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30/11/2011 | FRANCE | N°10/09256

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre sociale, 30 novembre 2011, 10/09256


DV/ SD/ PDHCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER4o chambre sociale

ARRÊT DU 30 Novembre 2011

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 09256

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 SEPTEMBRE 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER
No RG10/ 00063

APPELANT :

Monsieur Henri X...
...
...
QC J6E 8W9 QUEBEC
Représentant : Me Claire GROUSSARD (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :

SARL MICROPOLYS SUD MULTIMEDIA
prise en la personne de son représentant légal M. AST

EZAN, gérant
9 rue de la Lucque
ZA La Garrigue
34725 SAINT ANDRE DE SANGONIS
Représentant : Me Philippe ANAHORY (avocat au ...

DV/ SD/ PDHCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER4o chambre sociale

ARRÊT DU 30 Novembre 2011

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 09256

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 SEPTEMBRE 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER
No RG10/ 00063

APPELANT :

Monsieur Henri X...
...
...
QC J6E 8W9 QUEBEC
Représentant : Me Claire GROUSSARD (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :

SARL MICROPOLYS SUD MULTIMEDIA
prise en la personne de son représentant légal M. ASTEZAN, gérant
9 rue de la Lucque
ZA La Garrigue
34725 SAINT ANDRE DE SANGONIS
Représentant : Me Philippe ANAHORY (avocat au barreau de MONTPELLIER)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 OCTOBRE 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller
Mme Françoise CARRACHA, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Dominique VALLIER

ARRÊT :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;

- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*
**

FAITS ET PROCEDURE

Henri X... qui a le statut de travailleur handicapé reconnu par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées pour la période du 1er octobre 2006 au 1er juin 2011 suivant décision du 15 mars 2007, a été embauché par la SARL Micropolys Sud Multimedia en qualité de technico-commercial, niveau IV coefficient 220 avec mission de fidéliser la clientèle existante, de prospecter et démarcher de nouveaux clients potentiels et de développer l'activité de l'entreprise, moyennant un salaire fixe de 1350 € net et une partie variable, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 14 septembre 2007 à effet au 24 septembre 2007.

La convention collective applicable dans l'entreprise est la convention collective nationale des commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique et de librairie du 15 décembre 1988, étendue par arrêté du 14 décembre 1989.

Il a été victime le 5 février 2009 d'un accident dont le caractère professionnel a été reconnu par l'organisme social et s'est trouvé en arrêt de travail pour accident du travail à compter du 7 février 2009 et jusqu'au 31 juillet 2009.

Le 3 août 2009, les parties ont signé une " convention de rupture d'un CDI d'un salarié non protégé " dont la demande d'homologation réceptionnée le 12 octobre 2009 a été rejetée le 13 octobre 2009 par le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de l'Hérault.

Le 31 août 2009, les parties ont signé une convention de rupture conventionnelle dont la demande d'homologation réceptionnée le 2 novembre 2009 a été rejetée le 4 novembre 2009 par le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de l'Hérault.

Au mois de janvier 2010, monsieur X... a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier pour dans le dernier état de ses conclusions devant cette juridiction :
- voir condamner l'employeur à lui payer la somme de 1567, 99 € au titre des primes pour les mois de décembre 2008 et janvier 2009,
- voir condamner l'employeur à lui délivrer un bulletin de paie rectifié pour janvier 2009 prenant en compte les primes dues,
- voir condamner l'employeur à lui verser la somme de 2693, 22 € correspondant à l'indemnité complémentaire due au titre de l'article 3-14 de la convention collective applicable,
- voir constater que l'employeur a gravement manqué à ses obligations contractuelles et conventionnelles,
- voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur,
- voir dire et juger que cette résolution s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- voir condamner l'employeur à lui payer avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir les sommes de 566, 56 € brut à titre d'indemnité de licenciement, 4531, 70 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, 27 503, 10 € brut au titre de l'article 1226-15 du code du travail, 13 751, 55 € brut à titre de dommages et intérêts, et 2693, 22 € brut au titre des indemnités journalières faisant suite à l'accident du travail,
- voir condamner l'employeur à lui payer les salaires dus du mois d'août 2009 jusqu'à la date de résolution du contrat de travail avec intérêt légal à compter du jugement à intervenir,
- voir condamner l'employeur à produire sous astreinte les bulletins de salaire pour les mois de février 2009 jusqu'à la date de résolution du contrat de travail,
- voir condamner l'employeur au paiement d'une somme de 1500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par jugement du 8 septembre 2010, la juridiction saisie a statué comme suit :
Dit qu'il ne fait pas fait droit à la demande de résolution judiciaire de son contrat de travail par monsieur Henri X...,
Déclare que le contrat de travail liant les parties doit se poursuivre et produire tous ses effets,
Déboute monsieur Henri X... de toutes ses demandes,
Déboute la SARL Micropolis Sud Multimedia
Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, faute de justifications et frais exposés au Conseil,
Laisse les dépens à la charge des parties pour le montant qu'elles auront engagées pour elles-mêmes.

Par acte déposé et enregistré au greffe de la cour le 26 novembre 2010, Henri X... a relevé appel de ce jugement dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il lui a été notifié.

Par courrier recommandé daté du 28 novembre 2010, Henri X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur en invoquant la non régularisation de ses salaires des mois de décembre 2008 et janvier 2009, la suppression des moyens nécessaires à l'exercice de sa profession dés son accident de travail et le non respect de l'obligation d'organiser une visite médicale de reprise à la fin de son arrêt de travail.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L'appelant demande à la cour de déclarer son appel recevable, d'infirmer le jugement déféré de débouter la SARL intimée de ses fins, prétentions et demandes et de :
- condamner l'employeur à lui payer la somme de 1567, 90 € net au titre des primes pour les mois de décembre 2008 et janvier 2009,
- condamner l'employeur à lui délivrer un bulletin de paie rectifié pour janvier 2009 prenant en compte les primes dues,
- condamner l'employeur à lui verser la somme de 172, 65 € correspondant à l'indemnité complémentaire due au titre de l'article 3-14 de la convention collective applicable,
- constater que l'employeur a gravement manqué à ses obligations contractuelles et conventionnelles,
- constater la prise d'acte de la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié aux torts de l'employeur en date du 17 décembre 2010,
- dire et juger que cette prise d'acte s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner l'employeur à lui payer avec intérêts au taux légal à compter du jugement les sommes de 1397, 27 € brut à titre d'indemnité de licenciement (calcul au 10 janvier 2011), 4531, 70 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, 27427, 80 € brut au titre de l'article 1226-15 du code du travail, 13 595, 10 € brut au titre de l'article L 1235-3 du code du travail, et 36 253, 60 € brut au titre des arriérés de salaire depuis le 1er août 2009 jusqu'à la prise d'acte de la rupture,
- condamner l'employeur à produire sous astreinte les bulletins de salaire pour les mois de février 2009 jusqu'à la date de " résolution du contrat ",
- condamner l'employeur aux entiers dépens et à lui payer la somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir en substance :

- que sa déclaration d'appel est recevable au regard des dispositions des articles 114 et 115 du code de procédure civile et de la jurisprudence ;
- que les deux conventions de rupture adressées à la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle n'ayant pas été homologuées, elles n'ont aucune valeur juridique et ne peuvent être prises en compte ; qu'il aurait du être réintégré dans les effectifs de l'entreprise à compter du 1er août 2009, date de fin de son arrêt de travail pour accident du travail ; que l'employeur n'est pas fondée à soutenir que la convention de rupture signée le 3 août 2009, même non homologuée, produit des effets juridiques et s'analyse comme une rupture négociée telle que la jurisprudence en avait admis la validité avant la loi du 25 juin 2008 ;
- que durant la période antérieure à son arrêt de travail consécutif à un accident du travail, l'employeur a manqué à ses obligations en ne lui versant pas les primes pour le mois de décembre 2008 et celui de janvier 2009 alors que cela était prévu au contrat et que son calcul procédait de l'usage ;
- que durant la période pendant laquelle il se trouvait en arrêt de travail pour accident du travail, l'employeur a manqué à ses obligations en ne lui versant pas l'indemnité complémentaire prévue par les dispositions de la convention collective applicable ;
- que postérieurement à son arrêt de travail, l'employeur a également manqué à ses obligations d'une part en s'abstenant de lui faire passer une visite médicale de reprise dans le délai de 8 jours suivant la fin de son arrêt de travail, d'autre part en ne lui fournissant pas de travail (l'employeur lui ayant demandé dés le 16 mars 2009 de restituer les outils de travail) et en de lui versant pas ses salaires ;
- qu'en l'état de ces manquements, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- que tenant le fait qu'il a perçu en moyenne, les 12 mois précédant son arrêt de travail, la somme de 2265, 85 € brut, l'employeur doit être condamné à lui payer la somme de 1397, 27 € brut au titre de l'indemnité de licenciement et celle de 4531, 70 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents conformément aux articles L1234-9 du code du travail et 3-7 de la convention collective applicable, ainsi que la somme de 13 595, 10 € brut au titre de l'indemnité prévue à l'article L 1235-3 du code du travail ;
- que la rupture fait suite à un accident du travail sans qu'il ait été organisé sa réintégration et la visite de reprise ; que cette situation est discriminatoire à l'égard de son état de santé ; qu'il n'a pu bénéficier de reconversion ou de formation professionnelle adaptée à son statut de travailleur handicapé ; qu'en réalité, depuis son arrêt de travail pour accident du travail l'employeur ne souhaitait pas qu'il réintègre les effectifs lui ayant demandé dès mars 2009 de restituer le matériel indispensable à la réalisation du travail ; que la société doit donc être condamnée à lui payer la somme de 27 427, 80 € brut au titre de l'article L 1226-15 du code du travail ;
- que par ailleurs, l'employeur doit être condamné à lui payer les arriérés de salaire du 1er août 2009, date à laquelle il aurait du reprendre son travail et jusqu'à la prise d'acte soit le 17 décembre 2010 ;
- qu'enfin, les bulletins de paie remis par l'employeur pour la période de mars à juillet 2009 sont irréguliers, en ce qu'ils ne comportent pas les indemnités journalières à hauteur de 90 % pour les 30 premiers jours et à hauteur de 66 % pour les jours suivants.

La société intimée demande à la cour de déclarer l'appel irrecevable en la forme ; sur le fond, elle demande à la cour à titre principal d'infirmer le jugement déféré, de donner acte de la volonté mutuelle des parties de rompre le contrat de travail au 3 août 2009, à titre subsidiaire de confirmer le jugement déféré à la date où il a été rendu, dans l'hypothèse où la cour considérerait que " la transaction est nulle et de nul effet ", de constater que le contrat de travail continue à produire effet, de constater l'absence de travail du salarié à compter du 3 août 2009 et le fait que ce dernier ne s'est pas tenu à la disposition de l'employeur depuis cette date, de débouter l'appelant de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail et au licenciement, à titre plus subsidiaire, la prise d'acte étant postérieure à la déclaration d'appel, de constater la démission du salarié, de le débouter de ses autres demandes, sollicitant l'allocation d'une somme de 1500 € à titre de dommages et intérêts et de celle de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que la condamnation de l'appelant aux dépens.

Elle fait valoir essentiellement pour sa part :
- que selon les dispositions de l'article 901 du code de procédure civile la déclaration d'appel doit être faite, à peine de nullité, par acte contenant les mentions prescrites à l'article 58 lequel que l'acte contient à peine de nullité, pour les personnes physiques, notamment le domicile du demandeur ; qu'en l'espèce l'acte d'appel déposé le 26 novembre 2010 mentionne une adresse inexacte de l'appelant ; que le grief existe en ce que l'intimée a le droit de connaître le domicile de son contradicteur afin de pouvoir lui délivrer, par exemple, des actes d'exécution, que cette adresse lui est nécessaire pour indiquer à la cour que l'appelant travaille depuis l'origine du conflit et a un rythme de vie ne correspondant pas à ce qu'il déclare depuis plus de deux ans et que cette adresse lui permettrait également, à la suite de recherches complémentaires, de compléter la demande de démission et de monter encore plus la réelle intention du salarié de quitter l'entreprise ;
- que le rejet à deux reprises par la DDTEFP de la demande d'homologation de la convention de rupture résulte de vices de forme ; que les parties avaient trouvé un accord tant sur le principe que sur les modalités de la rupture ; que le salarié et l'employeur ont manifesté clairement et de manière non équivoque leur volonté de mettre fin au contrat de travail et que l'inachèvement de ce départ négocié n'est le fruit ni de la rétractation des parties ni celui d'une cause légitime de nullité ; que l'homologation par la DDTEFP n'a pour objet que de s'assurer de la libre volonté des parties, laquelle en l'espèce est non équivoque, le salarié ayant transmis lui même et à deux reprises à l'administration la demande d'homologation à l'issue du délai de rétractation ; que compte tenu de la volonté expresse des parties, il convient de prononcer la résolution judiciaire du contrat en l'état de l'accord total et renouvelé de la rupture du contrat.
- que le salarié ne peut lui reprocher l'absence de fourniture de moyens nécessaires à l'exercice de sa profession, dans la mesure où l'intéressé n'est jamais revenu travailler et n'a jamais exécuté à nouveau sa prestation de travail ;
- que de même, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir organiser une visite médicale de reprise, le salarié n'étant jamais revenu travailler, d'autant que le jour prévu pour la reprise était le 3 août 2009, soit le jour même de la réunion pour la transaction ;
- que l'absence de régularisation des salaires de décembre 2008 et janvier 2009 est une question qui faisait l'objet de l'accord trouvé entre les parties pour la rupture conventionnelle, et le problème était connu depuis le mois de janvier, soit presque deux ans avant que le salarié ne prenne acte de la rupture ;
- que l'employeur n'a jamais souhaité rompre unilatéralement le contrat de travail ; qu'à l'inverse, le salarié a manifesté sa volonté de rompre conventionnellement le contrat et a cessé d'exécuter toute obligation à l'égard de son employeur ce qui équivaut à une démission ; que le salarié qui négociait la rupture de son contrat de travail ne peut de bonne foi présenter les faits qu'il invoque comme des manquements de l'employeur ;
- que l'appelant n'est pas fondé à réclamer le paiement de salaire depuis le mois d'août 2009, alors qu'il n'a jamais repris le travail et ne s'est plus tenu à la disposition de son employeur ; que la reprise de son matériel de travail en mars 2009 n'était que temporaire afin de pourvoir au remplacement du salarié qui était en arrêt de travail depuis près d'un mois et dont l'état de santé n'en laissait pas présager son retour dans l'entreprise avant un certain temps ;
- que les commissions réclamées ne sont pas dues, en l'état des tableaux incohérents et mensongers produites par l'appelant qui a tenté de profiter de la confiance que lui portait son employeur pour tenter de percevoir des commissions, pratique qui doit être sanctionnée par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 1500 € pour le préjudice subi ;
- que le salarié ne remplit pas les conditions prévues par la convention collective pour percevoir l'indemnisation complémentaire.

Pour un exposé complet des moyens et arguments des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites qu'elles reprises oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DECISION

sur la recevabilité de l'appel

La société intimée soutient que l'appel est irrecevable au motif que l'adresse de l'appelant figurant dans la déclaration d'appel du 26 novembre 2010 est inexacte.

Force est de constater toutefois que l'appelant justifie qu'à cette date, il était encore domicilié... (état des lieux de sortie du 30 décembre 2010 de l'appartement qu'il occupait à cette adresse).

Par suite, l'appel est recevable.

sur le fond

Les dispositions des articles L 1237-11 à L 1237-16 relatives à la du code du travail relatives à la rupture conventionnelle forment un tout ; en cas de non homologation de la convention de rupture par l'autorité administrative, cette convention qui perd ainsi sa validité, ne peut produire aucun effet de sorte que l'employeur n'est pas fondé à s'en prévaloir pour soutenir que les parties ont manifesté leur volonté de mettre fin au contrat.

La prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant. Il appartient alors au juge de se prononcer sur la seule prise d'acte et de fonder sa décision au regard des manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte.

En application des dispositions des articles L 1226-7 et R 4624-21 et 22 du code du travail, le contrat de travail d'un salarié victime d'un accident du travail est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident et en l'absence de visite médicale de reprise par le médecin du travail, le contrat de travail se trouve toujours suspendu ; la rupture du contrat des relations contractuelles en période de suspension du contrat de travail est nul en application des dispositions des articles L 1226-9 et L 1226-13 du code du travail.

1. les " primes " des mois de décembre 2008 et janvier 2009

Le contrat de travail stipule que les salarié percevra, outre son salaire fixe de 1350 € net par mois, " 10 % de la marge dégagée par le chiffre d'affaire qu'il aura réalisé au cours du mois à la condition que cette marge soit supérieure à 4700 € mensuel, cet intéressement ne sera rémunéré qu'après règlement des factures concernées par la réalisation du chiffre d'affaire du salarié ".

Le salarié réclame les commissions pour le mois de décembre 2008 à hauteur de 1062, 47 € et pour le mois de janvier 2009 à hauteur de 505, 43 € en faisant valoir que la marge qu'il a dégagée pour le premier mois s'élève à 10 624, 70 € et celle dégagée pour le second mois à 5054, 33 €.

Or force est de constater que le tableau produit par le salarié pour parvenir à une marge de 10 624, 47 € pour le mois de décembre 2008 prend en compte au titre du chiffre d'affaire réalisé au cours du mois concerné, des prestations facturées non pas au mois de décembre 2008 mais au mois de novembre 2008, de sorte que la marge dégagée ne correspond pas à celle sur la base de laquelle une commission de 10 % pouvait lui être octroyée, mais est inférieure à 4700 € seuil de déclenchement de la commission.

Il en est de même du tableau établi pour le mois de janvier 2009 en ce qui concerne la marge de 5054, 33 € pour ce mois, laquelle en se fondant sur le chiffre d'affaire réalisé au cours du seul mois de janvier est inférieure à 4700 €, compte tenu des factures produites, dont certaines sont en date de février, mars et avril 2009.

Les pièces produites par l'appelant n'établissent pas que depuis le début de la relation de travail, les commissions étaient versées même si les factures n'étaient pas réglées.

Par ailleurs, s'il a pu être envisagé de régler la commission du mois de décembre 2008, cette possibilité s'inscrivait dans le cadre de la convention de rupture qui n'a pas été homologuée.

Par suite, le salarié est mal fondé dans cette demande et c'est à juste titre que les premiers juges ont implicitement mais nécessairement rejetée ce chef de prétention.

Pour autant, la demande de dommages et intérêts de la société intimée qui affirme avoir " très certainement versé des commissions indues " et prétend qu'il " n'est plus possible de (les) recalculer " ne peut prospérer, faute de justifier d'un préjudice et c'est à juste titre que cette demande reconventionnelle a été rejetée par le premier juge.

2. le complément d'indemnités journalières

Selon l'article 3. 13. 2 de la convention collective applicable, " sous réserve d'avoir justifié dans les deux jours ouvrables de l'incapacité (résultant de la maladie ou de l'accident) par l'envoi d'un certificat médical, d'être prise en charge par la sécurité sociale au titre des indemnités journalières et d'être soignés dans l'un des Etats membres de la Communauté Européenne, les salariés bénéficient d'indemnités complémentaires à celles de la sécurité sociale et des régimes complémentaires de prévoyance dans les conditions suivantes : après deux ans de présence dans l'entreprise, ils reçoivent pendant trente jours à partir du onzième jour d'arrêt 90p. 100 de la rémunération brute qu'ils auraient gagnée s'ils avaient continué à travailler, puis 66p. 100 de cette rémunération pendant les trente jours suivants. "

L'article 3. 14 de la dite convention collective précise : " en cas d'accident du trajet ou de trajet reconnu comme tel par la sécurité sociale, la condition d'ancienneté prévue à l'article 3. 13. 2 est écartée. Lors de chaque arrêt de travail pour les motifs ci-dessus, les délais d'indemnisation commenceront à courir à compter du premier jour d'absence ".

En l'espèce, le salarié qui justifie avoir été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier, suite à son accident du 5 février 2009 reconnu d'origine professionnel, à compter du 7 février 2009 premier jour d'arrêt de travail consécutif à cet accident, établi également avoir adressé à l'employeur l'arrêt de travail initial en date du 7 février 2009 que l'employeur indique lui même dans ses écritures avoir reçu le 9 février 2009, étant observé que les 7 et 8 février 2009 étaient respectivement un samedi et un dimanche.

Par suite, l'employeur était tenu de verser le complément de salaire prévu par la convention collective ce qu'il n'a pas fait, de sorte que contrairement à ce que les premiers juges ont considéré, le salarié est fondé à réclamer la somme de 172, 65 € à ce titre ; le non versement par l'employeur de ce complément de salaire constitue de sa part un manquement à ses obligations.

3. le défaut de visite médicale de reprise

En application de l'article R 4624-1 du code du travail, le salarié doit bénéficier d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail.

C'est à l'employeur de prendre normalement l'initiative de soumettre le salarié victime d'un accident de travail ayant entraîné au moins huit jours d'arrêt de travail, à une visite médicale de reprise.

Force est de constater, alors que l'employeur ne peut se prévaloir des conventions de rupture non homologuées par l'autorité administrative et que le salarié a fait valoir le défaut de visite médicale de reprise à l'appui de sa demande initiale en résiliation judiciaire du contrat de travail, que l'employeur n'a pas, en l'état du défaut d'homologation des conventions de rupture, organiser la visite médicale du salarié dont le contrat de travail était toujours en cours, bien que suspendu.

L'inertie de l'employeur à cet égard constitue un manquement à ses obligations à l'égard du salarié qui est resté dans l'expectative postérieurement au refus d'homologation des deux conventions de rupture.

4. la rupture

Le non paiement du complément de salaire et le défaut de visite médicale de reprise constituent des manquements suffisamment graves de l'employeur à ses obligations de sorte que la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail est justifiée et doit produire les effets d'un licenciement nul comme intervenant en période de suspension du contrat de travail consécutif à un accident du travail, la rupture devant être fixée au 28 novembre 2010.

Le salarié dont le licenciement est nul, qui ne demande pas sa réintégration dans son poste, a droit d'une part aux indemnités de rupture et d'autre part à une indemnité réparant l'ntégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L 1235-3 du code du travail quelles que soient son ancienneté et la taille de l'entreprise.

L'appelant est ainsi fondé à réclamer une indemnité compensatrice de préavis laquelle, en l'état des bulletins de salaire produits aux débats s'établit, compte tenu de la moyenne de sa rémunération sur les 12 mois précédant son arrêt de travail, des dispositions de la convention collective applicable et de l'ancienneté du salarié à la date de la rupture, à la somme de 4305, 32 € brut outre celle de 430, 53 € brut à titre de congés payés afférents ; par suite, il convient de faire droit à la demande de l'appelant limitée à la seule somme de " 4531, 07 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ".

Par ailleurs, le salarié peut également prétendre à une indemnité conventionnelle de licenciement égale, dés lors qu'il a plus d'un an de présence continue dans l'entreprise, à 1/ 5 de mois de salaire par année, conformément aux stipulations de la convention collective (article 3. 7), soit, compte tenu des bulletins de salaire produits, la somme réclamée et non contestée dans son montant de 1397, 27 €.

L'appelant ne peut réclamer qu'une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L 1235-3 du code du travail, sans pouvoir cumuler cette indemnité et celle prévue par l'article L 1235-3 du code.

Compte tenu de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise (un peu plus de 3 ans) et de son âge (45 ans) à la date d'effet de la rupture, de son niveau de rémunération mensuelle (2152, 66 € brut) et en l'absence d'éléments probants sur sa situation matérielle et professionnelle postérieurement à la rupture, il y a lieu de lui allouer, à ce titre, la somme de 17 000 € à titre de dommages et intérêts, somme nette de tout prélevement pour le salarié.

5. le rappel de salaire

L'appelant n'est pas fondé à réclamer un rappel de salaire correspondant à la période au cours de laquelle son contrat de travail était suspendu, soit jusqu'à la prise d'acte de la rupture, n'ayant d'ailleurs pas fourni une prestation de travail pendant cette période.

6. sur les autres demandes

Il convient d'ordonner à l'employeur de délivrer au salarié un bulletin de salaire rectifié et conforme au présent arrêt mentionnant le complément de salaire qui n'a pas été versé pour la somme de 172, 65 €, ainsi qu'un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt, et ce sans astreinte.

Par contre, pour les motifs qui précédent, il n'y a pas lieu à délivrance de bulletins de salaire rectifiés correspondant au rappel de salaire non fondé.

7. sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

En égard à la solution apportée au règlement du présent litige, les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société intimée laquelle devra en outre verser à l'appelant la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a pu exposer tant en première instance qu'en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déclare recevable l'appel formé par Henri X...,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande au titre des primes des mois de décembre 2008 et janvier 2009 et de sa demande de rappel de salaire, et a rejeté la demande reconventionnelle de l'employeur en paiement de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau dans cette limite,

Dit et juge que la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul,

Condamne la SARL Micropolys Sud Multimedia à payer à Henri X... les sommes suivantes :

-172, 65 € brut à titre de complément de salaire,
-4531, 07 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,
-1397, 27 € net à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
-17 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, la dite somme étant nette de tout prélèvement pour le salarié,

Ordonne à la SARL Micropolys Sud Multimedia de délivrer à Henri X... un bulletin de salaire rectifié et conforme au présent arrêt relatif au complément de salaire ainsi qu'un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt, et ce sans astreinte.

Rejette toutes autres demandes des parties,

Condamne la SARL Micropolys Sud Multimedia aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Henri X... la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/09256
Date de la décision : 30/11/2011
Type d'affaire : Sociale

Analyses

La validité d'une convention de rupture d'un contrat de trail est subordonnée à son homologation par l'autorité administrative compétente. En cas de refus d'homologation, la convention ne produit aucun effet et ne peut être prise en compte pour en déduire la volonté expresse des parties de mettre un terme au contrat.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Montpellier, 08 octobre 2010


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2011-11-30;10.09256 ?
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