La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/12/2011 | FRANCE | N°10/06737

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1o chambre section ao1, 08 décembre 2011, 10/06737


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section AO1
ARRET DU 08 DECEMBRE 2011
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 06737
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 JUIN 2010 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE No RG 0801378

APPELANTE :
Madame Francine X... épouse Y... née le 20 Juin 1950 à NARBONNE... 83330 EVENOS représentée par la SCP Yves et Yann GARRIGUE, avoués à la Cour assistée de la SELARL SELARL CLEMENT MALBEC CONQUET, avocats au barreau de NARBONNE substituée par Me CONQUET, avocat

INTIMES :
Madame Renée Z...

épouse A... née le 18 Avril 1947 à SALLELES D'AUDE (11590)... 11100 NARBONNE représentée par la ...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section AO1
ARRET DU 08 DECEMBRE 2011
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 06737
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 JUIN 2010 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE No RG 0801378

APPELANTE :
Madame Francine X... épouse Y... née le 20 Juin 1950 à NARBONNE... 83330 EVENOS représentée par la SCP Yves et Yann GARRIGUE, avoués à la Cour assistée de la SELARL SELARL CLEMENT MALBEC CONQUET, avocats au barreau de NARBONNE substituée par Me CONQUET, avocat

INTIMES :
Madame Renée Z... épouse A... née le 18 Avril 1947 à SALLELES D'AUDE (11590)... 11100 NARBONNE représentée par la SCP Jean-Louis SALVIGNOL-Chantal SALVIGNOL GUILHEM, avoués à la Cour assistée de Me Christian GUILHEM, avocat au barreau de NARBONNE

Madame Eugénie B... veuve C... née le 12 Juin 1926 à NARBONNE de nationalité Française... 11100 NARBONNE représentée par la SCP AUCHE HEDOU AUCHE AUCHE, avoués à la Cour assistée de la SCP BLANQUER/ GIRARD/ BASILE JAUVIN/ CROIZIER/ CHARPY, avocats au barreau de NARBONNE substituée par Me CHARPY, avocat

Monsieur René C... né le 15 Février 1948 à NARBONNE de nationalité Française... 11430 GRUISSAN représenté par la SCP AUCHE HEDOU AUCHE AUCHE, avoués à la Cour assisté de la SCP BLANQUER/ GIRARD/ BASILE JAUVIN/ CROIZIER/ CHARPY, avocats au barreau de NARBONNE substituée par Me CHARPY avocat

Monsieur Robert C... né le 29 Mai 1953 à NARBONNE... 11110 COURSAN représenté par la SCP AUCHE HEDOU AUCHE AUCHE, avoués à la Cour assisté de la SCP BLANQUER/ GIRARD/ BASILE JAUVIN/ CROIZIER/ CHARPY, avocats au barreau de NARBONNE substituée par Me CHARPY, avocat

Madame Annie D... veuve C...... 11310 SAISSAC assignée à sa personne le 16 février 2011

Monsieur Damien C...... 11310 SAISSAC assigné à sa personne le 16 février 2011

Monsieur Romain C...... 11310 SAISSAC assigné (retour étude) le 16 février 2011

Monsieur Sébastien C...... 11310 SAISSAC assigné à sa personne le 16 février 2011

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 26 Octobre 2011
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 NOVEMBRE 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne BESSON, Président de Chambre, chargé du rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Anne BESSON, Président de Chambre Monsieur Luc SARRAZIN, Conseiller Madame Sylvie CASTANIE, Conseiller

Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL
ARRET :
- de défaut.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ;
- signé par Madame Anne BESSON, Président de Chambre, et par Mme Marie-Françoise COMTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Vu le jugement rendu le 24 juin 2010 par le Tribunal de Grande Instance de NARBONNE qui a dit que la parcelle sise à NARBONNE, cadastrée Section AV no 186, appartenant à Francine X... épouse Y... n'est pas enclavée et qu'elle ne bénéficie d'aucune servitude conventionnelle et l'a déboutée en conséquence
de toutes ses demandes ; débouté René Z... épouse A..., Eugénie B... veuve C..., Damien C..., Romain C... et Sébastien C... de leurs demandes de dommages intérêts ; dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et condamné Francine Y... aux dépens qui comprendront le coût de l'instance en référé et de l'expertise judiciaire ;
Vu l'appel régulièrement interjeté par Francine X... épouse Y... et ses conclusions du 6 décembre 2010 tendant à dire au principal que l'issue manifestement insuffisante de son fonds sur la voie publique l'autorise à revendiquer une servitude de passage sur l'impasse Barbès (Art 682 du Code Civil) ; subsidiairement, qu'elle établit l'existence d'une servitude de passage par titre, l'AA du 1. 03. 1866 régulièrement publié (Art 690 du Code Civil) ; très subsidiairement, dire qu'une servitude de cour commune (continue et apparente) a été instaurée par l'AA du 1. 03. 1866 dont le droit de passage revendiqué n'est qu'un démembrement lequel constitue manifestement une servitude par destination du père de famille valant titre (Art 692 du Code Civil) ; infiniment subsidiairement, que l'établissement de la servitude de passage composante de la servitude plus large de « cour commune » (servitude continue et apparente) est acquise par possession de plus de trente ans (Art 690 du Code Civil) ; ordonner en conséquence à Mme A... et en tant que de besoin aux consorts C... le respect de la servitude de passage, la remise des lieux en leur état antérieur et la publication et la transcription de l'arrêt à la conservation des hypothèques aux frais des requis solidairement ; les condamner à libérer l'accès faisant l'objet du droit de passage sous astreinte de 1. 000 € par infraction constatée ; les condamner solidairement à lui verser la somme de 10 000 € pour résistance abusive ainsi qu'à 5 000 € au titre de l'Art 700 du Code de Procédure Civile, aux dépens d'expertise, d'instance et d'appel ;
Vu les conclusions notifiées le 26 juillet 2011 par Renée Z... épouse A... tendant, vu les articles 682, 683, 688, 689, 691, 1356 du code civil et 564 du code de procédure civile ;
- à juger irrecevable toute revendication de servitude de cour commune comme étant nouvelle en cause d'appel ; juger irrecevable toute revendication de servitude de passage « sur l'impasse BARBES » comme nouvelle en cause d'appel puisqu'en première instance il était demandé par Mme Y... de « dire et juger que l'assiette de la servitude est de 7 mètres de large » ; dire et juger que la servitude de passage revendiquée par Mme Y... ne peut avoir été acquise par prescription tenant son caractère discontinu et non apparent, que son immeuble n'est pas enclavé ; qu'elle a avoué judiciairement l'absence de servitude de passage conventionnelle et que cet aveu est irrévocable ; dire et juger, si par impossible Mme Y... venait à prouver que les parcelles issues de la division foncière de 1866 sont bien celles actuellement propriété d'elle-même, de Mme A... et des consorts C..., que l'acte de vente du 1er mars 1866 ne contient pas la création d'une servitude de passage entre les fonds litigieux mais de simples obligations entre acquéreurs qui ne suivent donc pas le fonds ; à défaut constater l'absence de mention d'une servitude de passage au profit du fonds Y... tant dans le titre de propriété de Mme A... du 12 septembre 1997 que dans celui de Mme Y... du 27 février 2003 ; constater l'absence de preuve de la publication de la prétendue servitude alors qu'une telle publication est imposée par les articles 28-1, 29 du décret no 55-22 du 4 janvier 1955 ou antérieurement les articles 2 et 3 de la loi du 23 mars 1855 ; en conséquence dire et juger que cette prétendue servitude est en toute hypothèse inopposable aux acquéreurs successifs de la parcelle cadastrée AW no187 et notamment à Mme A... ; qu'il n'y a pas de titre recognitif de servitude au profit du fonds Y... ; qu'il n'y a pas au profit du fonds Y... de servitude de passage par destination du père de famille ; en conséquence débouter Mme Y... de l'intégralité de ses demandes ;
- subsidiairement, si par impossible la Cour faisait droit à la demande de servitude de passage sur le fonds A..., juger irrecevable la demande de remise des lieux en leur état antérieur comme nouvelle en cause d'appel puisqu'en première instance Mme Y... ne demandait que la suppression du portail et non du portail et de la clôture ; en toute hypothèse, vu les articles 32-1 du Code de Procédure Civile et 1382 du code civil, dire et juger que la demande de suppression du portail est non seulement infondée en droit et en fait mais aussi abusive ; en conséquence condamner Mme Y... à payer 1750 euros en réparation de son préjudice moral et 3000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise ;
Vu les conclusions notifiées le 12 mai 2011 par les consorts C..., tendant à débouter Madame Y... de toutes ses demandes, confirmer le jugement dans toutes ses dispositions et la condamner au paiement de la somme de 2. 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
MOTIVATION
Sur le moyen fondé sur l'existence d'une servitude légale
Si l'article 682 du Code Civil permet au propriétaire dont le fonds est enclavé et n'a sur la voie publique aucune issue ou une issue insuffisante de réclamer sur ceux de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète du sien, cette faculté, qui constitue une limitation au droit de propriété des tiers, est réservée par ce texte à celui qui est dans l'impossibilité d'utiliser son fonds de manière normale et conforme à sa destination objective, ce qui exclut toute convenance personnelle ou seule commodité de son propriétaire.
En l'espèce, ainsi que le premier juge l'observe, l'immeuble appartenant à Francine Y... présente toute une façade sur la rue de Dijon avec accès direct par un portail d'une largeur de 2, 25 mètres, reconnu comme l'expert comme une entrée possible, même s'il ne s'agit pas de l'entrée principale.
Aucun élément objectif ne permet d'affirmer que cet accès ne permet pas une utilisation normale et suffisante de son fonds, et ce même si sa distribution intérieure a été orientée par les auteurs de Madame Y... vers l'impasse Barbès.
De même elle ne démontre pas qu'elle devrait réaliser des aménagements internes d'un coût considérable et hors de proportion avec la valeur de l'immeuble.
Par ailleurs, et alors que l'enclave ne peut avoir pour origine un fait volontaire, les pièces produites établissent que par convenance personnelle, ses auteurs ont muré un passage voûté large de plus de 3 mètres qui reliait la remise donnant rue de Dijon à l'impasse Barbès.
Dès lors c'est à bon droit que le premier juge a retenu que le fonds n'était pas enclavé.
Sur le moyen fondé sur l'existence d'une servitude conventionnelle
Il résulte d'un acte notarié du ler mars 1866 qu'à l'origine les trois parcelles litigieuses anciennement cadastrées AW 188 (C...), AW 187 (A...) et AW 186 (Y...) formaient un seul fonds, sans que l'on sache exactement à quel moment il a été divisé.
Cet acte fait apparaître in fine qu'avant les signatures, les acquéreurs ont convenu de laisser un passage de 4 m tout le long de leurs 3 portions afin de servir de passage commun à tous les trois, passage qui devrait toujours rester libre. Ce faisant, ils ont manifestement entendu instaurer une servitude de passage d'une largeur de 4 mètres sur l'impasse Barbès.
Toutefois, les servitudes établies par le fait de l'homme ne sont opposables aux acquéreurs de l'immeuble grevé que si elles sont mentionnées dans leur titre de propriété ou si elles font l'objet de publicité foncière.
Or force est de constater avec le premier juge que cette servitude ne figure ni dans les titres de Renée A... ni dans ceux des consorts C... et qu'elle a disparu des actes en 1918 et 1920, tandis que par ailleurs elle n'a jamais été publiée à la Conservation des Hypothèques. Par voie de conséquence, elle leur est inopposable.
Certes, aux termes de l'article 695 du Code Civil, le titre constitutif de la servitude, à l'égard de celles qui ne peuvent s'acquérir par la prescription, peut être remplacé par un titre récognitif de la servitude et émané du propriétaire du fonds asservi. Mais en l'espèce l'acte dont Madame Y... se prévaut ne peut être qualifié de « recognitif » dans la mesure où il ne reconnaît que l'existence d'une servitude au profit du seul fonds A... et non du sien et ne peut en aucun cas être considéré comme la « réminiscence » d'un titre constitutif ainsi qu'elle le soutient.
Madame Y... ne peut donc se prévaloir d'aucun titre.
Sur les moyens tirés de l'existence d'une servitude de cour commune par destination du père de famille et de la prescription trentenaire
Il ne s'agit pas d'une demande nouvelle prohibée par l'article 564 du Code de Procédure Civile mais d'un moyen nouveau au sens de l'article 563, tendant comme en première instance à la reconnaissance d'un droit de passage. Dès lors rien n'interdit à Madame Y... de l'invoquer en cause d'appel et il convient d'examiner le bien fondé de ce moyen.
En premier lieu, il résulte des articles 691 et 692 du Code Civil que la servitude de cour commune, qui est une servitude non aedificandi, ne peut s'établir que par titre et non par la destination du père de famille, laquelle en effet ne vaut titre que pour les servitudes continues et apparentes. Par ailleurs, de même que pour la servitude de passage, la possession, même immémoriale, ne suffit pas pour l'acquérir.
En d'autres termes, faute de titre, Madame Y... ne peut invoquer la prescription acquisitive ou la servitude par destination du père de famille pour établir une servitude qui n'est ni continue ni apparente. En second lieu, il n'y a destination du père de famille au sens de l'article 693 que lorsqu'il est prouvé que c'est l'auteur commun des fonds qui a mis les choses en l'état avant la division.

Or en l'espèce, la division était déjà acquise lors de la signature de l'acte du 1er mars 1866 et ce sont les trois acquéreurs du fonds qui ont décidé de laisser un passage et non leur auteur commun. Il ne peut donc y avoir servitude par destination du père de famille.
Aucun des moyens articulés par Francine Y... ne pouvant être en définitive retenu, le rejet de sa demande de reconnaissance d'un droit de passage sur les fonds de Renée A... et des consorts C... doit être en conséquence confirmé.
S'il n'est pas démontré que l'appelante a agi dans l'intention de nuire, de mauvaise foi ou avec une légèreté assimilable au dol, seuls éléments de nature à caractériser un abus dans l'exercice de la procédure, elle devra en revanche indemniser en équité les intimés des frais non compris dans les dépens qu'ils ont été contraints d'exposer du fait de son appel injustifié.
P A R C E S M O T I F S
Confirme le jugement déféré.
Y ajoutant :
Condamne Francine Y... aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile, et à payer à Renée A... d'une part, aux consorts C... d'autre part la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du même code.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
AB


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1o chambre section ao1
Numéro d'arrêt : 10/06737
Date de la décision : 08/12/2011

Analyses

il résulte des articles 691 et 692 du code civil que la servitude de cour commune qui est une servitude non aedicandi, discontinue et non apparente, ne peut s'établir que par titre et non pas par destination en bon père de famille laquelle en effet, ne vaut titre que pour les servitudes continues et apparentes


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Narbonne, 24 juin 2011


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2011-12-08;10.06737 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award