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22/02/2012 | FRANCE | N°11/01845

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre sociale, 22 février 2012, 11/01845


SD/ PDH
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER, 4o chambre sociale ARRÊT DU 22 Février 2012
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01845
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 FEVRIER 2011 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE SETE No RG10/ 00104

APPELANTE :
Madame Rita X...... 34560 VILLEVEYRAC Représentant : Me Fabien MARTELLI (avocat au barreau de MONTPELLIER) (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/ 7397 du 07/ 06/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
INTIMEE :
SA API

RESTAURATION prise en la personne de son représentant légal 384 rue du Général de Gaulle 59...

SD/ PDH
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER, 4o chambre sociale ARRÊT DU 22 Février 2012
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01845
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 FEVRIER 2011 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE SETE No RG10/ 00104

APPELANTE :
Madame Rita X...... 34560 VILLEVEYRAC Représentant : Me Fabien MARTELLI (avocat au barreau de MONTPELLIER) (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/ 7397 du 07/ 06/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
INTIMEE :
SA API RESTAURATION prise en la personne de son représentant légal 384 rue du Général de Gaulle 59370 MONS-EN-BAROEUL Représentant : la SELARL BCA BERNIER CHARLES AVOCAT (avocats au barreau de MONTPELLIER)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 JANVIER 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre, chargé (e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre Monsieur Richard BOUGON, Conseiller Madame Gisèle BRESDIN, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE
Suite à la reprise par la société Api Restauration d'un marché de restauration détenue par la société Littoral Restauration, le contrat de travail à durée indéterminée de madame Rita X... a été transféré à la société Api Restauration à compter du 5 novembre 2009 avec reprise d'ancienneté de 6 ans et 2 mois.
La convention collective applicable au sein de la société API Restauration est la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités du 20 juin 1983, étendue par arrêté du 2 février 1984.
Madame X... a été victime le 9 novembre 2009 d'un accident dont le caractère professionnel a été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault.
Par lettre datée du 27 novembre 2009, l'employeur l'a convoqué à un entretien préalable en vue d'une " sanction pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave ", avec mise à pied conservatoire, entretien fixé au 3 décembre 2009 ; cette convocation a été annulée par une nouvelle convocation du 30 novembre 2009, assortie d'une mise à pied conservatoire, pour un entretien fixé au 8 décembre 2009.
Madame X... ne s'étant pas présenté à cet entretien préalable, l'employeur l'a à nouveau convoqué, par lettre du 8 décembre 2009 à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire, entretien fixé au 16 décembre 2009.
Au cours de cet entretien, les parties ont envisagé une rupture conventionnelle du contrat de travail qu'elles ont signé le 23 décembre 2009 ; dans cette convention, la date de rupture du contrat de travail est prévue au 5 février 2010 et le montant de " l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle " fixé à la somme de 1550 €.
Le 19 février 2010, la société Api Restauration et Madame X... ont conclu un " accord transactionnel ".
Au mois d'avril 2010, madame X... a saisi le conseil des prud'hommes de Sète pour, dans le dernier état de ses écritures devant cette juridiction, voir constater la nullité de la transaction conclue le 19 février 2010, en conséquence voir constater les irrégularités de la rupture conventionnelle conclue le 23 décembre 2009, en conséquence voir requalifier la rupture du contrat de travail en licenciement nul et obtenir la condamnation de la société Api Restauration à lui payer la somme de 3023, 90 € à titre de rappel de salaire pour la période du 9 novembre 2009 au 5 février 2010, celle de 302, 39 € à titre de congés payés afférents, celle de 2378, 83 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, celle de 237, 88 € à titre de congés payés afférents, celle de 28536 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et celle de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sollicitant en outre la délivrance sous astreinte journalière des documents de fin contrat et des bulletins de salaire conformes à la décision à intervenir.
Par jugement du 21 février 2011, la juridiction saisie a dit que la transaction est parfaitement valable et a autorité de la chose jugée, dit que l'action de madame X... est irrecevable, débouté madame X... de toutes ses demandes et l'a condamné aux dépens.
Par lettre recommandée du 17 mars 2011, madame X... a régulièrement relevé appel de ce jugement qui lui a été notifié le 10 mars 2011.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La salariée appelante demande à la Cour de réformer intégralement le jugement déféré, de constater la nullité de la transaction conclue le 19 février 2010, de constater les irrégularités de la rupture conventionnelle du 23 décembre 2009, en conséquence de requalifier la rupture du contrat de travail en un licenciement nul et de faire droit à ses demandes chiffrées telles que formulées devant les premiers juges et ci dessus reproduites, la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile étant toutefois portée à la somme de 2500 €.
Elle soutient en substance :
- qu'il est nécessaire d'étudier le bien fondé de la rupture pour juger de la validité de la transaction ;- qu'à cet égard, la rupture conventionnelle est nulle, car elle est intervenue au cours de la suspension de son contrat de travail suite à son accident du travail et alors qu'un litige l'opposait à son employeur, litige qui trouve sa source dans les manquements de l'employeur ne l'ayant pas déclaré aux organismes sociaux et fiscaux ;- que la rupture du contrat étant intervenue au cours d'une période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail s'analyse en un licenciement nul ; que dés lors, elle était en droit de prétendre à des dommages et intérêts à fauteur au minimum de 6 mois de salaire soit 7045, 80 € ; que l'indemnité transactionnelle ne s'élève qu'à 2530 € ; qu'aucune concession sérieuse n'a été faite par l'employeur, de sorte que la transaction est nulle.
La société intimée demande à la Cour de confirmer le jugement déféré, subsidiairement si la transaction venait à être annulée, de réduire les demandes de l'appelant à la somme de 2965, 80 €, compte tenu de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle de 1550 € et de l'indemnité transactionnelle de 2530 €, de débouter l'appelante de ses autres demandes et en tout état de cause de la condamner au paiement d'une somme de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient essentiellement pour sa part :
- que la transaction est intervenue postérieurement à la rupture définitive du contrat de travail ; que la somme perçue de 2530 € à titre d'indemnité transactionnelle et forfaitaire (en sus de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle), représentant plus de 2 mois de salaire n'est pas dérisoire ;- que la transaction ayant l'autorité de la chose jugée, le juge ne peut se pencher sur la validité de la rupture conventionnelle ;- que l'affirmation de l'appelante selon laquelle elle n'aurait pas été inscrite auprès des organismes sociaux est purement gratuite ; qu'elle a maintenu le salaire de l'intéressée sous déduction des indemnités journalières de sécurité sociale conformément aux dispositions de la convention collective ;- que l'appelante ne peut prétendre à aucun rappel de salaire, ayant été rempli de ses droits ;- qu'un préavis n'est pas du en l'état d'une rupture amiable du contrat de travail ;- que les dommages et intérêts pour licenciement nul doivent être réduits.
Pour un exposé complet des moyens et arguments des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites reprises oralement à l'audience.
MOTIFS DE LA DECISION 1. sur la rupture
Il ne peut pas être procédé à la conclusion d'une rupture conventionnelle (relevant des articles L 1237-11 à L 1237-14 du code du travail) d'un contrat de travail à durée indéterminée pendant la période au cours de laquelle ce contrat de travail est suspendu suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle du salarié ; une convention de rupture intervenue dans ces conditions revenant à contourner les règles protectrices d'ordre public du code du travail dont bénéficie le salarié placé dans cette situation, est nulle.
En l'espèce, outre que la convention de rupture conventionnelle signée des parties le 23 décembre 2009 n'a pas été précédée d'un entretien tel que prévu à l'article L 1237-12 du code du travail, l'entretien du 16 décembre 2009 faisant suite à la convocation de la salariée " à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire " en vue d'une " sanction pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave " et non d'un entretien dans le cadre d'une rupture conventionnelle, il apparaît que la convention a été signée le 23 décembre 2009 alors que le contrat de travail de madame X... était toujours suspendu (aucune visite de reprise n'ayant eu lieu) suite à son accident du travail survenu le 9 novembre 2009 ainsi qu'il en ressort de la déclaration d'accident du travail établie par l'employeur le 17 novembre 2009.
Par suite, cette convention de rupture du 23 décembre 2009 est nulle.
Pour être valable, la transaction portant sur les conséquences de la rupture du contrat de travail suppose notamment que ce contrat ait été effectivement rompu préalablement, ce qui n'est pas le cas en l'espèce en l'état d'une convention de rupture nulle et de nul effet.
En conséquence l'" accord transactionnel " du 19 février 2010 qui vise la rupture conventionnelle du 23 décembre 2009 est lui même entaché de nullité.
L'appelante ayant pas eu connaissance par écrit des motifs de la rupture de son contrat de travail, cette rupture intervenue en période de suspension de son contrat consécutive à un accident du travail, s'analyse en un licenciement nul.
2. sur les conséquences à en tirer
Il résulte des pièces produites aux débats, notamment des bulletins de salaire de l'appelante, que celle ci avait une ancienneté de plus de 6 ans au moment de la rupture.
L''appelante est fondée à réclamer une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire, compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise et des dispositions de la convention collective applicable, soit compte tenu de sa rémunération mensuelle (1189, 43 € brut), la somme réclamée de 2378, 83 € brut, outre celle de 237, 88 € brut à titre de congés payés afférents.

Elle est également fondée à réclamer des dommages et intérêts pour licenciement nul dont le montant ne peut être inférieur à six mois de salaire ; en l'espèce, compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise (6 ans et 5 mois) et de son âge (41 ans) au moment de la rupture, eu égard par ailleurs à sa situation professionnelle et matérielle postérieurement à la rupture (bénéficiaire de l'allocation d'aide au retour à l'emploi d'un montant journalier de 27, 44 € brut), il lui sera allouée la somme de 15. 000 € à titre de dommages et intérêts, nette de tout prélèvement pour la salariée.
Compte tenu de la nullité de la convention de rupture et de la transaction, l'appelante devra restituer à la société intimée les sommes qu'elle a pu éventuellement percevoir à ces titres.
3. sur les autres demandes
L'article 26 de la convention collective applicable stipule que le salarié victime d'un accident du travail ou de trajet reconnu comme accident de travail, ou d'une maladie professionnelle, au service de l'employeur qui l'occupe au moment de l'événement, bénéficie des garanties d'emploi et éventuellement d'indemnisation, prévues aux articles L 122-32-1 à L 122-32-9 du code du travail ; en cas d'accident du travail, d'accident de trajet reconnu comme accident du travail par la sécurité sociale, ou de maladie professionnelle, " le salarié aura droit après deux ans d'ancienneté (c'est le cas en l'espèce) au versement des indemnités ci-après : 90 % du salaire brut du 1er au 30ème jour d'arrêt, 85 % du salaire brut du 31ème au 183ème jour d'arrêt. Les pourcentages d'indemnisation s'appliquent sur la base du salaire brut qui aurait été effectivement perçu par le salarié s'il avait assuré son travail. Le régime ci-dessus s'entend y compris les prestations de sécurité sociale perçues par le salarié. Il ne se cumule pas avec tout autre régime ayant le même objet. Le paiement sera effectué sur présentation du décompte de la sécurité sociale portant indication des prestations versées. En aucun cas, l'intéressé ne pourra percevoir une rémunération supérieure à celle perçue s'il avait travaillé normalement. "
En l'espèce, compte tenu des bulletins de salaires produits aux débats et des relevés d'indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, il apparaît que la demande de rappel de salaire formée par l'appelante n'est pas justifiée, cette dernière ayant été remplie de ses droits.
Par contre, l'appelante est fondée à obtenir la délivrance d'un bulletin de paie pour le préavis, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt et ce sans astreinte.
4. sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Eu égard à la solution apportée au règlement du présent litige, les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société intimée laquelle devra versée à l'appelante la somme de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau sur le tout,
Dit nul et de nul effet l'accord transactionnel signé entre les parties le 9 février 2010,
Dit les demandes de Rita X... recevables et partiellement fondées,
Condamne la société ASPI Restauration à payer à Rita X... les sommes suivantes :-2378, 83 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-237, 88 € brut à titre de congés payés afférents,-15. 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, la dite somme étant nette de tout prélèvement pour la salariée, sauf à déduire de cette somme, celles qu'elle a pu percevoir au titre de la convention de rupture et au titre de l'" accord transactionnel ",
Déboute l'appelante de sa demande en paiement de rappel de salaire et des congés payés afférents,
Ordonne à la société ASPI Restauration de délivrer à Rita X... un bulletin de paie pour le préavis, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi, conformes au présent arrêt, et ce sans astreinte ;
Condamne la société ASPI Restauration aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Rita X... la somme de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/01845
Date de la décision : 22/02/2012
Type d'affaire : Sociale

Analyses

Aux termes des articles L. 1237-11 à L. 1237-14 du Code du travail, il ne peut être procédé à la conclusion d'une rupture conventionnelle d'un contrat de travail à durée indeterminée pandant la période au cours de laquelle ce contrat de travail est suspendu à la suite d'un accident de travail ou à une maladie professionnelle du salarié. Une convention de rupture, intervenue dans ces conditions revenant à contourner les règles protectrices d'ordre public du Code du travail dont bénéficie le salarié placé dans cette situation, est nulle. La transaction portant sur les conséquences de la rupture du contrat de travail, suppose que le contrat ait été effectivement rompu préalablement, ce qui n'est pas le cas, en l'espèce, en l'état d'une convention de rupture nulle et sans effet.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Sète, 21 février 2011


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2012-02-22;11.01845 ?
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