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21/03/2012 | FRANCE | N°10/10126

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4o chambre sociale, 21 mars 2012, 10/10126


SD/ FCCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER4o chambre sociale
ARRÊT DU 21 Mars 2012

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 10126
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 NOVEMBRE 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION DE DEPARTAGE DE SETE No RG09/ 192

APPELANT :
Monsieur Pascal X... ... 34200 SETE Représentant : Me Daniel D'ACUNTO (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :
SAS CEMEX prise en la personne de son représentant légal 13 rue des Lacs BP 25112 31151 FENOUILLET CEDEX Représentant : Me MARTIN substituant Me Jean NE

RET (avocat au barreau de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 JAN...

SD/ FCCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER4o chambre sociale
ARRÊT DU 21 Mars 2012

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 10126
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 NOVEMBRE 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION DE DEPARTAGE DE SETE No RG09/ 192

APPELANT :
Monsieur Pascal X... ... 34200 SETE Représentant : Me Daniel D'ACUNTO (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :
SAS CEMEX prise en la personne de son représentant légal 13 rue des Lacs BP 25112 31151 FENOUILLET CEDEX Représentant : Me MARTIN substituant Me Jean NERET (avocat au barreau de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 JANVIER 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre Monsieur Richard BOUGON, Conseiller Mme Françoise CARRACHA, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévu le 07 Mars et prorogé, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* ** EXPOSE DU LITIGE Suivant contrat à durée déterminée du 4 novembre 2003, la SAS Bétons de France Sud Ouest a embauché M. Pascal X... à compter du 12 novembre 2003 en qualité d'ouvrier pour l'emploi de " conducteur pompe à béton polyvalent ", moyennant un salaire brut de 1 500 € pour une durée de travail hebdomadaire de 35 heures sur le site de la centrale de La Peyrade, Route de Balaruc.
Par avenant du 5 octobre 2004, le contrat de travail à durée déterminée arrivant à terme au 12 octobre 2004 a été transformé en contrat de travail à durée indéterminée.
La convention collective nationale applicable à la relation de travail est celle du 22 avril 1955 relative aux conditions de travail des Ouvriers de Carrières et Matériaux.
M. X... a été placé en arrêt maladie à compter du 3 avril 2006, renouvelé à plusieurs reprises jusqu'au 14 septembre 2008.
Le 25 janvier 2007 M. X... a été reconnu travailleur handicapé du 01/ 10/ 2006 au 01/ 10/ 2011 par la Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées.
Lors de la première visite de reprise du 16 septembre 2008 le médecin du travail a déclaré M. X... " inapte au poste et apte à un autre ", avec les précisions suivantes : " aménagement horaires fixes de travail, heures de repas fixes, pas d'efforts violents de longue durée. " Lors de la seconde visite de reprise le 1er octobre 2008, le médecin du travail s'est prononcé en faveur d'une inaptitude définitive de M. X... au poste de chauffeur de camion pompe.
Par courrier en date du 2 octobre 2008, M. X... a écrit à l'employeur pour lui indiquer qu'après avis de son médecin spécialiste et du médecin du travail la proposition de poste sur Lunel/ Elne était contre-indiquée étant donné son état de santé.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 octobre 2008 M. X... a été convoqué à un entretien préalable à une mesure éventuelle de licenciement, fixé au 29 octobre 2008.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 novembre 2008 la SAS Cemex a notifié à M. X... son licenciement dans les termes suivants : " Lors de notre entretien du 29 octobre 2008, nous vous avons exposé les faits ci-après : Vous occupez au sein de notre société le poste de conducteur de pompe à béton depuis votre embauche le 12 novembre 2003. A l'issue de votre arrêt maladie du 3 avril 2006 au 15 septembre 2008, le docteur Y..., médecin du travail a prononcé votre inaptitude définitive au poste de conducteur de pompe à béton lors de votre 2ème visite de reprise le 1er octobre 2008. Parallèlement, et suite à nos divers entretiens avec vous-même et le médecin du travail, nous vous avons proposé (notre lettre du 11/ 09/ 08) un reclassement avec formation pour un poste d'agent technique de centrale à pourvoir à Lunel (34) ou à Elne (66). Vous avez refusé ces postes (votre lettre du 02/ 10/ 08). De plus, le docteur Y...a confirmé (lettre du 27/ 10/ 08) des conditions restrictives incompatibles avec le postes proposés, à savoir qu'il faudrait :- que les horaires soient fixes, connus et respectés-que le salarié ne reste pas seul sur le site-qu'il ne soit pas dans l'obligation d'accomplir des tâches de nettoyage. Par ailleurs, les autres recherches lancées tant au sein de Cemex Bétons Sud Ouest que dans les autres sociétés du groupe en France ayant été infructueuses nous n'avons pas d'autre reclassement à vous proposer. Nous nous voyons donc contraints de procéder à votre licenciement pour inaptitude. Votre préavis de 2 mois débutera le lendemain du jour de première présentation de la présente lettre. Nous vous précisons que nous vous dispensons de l'effectuer mais qu'il vous sera intégralement payé aux échéances habituelles. Notre service du personnel vous contactera dès que votre solde de tout compte sera établi. Nous vous informons, par ailleurs, que vous pouvez demander, pendant votre préavis, à utiliser les heures acquises pour le droit individuel à la formation afin de bénéficier notamment d'une action de formation, de bilan de compétence ou de validation des acquis de l'expérience. " Contestant le bien fondé de ce licenciement M. X... a saisi le 2 septembre 2009 le conseil de prud'hommes de Sète qui par jugement en date du 29 novembre 2010 l'a débouté de ses demandes et a rejeté la demande reconventionnelle de la SAS Cemex Bétons Sud Ouest. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 décembre 2010 reçue au greffe de la cour d'appel le 27 décembre 2010, M. X... a formé appel contre cette décision qui ne lui avait pas été notifiée par voie postale. M. Pascal X... demande à la cour de réformer le jugement déféré, de dire que la SAS Cemex a failli à son obligation de reclassement et qu'en conséquence le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse. Il demande en conséquence la condamnation de la SAS Cemex à lui payer la somme de 40 000 € à titre de dommages-intérêts outre 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la SAS Cemex au remboursement de toutes les sommes qui pourraient être mises à sa charge en application des dispositions du décret no2001-212 du 8 mars 2001, modifiant le décret no 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale et relatif à la détermination du droit proportionnel de recouvrement ou d'encaissement mis à la charge des créanciers. La SAS Cemex Bétons Sud Ouest demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Sète et de débouter en conséquence M. X... de l'ensemble de ses demandes et de le condamner au paiement d'une somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La SAS Cemex Bétons Sud Ouest fait valoir qu'elle a sérieusement et loyalement rempli son obligation de reclassement en proposant à M. X... deux postes à Lunel ou Elne, qu'il a refusé, et en sollicitant les autres sociétés du groupe qui n'avaient pas poste disponible correspondant aux restrictions médicales émises par le médecin du travail et aux capacités professionnelles de M. X.... Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions écrites auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats.
MOTIFS DE LA DECISION Sur le licenciement pour inaptitude En application des dispositions de l'article L 1226-2 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des taches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail ". Cet article met à la charge de l'employeur l'obligation de rechercher un poste de reclassement et d'apporter la preuve des moyens mis en oeuvre pour tenter de reclasser le salarié. Pour mener à bien cette recherche, l'employeur doit se rapprocher du médecin du travail afin de connaître tout poste susceptible de convenir au salarié déclaré inapte au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient. La rupture du contrat de travail ne peut au surplus intervenir que si le reclassement du salarié dans l'entreprise ou, le cas échéant dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, est impossible. En l'occurrence, il ressort des pièces produites que le 4 septembre 2008 M. X... a vu le médecin du travail dans le cadre d'un examen médical de préreprise et que la SAS Cemex, lors d'un entretien avec le médecin du travail le 10 septembre 2008 a été informée de l'inaptitude de M. X... au poste de conducteur de pompe à béton et des restrictions qui seraient émises lors de la visite de reprise. Dans le courrier qu'elle a adressé au salarié le 11 septembre 2008, la société Cemex précise que " seront à exclure les postes qui nécessitent la conduite des poids lourds, des efforts violents de longue durée et des horaires et/ ou temps de travail pouvant ne pas être adaptés à la prise de la thérapeutique. " Dans ce même courrier, la SAS Cemex a proposé au salarié deux postes d'agent technique de centrale/ agent technique de fabrication qui seraient à pourvoir soit à Lunel (34) soit à Elne (66). Le médecin du travail, interrogé par la SAS Cemex sur ces postes de reclassement, a indiqué le 16 septembre 2008 : " Après avis spécialisé, l'éloignement par rapport au domicile est trop important. C'est une contre-indication étant donné l'état de santé de ce salarié qui doit respecter des horaires de travail fixes ainsi que des heures de repos connues, en l'absence de tout effort violent de longue durée. " Si rien n'interdit à l'employeur d'anticiper les possibilités de reclassement du salarié, il n'en demeure pas moins que seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail émises au cours des visites de reprise peuvent être prises en considération pour apprécier le respect par l'employeur des obligations mises à sa charge. En l'espèce, les visites de reprise ont eu lieu les 16 septembre et 1er octobre 2008. Force est de constater que l'employeur ne justifie d'aucune autre proposition de reclassement faite postérieurement aux visites de reprise, qui soit compatible avec les préconisations du médecin du travail et notamment avec les précisions apportées par celui-ci tant lors de la première visite de reprise que dans son courrier du 16 septembre 2008 adressées à l'employeur. La SAS Cemex n'a fait aucune proposition prenant en compte la contre indication d'un éloignement trop important par rapport au domicile, exprimée par le médecin du travail relativement aux postes de Lunel et de Elne. De manière surprenante d'ailleurs, et alors qu'elle a connaissance de la contre-indication susvisée, les recherches de reclassement effectuées par la SAS Cemex postérieurement à l'avis d'inaptitude définitif sont exclusivement dirigées vers les autres sociétés du groupe implantées pour la plupart dans d'autres régions. La SAS Cemex soutient n'avoir eu aucun poste disponible compatible avec les capacités de M. X..., mais s'abstient de verser aux débats le registre unique du personnel, et notamment celui de son établissement de La Peyrade situé à proximité du domicile du salarié à Frontignan, de sorte qu'elle ne permet pas à la juridiction de vérifier si elle a réellement pris en considération les préconisations du médecin du travail pour rechercher un poste compatible avec les capacités de M. X.... Dès lors, la SAS Cemex, qui ne justifie pas de recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail, ne rapporte pas la preuve d'une recherche effective et loyale de reclassement du salarié, ni qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité de le reclasser. Il convient en conséquence, infirmant en cela le jugement déféré, de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Sur les conséquences de la rupture injustifiée Au moment de la rupture de son contrat de travail, M. X... avait au moins deux années d'ancienneté (5 ans) et la SAS Cemex employait habituellement plus de onze salariés. En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, M. X... peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu'il a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement. Au delà de cette indemnisation minimale, M. X..., âgé de 42 ans au moment de la rupture du contrat de travail, justifie d'un préjudice supplémentaire en ce qu'il est resté au chômage pendant plusieurs mois ce qui a engendré des difficultés financières. Il convient donc de lui allouer la somme de 24 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture injustifiée de son contrat de travail. En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la SAS Cemex aux organismes concernés, parties aux litiges par l'effet de la loi, des indemnités de chômages qu'ils ont versées le cas échéant à M. Pascal X... à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de 6 mois.
Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile La SAS Cemex Bétons Sud Ouest, partie perdante, doit supporter les dépens de première instance et d'appel conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile. Il convient en outre de condamner la SAS Cemex Bétons Sud Ouest, partie tenue aux dépens, à payer à M. X... au titre des frais non compris dans les dépens une indemnité qu'il est équitable de fixer à 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS La cour, Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par la section industrie du conseil de prud'hommes de Sète le 29 novembre 2010 ; Statuant à nouveau : Dit que la SAS Cemex Bétons Sud Ouest n'a pas sérieusement et loyalement rempli son obligation de reclassement ; Dit en conséquence le licenciement de M. Pascal X... sans cause réelle et sérieuse ; Condamne la SAS Cemex Bétons Sud Ouest, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à payer à M. Pascal X... la somme de 24 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Ordonne le remboursement par la SAS Cemex Bétons Sud Ouest aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à M. Pascal X... à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois ; Condamne la SAS Cemex Bétons Sud Ouest aux dépens de la procédure de première instance et d'appel ; Condamne la SAS Cemex Bétons Sud Ouest, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à payer à M. Pascal X... la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4o chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/10126
Date de la décision : 21/03/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2012-03-21;10.10126 ?
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