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19/09/2012 | FRANCE | N°11/0149

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4o chambre sociale, 19 septembre 2012, 11/0149


CB/ YR
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale
ARRÊT DU 19 Septembre 2012

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01491

ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Arrêt du 06 JANVIER 2011 COUR DE CASSATION DE PARIS No RGR09. 68. 130

APPELANTE :

SA L'HOPITAL PRIVE CLAIRVAL, prise en la personne de son représentant légal 317 Bd Redon 13009 MARSEILLE 09 Représentant : Me GARCIA de la SELAFA CAPSTAN AVOCATS (MARSEILLE) (avocats au barreau de MARSEILLE)

INTIMEE :

Madame Sylvie Y......... 13009 MARSEILLE 09 Rep

résentant : Me AUDOUARD (avocat au barreau de MARSEILLE)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue...

CB/ YR
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale
ARRÊT DU 19 Septembre 2012

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01491

ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Arrêt du 06 JANVIER 2011 COUR DE CASSATION DE PARIS No RGR09. 68. 130

APPELANTE :

SA L'HOPITAL PRIVE CLAIRVAL, prise en la personne de son représentant légal 317 Bd Redon 13009 MARSEILLE 09 Représentant : Me GARCIA de la SELAFA CAPSTAN AVOCATS (MARSEILLE) (avocats au barreau de MARSEILLE)

INTIMEE :

Madame Sylvie Y......... 13009 MARSEILLE 09 Représentant : Me AUDOUARD (avocat au barreau de MARSEILLE)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 JUIN 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller Mme Françoise CARRACHA, Conseillère

qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Mme Chantal BOTHAMY
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre, et par Mme Chantal BOTHAMY, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *

EXPOSE DU LITIGE
Embauchée le 6 mars 2000 pour une durée indéterminée en qualité d'« infirmière, coefficient 278, technique QA 4, échelon 5 » par la SA " L'hôpital privé Clairval " (la société) moyennant une rémunération mensuelle brute s'élevant en dernier lieu à 1 978, 91 €, Mme Sylvie Y...signait le 19 septembre 2002 un « avenant au contrat de travail... permettant l'application d'une clause de dédit-formation » stipulant qu'elle suivrait à partir du 1er octobre 2002 une « formation IADE dispensée par l'Assistance Publique de Marseille (APM) » dans les conditions suivantes :
" Article 3. CALCUL DU DEDIT ÉVENTUEL :
L'établissement hôpital privé Clairval prendra directement en charge le montant de la formation selon les modalités prévues par la convention de prêt dont une copie est annexée au présent avenant. Ceci constitue une participation allant au-delà de ses obligations légales et conventionnelles FORMAHP n'ayant pas financé la formation.
Mme Y...s'engage à travailler pour l'établissement hôpital privé Clairval pendant une durée au moins égale à 24 mois à l'issue de la formation.
En cas de non respect de cet engagement, Mme Y...remboursera à l'établissement la totalité de la somme engagée, tel que prévu par la convention de prêt.
Article 4. MODALITÉS D'APPLICATION DU DÉDIT.
La clause de dédit-formation ne pourra s'appliquer que dans l'hypothèse où Mme Y...aura démissionnée avant la fin de l'engagement sans que cela n'ait d'incidence sur les modalités d'application de la convention de prêt qui continue à s'appliquer.../... ".

Le 24 septembre 2002, les parties signaient une « convention de prêt » mentionnant notamment :

" Le prêteur consent à l'emprunteur, suite à sa demande, un prêt de 325 000 FF soit 49 545, 93 €. Le prêt sera remboursable en 72 mensualités de 688, 13 € (....) La première perception interviendra le 10 octobre 2004, les deux années antérieures correspondant à la période de franchise. Le prêt est consenti à l'emprunteur sous la condition résolutoire que ce dernier soit salarié de la société durant la période mentionnée de la clause de dédit-formation prévue à l'article 3 de l'avenant du contrat de travail signé par Mme Y.... À l'issue des deux années de franchise, si l'emprunteur vient à quitter la société, les présents termes de la convention continuent à s'appliquer et les mensualités continuent à être exigibles.../... ".

Mme Y...ayant repris ses activités le 16 septembre 2004 adressait le 24/ 09/ 04 à son employeur un courrier daté du 22/ 09/ 04 rédigé en ces termes : " Suite à notre conversation du 22/ 09/ 04 je vous confirme par la présente que les conditions de sécurité de votre établissement sont telles que je souhaite exercer mon droit de retrait (...) En conséquence de quoi vous comprendrez que j'effectuerai mon dernier jour de travail dans votre établissement le 24/ 09/ 04. Par ailleurs je vous confirme aussi que je m'engage comme convenu à effectuer le remboursement du prêt contracté auprès du CHP Clairval par versements mensuels interbanques comme prévu dans l'échéancier..../... ".
Après avoir contesté par courriers des 27 et 28 septembre 2004 tant la validité de l'exercice de son droit de retrait que les motifs techniques invoqués pour le justifier, le 8 octobre 2004 la société faisait injonction à Mme Y...de justifier de son absence sous 48 heures avant de la convoquer le 15 octobre 2004 à un entretien préalable et de la licencier par lettre recommandée AR du 27 octobre 2004 pour la faute grave suivante : « depuis le 27 septembre 2004 vous êtes en absence injustifiée ».
Par requête reçue au greffe du conseil de prud'hommes de Marseille le 6 juillet 2006, la société sollicitait l'application de la clause de dédit-formation en raison de la démission de la salariée et la condamnation de Mme Y...à lui rembourser le montant total du prêt qui lui avait été accordé.
Par jugement rendu en formation de départage le 11 mars 2008, le conseil de prud'hommes de Marseille jugeait nulles et de nul effet tant la clause de dédit-formation que la convention de prêt qui lui était adossée, que la rupture du contrat de travail résultait du courrier du 22 septembre 2004 qui s'analysait en une prise d'acte produisant les effets d'une démission et déboutait les parties de toutes leurs demandes avec partage des dépens.
La société ayant interjeté appel de cette décision, celle-ci était confirmée en toutes ses dispositions par un arrêt rendu le 7 mai 2009 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
Cette dernière décision était cassée en toutes ses dispositions par un arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 6 janvier 2011 au visa de l'article 1304 du Code civil motivé en ces termes : " Attendu que pour débouter l'employeur de ses demandes, l'arrêt retient que le montant de l'indemnité de dédit ne correspond pas aux frais de formation engagés et que dès lors la clause de dédit-formation est illicite, de même que la convention de prêt qui en est l'accessoire ; qu'en statuant ainsi, alors que tant que les parties n'avaient pas été remises en l'état antérieur à la conclusion de leur convention annulée, l'obligation de restituer, inhérente au contrat de prêt, demeurait valable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ".

Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel le 28 février 2011, la société saisissait la cour d'appel de ce siège désignée comme cour de renvoi à l'effet d'obtenir la réformation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marseille le 11 mars 2008, le rejet des demandes de Mme Y...et sa condamnation à lui payer : • la somme de 49 545, 93 € " correspondant au montant total du prêt qui lui a été accordé déduction faites des mensualités déjà remboursées " outre les intérêts capitalisés depuis la saisine du conseil de prud'hommes ; • 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir pour l'essentiel à l'appui de sa demande que :
- La clause de dédit-formation constituant juridiquement une clause de remboursement de l'effort financier accompli par l'employeur remplit les conditions de validité exigées par la jurisprudence, est licite et doit recevoir application ;- Mme Y...ayant démissionné avant le terme des deux années prévues par la clause de dédit-formation et la convention de prêt, elle doit être condamnée au remboursement des frais de formation engagés par l'hôpital conformément aux engagements contractuels pris entre les parties ;- la Cour de Cassation rappelle que si ces conventions devaient être annulées, les parties devraient être remises dans leur état antérieur et en conséquence Mme Y...devrait rembourser le capital qu'elle a perçu ;- la rupture du contrat de travail faisant suite à la démission de la salariée, son licenciement ultérieur est non avenu et celle-ci n'est pas fondée à réclamer des dommages-intérêts de ce chef.

Mme Y...conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de la société, à son infirmation sur la rupture et demande à la cour, à titre principal de déclarer nul son licenciement intervenu en l'absence d'autorisation administrative alors qu'elle était salariée protégée, à titre subsidiaire de juger que la rupture du contrat de travail est consécutive au comportement fautif de l'appelante et dans les deux cas de condamner la société à lui payer, outre les intérêts " de droit " : • 180 000 € de dommages-intérêts " pour licenciement nul et discrimination syndicale " ; • 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient en substance à l'appui de ses demandes que :
- Il ressort des débats et des demandes quelque peu nébuleuses de l'employeur que ni la clause de dédit-formation ni la convention de prêt ne sont licites et que les relations contractuelles ont cessé dans un contexte particulièrement difficile ;- le versement de la somme de 49 545, 93 € est lié à l'exécution du contrat de travail et constitue un dédommagement effectué par l'employeur en réparation de la non prise en charge de sa rémunération mensuelle par la formation professionnelle continue et, s'agissant du dédommagement d'une perte de chance, il ne peut faire l'objet d'un remboursement ;- en ce qui concerne la rupture, elle est imputable à l'employeur du fait de son comportement fautif et le licenciement du 27 octobre 2004 est nul.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions écrites auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

Sur la rupture.

Si elle prétend à la qualité de salariée protégée, Mme Y...ne prend pas la peine d'en justifier ni même de préciser à quel titre ni le terme de la période de protection.
La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.
Il est constant que la lettre datée du 22 septembre 2004 fait exclusivement référence à l'exercice par Mme Y...de son " droit de retrait " en raison des conditions d'exercice de son contrat de travail et à aucun moment à son désir de rompre unilatéralement celui-ci.
L'indication in fine du « dernier jour de travail dans votre établissement le 24/ 09/ 04 » n'est pas de nature à en modifier le sens général dès lors que l'exercice du « droit de retrait » se traduit nécessairement par l'arrêt du travail et que le 24/ 09/ 04 est le jour où ce document a été remis à l'employeur.
Le fait que la salariée interprète a posteriori ce courrier comme une lettre de démission n'en change pas la nature ni le contenu et c'est à juste titre que l'employeur a mis en oeuvre la procédure de licenciement dès lors qu'il considérait que l'exercice du droit de retrait était injustifié et entendait mettre fin aux relations contractuelles.
Le motif invoqué par l'employeur pour rompre le contrat de travail est avéré : non seulement Mme Y...n'a jamais justifié que les conditions légales pour exercer son droit de retrait étaient remplies mais elle prétend aujourd'hui ne l'avoir jamais exercé, son absence depuis le 27/ 09/ 2004 s'expliquant par sa démission.
Par ailleurs le maintien du contrat de travail s'avérait impossible en raison du refus manifesté par la salariée de répondre aux demandes d'explication de l'employeur.
Il y a lieu en conséquence de rejeter les demandes d'indemnisation présentées du chef de la rupture du contrat de travail.
Sur la demande en remboursement du prêt.
Nonobstant les dispositions de l'article L6325-15 du code du travail, il est constant que les clauses de dédit-formation sont licites dans la mesure où elles constituent la contrepartie d'un engagement pris par l'employeur d'assurer une formation entraînant des frais réels au-delà des dépenses imposées par la loi ou la convention collective, que le montant de l'indemnité de dédit est proportionné aux frais de formation engagés et qu'elles n'ont pas pour effet de priver le salarié de la faculté de démissionner.
Il résulte des éléments de fait du dossier, notamment des conventions signées entre les parties et de leurs échanges de correspondance, que l'employeur n'ayant pu obtenir le financement adéquat c'est Mme Y...qui a sollicité et réglé les frais réclamés par l'organisme de formation, l'employeur prenant à sa charge son salaire pendant deux ans par le biais de la convention de prêt litigieuse.
Mme Y...est d'autant moins fondée à soutenir aujourd'hui que la somme allouée l'a été en dédommagement du préjudice causé par la carence de l'employeur, affirmation dont elle ne tire au demeurant aucune conséquence juridique, que cette thèse est en contradiction formelle avec les conventions qui font la loi des parties dont elle ne revendique pas la nullité pour vice du consentement et que son courrier daté du 22 septembre montre bien son accord avec le dispositif retenu.
L'engagement de l'employeur va bien au-delà des dépenses imposées par la loi ou la convention collective, le montant de l'indemnité réclamée est proportionné aux frais engagés à l'occasion de cette formation et la clause de dédit-formation ne privait pas Mme Y...de la faculté de démissionner.
Il s'en déduit que la clause de dédit-formation contenue dans l'avenant au contrat de travail signé par les parties le 19 septembre 2002 est licite.
Pour autant l'employeur, faisant une exacte application de la lettre comme de l'esprit de ces conventions, soutient à juste titre dans ses conclusions écrites développées oralement à l'audience que la demande de remboursement du prêt accordé n'est fondée que tout autant que la clause de dédit-formation trouve à s'appliquer, c'est-à-dire que la salariée est à l'initiative de la rupture du contrat de travail.
La rupture étant intervenue à l'initiative de l'employeur et non à la suite de la démission de la salariée, la demande de remboursement de l'appelante est sans fondement et doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour ;
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu en formation de départage par la section activités diverses du conseil de prud'hommes de Marseille le 11 mars 2008 ;
Dit que la clause de dédit-formation contenue dans l'avenant au contrat de travail signé par les parties le 19 septembre 2002 est licite ;
Dit que cet avenant comme la convention de prêt signée par les parties le 24 septembre 2002 sont valides ;
Dit que la rupture du contrat de travail est intervenue à l'initiative de l'employeur qui a mis en oeuvre la procédure de licenciement ;
Dit le licenciement fondé sur une faute grave ;
Rejette la demande en remboursement de prêt de la SA hôpital privé Clairval ;
Rejette la demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de Mme Y...;
Rejette les demandes principales et incidentes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les dépens de première instance et d'appel resteront à la charge de l'appelante.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4o chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/0149
Date de la décision : 19/09/2012
Type d'affaire : Sociale

Analyses

Nonobstant les dispositions de l'article L6325-15 du code du travail, il est constant que les clauses de dédit-formation sont licites dans la mesure où elles constituent la contrepartie d'un engagement pris par l'employeur d'assurer une formation entraînant des frais réels au-delà des dépenses imposées par la loi ou la convention collective, que le montant de l'indemnité de dédit est proportionné aux frais de formation engagés et qu'elles n'ont pas pour effet de priver le salarié de la faculté de démissionner.


Références :

ARRET du 29 janvier 2014, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 janvier 2014, 12-28.162, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2012-09-19;11.0149 ?
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