COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale
ARRÊT DU 17 Octobre 2012
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 03594
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 AVRIL 2011 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS No RG10/ 00272
APPELANTE :
Madame Christelle X... ...... Représentant : Me ORTEGA (avocats au barreau de NÎMES)
INTIMEE :
SAS CLINIQUE LA PERGOLA prise en la personne de son représentant légal 2 rue Ferdinand de Lesseps 34500 BEZIERS Représentant : Me Laure DEPETRY (avocat au barreau de MONTPELLIER)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 SEPTEMBRE 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre Monsieur Richard BOUGON, Conseiller Mme Françoise CARRACHA, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Mme Christelle X..., titulaire d'un diplôme de 3ème cycle " Dess de gestion hospitalière privée ", a exercé la fonction de directrice de la résidence « les glycines » appartenant au groupe Oc santé du 27 septembre 1999 au 30 juin 2003.
À compter du 1er juillet 2003 elle exerçait les fonctions de directrice de la clinique psychiatrique « la Pergola » SAS (la société) appartenant au même groupe, un contrat de travail étant signé le 11 mai 2004 lui reconnaissant le statut de « cadre dirigeant, coefficient 480 de la convention collective nationale FHP du 18 avril 2002 », moyennant une rémunération annuelle de 42 833 € sur 13 mois outre diverses primes, soit pour la dernière année d'activité un salaire mensuel moyen brut de 4 157, 45 €.
Placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 3 juillet 2008, Mlle X... passait le 7 août 2008 une visite médicale de reprise à l'issue de laquelle le médecin du travail rendait l'avis suivant : « Inaptitude totale et définitive au poste et à tous les postes de l'entreprise (danger immédiat). Le certificat est unique conformément à l'article R 4624-31 ".
Convoquée à un entretien préalable par lettre recommandée AR du 21 août 2008, elle était licenciée par lettre recommandée AR du 4 septembre 2008 pour le motif suivant : « Inaptitude totale et définitive au poste et à tout poste dans l'entreprise pour danger immédiat constatée lors de la visite unique effectuée, conformément à l'article R 4624-31, par le médecin du travail le 7 août 2008 et à la suite de laquelle votre classement dans la clinique ainsi que dans les établissements du groupe Oc santé s'est révélé impossible.../... ».
Mlle X... ayant demandé par courrier du 6 septembre 2008 à être " exonérée " du préavis conventionnel de six mois, la société acquiesçait à sa demande par courrier du 16 septembre 2008 et acceptait de mettre immédiatement un terme au contrat de travail. Par message électronique du 12 septembre 2008, Mlle X... avisait son employeur qu'elle sollicitait la requalification en accident du travail de l'arrêt de travail du 3/ 07 auprès de la CPAM de Béziers à qui elle adressait une déclaration d'accident de travail rédigée par ses soins faisant état de la lésion suivante « choc émotionnel » dans les circonstances détaillées suivantes, le 3 juillet 2008 à 8 h : « durant l'exercice de mes fonctions, j'ai eu confirmation le 2 juillet 2008 entre 18 h 30 et 20 h que mon PDG (Dr Max Y...) avait convoqué à mon insu et avec consigne de secret absolu certains membres du personnel qui participaient à des manoeuvres de harcèlement moral en vue « d'avoir ma peau » au poste de directrice de l'établissement ».
La caisse ayant refusé de reconnaître le caractère professionnel de l'accident, Mlle X... formait un recours devant la commission de recours amiable qui rendait le 28 mai 2009 une décision acceptant cette prise en charge, décision confirmée par le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault puis infirmée par la cour d'appel de ce siège aux termes d'un arrêt rendu le 14 septembre 2011qui jugeait que « le fait accidentel du 2 juillet 2008 déclaré le 16 septembre 2008 à la CPAM par Mlle X... ne peut être pris en charge au titre de la législation professionnelle sur les accidents du travail ».
Entre-temps Mlle X... avait saisi par requête du 15 avril 2010 le conseil de prud'hommes de Béziers qui, par jugement rendu le 18 avril 2011, la déboutait de l'intégralité de ses demandes.
Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel le 17 mai 2011, Mlle X... interjetait appel de cette décision.
Elle conclut à son infirmation et demande à la cour, statuant à nouveau, de déclarer irrecevables les attestations versées aux débats par l'employeur qui émanent des salarié de la société ou du groupe et :
À titre principal juger que, l'inaptitude constatée ayant pour origine le harcèlement dont elle a été la victime, le licenciement est nul et condamner la société à lui payer : • 149 668 € " d'indemnité pour nullité du licenciement " ; • 24 944, 70 € d'indemnité compensatrice de préavis outre 2078, 72 € de congés payés afférents ; • 150 000 € " de dommages-intérêts pour préjudice moral et préjudice professionnel " ; • la société devant être condamnée à lui remettre un certificat de travail reprenant son ancienneté depuis septembre 1999, ainsi qu'une attestation ASSEDIC et un solde de tout compte conformes ; • 150 000 € " d'indemnité spéciale compte tenu de la faute inexcusable de l'employeur " outre la désignation d'un médecin expert pour l'examiner et évaluer les différents éléments de son préjudice corporel suite à l'accident du travail du 03/ 07/ 2008 ;
A titre subsidiaire juger que l'arrêt de travail ayant pour origine un accident du travail " reconnu comme tel par la CPAM ", l'employeur devait consulter les délégués du personnel avant toute mesure de licenciement et condamner la société à lui payer : • 149 668 € " d'indemnité pour non respect des formalités de l'article L 1226-10 " ; • 14 965, 20 € d'indemnité spéciale de licenciement ; • 24 944, 70 € d'indemnité compensatrice de préavis outre 2078, 72 € de congés payés afférents ;
Très subsidiairement juger que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement, que le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse et condamner la société à lui payer : • 1189, 78 € de solde d'indemnité de licenciement ; • 24 944, 70 € d'indemnité compensatrice de préavis conventionnel outre 2 078, 72 € de congés payés afférents ; • 149 668 € " d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse de l'article L. 1235-1 soit au moins six mois de salaires " ; • 150 000 € de dommages-intérêts pour préjudice moral et professionnel ;
En tout état de cause condamner la société à lui payer 6000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir pour l'essentiel à l'appui de ses demandes que :
- Tenue à des objectifs notamment en termes de restructuration du personnel, elle s'est trouvée dès son arrivée à la clinique la pergola confrontée à toute une série de conflits sociaux, à la formation de clans, à des blocages de toute nature indépendants de sa volonté, auxquels elle ne pouvait remédier sans disposer de l'appui des dirigeants de la société ;
- Or pour ne pas compromettre la « paix sociale », la direction du groupe Oc santé a partagé avec elle de manière occulte la direction de la clinique en s'adressant directement à certains syndicalistes ou employés, hors sa présence, ce qui a eu pour effet de porter une atteinte irrémédiable à son autorité, les leaders syndicaux exploitant systématiquement la situation devant le personnel ;
- Alors qu'elle subissait à la fois la pression permanente de la direction quant aux objectifs à atteindre et les assauts répétés des leaders syndicaux, cette même direction accordait secrètement une attention particulière à ces derniers qui, sur place, contestaient toutes ses décisions de gestion ;
- Cette situation caractérise un harcèlement moral qui a entraîné un violent choc émotionnel lorsqu'au soir du 2 juillet 2008 elle apprenait de la bouche d'un tiers que le PDG du groupe avait quelque temps auparavant convoqué à son insu, avec consigne de secret absolu, certains membres du personnel qui participaient à ces mesures de harcèlement en vue « d'avoir sa peau » ;
- Tant la chambre régionale que la chambre nationale de l'ordre des médecins ont au surplus retenu l'existence de propos grossiers et insultants de la part du Dr J. Z...se rapportant à son apparence physique, à ses moeurs et à sa personnalité sans que la société n'y porte remède ;- La duplicité du PDG était totale puisque, tout en étant informé systématiquement de ses actions et projets par ses rapports hebdomadaires et autres courriers, il la confortait dans ses décisions tout en la désavouant auprès de la direction unique du personnel (DUP) ;
- Dès lors que les faits de harcèlement dont elle était la victime sont établis, la cour n'a pas à examiner l'argumentation d'Oc santé, d'autant que tous les témoignages produits proviennent de personnes ayant un lien de subordination directe avec le PDG du groupe.
La société conclut à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré, au débouté de toutes les demandes, fins et conclusions de l'appelante et à sa condamnation à lui payer 10 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir en substance au soutien de son argumentation que :
- Elle ne pouvait pas avoir connaissance lors de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement d'un accident du travail qui n'a été déclaré, par la salariée, que postérieurement au licenciement ;
- En tout état de cause il n'y a jamais eu le 2 juillet 2008 d'événement déterminé, à une date certaine, à l'origine d'une lésion, l'arrêt rendu par la cour d'appel le 14 septembre 2011 faisant une appréciation exacte de la situation et du droit ;
- La salariée n'établit pas la matérialité de faits précis et concordants qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ;
- C'est ainsi qu'il n'y a pas eu d'accident du travail le 2 juillet 2008, qu'elle n'a jamais été tenue informée avant le licenciement par la salariée de propos " outrageux et outranciers " qui auraient été portés à son encontre par le docteur Z..., que les pièces du dossier ne font pas ressortir d'attitudes critiquables à la charge des membres de la DUP, ceux-ci ne faisant que rester dans leurs attributions, et que rien ne peut laisser penser que l'appelante a été " court-circuitée " par le PDG de la société ;
- En réalité la situation était aux antipodes du harcèlement moral, de nombreux témoignages établissant que Mlle X... avait une attitude critiquable à l'égard de nombreux salariés, manageait par la terreur et tenait à l'occasion des propos vexatoires et dévalorisants parfois à connotation sexuelle ;
- Elle a assumé son obligation de reclassement tant en son sein que dans l'intégralité du groupe, toutes les recherches engagées s'étant avérées infructueuses.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions écrites auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION.
Sur les moyens de preuve.
C'est à la juridiction d'apprécier la valeur et la pertinence des preuves qui lui sont soumises et le seul fait qu'une attestation produite par l'employeur émane d'un salarié qui travaille sous son autorité ne suffit pas à justifier l'irrecevabilité du moyen de preuve proposé.
Sur le harcèlement moral
Il résulte des dispositions de l'article L 1152-1 du code du travail qu'" Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteint à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".
Le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, par la conjonction et la répétition de certains faits ayant entraîné une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail précise qu'il y a harcèlement moral lorsque " un ou plusieurs salariés font l'objet d'abus, de menaces, et/ ou d'humiliations répétées et délibérées dans des circonstances liées au travail ".
Le harcèlement moral peut être le fait de l'employeur, de son représentant ou d'un supérieur hiérarchique mais également de toute technique de gestion présentant les mêmes caractères mais il ne doit pas être confondu avec l'exercice normal et légitime des prérogatives patronales.
Il se déduit de ces différentes définitions que la reconnaissance du harcèlement moral suppose que soient mis en évidence des " agissements " de la part de l'auteur désigné, c'est à dire des actes, procédés ou manoeuvres susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité d'un tiers et que l'impact sur le plaignant n'est pas le seul critère d'appréciation.
En application de l'article L. 1154-1 du code du travail " Lorsque survient un litige, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.../.... ".
Mlle X... prétend que le harcèlement moral résulterait des propos tenus par le Docteur Z...qui ont été sanctionnés par l'ordre des médecins et par la duplicité de la direction qui, tout en lui imposant des contraintes de gestion extrêmement fortes, sapait son autorité en soutenant de manière occulte les membres de la DUP qui s'opposaient à ces mesures.
Le Dr Z.....
Il est constant que l'intéressé, psychiatre libéral exerçant au sein de la clinique, a été reconnu coupable de " comportement fautif " à l'égard de Mlle X... en tenant des propos grossiers et insultants concernant son physique, sa personnalité et ses préférences sexuelles supposées, qu'il a été sanctionné pour cette raison de l'interdiction du droit d'exercer la médecine pendant trois mois dont deux avec sursis par la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins du Languedoc-Roussillon puis de la même sanction assortie intégralement du sursis par la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins.
Pour autant la cour note que la plainte saisissant cet organe disciplinaire est datée du 27 janvier 2009 et que si la plaignante a, d'après la décision de la chambre nationale, produit " six attestations établies entre juin 2007 et juin 2008 par d'anciennes employées de la clinique " à son soutien et communique dans le cadre de la présente instance un nombre très important de correspondances échangées entre elle et la direction de la société (PDG et DRH), aucun de ces documents n'évoque précisément le comportement du docteur Z....
C'est ainsi qu'elle fait état des relations difficiles avec certains médecins dans un message électronique de 17 avril 2007 sans allusion à des propos insultants ou outranciers à son encontre ni mentionner le nom du Dr Z....
Elle ne peut en conséquence reprocher à son employeur d'avoir toléré, si ce n'est favorisé, un comportement susceptible de caractériser des faits de harcèlement moral.
Les relations de travail.
Il est constant et non discuté que Mlle X... exerçait effectivement les fonctions de directrice de la clinique psychiatrique « la pergola » avec le statut de « cadre dirigeant » et qu'elle bénéficiait d'une délégation de pouvoir la plus large concernant le respect de « la législation en matière sociale notamment en ce qui concerne les relations avec les représentants du personnel, l'application des règles d'hygiène et de sécurité et la durée du travail ».
Il s'en déduit que les relations avec les membres de la DUP faisaient partie intégrante de sa fonction et qu'elle ne peut faire grief à son employeur des tensions rencontrées à ces occasions. Le seul fait que les représentants du personnel ne soient pas d'emblée d'accord avec toutes les décisions et propositions de la directrice, qu'ils manifestent à l'occasion leur opposition et critiquent, notamment auprès de l'inspection du travail, le non-respect du formalisme qui s'impose à la direction fait partie des règles habituelles du dialogue social et Mlle X... n'est pas fondée à s'en plaindre et à imputer à ses supérieurs hiérarchiques, PDG et DRH, la difficulté de sa tâche.
Au demeurant sa perception du dialogue social est singulière lorsqu'elle indique dans le courrier adressé à son employeur le 17 avril 2007 : "... Ces éléments tendent à vous expliquer (..) qu'en tant que cadre dirigeant de la clinique je suis victime ès qualités depuis plusieurs années de procédures de harcèlement ou de déstabilisation de la part des représentants du personnel dont je respecte pourtant le principe et la légitimité. Leur stratégie pour aboutir à leur objectif final « aller jusqu'au clash » et « faire tomber la tête de la directrice » est claire.../... ".
Pourtant, alors que Mlle X... se plaignait au début de l'année 2008 d'une « recrudescence des actions de certains membres de la DUP » après « 8 mois d'accalmie relative », l'analyse des procès-verbaux des 10/ 12/ 2007, 05/ 02/ 2008, 17/ 04/ 2008, 29/ 05/ 2008 et 23/ 06/ 2008 n'indique à aucun moment que les représentants du personnel soient sortis de leurs attributions et aient adopté un comportement outrancier à l'égard de la personne de la directrice.
Si Mlle X... accuse expressément son employeur de duplicité pour avoir apporté " en sous-main " un soutien aux membres d'une DUP déterminée à « avoir sa peau », présentation qui démontre à quel point l'intéressée se sentait assiégée dans ses fonctions de direction, l'examen attentif des correspondances échangées entre elle et le DRH et/ ou le PDG démontre au contraire à la fois un soutien permanent à son action et une attention particulière aux difficultés qu'elle rencontrait avec les représentants du personnel.
C'est ainsi notamment que dès le mois de mars 2007, le PDG de la société soulevait la question des relations difficiles qu'elle entretenait avec les instances représentatives du personnel et dans une moindre mesure avec les médecins.
L'appelante répondait par deux courriers des 11 et 17 avril 2007 en indiquant notamment " les causes de ce dialogue social tendu sont à la fois complexes et interdépendantes ; elles ne tiennent pas spécifiquement à ma personne... " en concluant " il est patent que mon éviction ne changerait en rien l'autorité de fait revendiquée par les leaders syndicaux encouragés par les propos de certains médecins ; ce serait au contraire une consécration de leur pouvoir suprême devant le personnel de l'entreprise que même un manager aguerri aurait les pires difficultés à contrer.../.. ".
S'il est établi que les membres du personnel n'hésitaient pas à s'adresser directement au PDG et au DRH, il est tout aussi constant que Mlle X... était avisée de ces démarches et associée aux suites qui leur étaient données et qu'elle ne peut sérieusement prétendre avoir été " court-circuitée " par sa direction générale ni avoir subi de désaveu de la part de cette dernière. Il est remarquable à cet égard que Mlle X..., qui établit bien la réalité de la dégradation des relations de travail entre les différents membres du personnel de la clinique, n'envisage manifestement pas d'assumer au moins une part de responsabilité dans cette situation.
En toute hypothèse il se déduit de l'ensemble de ces éléments qu'elle ne rapporte pas la preuve de faits laissant présumer un harcèlement moral de la part de l'employeur comme des représentants du personnel.
Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a rejeté toutes les demandes présentées de ce chef.
Sur l'existence d'un accident du travail.
En application des dispositions de l'article L411-1 du code de la sécurité sociale constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle.
Cette chambre sociale a, dans un arrêt rendu le 14 septembre 2011 après une analyse complète des faits et des règles de droits applicables, retenu que le certificat médical présenté comme " initial " et qui aurait été établi le 3 juillet 2008 comportait des mentions prouvant qu'il avait été rédigé postérieurement, que le témoignage de M. A...censé établir l'existence d'un « choc émotionnel » à l'origine de l'arrêt de travail n'était pas probant et que la salariée n'avait jamais jugé utile de revendiquer le caractère professionnel de son arrêt de travail lors de son suivi médical et de la visite de reprise, sa déclaration en ce sens étant postérieure au licenciement.
Elle en a logiquement déduit qu'en l'absence de preuve de l'existence d'un fait accidentel précis, survenu durant l'activité professionnelle, le « choc émotionnel » qui aurait eu lieu le 2 juillet 2008 et qui a été déclaré le 16 septembre 2008 à la CPAM ne pouvait être pris en charge au titre de la législation professionnelle sur les accidents du travail.
Si la salariée n'était pas partie à l'instance devant les juridictions du contentieux de la sécurité sociale, force est de constater qu'elle n'apporte aujourd'hui aucun élément nouveau permettant une approche différente du litige et de retenir l'existence d'un accident du travail.
C'est ainsi que les pièces communiquées établissant avec certitude (pièce no 38 employeur-attestation de Mme Agnès B...) qu'elle savait dès le 15 avril 2008 que des cadres de la clinique avaient été reçus par le PDG à leur demande le 10/ 04/ 2008 alors qu'elle était en arrêt de travail pour une intervention chirurgicale, il est exclu qu'elle ait subi le 2 juillet 2008 une décompensation soudaine pour avoir eu confirmation d'une réunion dont elle connaissait déjà l'existence et la teneur depuis plusieurs mois.
En revanche il est aujourd'hui justifié que Mlle X... s'était inscrite en février 2008 au concours pour le recrutement d'infirmières de l'éducation nationale et qu'elle ne conteste pas avoir été déclarée admissible à ce concours fin juin 2008 soit immédiatement avant le « choc émotionnel » dont elle indiquera le 16 septembre 2008 qu'il serait intervenu le 2 juillet 2008.
En toute hypothèse la simple chronologie exclut qu'elle puisse faire grief à l'employeur d'avoir méconnu la procédure applicable en cas d'inaptitude reconnue à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.
Il y a lieu en conséquence de rejeter toutes les demandes présentées de ce chef.
Sur le licenciement
En application des dispositions de l'article L 1226-2 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des taches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail ".
L'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher les possibilités de reclassement au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient ; en effet, cet avis ne s'impose à l'employeur qu'en ce qui concerne l'emploi que le salarié occupait précédemment et non ceux auxquels il pourrait être affecté à la suite de leur aménagement.
Ces dispositions mettent à la charge de l'employeur l'obligation de rechercher un poste de reclassement et d'apporter la preuve des moyens mis en oeuvre pour tenter de reclasser la salariée.
Or l'employeur ne peut valablement prétendre avoir entrepris une « recherche » de poste de reclassement sans avoir au préalable défini l'objet de cette recherche.
L'exécution sérieuse et loyale de son obligation de reclassement lui impose en conséquence d'identifier le type de poste existant au sein de ses différents établissements ou du groupe auquel il appartient susceptible de correspondre aux préconisations du médecin du travail, de solliciter pour chacun des postes ou type de poste identifié l'avis de celui-ci et enfin, en cas d'avis conforme, de faire des propositions en fonction de la disponibilité des emplois correspondants.
En cas de contestation, il lui appartient de justifier qu'il a respecté ces différentes étapes ou que les recherches d'identification de postes compatibles avec les préconisations du médecin du travail sont restées vaines.
Force est de constater que la société ne justifie pas du sérieux et de la loyauté des recherches de reclassement entreprises.
Elle indique en effet avoir adressé une lettre circulaire aux différents établissements du groupe rédigée en ces termes :
« Par avis médical en date du 7 août 2008 le docteur C..., médecin du travail de la clinique la pergola, a constaté l'inaptitude totale et définitive au poste et à tous les postes de l'entreprise de Mlle X... (directrice de la clinique la pergola).
L'avis du médecin du travail ne dispensant pas la recherche de possibilités de reclassement au sein du groupe, au besoin par la mise en oeuvre de mutation, transformation de poste de travail ou aménagement du temps de travail, nous vous soumettons la candidature de Mlle X... conformément aux articles L1226-2 et suivants du nouveau code du travail
Vous voudrez bien me tenir informer des possibilités de reclassement de Mlle X... dans votre établissement.../... ».
D'évidence ce courrier, qui transfert au destinataire la charge de rechercher le type de poste adapté à l'état de santé de la salariée, sans consultation préalable du médecin du travail, ne correspond pas à une recherche loyale et sérieuse de reclassement.
Il s'en déduit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences indemnitaires.
Il résulte des dispositions de l'article L 1234-11 du code du travail que si les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie sont neutralisées pour le calcul de l'ancienneté exigée pour bénéficier de l'indemnité de licenciement, elles ne le sont pas pour le calcul de l'indemnité elle-même.
Par ailleurs lorsque le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité de préavis doit être versée même si la salariée ne peut l'exécuter, peu important qu'elle ait sollicité après la notification de la rupture d'être exonérée d'une période de préavis durant laquelle elle ne pouvait ni travailler contre rémunération, ni bénéficier des indemnités journalières.
Compte tenu de son âge (36 ans) et de son ancienneté totale dans l'entreprise (9 ans, 2 mois) à la date de la rupture, Mlle X... est en droit de prétendre à :
• Une indemnité compensatrice de préavis égale à six mois de salaire en application des dispositions de la convention collective sur les cadres dirigeants soit 24 944, 70 € outre les congés payés afférents limités au montant de la demande (2078, 72 €), soit au total 27 023, 42 € en brut ;
• Une indemnité de licenciement calculée conformément aux dispositions de l'article 47 de la convention collective applicable et égale à 28 062, 78 €, soit un solde en sa faveur de 1189, 78 €, en net ;
• Des dommages-intérêts d'un montant au moins égal à six mois de salaire en application des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, qu'il y a lieu de fixer à 25 000 € en l'absence de tout justificatif sur la situation de l'appelante après la rupture et sur le préjudice qu'elle prétend avoir subi de ce chef.
Il y a lieu également de condamner l'employeur à rembourser aux organismes intéressés les allocations-chômage éventuellement perçues par la salariée dans la limite de six mois, en application de l'article L 1235-4 du code du travail.
Il sera fait droit par ailleurs à la demande de remise des documents de fin de contrat rectifiés pour tenir compte d'une part de l'ancienneté acquise par la salariée depuis le début des relations contractuelles, d'autre part de la présente décision.
PAR CES MOTIFS
La cour ;
Confirme le jugement rendu par la section encadrement du conseil de prud'hommes de Béziers le 18 avril 2011 en ce qu'il a rejeté les demandes fondées sur l'existence d'un harcèlement moral et d'un accident du travail ;
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau ;
Dit que l'employeur n'a pas satisfait son obligation loyale de reclassement ;
Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SAS Clinique la pergola prise en la personne de son représentant légal en exercice à payer à Mlle X... :
• 27 023, 42 € d'indemnité compensatrice de préavis, y compris l'incidence des congés payés, en brut ;
• 1 189, 78 € de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement, en net ;
• Les intérêts au taux légal sur ces deux sommes à compter du 20 avril 2010, date de réception par la société de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation valant demande en justice ;
• 25 000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à la perte injustifiée de l'emploi, somme nette de tout prélèvement et contribution pour le créancier ;
La condamne à rembourser aux organismes intéressés les allocations-chômage éventuellement perçues par la salariée dans la limite de six mois, en application de l'article L 1235-4 du code du travail ;
Dit qu'une copie de la présente décision sera adressée par les soins du greffe à Pôle emploi ;
La condamne à remettre à Mlle X... un certificat de travail reprenant son ancienneté exacte dans l'entreprise, une attestation ASSEDIC et un solde de tout compte rectifiés pour tenir compte de la présente décision ;
Rejette les demandes plus amples ou contraires ;
Condamne la société aux dépens de première instance et d'appel et à payer à l'appelante 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT