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30/01/2013 | FRANCE | N°11/07260

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre sociale, 30 janvier 2013, 11/07260


ARRÊT DU 30 Janvier 2013

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 07260

ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 SEPTEMBRE 2011 CONSEIL DE PRUD'HOMMES FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER No RG11/ 00266

APPELANTE :

Madame Nathalie X.........34000 MONTPELLIER Représentant : Me Jean François REYNAUD (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMÉE :

EURL PLEIN SUD VOYAGES prise en la personne de son représentant légal 15 rue André Michel 34000 MONTPELLIER Représentant : Me BOUIC-LEENHARDT, substituant Me Michel ALB

ISSON (avocat au barreau de MONTPELLIER)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de...

ARRÊT DU 30 Janvier 2013

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 07260

ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 SEPTEMBRE 2011 CONSEIL DE PRUD'HOMMES FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER No RG11/ 00266

APPELANTE :

Madame Nathalie X.........34000 MONTPELLIER Représentant : Me Jean François REYNAUD (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMÉE :

EURL PLEIN SUD VOYAGES prise en la personne de son représentant légal 15 rue André Michel 34000 MONTPELLIER Représentant : Me BOUIC-LEENHARDT, substituant Me Michel ALBISSON (avocat au barreau de MONTPELLIER)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 DÉCEMBRE 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Gisèle BRESDIN, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre Madame Gisèle BRESDIN, Conseillère Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURONARRÊT :

- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Nathalie X...a été embauchée le 27 mars 2006 par la société Plein Sud Voyages Montpellier en tant que conseiller de voyage, groupe C, pour un salaire mensuel brut de 2. 056, 28 euros correspondant à 151 heures 67 de travail, moyennant un salaire brut mensuel de 2. 056, 28 euros en tant que conseiller de voyage groupe C de la convention collective nationale de travail du personnel des agences de voyages et de tourisme du 12 mars 1993 applicable dans l'entreprise.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 18 août 2010, l'employeur a convoqué Mme X...à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement fixé au 31 août 2010 en ces termes :

" Madame, Nous envisageons de procéder à votre licenciement, et nous vous convoquons à un entretien préalable pour en parler, entretien fixé le : Vendredi 27 août 2010 à 10H00, 15 rue André Michel à Montpellier. Au cours de cet entretien, vous pourrez, si vous le souhaitez, être assistée par un membre du personnel de votre choix ou par une personne choisie sur une liste que vous pouvez consulter aux adresses suivantes : Mairie de Montpellier, 1 place Francis Ponge 34000 Montpellier Direction Régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), 615 boulevard d'Antigone 34000 Montpellier. Je vous prie de croire, Madame, en l'assurance de mes sentiments distingués. "

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 30 août 2010, la société Plein Sud Voyages a notifié à Mme X...son licenciement comme suit :
" Suite à notre entretien du 27 août 2010 et à la réflexion, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. Malgré plusieurs rappels, vous avez recommencé à adopter un comportement qui est incompatible avec le bon fonctionnement de l'entreprise. Ainsi : Vous ne pouvez pas travailler en équipe : vos collègues de travail se plaignent de votre jalousie et de votre esprit de perpétuelle rivalité, précisant que vous détruisez toux ceux qui travaillent avec vous. En septembre 2008 Karine Y...a été en arrêt maladie (3 semaines) juste après son embauche, parce que vous l'avez immédiatement dénigrée. A l'époque j'ai décidé de laisser du temps à Karine qui venait d'arriver et à vous-même pour apprendre à travailler ensemble. Cependant depuis le début du mois de juillet 2010, vous avez recommencé à la harceler et le 4 août 2010 Karine Y...a quitté son poste à 16 heures en pleurs pour se rendre à la Médecine du Travail. Le Docteur Bertrand Z... m'a confirmé que Karine Y...paraissait subir un harcèlement moral de votre part. Les pressions exercées sur vos collègues risquent de dégrader leurs conditions de travail et leur santé, ce que je ne peux pas accepter en ma qualité d'employeur. En outre plusieurs des prestataires avec qui nous travaillons se sont plaints également de votre comportement négatif et agressif. Enfin vous n'en " faites qu'à votre tête " : le 16 août à 17h30 vous m'avez appelé à l'agence pour m'annoncer que vous ne termineriez plus à 18 heures à partir de cette semaine, alors qu'il ne vous appartient pas de modifier vos horaires de travail. Malgré vos qualités professionnelles indiscutables, je ne peux continuer à supporter moi-même et à faire supporter à l'équipe l'ambiance délétère qui règne au sein de l'agence lorsque vous êtes présente. Votre préavis d'une durée de deux mois débutera à la date de la présentation de cette lettre... Nous vous rappelons que vous restez tenue de l'ensemble de vos obligations pendant la durée du préavis et notamment de respecter votre horaire de travail, qui est le suivant : 1 semaine sur deux... A cet égard je constate que vous ne vous êtes pas présentée à votre poste de travail depuis ce matin, que vous avez débarrassé votre bureau et " fait le vide " dans votre ordinateur ce qui me laisse penser que vous aviez prévu dès hier soir de ne pas être là aujourd'hui... Pendant la durée de votre préavis, vous disposerez de deux heures payées par jour pour rechercher un emploi et nous vous invitons à vous rapprocher de la Direction pour organiser la prise de ces heures. Vous disposez à la date de rupture du contrat d'un crédit 92 heures de formation au titre du droit individuel à la formation. Si vous nous en faites la demande avant la fin de votre préavis, les sommes correspondants peuvent être affectées au financement d'une action de formation, de bilan de compétences ou de validation de formation que vous avez acquise, soit 841, 80 euros. Au terme de votre contrat, nous tiendrons à votre disposition les indemnités et documents qui vous sont dûs... ".

Mme X...a été placée en arrêt maladie du 30 août 2010 au 4 septembre 2010, puis est revenue à l'agence le 6 septembre 2010 pour reprendre ses affaires personnelles, avant d'être à nouveau en arrêt maladie jusqu'au 3 novembre 2010.

Le 15 février 2011, Nathalie X...a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier en contestation de la légitimité de son licenciement et en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappels de salaires, ainsi qu'aux fins de remise de documents sociaux rectifiés sous astreinte.

Par le jugement entrepris en date du 14 septembre 2011, la section commerce du conseil de prud'hommes de Montpellier a dit que le licenciement de Mme X...est justifié par une cause réelle et sérieuse, a débouté Mme X...de l'ensemble de ses demandes, a débouté les deux parties de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné Mme X...aux dépens de l'instance.
Par déclaration au greffe en date du 18 octobre 2011, Nathalie X...a régulièrement interjeté appel à l'encontre de cette décision qui lui a été notifiée par lettre du greffe datée du 26 septembre 2011.
Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que l'employeur n'a pas respecté l'article 53 de la convention collective applicable dans l'entreprise sur la faculté de consultation de la commission paritaire nationale chargée de donner un avis sur la mesure disciplinaire envisagée, ce qui constitue la violation d'une garantie de fond. En outre, les prétendus griefs ne sont pas établis, qu'il s'agisse du harcèlement moral et des pressions à l'égard d'autres salariées, de son comportement négatif vis-à-vis des prestataires ou encore de la modification par elle de ses horaires. De surcroît, les conditions de la rupture ont été vexatoires.
Par ailleurs, elle maintient sa demande de rappel de salaires qui n'a pas été apurée par le paiement effectué par l'employeur.
Elle demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner l'employeur à lui payer 440 euros net à titre de rappel de salaire pour le mois de septembre 2010 outre intérêts légaux, ordonner à l'employeur la remise des bulletins de salaire de septembre, octobre et novembre 2010 rectifiés sous astreinte de 150 euros par jour de retard, condamner l'employeur à lui payer la somme de 25. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, condamner l'employeur à lui payer la somme de 25. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires, le condamner à lui payer la somme de 1. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La société Plein Sud Voyages conclut au débouté de l'ensemble des demandes de Mme X..., subsidiairement à voir dire et juger qu'elle n'a subi aucun préjudice au titre du licenciement, limiter les dommages-intérêts à 1 euro et en toute hypothèse la condamner à lui payer la somme de 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient que le licenciement de Mme X...s'imposait eu égard notamment au harcèlement moral qu'elle faisait subir à Mme Y.... En tout état de cause, son préjudice est inexistant car elle a retrouvé du travail dès le mois d'octobre 2010, alors que son salaire avait été intégralement maintenu pendant le préavis expirant le 3 novembre 2010. Pour un plus ample exposé des faits et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites auxquelles elles se sont rapportées lors des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse
Selon l'article 53 de la convention collective nationale du personnel des agences de voyage et de tourisme du 12 mars 1993 applicable dans l'entreprise : " Aucune sanction ne peut être infligée à un salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps, par lettre recommandée ou remise contre décharge, des griefs retenus à son égard. Constitue une sanction toute mesure prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré comme fautif, à l'exclusion des observations verbales. Nonobstant la disposition légale qui interdit les amendes ou autres sanctions pécuniaires, les mesures disciplinaires sont les suivantes :- l'avertissement ;- le blâme ;- la rétrogradation :- le licenciement. les deux premières sont prononcées par le chef d'entreprise sur les rapports qui lui sont adressés par les responsables hiérarchiques du salarié.... Concernant les autres mesures, l'entretien préalable est de droit ; les parties ont la faculté de saisir pour avis la commission de conciliation de l'entreprise ; dans les entreprises ne comportant pas de commission de conciliation, les parties ont la faculté de saisir pour avis la commission paritaire nationale. Cette faculté doit être indiquée au salarié dans la lettre de convocation à l'entretien préalable. La saisine de l'une ou l'autre de ces commissions doit être faite dans un délai de 2 jours ouvrés à l'issue de l'entretien préalable. L'employeur suspend sa décision de sanction durant ce délai dans l'attente de la décision qui sera prise par le salarié. En cas de saisine, la décision de l'employeur est suspendue jusqu'à l'avis de la commission. Dans ce cas, les motifs de la mesure envisagée par l'employeur doivent être indiqués par écrit au salarié et être communiqués à la commission. L'employeur a la possibilité de procéder à une mise à pied conservatoire dans l'attente de la décision prise par lui à l'issue de la réunion de la commission de la conciliation ou de la Commission paritaire nationale... "

La consultation d'un organisme chargé, en vertu d'une disposition conventionnelle, de donner un avis sur la mesure disciplinaire envisagée par l'employeur conformément aux articles L. 1332-1 et suivants du code du travail, constitue pour le salarié une garantie de fond. Dès lors, le licenciement prononcé sans que le salarié n'ait été informé de la faculté de saisir cet organisme ne peut avoir de cause réelle et sérieuse. En l'espèce, dans la lettre de convocation à l'entretien préalable en date du 18 août 2010 précitée, Mme X...n'a pas été informée de la faculté de saisir la Commission paritaire nationale pour avis sur la mesure disciplinaire envisagée par l'employeur à son encontre. Comme conséquence de cette violation d'une garantie de fond, le licenciement notifié le 31 août 2010, sanctionnant le comportement de l'intéressée pour harcèlement et pressions sur ses collègues, est dépourvu de cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit besoin d'examiner le caractère réel et sérieux des motifs portés dans la lettre de notification de la mesure disciplinaire. Compte tenu de son âge (37 ans), de son ancienneté (4 ans et 5 mois) et de sa rémunération (2. 056, 28 euros bruts par mois), ainsi que de sa situation professionnelle et personnelle postérieure à la rupture, mettant en évidence que malgré le travail à temps partiel retrouvé immédiatement, elle a dû s'inscrire à Pôle Emploi et a perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi, il convient de lui allouer la somme nette de 20. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec rejet du surplus de sa demande à ce titre comme n'apparaissant pas fondée. Compte tenu de l'ensemble des éléments d'appréciation soumis à la cour, il n'est pas établi que la rupture serait intervenue dans des conditions vexatoires pour la salariée. Sa demande en paiement de dommages-intérêts supplémentaires à ceux accordés au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, est donc en voie de rejet.

Sur le rappel de salaires Mme Nathalie X...reprend sa demande en paiement d'un solde de salaires pour le mois de septembre de 440 euros, dans les mêmes termes qu'en première instance alors que le conseil de prud'hommes l'a écartée à juste titre en relevant qu'elle a perçu la totalité du salaire qui lui était dû compte tenu de la retenue opérée à juste titre par l'employeur suite à l'absence de Mme X...à la contre-visite initiée par l'employeur. Par ailleurs, Mme X...réclame, au titre des dispositions de l'article L. 3261-2 du code du travail, des frais à hauteur de 50 % du coût de titres de transports, sans produire de pièces justificatives au soutien de sa demande, qui est donc en voie de rejet. Le jugement déféré est donc confirmé sur le rejet de l'ensemble des demandes de rappels de salaires de Mme X....

PAR CES MOTIFS La cour, Infirme le jugement rendu le 14 septembre 2011 par la section commerce du conseil de prud'hommes de Montpellier en ce qu'il dit que le licenciement de Mme X...est justifié sur une cause réelle et sérieuse et la déboute de sa demande de dommages-intérêts à ce titre,

Et, statuant à nouveau dans cette limite, Dit que le licenciement de Mme Nathalie X...est dénué de cause réelle et sérieuse, Condamne la société Plein Sud Voyages à payer à Mme Nathalie X...la somme nette de 20. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Confirme pour le surplus le jugement entrepris, Ordonne la remise des documents sociaux rectifiés conformément au présent arrêt, sans qu'il y ait lieu à astreinte, Déboute Mme Nathalie X...de toutes autres demandes plus amples ou contraires, Condamne la société Plein Sud Voyages à payer à Mme Nathalie X...la somme de 1. 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne la société Espace Plein Sud aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/07260
Date de la décision : 30/01/2013
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION

La consultation d'un organisme chargé, en vertu d'une disposition conventionnelle, de donner un avis sur la mesure disciplinaire envisagée par l'employeur conformément aux articles L. 1332-1 et suivants du code du travail, constitue pour le salarié une garantie de fond. En conséquence , le licenciement d'un conseiller de voyage sanctionnant son comportement de harcèlement et pressions sur ses collègues, est dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors qu'il n'a pas été informé dans la lettre de convocation à l'entretien de la faculté de saisir la Commission paritaire nationale pour avis sur la mesure disciplinaire envisagée par l'employeur à son encontre, et ce, sans qu'il soit besoin d'examiner le caractère réel et sérieux des motifs portés dans la lettre de notification de la mesure disciplinaire.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Montpellier, 14 septembre 2011


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2013-01-30;11.07260 ?
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