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04/04/2012 | FRANCE | N°10/08547

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4o chambre sociale, 04 avril 2012, 10/08547


BR/RBICOUR D'APPEL DE MONTPELLIER4o chambre sociale
ARRÊT DU 4 AVRIL 2012
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/08547
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 OCTOBRE 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE No RG00/00177
APPELANTE :
SAS SOCIETE D'EXPLOITATION DE LA RESIDENCE ANTINEA prise en la personne de son représentant légal Allée du Grand Pin 11700 LAREDORTE Représentant : Me REY substituant la SCP CAPDEVILA ET VEDEL SALLES (avocats au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :
Madame Véronique

X... ... 11200 LEZIGNAN CORBIERES Représentant : la SCPA DE MARION GAJA - LAVOYE - CLAIN ...

BR/RBICOUR D'APPEL DE MONTPELLIER4o chambre sociale
ARRÊT DU 4 AVRIL 2012
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/08547
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 OCTOBRE 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE No RG00/00177
APPELANTE :
SAS SOCIETE D'EXPLOITATION DE LA RESIDENCE ANTINEA prise en la personne de son représentant légal Allée du Grand Pin 11700 LAREDORTE Représentant : Me REY substituant la SCP CAPDEVILA ET VEDEL SALLES (avocats au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :
Madame Véronique X... ... 11200 LEZIGNAN CORBIERES Représentant : la SCPA DE MARION GAJA - LAVOYE - CLAIN - DOMENECH (avocats au barreau de CARCASSONNE)

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 FEVRIER 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller et Madame Gisèle BRESDIN, Conseillère, chargés d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller Madame Gisèle BRESDIN, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Brigitte ROGER ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 21 mars 2012 et prorogé au 4 avril 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre, et par Mme Brigitte ROGER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *

EXPOSE DU LITIGE
Madame Véronique Y... épouse X... a été embauchée à compter du 04 juin 1994 en qualité d'auxiliaire de gériatrie suivant contrat de travail à durée déterminée par la société d'exploitation de la résidence ANTINEA ( Résidence ANTINEA ) qui est spécialisée dans l'accueil des malades âgés fortement dépendants .
La relation de travail s'est poursuivie par la signature le 1er août 1994 d'un "contrat de travail à temps partiel annualisé à durée indéterminée" , puis par la conclusion le 1er juillet 1995 d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel toujours en qualité d'auxiliaire de gériatrie .
Dans le cadre d'une information judiciaire, ouverte le 07 septembre 1998 à la suite de la plainte déposée par une famille de résidents, visant le fonctionnement de la Résidence ANTINEA, Madame Z..., directrice de l'établissement et Madame A... médecin coordonnateur au sein du même établissement, ont toutes deux été mises en examen et condamnées suivant jugement du tribunal correctionnel de Carcassonne rendu le 23 janvier 2008, devenu définitif, lequel les a reconnues coupables de complicité du délit d'exercice illégal de la profession d'infirmier et condamnées au paiement d'une amende .
Madame X... a dans le cadre de cette information judiciaire également été mise en examen le 10 mai 2000 pour "avoir à LA REDORTE entre 1995 et septembre 1998, en tout cas depuis temps non prescrit, exercé illégalement la profession d'infirmier en pratiquant des actes infirmiers ..." .
Le 08 juin 2000, au matin, elle a été entendue par le juge d'instruction en charge du dossier et il lui a été rappelé l'interdiction, dans le cadre de son emploi d'auxiliaire de gériatrie, d'effectuer des soins.

Ce même 08 juin 2009 l'employeur remet en main propre à Madame X... une lettre dactylographiée datée du 08 juin 2000, ainsi libellée :
"Nous faisons suite à notre entretien de ce matin au cours duquel vous nous avez déclaré votre intention de ne plus effectuer les tâches que vous effectuez jusqu'çà ce jour régulièrement sous l'autorité du médecin coordonnateur . Compte tenu du fait que vous maintenez ce refus de travailler au poste pour lequel vous avez été embauchée, nous sommes amenés à envisager votre licenciement . Dans ce cadre nous vous convoquons mardi 13 juin 2000..." .
La même lettre notifie à la salariée une mise à pied à titre conservatoire immédiate .
Le 09 juin 2000 Madame X... adresse à Madame Z... directrice, un courrier aux termes duquel elle fait expressément référence à son interrogatoire du 08 juin 2000 et à la mise en garde du juge d'instruction qui lui a signifié qu'en application du décret du 15 mars 1993 elle n'avait pas le droit d'effectuer des soins infirmiers faute du diplôme sanctionnant une telle formation.
Elle ajoute," je vous ai informée le 8 juin 2000, au moment où j'ai repris mon service, que je n'effectuerai plus l'administration des médicaments"
Elle précise , "Vous m'avez alors tenu des propos désobligeants à l'égard du juge d'instruction et vous avez rédigé la lettre du 8 juin 2000 remise en main propre . Je vous informe que j'accepte d'effectuer toutes les tâches qui relèvent du poste d'auxiliaire de gériatrie, à l'exception de celles qui ne peuvent être exercées que par un infirmier ou un aide-soignant ." .
Par lettre recommandée datée du 16 juin 2000 Madame X... est licenciée pour "attitude d'insubordination grave" tenant au refus réitéré lors de l'entretien préalable "d'effectuer la distribution des médicaments ( préalablement préparés par les infirmiers en exécution des ordonnances du médecin )" .
Madame X... qui bénéficiera en 2006, au même titre que ses collègues de travail mises en examen, d'une décision de non lieu, a saisi le 05 juillet 2000 le conseil de prud'hommes de Carcassonne d'une demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ainsi que d'une indemnité de préavis et de licenciement .
Il a été, à la demande des parties, sursis à statuer dans l'attente de la décision pénale et par jugement rendu le 05 octobre 2010 la juridiction prud'homale a dit le licenciement prononcé à l'encontre de Madame X... dénué de cause réelle et sérieuse, condamné l'employeur à lui payer les sommes suivantes : - 1622,94 € d'indemnité de licenciement - 10 000,00 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse - 1500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et ordonné le remboursement à Pole Emploi, par la Résidence ANTINEA, des indemnités de chômage versées à la salariée à concurrence de six mois d'indemnisation .
Bien qu'il a été fait droit dans les motifs du jugement à la demande en paiement d'une indemnité de préavis, celle-ci n'a pas été reprise dans le dispositif .
Appelante de cette décision la Résidence ANTINEA soutient que la mesure de licenciement est fondée, la salariée ayant refusé d'accomplir des "tâches qui font intégralement partie de la fonction d'auxiliaire de gériatrie" .
Elle affirme que la distribution des médicaments"fait partie intégrante" du travail d'auxiliaire de gériatrie, au même titre que "changer une couche ou accompagner une personne âgée en fauteuil roulant", tâches dont il doit être dit que le refus d'exécution n'apparaît pas dans la lettre en date du 09 juin 2000 de la salariée et qui surtout ne sontt aucunement visées dans la lettre de licenciement .
Elle conclut à l'infirmation du jugement déféré, au déboutement de l'ensemble des demandes formulées par la salariée ainsi qu'à sa condamnation à lui verser la somme de 3000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile .
Madame X... fait valoir qu'à aucun moment elle n'a refusé d'accomplir les actes relevant de sa fonction, mais qu'elle a simplement opposé un refus de poursuivre l'exécution d'actes dont il lui avait été spécifié qu'ils relevaient de la profession d'infirmier et pour l'exécution desquels elle s'était vu notifier une mise en examen qui lui a révélé la situation d'illégalité dans laquelle on l'avait entretenue à son insu .
Elle conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il déclare le licenciement dont elle a fait l'objet dénué de cause réelle et sérieuse et demande que l'employeur soit condamné à lui verser les sommes suivantes : - 1622,94 € d'indemnité de préavis - 486,88 € d'indemnité de licenciement - 20 000,00 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse - 3000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives, la Cour se réfère aux conclusions notifiées par les parties, auxquelles elles ont expressément déclaré se rapporter lors des débats .

SUR QUOI
Afin d'assurer une meilleure compréhension du contexte dans lequel les faits se sont déroulés, la Cour se doit de mentionner que lorsque le licenciement est intervenu les effectifs en personnel de la Résidence ANTINEA, qui possédait une autorisation d'ouverture pour 60 lits, n'étaient constitués, hormis la directrice et deux médecins, que d'une seule infirmière et de deux aides-soignantes ; l'ensemble des autres salariés étant cuisinières, lingères, aides des collectivités ou pour la majeure partie d'entre-elles "auxiliaires de gériatrie" dont l'instruction avait permis d'établir que cette "qualification" ne correspondait à aucun diplôme mais avait été crée par l'équipe de direction .
Sur la rupture du contrat d travail
La faute grave, dont la preuve incombe à l'employeur, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et situe nécessairement le débat sur le terrain disciplinaire .
Il appert de la lecture du décret no93-345 du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier, paru au JORF du 16 mars 1993, pris en son article 3 que "dans le cadre de son rôle propre, l'infirmier accompli les actes ou dispense les soins infirmiers suivants, visant notamment à assurer le confort du patient et comprenant, en tant que de besoin, son éducation et celle de son entourage : soins d'hygiène corporelle et de propreté, vérification de la prise des médicaments et surveillance de leurs effets, ..., surveillance de l'élimination intestinale et urinaire,..., surveillance des cathéters courts : veineux, artériels ou épicrâniens, surveillance des cathéters ombilicaux ..."
En son article 4 que "L'infirmier est habilité à accomplir sur prescription médicale, qui, sauf urgence doit être écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, les actes ou soins infirmiers suivants : ...,mise en place et ablation d'un cathéter court ou d'une aiguille pour perfusion dans une veine superficielle des membres ou dans une veine épicrânienne,..., administration des médicaments,..., pulvérisations médicamenteuses,..., irrigation de l'oeil et instillation de collyres, ..." .
Après interrogation de l'Académie Nationale de Médecine, le Conseil d'Etat, dans un avis d'assemblée a souligné la nécessité d'assouplir les conditions d'application du décret sus-visé ; cet avis a fourni la base d'une circulaire de la direction générale de la santé publique, en date du 04 juin 1999, relative à la distribution des médicaments qui, opère une distinction entre d'une part les circonstances et d'autre part le mode de prise et la nature du médicament .
Cette circulaire énonce notamment que lorsque la distribution du médicament ne peut s'analyser comme une aide à la prise apportée à une personne malade empêchée temporairement ou durablement d'accomplir certains gestes de la vie courante, elle relève de la compétence des auxiliaires médicaux habilités à cet effet lesquels interviennent alors, soit en vertu de leur rôle propre ( article 3 du décret du 15 mars 1993 ), soit en exécution d'une prescription médicale ( article 4 du même décret ) .
Il résulte ainsi des dispositions combinées du décret et de la circulaire que l'aide à la prise du médicament ne correspond à un acte de la vie courante que dans la mesure où le mode d'administration et la nature du médicament ne présentent pas de difficulté particulière ; toutefois lorsque le mode d'administration présente au sens des textes "une difficulté particulière" , qu'il s'agisse d'injection ou de soluté buvable ne pouvant garantir l'administration d'une dose précise et ne pouvant être préparé d'avance dans un pilulier, l'on se trouve en présence d'actes exclusivement réservés à un personnel infirmier .
Dès lors que l'administration de médicaments, fait visé dans la lettre de licenciement, constitue un acte relevant soit du rôle propre de l'infirmier, soit d'une exécution par celui-ci sur prescription médicale écrite, il ne peut être reproché à Madame X..., auxiliaire de gériatrie, de s'y être opposé dans son exécution hors la présence et l'assistance d'un infirmier seul habilité à le faire .
La Résidence ANTINEA est au surplus dans l'incapacité de justifier avoir informé le personnel de l'établissement du contenu de la circulaire de juin 1999 et plus encore d'en avoir assuré une communication individuelle à chacune des personnes qui dans le cadre des fonctions qui leur étaient dévolues étaient enjointes par leur hiérarchie d'assurer l'administration des médicaments aux personnes hébergées dont il a été dit qu'il s'agissait de malades âgés fortement dépendants .
Ce faisant n'ayant pas placé les salariés en situation de connaître le contenu de cette circulaire elle ne peut s'en prévaloir à leur encontre .
En confirmant le conseil de prud'hommes la Cour déclarera le licenciement dont Madame X... a fait l'objet dépourvu de cause réelle et sérieuse .
Sur les conséquences de la rupture
En considération de l'ancienneté acquise par la salariée ( 5 ans ), de sa qualification et de sa rémunération, des difficultés justifiées par elle pour retrouver un nouvel emploi ( attente de une année ), des circonstances et de l'attitude de l'employeur dans la conduite de la rupture du contrat de travail, la Cour confirmera la juridiction prud'homale en ce qu'elle a alloué des dommages-intérêts à la salariée, mais elle l'infirmera sur le quantum en condamnant la Résidence ANTINEA à payer à Madame B... la somme de 20 000,00 € .
La Résidence ANTINEA sera en outre condamnée à verser à Madame X... la somme de 1622,94 € d'indemnité de préavis, ainsi que celle de 486,88 € à titre d'indemnité de licenciement dont l'employeur a discuté les principes mais non les modes de calcul .

PAR CES MOTIFS

La cour,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il condamne la société d'exploitation de la Résidence ANTINEA à verser à Madame Véronique Y... épouse X... la somme de 10 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et celle de 1622,94 € d'indemnité de licenciement,
Statuant à nouveau du chef de ces dispositions infirmées,
Condamne la société d'exploitation de la Résidence ANTINEA, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Madame X... la somme de 20 000,00 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 486,88 € au titre de l'indemnité de licenciement,
Y ajoutant,
Condamne la société d'exploitation de la Résidence ANTINEA à payer à Madame X... la somme de 1622,94 € au titre de l'indemnité de préavis,
Dit que les sommes allouées à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse sont nettes de tous prélèvements pour la salariée,
Condamne la société d'exploitation de la Résidence ANTINEA, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Madame X... la somme de 1500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société d'exploitation de la Résidence ANTINEA aux dépens d'appel .

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4o chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/08547
Date de la décision : 04/04/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Analyses

pourvoi A1220127 Sté ANTINEA


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2012-04-04;10.08547 ?
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