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22/02/2012 | FRANCE | N°11/01833

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4o chambre sociale, 22 février 2012, 11/01833


SD/ PDHCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER4o chambre sociale
ARRÊT DU 22 Février 2012

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01833
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 FEVRIER 2011 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE SETE No RG10/ 00093

APPELANTE :
SNC LIDL prise en la personne de son gérant en exercice domicilié ès qualité au siège social 35 rue Charles Péguy B ¨ 32 67039 STRASBOURG CEDEX 2 Représentant : Me BARBIER (avocats au barreau de MARSEILLE)

INTIMEE :
Madame Elvire X...... 34200 SETE Représent

ant : Me Sylvie BAR (avocat au barreau de BEZIERS)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des disp...

SD/ PDHCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER4o chambre sociale
ARRÊT DU 22 Février 2012

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01833
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 FEVRIER 2011 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE SETE No RG10/ 00093

APPELANTE :
SNC LIDL prise en la personne de son gérant en exercice domicilié ès qualité au siège social 35 rue Charles Péguy B ¨ 32 67039 STRASBOURG CEDEX 2 Représentant : Me BARBIER (avocats au barreau de MARSEILLE)

INTIMEE :
Madame Elvire X...... 34200 SETE Représentant : Me Sylvie BAR (avocat au barreau de BEZIERS)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 JANVIER 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre, chargé (e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre Monsieur Richard BOUGON, Conseiller Madame Gisèle BRESDIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* **
FAITS ET PROCEDURE
Elvire B... épouse X... a été embauchée le 31 août 1993 par la société MEIJAC en qualité d'employée de libre service.
Son contrat de travail a été transféré en 1999 à la société LIDL ; elle exerçait au sein du magasin de Frontignan.
Aprés convocation du 17 octobre 2007 à un entretien préalable (assortie d'une mise à pied conservatoire ayant pris " effet le 16 octobre 2007 à19h00 ") en vue de son éventuel licenciement, entretien fixé au 26 octobre 2007, madame X... a été licenciée par son employeur, la société LIDL (M. Y...) suivant lettre recommandée du 7 novembre 2007 rédigée comme suit :
" Nous faisons suite à l'entretien préalable du 26 octobre 2007, en direction régionale de Lunel, en présence de Messieurs Z..., responsable de réseau et Y..., adjoint responsable des ventes. Nous vous rappelons les faits reprochés :
Le jeudi 11 octobre 2007, vers 18H00, un client est passé à votre caisse pour vous régler l'achat de 6 boîtes de bière d'un montant total de 2, 15 €. Vous ne lui avez alors pas remis de ticket de caisse.
De même, le samedi 13 octobre 2007, vers 10h00, vous n'avez pas remis de ticket de caisse à un client passé à votre caisse pour régler l'achat d'une boîte de chewing-gums à 3, 55 €.
Ces deux clients nous ont signalé ne pas avoir reçu leur ticket, nous avons vérifié vos rouleaux de contrôle et il s'est avéré que leurs achats n'avaient pas été scannés. De plus, en cas d'erreur de manipulation, votre caisson aurait du laisser apparaître un écart positif d'environ 5, 70 €. Or aucun écart n'a été constaté, ce qui signifie que vous n'avez pas encaissé les règlements correspondant aux achats litigieux.
De plus, nous avons procédé à d'autres vérifications et avons constaté qu'à de nombreuses reprises, sur les mois d'août, septembre et octobre 2007, des articles scannés avaient été annulés.
Vous avez avoué avoir annulé ces articles pour récupérer l'argent donné par les clients.
L'ensemble de ces faits constitue un grave manquement à vos obligations contractuelles, puisqu'il découle de l'essence même de vos fonctions que tout achat doit être enregistré afin d'en encaisser le règlement.
En conséquence nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave..../... "
Par lettre recommandée du 14 novembre 2007, madame X... a écrit à la société LIDL (à l'attention de M. Y...) dans les termes suivants :
" J'accuse réception de votre courrier en recommandé du 07/ 11/ 2007 dans lequel vous me notifiez mon licenciement pour faute grave.
Je tiens toutefois à vous apporter les rectifications suivantes :
Lors de l'entretien préalable du 26/ 10/ 2007, en votre présence ainsi que celle de Monsieur Z... et de Madame A... Marie, déléguée du personnel, je vous ai fourni des explications qui ne figurent pas sur votre courrier.
En effet, lors de cet entretien, je ne vous ai en aucun cas avoué avoir annulé des articles pour récupérer l'argent donné par les clients et je vous ai fourni les explications suivantes :
Je vous ai informé que je ne supportais plus le fait de travailler dans ce magasin car la situation devenait impossible :
- insultes de clients n'acceptant pas les procédures de caisse-changements d'horaires : trop tôt le matin 7 heures, trop tard le soir 20h30 et jusqu'à 23h30 lors des inventaires-pression des supérieurs et les suspicions aux égards des caissières-tendinites et les sciatiques...
En outre je vous ai avoué être sous anti-dépresseurs, avoir moi-même ainsi que ma famille proche des problèmes de santé. A cause de tout cela, je voulais absolument être licenciée et ce, malgré le refus absolu de mon mari.
Je n'ai alors trouvé aucune autre solution que celle de créer des clients fictifs. Sachant que les caissières faisaient l'objet d'une surveillance rapprochée au niveau des rouleaux de caisse pour mauvais inventaires, j'ai donc à plusieurs reprises scanné des produits que j'ai ensuite annulés dans l'espoir que la direction s'en rende compte et me licencie. Ces manipulations se faisaient lorsqu'il n'y avait aucun client en caisse.
Donc, en aucun cas, je n'ai récupéré l'argent correspondant aux achats de clients comme vous l'indiquez dans votre courrier.
En outre, s'agissant des clients du 11 et 13/ 10/ 2007 mentionnés sur votre courrier, je vous rappelle que lors de l'entretien préalable, vous m'avez informé qu'il s'agissaient de clients mystères et si cela avait été réellement le cas, ces derniers m'aurait immédiatement reproché les faits et se seraient faits connaître pour preuve immédiate.../... "
Suite à la plainte déposée par la société LIDL, le tribunal correctionnel de Montpellier, par jugement du 1er octobre 2009 a relaxé Elvire B... (madame X...) des poursuites engagées à son encontre, à savoir : " avoir à Frontignan, de mai 2007 à octobre 2007 frauduleusement soustrait du numéraire au préjudice de LIDL " et débouté la société LIDL, partie civile, de sa demande de dommages et intérêts.
En cet état, madame B... épouse X... a saisi le conseil de prud'hommes de SETE pour, dans le dernier état de ses écritures devant cette juridiction, faire juger que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et obtenir la condamnation de la société LIDL à lui payer la somme de 815, 84 € au titre de la période de mise à pied conservatoire, celle de 1070, 80 € au titre du préavis, celle de 188, 66 € au titre des congés payés sur mise à pied et sur préavis, celle de 1070, 80 € au titre de la prime 13ème mois sur 2007, celle de 3658, 56 € au titre de l'indemnité de licenciement, celle de 6420 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 900 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 21 février 2011, la juridiction prud'homale saisie a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et fait droit à l'intégralité des demandes de la salariée telles que ci dessus reproduites.
Par lettre recommandée du 16 mars 2011, la société LIDL a régulièrement relevé appel de ce jugement qui lui a été notifié le 24 février 2011.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société appelante demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et subsidiairement de dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse excluant l'octroi de dommages et intérêts, sollicitant par ailleurs la condamnation de l'appelante aux dépens et au paiement d'une somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient en substance :
- que la faute grave est établie,- que les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en retenant que " dés lors la jurisprudence constante en la matière considère que si le motif invoqué dans la lettre de licenciement est une infraction pénale, la relaxe au pénal emporte, qu'elle qu'en soit la cause, inexactitude de ce motif et par la suite absence de cause réelle et sérieuse du licenciement " ; que la lettre de licenciement ne vise pas le vol mais des manquements graves et répétés de la salariée à ses obligations contractuelles du métier de caissière employée de libre service ; que l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose que sur ce qui a été jugé ;- qu'avant même les poursuites pénales, madame X... avait rétracté ses aveux sur le vol dans son courrier recommandé adressé à la société postérieurement à la lettre de licenciement, préparant ainsi sa défense devant la juridiction répressive, ayant intérêt à contester afin de mettre toutes les chances de son côté pour ne pas être condamnée pour vol ;- que dans ce courrier, la salariée intimée reconnaît expressément qu'elle commettait des fautes professionnelles dans le but délibéré de pousser l'employeur à la licencier ; que compte tenu de ces circonstances où la salariée reconnaît qu'elle a créé sur sa caisse de fausses manipulations dans le but d'être licenciée, il convient de reconnaître au moins qu'il y a cause réelle et sérieuse de licenciement.
La salairée intimée demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner la société appelante à lui payer la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens y compris les frais d'un constat d'huissier du 25 mai 2009.
Elle fait valoir essentiellement pour sa part que c'est à juste titre que les premiers juges ont, compte tenu des termes de la lettre de licenciement, et du jugement de relaxe prononcé par le tribunal correctionnel le 1er octobre 2009, considéré que son licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse, l'argumentation subsidiaire de l'employeur ne pouvant par ailleurs être retenue.
Pour un exposé complet des moyens et arguments des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites reprises oralement à l'audience. *

MOTIFS DE LA DECISION
L'autorité de la chose jugée au pénal s'impose au juge prud'homal relativement aux faits constatés qui constituent le soutien nécessaire de la condamnation pénale.
En l'espèce, il apparaît que les poursuites engagées à l'encontre de Mme X... sous la qualification pénale de vol suite à la plainte déposée par l'employeur, l'ont été en l'état d'une procédure d'enquête préliminaire contenant les pièces ci après se rapportant aux faits suivants :- une attestation de Franck C...qui indique que le 11 octobre 2007 il s'est rendu au magasin Lidl de Frontignan vers 17h45, qu'il a acheté un pack de 6 bouteilles de bière pour un prix de 2, 15 €, que lors de son passage en caisse, il a donné 2, 20 € à la caissière qui ne lui a remis ni ticket ni monnaie ;- une attestation de Mustafa D...qui indique que le 13 octobre 2007 vers 9h50, il est passée à la caisse de Mme X... pour acheter une boîte de chewingums de 3, 55 €, qu'il a donné l'appoint à la caissière et ne l'a pas vu scanner l'article, qu'il est parti et ne lui a pas donné le ticket de caisse ;- une attestation de Eric Y... (responsable des ventes adjoint) qui indique que le 16 octobre 2007, il s'est rendu sur le magasin de Frontignan afin de rencontrer Mme X... et a exposé à cette dernière les faits des 11 et 13 octobre 2007, que les deux clients (M. C...et Monsieur D...) l'ont alerté de ces faits, qu'il a demandé des explications à Mme X..., qu'àprès analyse du rouleau de contrôle, il s'avère que les articles n'ont pas été encaissés, qu'après étude des rouleaux de contrôles de Mme X... sur les précédentes semaines, il a constaté de nombreux cas d'articles scannés et immédiatement annulés par Madame X..., qu'en présence de M. Z..., responsable de réseau du magasin, Mme E..., chef caissière de magasin, Mme X... a avoué annuler régulièrement des articles sur la caisse pour détourner l'argent à des fins personnelles, que cette pratique a été exécutée à de nombreuses reprises et depuis plusieurs mois ;- une attestation de Sébastien Z..., responsable de réseau, qui indique que le 16 octobre 2007, il s'est rendu sur le magasin de Frontignan avec M. Y... afin de rencontrer Mme X... suite à des irrégularités d'encaissement constatées sur ses rouleaux de contrôle, qu'après avoir exposé deux exemples de clients ayant passé à sa caisse les 11 et 13 octobre et n'ayant pas eu de ticket de caisse, M. Y... a demandé des explications à Mme X..., q'une étude de ses rouleaux de contrôle a mis en évidence de nombreuses annulations de produits, juste après leur scannage, que suite à ce deuxième élément, Mme X... a avoué faire depuis quelques mois des annulations automatiques d'articles afin de conserver l'argent donné par les clients à des fins personnelles ;- une attestation de Mireille E..., chef caissière qui indique que Mme X... a reconnu avoir détourné de l'argent de sa caisse en effectuant des annulations à sa caisse afin d'empocher la différence d'argent ainsi effectué ;
Force est de constater que ces faits ainsi rapportés et dénoncés sont exactement les mêmes que ceux invoqués dans la lettre de licenciement et qualifiés par l'employeur de " manquements à ses obligations contractuelles " pour justifier la faute grave de sa salariée ; au demeurant les pièces produites par l'employeur dans le cadre de l'instance prud'homale sont les seules et mêmes pièces que celles ayant entraîné des poursuites pénales à l'encontre de la salariée.
Mme X... a été relaxé des fins de la poursuite par jugement définitif du tribunal correctionnel de Montpellier en date du 1er octobre 2009.
Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu qu'en vertu du principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur l'action portée devant la juridiction civile, le licenciement fondé sur les mêmes faits ayant donné lieu à une décision de relaxe était dénué de cause réelle et sérieuse.
En cet état, c'est à bon droit qu'il a été alloué à la salarié un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire injustifiée, une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés sur rappel de salaire et préavis, une indemnité de licenciement, la prime de 13ème mois et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dont les montants, non discutés par les parties, ont été exactement chiffrés.
Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a ordonné le remboursement par la société LIDL aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de 6 mois d'indemnités, la salariée ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement plus de 10 salariés.
Eu égard à la solution apportée au règlement du présent litige, les dépens d'appel seront supportés par la société LIDL laquelle devra en outre verser à l'intimée la somme supplémentaire de 1000 € au titre des frais non inclus dans les dépens que l'intéressée a pu exposer en cause d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré
Condamne la société LIDL aux dépens d'appel et à payer à l'intimée la somme supplémentaire de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4o chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/01833
Date de la décision : 22/02/2012
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Analyses

pourvoi P1217954 Sté LIDL


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2012-02-22;11.01833 ?
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