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14/03/2012 | FRANCE | N°11/02074

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4o chambre sociale, 14 mars 2012, 11/02074


BR/ YRCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4o chambre sociale
ARRÊT DU 14 Mars 2012
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 02074
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 JANVIER 2011 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER No RG10/ 00518

APPELANTE :
Madame Elisabeth X......... 34090 MONTPELLIER Représentant : Me DANJOU substituant Me Frédéric MORA (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :

SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE prise en la personne de son représentant légal 1 Esplanade de France BP 306

42008 SAINT ETIENNE CEDEX 2 Représentant : SCP NGUYEN PHUNG et Associés (avocats au barreau de MONTPEL...

BR/ YRCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4o chambre sociale
ARRÊT DU 14 Mars 2012
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 02074
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 JANVIER 2011 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER No RG10/ 00518

APPELANTE :
Madame Elisabeth X......... 34090 MONTPELLIER Représentant : Me DANJOU substituant Me Frédéric MORA (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :

SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE prise en la personne de son représentant légal 1 Esplanade de France BP 306 42008 SAINT ETIENNE CEDEX 2 Représentant : SCP NGUYEN PHUNG et Associés (avocats au barreau de MONTPELLIER)

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 JANVIER 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller Madame Gisèle BRESDIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Brigitte ROGER ARRÊT :

- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 7 mars 2012 et prorogé au 14 mars 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre, et par Mme Brigitte ROGER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* **

EXPOSE DU LITIGE

Mme Élisabeth X...était embauchée par la société Distribution Casino France SAS (la société) pour une durée indéterminée à compter du 26 octobre 2001 en qualité d'« employée commercial confirmée, niveau 2, échelon A ».

Initialement fixé à 28 heures par semaine, son horaire de travail était porté à 30 heures, puis réduit pour raison médicale à 26 heures en octobre 2005 puis à 20 heures hebdomadaires à compter du 1er juillet 2007.
En arrêt de travail pour maladie à compter d'avril 2009, elle passait une visite le 4 septembre 2009 au terme de laquelle le médecin du travail indiquait « inapte temporaire : nécessité de prolonger l'arrêt de travail », puis une première visite de reprise le 20/ 10/ 2009 à l'issue de laquelle elle était déclarée « inapte à la reprise de son poste aménagé, y compris à temps partiel. Contre-indication à tout port de charges, à toute manutention et préhension d'objets, contre-indication à la station debout prolongée (maximum 1/ 2h), contre-indication à tout effort effectué " bras en l'air " et aux mouvements répétés du cou en rotation ou en extension ».
À l'issue de la seconde visite de reprise le 03/ 11/ 2009, le médecin du travail rendait un avis la déclarant « Inapte à tous les postes. Inaptitude définitive au poste de caisse et à tout poste existant dans l'entreprise, confirmé après étude du poste et des conditions de travail effectuée le 28/ 10/ 2009 ».
Il indiquait par courrier du même jour à l'employeur " Je vous confirme par la présente l'inaptitude de cette salariée à la reprise de son poste suite aux deux visites médicales les 20 octobre et 3 novembre 2009. J'ai effectué comme prévu l'étude de poste le 28 octobre 2009 à l'établissement de la route de Ganges et j'ai vérifié à cette occasion qu'aucun poste existant n'était compatible avec l'état de santé actuelle de Mme X.... En effet les postes de caisse, employé libre-service, fruits et légumes, marée, boucherie, boulangerie, pâtisserie incluent des tâches qui sont contre-indiquées à Mme X...".

Convoquée à un entretien préalable le 26 novembre 2009, Mme Élisabeth X...était licenciée par lettre recommandée avec AR du 8 décembre 2009 en ces termes :
".../... Nous vous rappelons que lors de votre visite médicale de reprise du 20 octobre 2009, le médecin du travail, dans son avis médical vous a déclaré : " inapte à la reprise de son poste aménagé, y compris à temps partiel. Contre-indication (...) ".
Cet avis a été confirmé lors de la seconde visite médicale de reprise du 3 novembre 2009, où le médecin du travail a émis l'avis suivant : " inapte à tous les postes, (...) ".
Devant envisager votre reclassement au sein du groupe, nous avons cherché un poste compatible avec vos nouvelles aptitudes physiques.
Nous vous avons donc questionnée, par courrier recommandé AR du 21 octobre 2009, sur vos souhaits en termes de mobilité géographique. Dans votre courrier en date du 28 octobre 2009, vous nous avez répondu dans les termes suivants : « je reste ouverte à toutes propositions, dans la mesure où celles-ci seront en adéquation avec mon état de santé ainsi que mes capacités professionnelles ».
Nous avons donc procédé à nos recherches de reclassement en tenant compte des avis émis par le médecin du travail. Toutefois, les démarches que nous avons entreprises tant au sein de nos établissements de la direction régionale de Languedoc-Roussillon qu'auprès des autres établissements du groupe ne nous ont malheureusement pas permis de trouver un poste compatible avec vos capacités physiques actuelles et qui tiennent compte des préconisations de la médecine du travail, à savoir :
- des démarches effectuées au sein de l'ensemble des établissements de la direction régionale de Languedoc-Roussillon,- des démarches effectuées au sein du groupe :

ensemble de nos supermarchés casino cafétérias casino de la région Languedoc-Roussillon Géants casino de la région Languedoc-Roussillon auprès d'Annie B..., chargé de mission handipacte/ santé sécurité au travail.

Malgré toutes nos recherches, nous sommes donc aujourd'hui contraints de mettre fin à votre contrat de travail eu égard à l'impossibilité dans laquelle nous nous trouvons de vous reclasser au sein du groupe Casino (...) ".
Estimant cette rupture abusive, Mme Élisabeth X...saisissait le conseil de prud'hommes de Montpellier qui, par jugement rendu le 26 janvier 2011, retenait que le licenciement était bien fondé et la déboutait de toutes ses demandes.
Par déclaration reçue au greffe le 29 mars 2011, Mme Élisabeth X...interjetait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 9 mars 2011.
Elle conclut à son infirmation et demande à la cour, statuant à nouveau, de juger que l'employeur n'a pas satisfait loyalement et complètement à son obligation de reclassement et de condamner la société à lui payer :
• 14 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; • 1668 € d'indemnité compensatrice de préavis ; • 166 € de congés payés afférents ; • 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société soutient qu'elle a envisagé toutes les possibilités de reclassement et effectué toutes les recherches à ce titre au sein du groupe Casino sans limiter le champ géographique de ses recherches, que ces recherches de reclassement sont sérieuses et loyales, ce qui doit entraîner la confirmation en tout point du jugement déféré, le débouté des demandes et la condamnation de l'appelante à lui payer 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions écrites auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l'article L 1226-2 du code du travail " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des taches existantes dans l'entreprise.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail ".
La rupture du contrat de travail ne peut intervenir que si le reclassement du salarié dans l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, est impossible.
Ces dispositions mettent à la charge de l'employeur l'obligation de rechercher un poste de reclassement et d'apporter la preuve des moyens mis en oeuvre pour tenter de reclasser la salariée.
Or l'employeur ne peut valablement prétendre avoir entrepris une « recherche » de poste de reclassement sans avoir au préalable défini l'objet de cette recherche.
L'exécution sérieuse et loyale de son obligation de reclassement lui impose en conséquence d'identifier le type de poste existant au sein de ses différents établissements ou du groupe auquel il appartient susceptible de correspondre aux préconisations du médecin du travail, de solliciter pour chacun des postes ou type de poste identifié l'avis de celui-ci et enfin, en cas d'avis conforme, de faire des propositions en fonction de la disponibilité des emplois correspondants.
En cas de contestation, il lui appartient de justifier qu'il a respecté ces différentes étapes ou que les recherches d'identification de postes compatibles avec les préconisations du médecin du travail sont restées vaines.
Force est de constater que la société ne justifie pas du sérieux et de la loyauté des recherches de reclassement entreprises.
C'est ainsi que, alors que les préconisations du médecin du travail n'excluent pas a priori les emplois de bureau en position assise pouvant correspondre à des postes de type administratif, l'employeur n'a entrepris aucune recherche en ce sens, que ce soit dans ses nombreux établissements ou au niveau de son siège social.
Le seul lancement d'une consultation auprès des différents établissements de la direction régionale Languedoc-Roussillon sur l'existence « des postes disponibles correspondant à ces restrictions » ne satisfait pas aux exigences que lui impose son obligation de reclassement.
Il convient en conséquence, infirmant en cela le jugement déféré, de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Compte tenu de son âge (53 ans), de son ancienneté dans l'entreprise à la date de la rupture (8 ans) et sur la base d'une rémunération mensuelle moyenne brute non contestée de 834 €, Mme Élisabeth X...est en droit de prétendre à :
• Une indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire soit 1668 € outre l'incidence des congés payés, soit au total 1834 €, en brut ;
• Des dommages-intérêts sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail qu'il y a lieu d'évaluer à la somme de 8000 € en réparation du préjudice lié à la perte injustifiée de l'emploi.

PAR CES MOTIFS

La cour ;

Infirme le jugement rendu par la section commerce du conseil de prud'hommes de Montpellier le 26 janvier 2011 ;
Statuant à nouveau sur le tout ;
Dit que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement et que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Distribution Casino France SAS à lui payer :
• 1834 € d'indemnité compensatrice de préavis, y compris l'incidence des congés payés, en brut ;
• 8000 € de dommages-intérêts, somme nette de tout prélèvement pour le salarié ;
La condamne aux dépens et à payer à l'intimé 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4o chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/02074
Date de la décision : 14/03/2012
Type d'affaire : Sociale

Analyses

Périmètre de l'obligation de reclassement suite à une inaptitude

Les dispositions de l'article L 1226-2 du code du travail mettent à la charge de l'employeur l'obligation de rechercher un poste de reclassement et d'apporter la preuve des moyens mis en oeuvre pour tenter de reclasser la salariée.L'employeur ne peut valablement prétendre avoir entrepris une «recherche» de poste de reclassement sans avoir au préalable défini l'objet de cette recherche.L'exécution sérieuse et loyale de son obligation de reclassement lui impose en conséquence d'identifier le type de poste existant au sein de ses différents établissements ou du groupe auquel il appartient susceptible de correspondre aux préconisations du médecin du travail , de solliciter pour chacun des postes ou type de poste identifié l'avis de celui-ci et enfin, en cas d'avis conforme, de faire des propositions en fonction de la disponibilité des emplois correspondants.En cas de contestation, il lui appartient de justifier qu'il a respecté ces différentes étapes ou que les recherches d'identification de postes compatibles avec les préconisations du médecin du travail sont restées vaines.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Montpellier, 26 janvier 2011


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2012-03-14;11.02074 ?
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