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21/09/2011 | FRANCE | N°10/05984

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4o chambre sociale, 21 septembre 2011, 10/05984


SD/ PDHCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER4o chambre sociale

ARRÊT DU 21 Septembre 2011

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 05984

ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 JUIN 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN No RG08/ 617

APPELANT :

Monsieur Gérard X...... 66690 PALAU DEL VIDRE Représentant : Me AMOURIQ de la SCP REVEL MAHUSSIER (avocats au barreau de LYON)

INTIMEE :

Association PRENDRE SOIN DE LA PERSONNE EN COTE VERMEILLE ET VALLESPIR prise en la personne de son représentant

légal Centre Hélio Marin 66650 BANYULS SUR MER Représentant : Me BOUSSAC de la SELAFA BARTHELEMY et ASSOC...

SD/ PDHCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER4o chambre sociale

ARRÊT DU 21 Septembre 2011

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 05984

ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 JUIN 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN No RG08/ 617

APPELANT :

Monsieur Gérard X...... 66690 PALAU DEL VIDRE Représentant : Me AMOURIQ de la SCP REVEL MAHUSSIER (avocats au barreau de LYON)

INTIMEE :

Association PRENDRE SOIN DE LA PERSONNE EN COTE VERMEILLE ET VALLESPIR prise en la personne de son représentant légal Centre Hélio Marin 66650 BANYULS SUR MER Représentant : Me BOUSSAC de la SELAFA BARTHELEMY et ASSOCIES (NIMES) (avocats au barreau de NIMES) et ASSOCIES (NIMES) (avocats au barreau de NIMES)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 JUIN 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre, chargé (e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre Monsieur Richard BOUGON, Conseiller Monsieur Philippe DE GUARDIA, Vice-Président placé

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* **

FAITS ET PROCEDURE
Gérard X... a été embauchée par l'association " Santé en côte vermeille " devenue l'association " Prendre soin de la personne en côte Vermeille et Vallespir " en qualité de plongeur à compter du 1er avril 1985.
Dans le dernier état de la relation de travail, il occupait l'emploi d'agent des services logistiques, affecté aux trois établissements gérés par l'association, dont l'un est dédié à des enfants handicapés.
La convention collective applicable dans l'entreprise est la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951.
Après convocation du 4 juin 2008 à un entretien préalable en vue d'une mesure de licenciement, entretien fixé au 13 juin 2008, monsieur X... a été licencié par son employeur pour faute lourde suivant lettre recommandée du 20 juin 2008 rédigée comme suit :
" Le vendredi 13 juin, avec Madame B..., je vous ai reçu pour l'entretien préalable à une mesure de licenciement auquel je vous avais convoqué. Vous étiez accompagné de Monsieur C....
Alors que vous étiez en cours d'exécution aménagée d'une peine de prison (dont à ce stade nous ignorions les motifs), vous avez quitté et donc abandonné votre poste de travail avec 35-40 minutes d'avance sur l'horaire convenu avec l'éducateur qui a négocié avec nous votre planning de travail pour le rendre compatible avec les aménagements de votre peine.
En effet, je vous ai vu le 27 mai 2008 montant dans votre véhicule (stationné de façon inhabituelle) avec un grand carton dans les bras dont nous nous interrogeons sur le contenu au regard de certaines disparitions. Nous attendons vos explications sur ce point et faisons toutes réserves. Il était en outre entre 19h50 et 20h00 alors que votre fin de poste était fixée pendant votre peine à 20h30. Vous avez reconnu ce fait en précisant les points suivants :
- vous auriez préalablement sollicité et obtenu l'accord de Madame D... ;- vous deviez vous rendre au chevet de votre mère dont l'une de vos soeurs vous avait informé la veille de l'état très alarmant : elle était hospitalisée au Centre Hospitalier de Perpignan (vous m'avez expliqué que depuis votre mère se portait mieux et nous nous en réjouissons).

J'ai vérifié personnellement ces points et les dernières informations recueillies datent d'hier.
Premier point : vous n'avez pas sollicité et encore moins obtenu d'accord préalable de Madame D..., qui n'est d'ailleurs pas votre chef de service.
Vous l'avez effectivement appelée chez elle (elle quitte son travail à 15 ou 16h00) en lui expliquant que vous veniez de me croiser me rendant à mon logement et en train de téléphoner avec un portable et que vous partiez rendre une visite à votre mère hospitalisée au Centre Hospitalier de Perpignan.
Je vous fais observer que votre chef de service est Madame E....
Deuxième point : en quittant Banyuls entre 19h50 (dans l'hypothèse la plus favorable pour vous) et 20h00 pour aller effectuer une visite au Centre Hospitalier de Perpignan, il est matériellement impossible de regagner à 21h15 (horaire convenu à la fixation de votre planning aménagé) le centre de détention de Perpignan.
Par ailleurs, je vous ai informé que vous sachant condamné au regard des demandes d'aménagement de peine, nous vous avions demandé les motifs de votre condamnation. Vous nous avez alors communiqué des documents judiciaires indiquant qu'il s'agissait de violation de domicile, violences, voies de fait.
Ayant été condamné à plus de 2 mois de prison ferme, au moins l'un de ces délits vous met sous l'emprise de l'article L 133-6 du Code de l'Action Sociale et des Familles vous interdisant l'exercice de toute fonction dans notre Centre dans la mesure où nous y recevons des enfants.
Quelques temps après la communication par vos soins des documents judiciaires, vous vous êtes en outre autorisé à violer le dispositif convenu pour l'exécution de votre peine et les arguments avancés ne sont pas réalistes et même choquants.
D'autres témoignages révèlent que c'est bien à d'autres reprises que vous avez quitté votre poste avant 20h30, laissant à vos collègues des tâches notamment de manutention. Les personnes concernées refusent à ce jour catégoriquement de confirmer leurs dires par écrit de peur de violences que certains craignent même extrêmes de votre part.
Tout ceci est inadmissible dans un établissement sanitaire et médico-social.
Vous avez ainsi rendu totalement impossible la poursuite de votre contrat de travail au sein du Centre : ceci avant tout du fait de votre condamnation à une peine visée par l'article L 13 3-6 du CASF qui, vérifiée, vous interdit toute présence dans l'établissement. A cela s'ajoute un certain nombre de faits supplémentaires qui alourdissent votre cas : non respect des horaires et rupture (s) du planning convenu pour l'aménagement de votre peine, mensonge pour essayer de la justifier. Votre comportement du 27 mai 2008, les arguments mensongers avancés, m'amènent à prononcer votre licenciement pour faute lourde. Votre contrat est de ce fait immédiatement rompu et nous vous adresserons vos comptes et certificat à votre domicile. "
Contestant la régularité et le bien fondé de son licenciement et prétendant au paiement d'heures supplémentaires, monsieur X... a saisi à la fin du mois de juin 2008 le conseil de prud'hommes de Perpignan lequel par jugement du 30 juin 2010 l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.
Par lettre recommandée du 19 juillet 2010, monsieur X... a régulièrement relevé appel de ce jugement qui lui a été notifié le 15 juillet 2010.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
L'appelant demande à la cour de réformer le jugement déféré, de dire et juger son licenciement infondé et en conséquence de condamner l'association intimée à lui payer la somme de 3407, 48 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, celle de 340, 74 € à titre de congés payés afférents, celle de 10 222, 44 € à titre d'indemnité de licenciement, celle de 851, 87 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés et celle de 80 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sollicitant en outre l'allocation d'une somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l'employeur aux dépens.
A l'appui de son appel, il soutient en substance :
- que la convention collective applicable indique que " sauf faute grave " le licenciement doit être précédé de deux sanctions préalables ; qu'ayant été licencié pour un autre motif que la faute grave, il aurait du recevoir deux sanctions préalables avant la notification de son licenciement ; que les deux sanctions dont se prévaut l'employeur et qu'il conteste, datent de 2004 et remontent à plus de trois ans en violation de l'article L 1332-5 du code du travail ; qu'en outre la deuxième sanction n'a été suivie d'aucune autre dans les deux ans de sorte qu'elle devait être annulée ; que le non respect des dispositions conventionnelles rend son licenciement abusif ;- qu'il n'a pas caché sa condamnation pénale à l'employeur, ayant sollicité auprès de ce dernier, après sa condamnation, un aménagement d'horaires ce qui avait été accepté afin qu'il puisse regagner le centre de détention à 21h15 ; que le conseiller d'insertion et de probation a, dés le début de l'exécution de la peine, le 11 février 200, été sollicité par l'employeur pour avoir toutes informations aussi bien sur la condamnation sur son déroulement ; qu'il appartient dés lors à l'employeur de prouver la date à laquelle il a eu connaissance des motifs de la condamnation et le fait qu'il ait agi dans le délai de deux mois de la prescription ;- qu'à aucun moment, l'employeur ne lui a indiqué que cette condamnation pénale pouvait porter préjudice à l'exercice de ses fonctions ou même le rendre impossible ; que l'employeur ne l'a jamais alerté sur les dispositions de l'article L 133-6 du code l'action sociale et des familles dont il se prévaut seulement dans la lettre de licenciement ; que par ailleurs le juge de l'application des peines, conscient des fonctions qu'il exerçait, a aménagé sa peine pour qu'il puisse continuer à travailler ;- que sa condamnation pénale qui relève du domaine de la vie privée ne peut fonder un licenciement disciplinaire ; qu'en outre cette condamnation n'avait dans tous les cas, aucun retentissement sur l'exercice de ses fonctions et ne pouvait perturber le fonctionnement de l'entreprise comme en attestent plusieurs collègues de travail ; que cette condamnation n'ayant aucun lien avec l'exercice de ses fonctions de service ménage entraînant peu de contact avec les patients du centre, elle ne peut lui être reproché comme motif disciplinaire ;- qu'en ce qui concerne les faits du 27 mai 2008 qu'il conteste dans la version exposée par l'employeur, il a obtenu l'accord de madame D..., madame E... n'étant pas présente dans l'entreprise et ne disposant pas de son numéro de téléphone pour la prévenir ; qu'il a quitté ce jour là son service plus tôt pour se rendre au chevet de sa mère, dans un état critique, à l'hôpital de Perpignan ; que ce fait isolé, exceptionnel et justifié ne peut motiver la rupture de son contrat de travail.

L'association intimée demande à la cour de confirmer le jugement déféré, de débouter l'appelant de toutes ses prétentions et de le condamner à lui payer la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Elle fait valoir essentiellement pour sa part :
- que la condamnation pénale du salarié l'empêchait de continuer à exercer ses fonctions au sein de l'association laquelle, compte tenu de sa mission d'accueil de mineurs, relève des dispositions du code de l'action sociale et familiale ; que l'article L 133-6 de ce code prévoit expressément l'interdiction d'exercer une fonction, à quelque titre que ce soit, pour toute personne condamnée définitivement pour crime ou délit à une peine d'au moins deux mois d'emprisonnement sans sursis pour un des délits mentionnés ; qu'ainsi tout salarié condamné définitivement dans ces conditions ne peut plus occuper ses fonctions au sein de l'association et doit faire l'objet d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse, cette procédure de licenciement ne relevant pas de la procédure disciplinaire ; qu'il s'agit d'une application stricte des dispositions légales et non d'une intervention de l'employeur dans la vie privée du salarié ;- qu'en l'espèce l'appelant a été condamné le 23 janvier 2007 à 36 mois d'emprisonnement dont 30 avec sursis et mise à l'épreuve pour violation de domicile, violence sur conjoint ou concubin et voies de fait ; que suite à cette condamnation, le salarié avait parfaitement conscience qu'en application de l'article L 133-6 précité, qu'il ne pouvait plus exercer ses fonctions au sein de l'association ; qu'il a volontairement cherché à dissimuler la nature exacte de sa condamnation ;- qu'ainsi, le salarié n'a pas répondu aux demandes verbales et mises en demeure répétées de son employeur lui demandant des précisions quant aux raisons de sa condamnation pénale, mises en demeure des 7 janvier et 6 mai 2008 ; que ce n'est qu'à la fin du mois de mai de mai 2008 qu'elle a communication du procès verbal de notification de sursis avec mise à l'épreuve et du jugement statuant sur la demande d'aménagement de peine et donc des raisons de la condamnation ;- que le 27 mai 2008, le salarié a quitté son poste de travail avant 20 heures alors que sa fin de poste était prévue à 20h30, et ce sans aucune justification et autorisation.

Pour un exposé complet des moyens et arguments des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites reprise oralement à l'audience.
MOTIFS DE LA DECISION
Les dispositions conventionnelles relatives au licenciement disciplinaire qui édictent des règles de fond plus favorables que la loi, sont impératives ; dès lors si le licenciement à titre disciplinaire a été prononcé en méconnaissance des dites dispositions, il doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En application des dispositions combinées des articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, les griefs reprochés au salarié énoncés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, doivent être établis et suffisamment sérieux pour justifier la mesure de licenciement ;
La faute grave ou lourde qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; la faute lourde privative de toute indemnité, y compris de l'indemnité compensatrice de congés payés, est celle qui, en outre, est commise par le salarié dans l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise ; il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute lourde.
L'article 05. 03. 2 de la convention collective applicable énonce que " toute sanction (observation, avertissement et mise à pied) encourue par un salarié et non suivie d'une autre dans un délai maximal de deux ans sera annulée : il n'en sera conservé aucune trace " et que " sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l'égard d'un salarié, si ce dernier n'a pas fait l'objet précédemment d'au moins deux sanctions citées ci dessus ", cette dernière disposition s'applique nécessairement à la faute lourde laquelle s'entend, comme dit précédemment, de la faute grave commise par le salarié dans l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise.
Dans la lettre de licenciement, l'employeur reproche tout d'abord au salarié d'avoir abandonné son poste de travail le 27 mai 2008 entre 19h50 et 20h alors que la fin de son service était fixé à 20h30, sans avoir sollicité et obtenu une autorisation préalable de sa hiérarchie, ajoutant que " d'autres témoignages révèlent que c'est à bien d'autres reprises que vous avez quitté votre poste avant 20h30 ".
Le salarié ne conteste pas avoir quitté son poste de travail ce jour là avant la fin de son service, indiquant en avoir informé madame D... (en l'absence de madame E...) et obtenu son accord, afin de se rendre au chevet de sa mère hospitalisée.
Certes madame D..., dans son attestation, ne confirme pas avoir donné à monsieur X... la permission de partir, n'étant pas son chef de service, mais confirme avoir reçu un appel téléphonique du salarié le 27 mai 2008 vers 20 heures lequel lui a dit : " ma mère ne va pas bien, j'ai reçu un coup de fil, je dois partir ".
Madame E... atteste pour sa part que " monsieur X... ne m'a informé de son départ anticipé du 27 mai 2008 qu'à la prise de son poste le lendemain 28 mai 2008 ".
Le salarié justifie, par la production d'un certificat du docteur F..., que ce médecin a " hospitalisé madame X... le 27. 05. 2008 à l'hôpital de Perpignan ".
L'association indique dans la lettre de licenciement qu'il était matériellement impossible pour le salarié en quittant son lieu de travail entre 19h50 et 20 h pour une visite à l'hôpital de Perpignan de se regagner le centre de détention de cette ville à 21h15.
Outre que cette affirmation ne repose sur aucun élément tangible, l'appelant produit des éléments selon lesquels il faut environ 13 minutes pour se rendre de l'hôpital au centre pénitentiaire.
En cet état, compte tenu de l'ancienneté du salarié embauché dans l'entreprise depuis 1985 et du fait qu'il ne peut lui être opposé une sanction pour des faits de même nature en l'état des dispositions de la convention collective, ce premier grief, s'il est matériellement établi, n'apparaît pas suffisamment sérieux pour justifier la mesure de licenciement, étant relevé qu'il n'est produit aucun élément se rapportant à l'affirmation selon laquelle " à d'autres reprises.. vous (le salarié) avez quitté votre poste avant 20h30 " et que le salarié produit plusieurs attestations (notamment celles de Gabrielle G... et Christine H..., salariées dans l'entreprise) qui contredisent les affirmations de l'employeur quant à la ponctualité de l'intéressé.
En second lieu, l'employeur pour justifier le licenciement pour faute lourde du salarié énonce dans la lettre de licenciement : " Par ailleurs, je vous ai informé que vous sachant condamné au regard des demandes d'aménagement de peine, nous vous avions demandé les motifs de votre condamnation. Vous nous avez alors communiqué des documents judiciaires indiquant qu'il s'agissait de violation de domicile, violences, voies de fait. Ayant été condamné à plus de 2 mois de prison ferme, au moins l'un de ces délits vous met sous l'emprise de l'article L 133-6 du Code de l'Action Sociale et des Familles vous interdisant l'exercice de toute fonction dans notre Centre dans la mesure où nous y recevons des enfants. "

Force est de constater que, dans la lettre de licenciement, il n'est pas fait grief au salarié d'avoir dissimulé sa condamnation pénale et qu'il ne lui est pas davantage reproché d'avoir, comme le soutient l'employeur dans ses conclusions, " cherché à dissimuler la nature exacte de sa condamnation ".
Il est certain qu'au regard des dispositions de l'article L 133-6 de l'action sociale et des familles et de la condamnation prononcée à l'encontre de l'appelant par le tribunal correctionnel de Perpignan du 23 avril 2007 (rectifié par jugement du 22 mai 2007), le salarié ne pouvait plus " exercer une fonction à quelque titre que ce soit " au sein de l'établissement employeur.
Pour autant, cette condamnation, relative à des faits de la vie privée du salarié comme se rapportant à ses relations avec sa compagne, n'est pas en elle même constitutive d'une faute grave voir lourde ; que l'employeur indique d'ailleurs dans ses conclusions que " tout salarié condamné pour crime ou délit d'au moins deux mois d'emprisonnement sans sursis pour un des délits prévus... devra nécessairement faire l'objet d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse " ajoutant que " cette procédure ne relève bien évidemment pas de la procédure disciplinaire ".
Or, il apparaît, en l'état des pièces produites aux débats, que si l'appelant a fait l'objet de deux sanctions disciplinaires antérieures à l'engagement de la procédure de licenciement, ces deux sanctions notifiées en main propre, l'une le 31 mars 2004 (1 jour de mise à pied sans salaire) et l'autre le 24 août 2004 (3 jours de mise à pied sans salaire) n'ont été suivies d'aucune autre sanction disciplinaire (au sens des dispositions conventionnelles) dans le délai de deux ans par rapport à la dernière sanction du 24 août 2004, de sorte que ces deux sanctions se trouvent annulées en application de l'article 05. 03. 2 de la convention collective applicable.
Enfin l'employeur qui invoque dans la lettre de licenciement que postérieurement à la communication des documents judiciaires, le salarié s'est " autorisé à violer le dispositif convenu pour l'exécution de (sa) peine " ne produit aune pièce en établissant la matérialité.
Par suite, le licenciement du salarié, pour les motifs ci dessus exposés, ne pouvant relever de la faute grave et fortiori de la faute lourde, apparaît dénué de cause réelle et sérieuse.
Il en résulte que l'appelant est en droit de prétendre tout d'abord au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis laquelle, en l'état des bulletins de salaires produits aux débats, s'établit à la somme réclamée et au demeurant non contestée dans son montant, de 3407, 48 € brut à laquelle s'ajoute celle de 340, 74 € brut à titre de congés payés afférents.
De même, le salariée est fondé à solliciter le paiement de l'indemnité de licenciement, laquelle, compte tenu des bulletins de salaire produits, de l'ancienneté du salarié et des dispositions de la convention collective applicable, a été justement évalué à la somme réclamée et non contestée dans son montant, de 10 222, 44 €.
Par ailleurs, seule la faute lourde étant privative des congés payés, l'appelant est fondé à réclamer une indemnité compensatrice de congés payés laquelle, en l'état des pièces produites, conduit à faire droit à sa demande à hauteur de la somme de 851, 87 €, montant non contesté par l'employeur.
Enfin, compte tenu de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise (plus de 23 ans) et de son âge (environ 56 ans) à la date de la rupture, eu égard par ailleurs à sa rémunération mensuelle moyenne sur les six derniers mois et à sa situation professionnelle et matérielle postérieurement à la rupture (bénéficiaire de l'allocation d'aide au retour à l'emploi jusqu'au 9 février 2011, puis du RSA), il sera alloué à l'appelant la somme de 35 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L 1235-3 du code du travail.
Par ailleurs, il convient d'ordonner d'office, par application de l'article Ll 1235-4 du dit code, le remboursement par l'association intimée à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à monsieur X..., du jour de la rupture de son contrat de travail au jour du présent arrêt, et ce dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
Compte tenu de la solution apportée au règlement du présent litige, les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de l'association intimée qui devra en outre verser à l'appelant la somme de 1200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement déféré ;
Dit que le licenciement de Gérard X... est dénué de cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
Condamne l'association " Prendre soin de la personne en côte Vermeille et Vallespir " à payer à Gérard X... les sommes suivantes :
-3407, 48 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-340, 74 € brut à titre de congés payés afférents,-10 222, 44 € à titre d'indemnité de licenciement,-851, 87 € brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,-35 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ordonne d'office le remboursement par l'association " Prendre soin de la personne en côte Vermeille et Vallespir " à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Gérard X..., du jour de la rupture de son contrat de travail au jour du présent arrêt, et ce dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;
Condamne l'association " Prendre soin de la personne en côte Vermeille et Vallespir " aux dépens de première instance et d'appel et payer à l'appelant la somme de 1200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4o chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/05984
Date de la décision : 21/09/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Analyses

POURVOI C1126703 ASSOCIATION


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2011-09-21;10.05984 ?
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