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09/01/2013 | FRANCE | N°11/06392

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Ct0717, 09 janvier 2013, 11/06392


SD/YR

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER4o chambre sociale

ARRÊT DU 09 Janvier 2013

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/06392

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 JUILLET 2011 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE RODEZ

No RG10/00010

APPELANT :

Monsieur Gilles X...

...

12850 ONET LE CHATEAU

Représentant : Me Maryline MOLINIER (avocat au barreau de RODEZ)

INTIMEE :

SARL BOU MATIC EUROPE

prise en la personne de son représentant légal

9 ave

nue du vert Galant

BP 47066 SAINT OUEN L'AUMONE

95052 CERGY PONTOISE CEDEX

Représentant : Me DE NOAILLY de la SCP GIDE-LOYRETTE-NOUEL (avocats au ba...

SD/YR

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER4o chambre sociale

ARRÊT DU 09 Janvier 2013

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/06392

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 JUILLET 2011 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE RODEZ

No RG10/00010

APPELANT :

Monsieur Gilles X...

...

12850 ONET LE CHATEAU

Représentant : Me Maryline MOLINIER (avocat au barreau de RODEZ)

INTIMEE :

SARL BOU MATIC EUROPE

prise en la personne de son représentant légal

9 avenue du vert Galant

BP 47066 SAINT OUEN L'AUMONE

95052 CERGY PONTOISE CEDEX

Représentant : Me DE NOAILLY de la SCP GIDE-LOYRETTE-NOUEL (avocats au barreau de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 NOVEMBRE 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre

Mme Françoise CARRACHA, Conseillère

Madame Claire COUTOU, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRÊT :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévu le 19/12/12 et prorogé, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;

- signé par Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

La société Bou-Matic Europe SARL (la société) est spécialisée dans la fabrication et la distribution des systèmes de traite des bovins, de gestion de troupeau, de refroidissement du lait, de produits d'hygiène et de soin des mamelles et des pieds des vaches et des consommables et pièces détachées pour exploitations laitières.

Ses principaux clients sont des concessionnaires dont la clientèle est composée d'exploitants agricoles et d'éleveurs de bovins.

Engagé initialement par la société Ams France SARL pour une durée indéterminée à compter du 19 décembre 2000 en qualité d'«inspecteur commercial sud-ouest, niveau IV, échelon 2, coefficient 275» dans le cadre d'un contrat régi par la convention collective de la métallurgie, M. Gilles X..., après une succession de transferts d'activité et d'avenants contractuels, signait le 28 février 2008 avec la société un dernier avenant définissant sa qualification hiérarchique, sa rémunération et sa durée de travail de la façon suivante :

qualification : cadre coefficient VII-2 prévu par la convention collective commerces de gros ;

une rémunération mensuelle brute moyenne s'élevant en dernier lieu à 4 714,52 €, constituée d'un salaire de base, d'un avantage en nature voiture et de commissions sur objectifs ;

durée du travail : forfait annuel de 207 jours prévu par la convention collective commerces de gros.

Convoqué le 19 février 2009 à un entretien préalable fixé au 5 mars 2009, M. X... était licencié pour motif personnel par lettre recommandée avec AR du 9 mars 2009 rédigée en ces termes :

".../...

Malgré les mises en garde que nous avons été contraints de vous faire et malgré l'avertissement que vous avez reçu le 9 décembre 2008, vous persistez dans votre refus de respecter les instructions et consignes de votre hiérarchie.

Ainsi j'ai découvert que malgré les instructions orales et écrites d'Olivier A..., votre supérieur (mail du 26 janvier 2009 vous demandant de ne pas vous présenter chez le client), vous avez décidé de faire envoyer le 12 février 2009 M. Fernandez B..., technicien, chez le client C....

Ceci est grave et cause un préjudice à l'entreprise car une fois encore vous ne respectez pas les consignes de votre supérieur.

Cela est d'autant plus grave que comme vous le savez nous sommes en litige avec ce client et qu'il ne fallait absolument pas envoyer de technicien chez lui comme Olivier A... vous l'a demandé.

De surcroît, cette attitude d'insubordination est un très mauvais exemple vis-à-vis de vos collègues qui comprennent mal que les directives des supérieurs ne soient pas respectées.

Ce nouvel acte d'insubordination nous contraints à vous licencier..../...".

Estimant que cette rupture était abusive et qu'il n'avait pas été rempli de ses droits, M. X... saisissait le conseil de prud'hommes de Rodez qui, par jugement rendu le 8 juillet 2011, jugeait le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnait la société à lui payer, le surplus de ses demandes étant rejeté :

• 21 666,66 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse "à hauteur de six mois de salaire" ;

• 3700 € de prime de fin d'année ;

• 1495,11 € d'indemnités journalières maladie de février 2008 ;

• 1999,20 € de reversement des indemnités du régime de prévoyance pour la période du 26 janvier au 1er mars 2008 ;

• 666,40 € nets de reversement des indemnités du régime de prévoyance pour la période du 26 janvier au 1er mars 2008 ;

• 270,20 € de remboursement de frais de santé de janvier-février 2008.

Par lettre recommandée reçue au greffe de la cour d'appel le 8 septembre 2011, M. X... interjetait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 14 août 2011.

M. X... conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a reconnu que le licenciement était sans motif et fait droit à ses demandes au titre des indemnités journalières, du régime de prévoyance et frais de santé, à son infirmation pour le surplus et à la condamnation de la société à lui payer :

• 44 989,55 € de dommages-intérêts ;

• 72 900 € de dommages-intérêts et rappel de salaires ;

• 5000 € au titre de la prime de fin d'année 2008 ;

• 14 608,68 € au titre des congés payés non pris ;

• 3 175,80 € au titre des congés d'ancienneté non pris ;

• 4 446,12 € au titre des jours RTT non pris ;

• 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir pour l'essentiel à l'appui de ses demandes que :

- Il conteste formellement les griefs formulés en termes généraux ainsi que l'existence de "mises en garde" antérieures et autres "insubordinations" et estime avoir toujours travaillé dans l'intérêt de son entreprise ;

- En novembre 2006, après d'intenses négociations commerciales avec le concessionnaire Bio Elevage à Aurillac auprès de la famille d'éleveurs C..., il signait la plus importante vente de machine à traire jamais réalisée par la société dans le Cantal, cette vente constituant au surplus un réel enjeu sur le plan de la notoriété face au leader mondial fournisseur de cet exploitant jusqu'alors ;

- Compte tenu de la nouveauté de ce modèle, il avait convaincu ses interlocuteurs de contracter une aide au montage par l'équipe technique de Bou Matic Europe, prestation facturée en sus au concessionnaire Bio Elevage ;

- Après livraison du matériel en décembre 2007, les problèmes se multipliaient malgré les interventions répétées des techniciens de la société et, saisi une nouvelle fois par l'exploitant excédé alors qu'il était en réunion avec l'ensemble des techniciens et des commerciaux du 21 au 23 janvier 2009 à Brême, il décida d'en parler aux techniciens présents qui se prononcèrent pour une nouvelle intervention en urgence, opinion validée par le responsable de l'équipe technique ;

- Le motif du licenciement est fallacieux puisqu'il a toujours tenu sa hiérarchie au courant de ses démarches, qu'il n'y avait ni litige ni contentieux ouvert avec cet éleveur qui demandait simplement que la machine soit au plus vite rendue conforme à son objet et qu'il n'avait aucun pouvoir de décider ou d'ordonner l'intervention du service technique, sa propre intervention se limitant à l'exercice de sa mission telle que définie par son contrat de travail ;

- L'employeur n'a pas respecté les modalités d'application du dispositif de forfait en jours sur l'année prévue par les articles L3121-8, L3121-45 et suivants du code du travail et la convention collective du commerce de gros, ce qui prive d'effet la convention de forfait contractuelle et justifie la condamnation de l'intimée à "une indemnité de 72 900 € à titre de dommages et intérêts" représentant les 2 heures de repos quotidien dont il n'a pu bénéficier durant l'exécution de son contrat de travail, soit une "réduction de l'ordre de 10 h par semaine, sur 162 semaines non prescrites, au taux de 150 %";

- 69 jours de congés payés outre 15 jours supplémentaires du fait de son ancienneté restent dus dès lors qu'il n'a jamais refusé de prendre ses congés mais n'a pas pu les prendre intégralement en raison du volume de travail induit par les objectifs fixés par la direction, celle-ci n'ayant jamais pris les mesures propres à lui assurer la possibilité d'exercer intégralement son droit à congé ;

- Les modalités du dispositif du forfait annuel en jours font apparaître que lui restent dus 21 jours de RTT.

La société conclut à l'infirmation du jugement déféré "dans toutes ses dispositions lui faisant grief", à sa confirmation en ce qu'il déboute M. X... de ses autres demandes et à la condamnation de celui-ci à lui payer 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir en substance à l'appui de ses demandes que :

- La lettre de licenciement précise bien qu'il repose sur les insubordinations de M. X... caractérisées par ses refus réitérés de respecter les directives de l'employeur , tout particulièrement dans un dossier Bio Elevage/C... au début de l'année 2009 ;

- C'est ainsi que malgré l'interdiction formelle qui lui avait été donnée d'entrer en contact avec M. C..., M. X... est délibérément intervenu auprès de cet éleveur par plusieurs échanges téléphoniques et en faisant intervenir des techniciens sur l'exploitation agricole, comme l'intéressé le relate lui-même dans son attestation ;

- Compte tenu du rapport conflictuel qu'entretenait la société avec M. C..., M. X... avait parfaitement conscience d'agir contre les intérêts de son employeur ;

- En l'espèce M. X... s'était permis de se rendre à plusieurs reprises chez M. C... sans la présence du concessionnaire, ce qui avait généré un conflit entre l'exploitant agricole et le concessionnaire et amené la société à prendre la décision de ne pas se mêler de ce conflit et de demander à M. X... de ne plus intervenir auprès de l'éleveur ;

- M. X... bénéficiait d'une convention de forfait annuel en jours depuis le 7 janvier 2003, n'était donc pas soumis aux dispositions légales relatives à la durée du travail et ne peut prétendre au paiement du rappel d'heures supplémentaires qu'il sollicite d'autant qu'il ne verse aux débats aucun élément laissant penser que l'employeur l'a empêché de bénéficier de 11 h de repos quotidien ;

- M. X... n'ayant atteint que partiellement ses objectifs, la prime annuelle n'est pas due et en toute hypothèse ne saurait dépasser la somme de 3 700€ brut;

- M. X... a été indemnisé des 20,8 jours de congés payés acquis et non pris pendant l'exercice en cours à la date de la rupture et sa demande à hauteur de 69 jours de congés ne relève que du tableau auto-déclaratif qu'il verse au débat alors que l'indemnité de congés payés ne peut se cumuler avec un salaire et que dès lors que le salarié, n'ayant pas fait usage de son droit à congés payés pendant la période prévue, a poursuivi son activité rémunérée au service de l'employeur, il ne peut réclamer ultérieurement une indemnité de congés payés qui s'ajouterait au salaire perçu ;

- Il en va de même pour les congés liés à l'ancienneté d'autant qu'à compter du 1er octobre 2007 la convention collective applicable n'était plus celle de la métallurgie mais celle des commerces de gros, laquelle ne comporte aucune disposition de ce type ;

- La demande présentée au titre des jours RTT non pris n'est pas sérieuse puisqu'à l'instar des congés payés, la prise de jours RTT doit se faire dans l'année en cours, le nombre de jours de RTT ne peut être reporté d'une année sur l'autre sans l'accord de l'employeur et l'intéressé ne peut solliciter le paiement de jours de RTT acquis au titre des années 2005 et 2006 sans démontrer qu'il aurait été empêché par l'employeur d'en bénéficier.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions écrites auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

Sur la rupture.

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige.

Les motifs avancés doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalant à une absence de motif.

Les termes de la lettre de licenciement du 9 mars 2009 sont explicites en ce que le seul grief invoqué à l'appui de la rupture est l'attitude adoptée par M. X... à l'égard du « client C... » en février 2009, laquelle serait la manifestation d'une insubordination à l'égard de l'employeur, la référence à des "mises en garde" et autres "refus de respecter les instructions et consignes de votre hiérarchie" n'ayant vocation qu'à illustrer le caractère répétitif du comportement allégué.

Or il résulte des pièces communiquées (no10 appelant) que le « mail du 26 janvier 2009 vous demandant de ne pas vous présenter chez le client» visé par la lettre de licenciement indique en réalité le contraire et précise que M. X..., qui avait à plusieurs reprises alerté son employeur sur les défauts de fabrication et de conception de la machine vendue comme du manque de réactivité du concessionnaire face aux problèmes rencontrés par l'acquéreur, devait bien être présent à la «réception de chantier » demandée par le concessionnaire Bio Elevage (cf mail de celui-ci à l'origine de l'échange) mais s'abstenir de « faire des commentaires sur tel bruit ou autres. Marcel et Bertrand gèrent cela ».

La seule consigne donnée aux participants était : « A ce stade je ne vois qu'un seul point : c'est le compteur horaire. Il faut que le client signe le bon... » (de fin de chantier signifiant que l'installation est conforme), ce qui manifeste une curieuse conception du service après vente si l'on se réfère aux nombreux dysfonctionnements relevés par l'éleveur.

Par ailleurs M. X... indique sans être contredit qu'il n'avait aucune autorité hiérarchique sur les techniciens, notamment sur « M. Fernandez B...», et que s'il est bien à l'origine de la diffusion des informations auprès du service technique, l'intervention de M. D... dans l'exploitation de M. C... le 12 février 2009 avait été nécessairement ordonnée par le responsable du service technique.

Enfin la référence dans la lettre de licenciement au " litige avec ce client" justifiant " qu'il ne fallait absolument pas envoyer de technicien chez lui" doit être mise en perspective avec les longs développements contradictoires que consacre la société dans ses conclusions écrites développées oralement à l'audience sur le fait que M. C... n'était en réalité pas son "client" ainsi qu'avec le témoignage de ce dernier qui atteste «.../... Ultérieurement nous apprendrons qu'en raison de cette action, M. X... a été licencié, d'où un sentiment d'injustice et d'incompréhension et ce d'autant plus que cette intervention a engendré de nouveaux déplacements des techniciens "Bou-Matic", lesquels ont abouti à la résolution définitive de tous nos litiges.

Aujourd'hui nous pouvons dire que sans lui notre "roto" n'aurait jamais fonctionné correctement. Pour nous la société Bou-Matic ne voulait plus assumer ses responsabilités de constructeur et pour mettre fin à ses interventions avançait des arguments fallacieux et incohérents ».

Il ressort des développements qui précèdent que le grief invoqué comme motif de licenciement est inexistant et que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que celui-ci était abusif.

Compte tenu de son âge (44 ans) et de son ancienneté (8 ans et 3 mois) à la date de la rupture, des circonstances brutales de celle-ci mais aussi de l'absence de justificatif sur la situation du salarié à la suite de la rupture, le relevé Pôle emploi fourni concernant seulement la période du 01/02/2011 au 28/02/2011, le préjudice lié à la perte injustifiée de l'emploi doit être fixé à la somme de 35 000€ en application des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail.

Il y a lieu également de condamner l'employeur à rembourser aux organismes intéressés les allocations-chômage éventuellement perçues par le salarié dans la limite de six mois, en application de l'article L 1235-4 du code du travail.

Sur la convention de forfait en jours

Le droit à la santé et au repos du salarié figure au nombre des exigences constitutionnelles.

Il résulte notamment des articles 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, de l'article 17 §1 et 4 de la directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, § 1et 19 de la directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

L'article L.212-15-3 du code du travail dans sa rédaction issue de l'article 95 de la loi no 2005-882 du 2 août 2005 applicable en la cause prévoit notamment, que :

I. - Les salariés ayant la qualité de cadre au sens des conventions collectives de branche ou du premier alinéa de l'article 4 de la convention nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et qui ne relèvent pas des dispositions des articles L. 212-15-1 et L. 212-15-2 doivent bénéficier d'une réduction effective de leur durée de travail. Leur durée de travail peut être fixée par des conventions individuelles de forfait qui peuvent être établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle. La conclusion de ces conventions de forfait doit être prévue par une convention ou un accord collectif étendu ou par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement qui détermine les catégories de cadres susceptibles de bénéficier de ces conventions individuelles de forfait ainsi que les modalités et les caractéristiques principales des conventions de forfait susceptibles d'être conclues. A défaut de convention ou d'accord collectif étendu ou de convention ou d'accord d'entreprise ou d'établissement, des conventions de forfait en heures ne peuvent être établies que sur une base hebdomadaire ou mensuelle.

II. - Lorsque la convention ou l'accord prévoit la conclusion de conventions de forfait en heures sur l'année, l'accord collectif doit fixer la durée annuelle de travail sur la base de laquelle le forfait est établi, sans préjudice du respect des dispositions des articles L. 212-1-1 et L. 611-9 relatives aux documents permettant de comptabiliser les heures de travail effectuées par chaque salarié. La convention ou l'accord, sous réserve du respect des dispositions des articles L. 220-1, L. 221-2 et L.221-4, peut déterminer des limites journalières et hebdomadaires se substituant à celles prévues au deuxième alinéa des articles L. 212-1 et L. 212-7, à condition de prévoir des modalités de contrôle de l'application de ces nouveaux maxima conventionnels et de déterminer les conditions de suivi de l'organisation du travail et de la charge de travail des salariés concernés.

III. - La convention ou l'accord collectif prévoyant la conclusion de conventions de forfait en jours doit fixer le nombre de jours travaillés. Ce nombre ne peut dépasser le plafond de deux cent dix-huit jours. La convention ou l'accord définit, au regard de leur autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps, les catégories de cadres concernés. La convention ou l'accord précise en outre les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos. Il détermine les conditions de contrôle de son application et prévoit des modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte. L'accord peut en outre prévoir que des jours de repos peuvent être affectés sur un compte épargne temps dans les conditions définies par l'article L. 227-1. Une convention ou un accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement peut enfin ouvrir la faculté au salarié qui le souhaite, en accord avec le chef d'entreprise, de renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire. La convention ou l'accord collectif détermine notamment le montant de cette majoration ainsi que les conditions dans lesquelles les salariés font connaître leur choix.

Cet article, abrogé au 1er mai 2008, a été remplacé, notamment par:

- l'article L3121-39 indiquant que la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche, que cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions ;

- l'article L3121-46 qui prévoit un entretien annuel individuel organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année portant sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

Bien que les parties n'aient pas estimé devoir produire la convention collective de la métallurgie, il n'est pas discuté que celle-ci contient des dispositions relatives aux conventions de forfait annuel en jours pour les cadres autonomes conformes à ces dispositions légales.

Il en va de même de la convention collective nationale de commerces de gros qui stipule un nombre de jours travaillés d'au maximum 214 par an, rappelle l'obligation d'un temps de repos quotidien d'au moins 11 heures sauf dérogation légale ou conventionnelle et indique:

" le forfait en jours s'accompagne d'un contrôle du nombre de jours travaillés. L'employeur est tenu d'établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées, ainsi que la qualification des jours de repos au titre de la réduction du temps de travail. Ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur.

En outre, le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année, d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoqués l'organisation et la charge de travail de l'intéressé ainsi que l'amplitude de ses journées d'activité".

Il résulte des documents contractuels successifs régissant les relations entre les parties que, jusqu'à la signature de l'avenant du 28 février 2008, la seule disposition contractuelle relative à la durée du travail de M. X... était celle prévue par le contrat initial du 19/12/2000 dans les termes suivants : « M. X... effectuera 39 heures par semaine se répartissant de 7 à 8 heures par jour sur 5 jours. L'horaire de travail est susceptible de modification en fonction des impératifs de l'entreprise ».

L'article 4 de l'avenant du 28 février 2008 relatif à la « durée du travail » stipule que :

« Compte tenu de la large autonomie dont il dispose dans l'organisation de son emploi du temps, le salarié relève pour le calcul de son temps de travail du forfait annuel en jours prévus par la convention collective commerces de gros.

À ce titre le salarié est soumis aux dispositions de l'article L212-15-3 III du code du travail.

Le salarié s'engage à travailler 207 jours par ans, l'année de référence s'entendant du 01 janvier au 31 décembre de chaque année (...)

Compte tenu de l'autonomie dont dispose le salarié dans l'organisation de son temps de travail, celui-ci s'engage sur l'honneur à respecter, en toutes circonstances, le repos minimal quotidien de 11 heures consécutives et le repos hebdomadaire.

Le salarié déclare avoir pris connaissance des stipulations conventionnelles régissant ce mode d'organisation du temps de travail ».

Il n'est pas allégué par la société qu'elle a prévu et mis en place le moindre contrôle du respect du temps de repos du salarié, ni même tenu en 2008 l'entretien avec le supérieur hiérarchique relatif à l'organisation du travail prévu par la convention collective, le seul renvoi du salarié à son "engagement sur l'honneur à respecter en toutes circonstances le repos minimal quotidien" étant insuffisant à justifier du respect de ses propres obligations conventionnelles.

Le salarié est dès lors fondé à soutenir que la convention de forfait en jours était privée d'effet à son égard et qu'il est en droit de prétendre au paiement des heures supplémentaires éventuellement réalisées.

Sur la durée du travail.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié au regard notamment des dispositions des articles D. 3171-2 et D. 3171-8 du dit code.

Il n'est pas discuté que les bulletins de salaire de M. X... sont établis sur la base d'un horaire mensuel de 151,67 h et qu'aucune heure supplémentaire n'y figure.

Pourtant il résulte du rapprochement entre l'étendue du secteur géographique confié à M. X... et les pièces communiquées, notamment les justificatifs des déplacements et les fiches d'hôtel mentionnant les heures d'arrivée et de sortie du salarié ainsi que des "relevés tests" sur les semaines 12-30-44 de 2008, qu'il faisait régulièrement des heures supplémentaires qui amputaient le temps de repos quotidien minimal de 11 heures.

Du reste l'échange de courriels intervenu en juin 2006 à l'occasion du changement de véhicule de fonction et de l'évaluation du nombre de kilomètres parcourus annuellement par le salarié (pièce no 4) démontre que l'employeur était au courant de longue date mais qu'il se satisfaisait de la situation à laquelle il n'a jamais tenté d'apporter la moindre solution.

Bien que ces éléments soient suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la société se contente de se référer à la convention de forfait en jours, n'hésitant pas à cette occasion à arguer d'une " convention de forfait en jours de 217 jours annuels à compter du 7 janvier 2003" (p. 13 et 14 de ses conclusions écrites développées oralement à l'audience) à laquelle l'avenant au contrat de travail signé le même jour entre les parties ne fait aucune allusion.

Dès lors le salarié avait le choix entre réclamer soit le paiement des heures supplémentaires qu'il justifie avoir réalisées soit, comme en l'espèce, des dommages-intérêts destinés à réparer le préjudice qu'il a subi en raison du non-respect par l'employeur de la réglementation relative à la durée du travail et de son droit au repos.

Compte tenu d'une part de l'importance des dépassements horaires justifiés pendant les cinq ans qui ont précédé la saisine du conseil de prud'hommes et de la désinvolture manifestée à cet égard par l'employeur, ce préjudice doit être évalué à la somme de 30 000 €, toutes causes confondues.

Sur les congés payés.

Eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.

L'examen des bulletins de salaire démontre que M. E... n'a pris aucun congés payés entre juin 2006 et juin 2009 et que seuls les droits acquis au titre de la dernière période de référence (mai 2008-juin 2009) lui ont été réglés à l'occasion du solde de tout compte.

L'employeur qui ne pouvait ignorer cette situation n'allègue ni ne justifie de la mise en place du moindre dispositif rappelant au salarié la nécessité de bénéficier de ses droits acquis au titre des congés payés ni d'un refus de l'intéressé.

Il résulte au contraire d'un échange d'e-mails entre M. X... et son supérieur hiérarchique les 15,16 et 18 août 2008 qu'en réponse à la question du second « prends-tu des vacances ? », le premier répondait « en ce qui concerne les congés, on verra l'année prochaine si je travaille bien » sans que cette remarque ne suscite le moindre commentaire de la part de l'employeur.

M. X... est fondé à soutenir que son employeur a failli à ses obligations et que, bien que rémunéré pendant les périodes durant lesquelles il aurait dû bénéficier de ses congés payés légaux et conventionnels, la faute commise lui a néanmoins causé un préjudice qu'il y a lieu d'évaluer à la somme de 8 000 €, ce préjudice incluant celui généré par l'absence de bénéfice avant 2007 des droits à congés liés à l'ancienneté prévus par l'article 14 de la convention collective de la métallurgie.

Sur les RTT.

M. X... fonde ce chef de demande sur les modalités du dispositif d'un forfait annuel en jours qui aurait dû générer 11 jours pour chacune des années 2005 et 2006, alors qu'il ne bénéficiait pas de ce dispositif pour les années considérées.

Il y a lieu en conséquence de rejeter ce chef de demande.

Sur la prime de fin d'année 2008.

L'avenant « win-win » du 08/05/2008 prévoit un objectif à réaliser de 2 317 700 € et l'octroi d'une prime de fin d'année de « 5000 € dont 2000€ pour l'objectif total et 1000 € sur Sani-star et 1000 € sur lisier et 1000 € sur Loubière/Bio élevage ».

Dès lors qu'il est justifié que M. X... a réalisé 109 % de l'objectif total ainsi que les autres objectifs par famille de produits à l'exception de "lisier", il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu le bien fondé de la demande à hauteur de 3 700 € brut.

Sur les autres demandes.

La société reconnaissant être débitrice des sommes réclamées au titre des indemnités journalières de sécurité sociale, indemnités afférentes au régime de prévoyance et au remboursement des frais de santé, il y a lieu de confirmer purement et simplement le jugement déféré sur ces différents points.

PAR CES MOTIFS

La cour ;

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Rodez le 8 juillet 2011 en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, accordé 3700 € au titre de la prime de fin d'année, fait droit aux demandes en paiement d'indemnités journalières maladie, reversement des indemnités du régime de prévoyance et remboursement des frais de santé et en ce qu'il a rejeté la demande de paiement de jours RTT ;

L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau ;

Condamne la SARL Bou-Matic Europe prise en la personne de son représentant légal en exercice à payer à M. X..., outre les intérêts au taux légal à compter de ce jour :

• 35 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

• 30 000 € de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur de la réglementation relative à la durée du travail et aux temps de repos;

• 8 000 € de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur de ses obligations afférentes au respect de la réglementation relative aux congés payés ;

• Dit que ces sommes sont nettes de tout prélèvement, notamment csg et crds, pour le créancier ;

La condamne à rembourser aux organismes intéressés les allocations-chômage éventuellement perçues par le salarié à la suite du licenciement dans la limite de six mois, en application de l'article L 1235-4 du code du travail ;

Dit qu'une copie de la présente décision sera adressée par les soins du greffe à Pôle emploi ;

condamne la société intimée aux dépens d'appel et à payer à M. X... 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Ct0717
Numéro d'arrêt : 11/06392
Date de la décision : 09/01/2013

Analyses

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires. Dès lors qu'il n'est pas allégué par l'employeur qu'il a prévu et mis en place le moindre contrôle du respect du temps de repos du salarié, ni même tenu l'entretien relatif à l'organisation du travail avec le supérieur hiérarchique de ce dernier, le seul renvoi du salarié à son « engagement sur l'honneur à respecter en toutes circonstances le repos minimal quotidien » est insuffisant à justifier du respect de ses propres obligations conventionnelles. En conséquence, la convention de forfait en jours est privée d'effet à l'égard du salarié et celui-ci est en droit de prétendre au paiement des heures supplémentaires éventuellement réalisées.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Rodez, 08 juillet 2011


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2013-01-09;11.06392 ?
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