; qu'également il n'est pas discuté que le matin du 10 mars 2011 Monsieur Y... était sur les lieux de travail ; Attendu que de seconde part il n'est pas expressément indiqué, dans la lettre accompagnant la déclaration d'accident et exprimant des réserves, que le salarié victime n'avait pas pu répondre aux questions tant sur l'heure de l'accident que sur la présence d'autres salariés dans ce même bâtiment alors que l'employeur a le « devoir de se renseigner » sur les dangers courus par le salarié lorsque le travail s'exécute dans les locaux d'une autre entreprise en application des articles 1147 du Code civil, L. 452-1 du Code de la sécurité sociale et R. 237-1, R. 237-2 et R. 237-6 du Code du travail ;
Attendu que de troisième part la société de travail temporaire qui interroge directement un salarié mis à disposition d'une entreprise utilisatrice, et qui procède sans désemparer à une déclarations d'accident de travail en s'abstenant de recueillir préalablement les informations nécessaires sur les circonstances de l'accident, alors que les délais précités ne sont pas écoulés, prive d'effet les dispositions relatives au service de prévention de la CARSAT et à l'inspecteur du travail telles que visées à l'article L. 422-2 du Code de la sécurité sociale et R. 422-3 du Code du travail ;
Attendu qu'en cet état il existe donc des manquements de la société JUBIL démontrant qu'elle s'est précipitée pour rassembler rapidement des éléments fondant une plausible contestation en cherchant volontairement tant à égarer la Caisse, et à encombrer les services de celle-ci, que de compromettre la prévention des accidents de travail dans ce secteur spécifique d'activité ; qu'ainsi la société de travail temporaire JUBIL ne pouvait invoquer des réserves sans s'être assurée de leur exactitude ou de leur vraisemblance par un contact écrit préalable avec la société utilisatrice ;
Attendu que, dès lors, la Caisse, prenant en considération le lieu et l'heure de l'accident ce qui était corroboré par une information horaire donnée à l'employeur et la date du certificat médical initial, a considéré, à juste titre, que les réserves, de nature répétitivement stéréotypée comme dans d'autres affaires, ne pouvaient mettre en cause la présomption légale découlant du seul examen des pièces fournies lors de la déclaration d'accident de travail et qui étaient suffisantes ;
Attendu que le jugement doit donc être infirmé.
Vu l'article R. 144 - 10 du Code de la sécurité sociale.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Rejette le recours de la société JUBIL INTERIM,
Dispense du paiement du droit prévu par l'article R. 144 -10 du Code de la sécurité sociale.