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01/03/2012 | FRANCE | N°10/08307

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1o chambre section ao1, 01 mars 2012, 10/08307


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section AO1
ARRET DU 1er MARS 2012
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 08307

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 SEPTEMBRE 2010 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE No RG 09/ 690

APPELANTE :
Madame Gabrielle X... épouse Y... sous curatelle née en à... 11590 OUVEILLAN représentée par la SCP DIVISIA SENMARTIN, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants et par Maître PONROUCH substituant Maître MARY, avocat au barreau de NARBONNE, avocat plaidant

INTIMES :
UDAF DE

L'AUDE, pris en sa qualité de curateur de Madame Gabrielle X... épouse Y..., pris en la personne...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section AO1
ARRET DU 1er MARS 2012
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 08307

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 SEPTEMBRE 2010 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE No RG 09/ 690

APPELANTE :
Madame Gabrielle X... épouse Y... sous curatelle née en à... 11590 OUVEILLAN représentée par la SCP DIVISIA SENMARTIN, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants et par Maître PONROUCH substituant Maître MARY, avocat au barreau de NARBONNE, avocat plaidant

INTIMES :
UDAF DE L'AUDE, pris en sa qualité de curateur de Madame Gabrielle X... épouse Y..., pris en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis Rue Jacques de Vaucansson-BP 1022 Zi Salvaza 11000 CARCASSONNE CEDEX 09 représenté par la SCP NEGRE Eric-PEPRATX NEGRE Marie Camille, avocats au barreau de MONTPELLIER substituant la SCP SAINTE-CLUQUE BASSET, avocats au barreau de NARBONNE, avocats plaidants

Madame Christiane, Faure Y...... 11590 OUVEILLAN assignée à personne le 18/ 04/ 2011

Monsieur Jean-Marie Y... né le 25 Avril 1963 à NARBONNE (11100) de nationalité Française Chez Madame Sylvaine Z... ... 11800 MARSEILLETTE représenté par la SCP CAPDEVILA ET VEDEL SALLES, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants et par Me Gilbert AUPIN, avocat au barreau de CARCASSONNE, avocat plaidant
Association ATDI Prise en sa qualité de gérant de tutelle de Monsieur Jean-Marie Y... 23 avenue du Président Wilson BP 7053 11000 CARCASSONNE représentée par la SCP CAPDEVILA ET VEDEL SALLES, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants et par Me Gilbert AUPIN, avocat au barreau de CARCASSONNE, avocat plaidant (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2010/ 016633 du 30/ 11/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 11 Janvier 2012
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 JANVIER 2012, en audience publique, Mme Anne BESSON ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Madame Anne BESSON, Président de Chambre Monsieur Luc SARRAZIN, Conseiller Madame Caroline CHICLET, Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Audrey VALERO

ARRET :
- réputé contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;- signé par Madame Anne BESSON, Président de Chambre, et par Mademoiselle Audrey VALERO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Vu l'appel régulièrement interjeté par Gabrielle X... épouse Y... d'un jugement rendu le 23 septembre 2010 par le Tribunal de Grande Instance de Narbonne, qui l'a déboutée de sa demande de révocation pour ingratitude d'un acte de donation de la nue propriété d'un immeuble fait le 25 février 2003 au profit de son fils Jean-Marie Y... et a déclaré le jugement commun à l'UDAF ;
Vu ses conclusions du 15 février 2011 tendant à juger que sur le fondement de l'article 955 2o du Code Civil, cette donation sera purement et simplement annulée et que les biens objet de la donation réintégreront son patrimoine, condamner Jean-Marie Y... au paiement de la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Vu les conclusions notifiées le 23 mai 2011 par Jean-Marie Y... et par l'A. T. D. I. prise en sa qualité de gérant de tutelle, tendant à confirmer le jugement et condamner l'appelante au paiement de la somme de 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Vu les conclusions notifiées le 4 novembre 2011 par l'UDAF de l'Aude tendant à constater que l'article 955 du Code Civil ne fait aucune référence à l'élément intentionnel, faire droit à la demande de Madame X... d'annulation de la donation réalisée en faveur de son fils Jean-Marie Y..., constater que dans l'intérêt de celle-ci, l'UDAF de l'Aude s'oppose à ce que la nue-propriété de l'immeuble situé ...revienne à sa fille Christiane Y..., condamner Jean-Marie Y... au paiement de la somme de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

MOTIVATION
Aux termes de l'article 955 du Code civil, la donation entre vifs ne pourra être révoquée pour cause d'ingratitude que si le donataire a attenté à la vie du donateur, s'il s'est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves ou s'il refuse de lui donner des aliments.
En l'espèce, l'enquête de flagrance établie par les services de Gendarmerie établit que le 12 septembre 2006 vers 13 heures, Jean-Marie Y..., qui vivait avec sa mère âgée de 74 ans, a été pris de fureur parce qu'elle refusait de lui donner 20 € et l'a frappée à l'aide de ses poings et de ses pieds, la laissant inanimée, ensanglantée et allongée sur le sol dans la cuisine. Il résulte du rapport psychiatrique du docteur A...que Jean-Marie Y..., qui était astreint de longue date à un traitement lourd, souffrait d'une schizophrénie paranoïde avec des thèmes délirants de persécution, le persécuteur désigné étant sa mère ; que les faits étaient en rapport avec cette affection et que ces altérations avaient aboli son discernement et le contrôle de ses actes au sens de l'article 122- 1du Code Pénal. Au vu de ce rapport, Jean-Marie Y... n'a pas fait l'objet de poursuites pénales mais d'un placement d'office en hôpital psychiatrique.
Ainsi que l'a pertinemment considéré le premier juge, l'ingratitude au sens de l'article 955 du Code Civil ne peut être retenue en tant que cause de révocation de donation que si l'acte violent commis par le donataire revêt un caractère intentionnel. Et contrairement à ce que soutient l'appelante, il ne suffit pas « d'établir les sévices, délits et injures graves pour annuler la donation ».
En effet, ces dispositions légales n'ont pas vocation à s'appliquer du seul fait de la commission d'un acte considéré « in abstracto » et uniquement en fonction de son élément matériel. Elles ont pour finalité de sanctionner un comportement fautif et traduisant un état d'esprit contraire au sentiment de gratitude, de reconnaissance que doit avoir le donataire à l'égard de celui qui l'a gratifié. En d'autres termes, l'acte doit avoir été commis dans un esprit d'ingratitude, ce qui suppose nécessairement l'intégrité des facultés intellectuelles de son auteur.
Tel n'est pas le cas en l'espèce puisqu'au moment des faits Jean-Marie Y... était privé de son libre arbitre et que son discernement était aboli par l'effet de ses troubles mentaux. Irresponsable de ses actes sur le plan pénal, il l'est donc également au regard des dispositions de l'article 955 du Code Civil.
Son acte ne procédant pas de l'ingratitude au sens de ce texte mais de la démence, il s'ensuit que les conditions de révocation de la donation ne sont pas remplies.

P A R C E S M O T I F S
Confirme le jugement déféré et y ajoutant :
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamne X... Gabrielle épouse Y... aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du même code.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

AB


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1o chambre section ao1
Numéro d'arrêt : 10/08307
Date de la décision : 01/03/2012

Analyses

L'ingratitude au sens de l'article 955 du Code Civil ne peut être retenue en tant que cause de révocation de donation que si l'acte violent commis par le donataire revêt un caractère intentionnel. En effet, ces dispositions n'ont pas vocation à s'appliquer du seul fait de la commission d'un acte considéré « in abstracto » et uniquement en fonction de son élément matériel. Elles ont pour finalité de sanctionner un comportement fautif commis dans un esprit d'ingratitude, ce qui suppose nécessairement l'intégrité des facultés intellectuelles de son auteur. Ainsi, les conditions de révocation de la donation ne sont pas remplies lorsqu'un donataire a roué de coups sa mère donatrice sous l'effet d'un délire schizophrénique paranoïde de persécution ayant aboli son discernement, son acte procédant de la démence et non de l'ingratitude au sens du texte précité


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Narbonne, 23 septembre 2010


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2012-03-01;10.08307 ?
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