COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2o chambre
ARRET DU 20 SEPTEMBRE 2011
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 09983
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 NOVEMBRE 2010 TRIBUNAL DE COMMERCE DE NARBONNE No RG 2010/ 255
APPELANTS :
Monsieur Mehmet X... de nationalité Française... 11100 NARBONNE représenté par la SCP DIVISIA SENMARTIN, avoués à la Cour
Madame Fatma Y... épouse X... de nationalité Française... 11100 NARBONNE représentée par la SCP DIVISIA SENMARTIN, avoués à la Cour
INTIMEE :
SAS CARAYON LANGUEDOC au capital de 620. 000, 00 euros inscrite au RCS de BEZIERS sous le no 712 921 428 prise en son établissement secondaire sis ZI de Truilhas-11590 SALLELES D'AUDE et, prise en la personne de son président en exercice domicilié ès qualités au siège social Route Nationale 112 34220 SAINT PONS DE THOMIERES représentée par la SCP AUCHE HEDOU AUCHE AUCHE, avoués à la Cour assistée de Me BOUSQUET loco SCP BUGIS-ALRAN, avocats au barreau de CASTRES
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 16 Juin 2011
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 JUIN 2011, en audience publique, Monsieur Daniel BACHASSON, Président, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :
Monsieur Daniel BACHASSON, président, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, conseiller, Madame Brigitte OLIVE, conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON
ARRET :
- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Daniel BACHASSON, président, et par Madame Sylvie SABATON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES
Dans le cadre de son activité de maçonnerie, la société X... Frères a commandé à plusieurs reprises des fournitures auprès de la société Carayon, spécialisée dans la fourniture de béton.
Par acte du 15 septembre 2008, M. Mehmet X..., en sa qualité de gérant, s'est porté caution de la société X... Frères pour les sommes dues à la société Carayon à concurrence de 80 000 euros pour une durée de dix ans.
La société X... Frères a été placée en redressement judiciaire le 2 septembre 2009, puis en liquidation judiciaire le 24 septembre suivant.
Trois factures étant restées impayées par la société X... Frères, la société Carayon a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur judiciaire pour un montant total de 5 973, 54 euros.
La société Carayon a ensuite vainement mis en demeure, le 14 octobre 2009, M. Mehmet X... et son épouse, Mme Fatma X..., d'avoir à procéder au règlement des sommes dues.
Une ordonnance du 30 novembre 2009 a autorisé la société Carayon à inscrire une hypothèque judiciaire conservatoire sur les immeubles appartenant aux époux X....
Le 14 décembre 2009, la société Carayon a dénoncé l'inscription hypothécaire et a assigné M. Mehmet X... et Mme Fatma X... devant le tribunal de commerce de Narbonne afin d'obtenir la condamnation de M. X... à lui verser :
- la somme principale de 5 973, 54 euros,
- les intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2009 sur la somme de 4 711, 46 euros,
- les intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2009 sur la somme de 1 202, 08 euros,
- la capitalisation des intérêts,
- une indemnité contractuelle égale à 15 %, soit la somme de 896, 03 euros,
- la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 16 novembre 2010, le tribunal a fait droit aux demandes de la société Carayon et l'a autorisée à exercer son action sur les biens communs.
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M. Mehmet X... et Mme Fatma X... ont régulièrement interjeté appel de cette décision, demandant à la cour de l'infirmer en toutes ses dispositions, de mettre hors de cause Mme Fatma X... qui ne s'est pas portée caution des dettes de la société X... Frères et de juger nul le cautionnement dont se prévaut la société Carayon à l'égard de M. Mehmet X..., outre l'allocation à chacun de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils soutiennent que :
- il est erroné d'affirmer qu'aucune condamnation n'est sollicitée à l'encontre de Mme X... puisque le tribunal a autorisé la société Carayon à exercer son action sur les biens communs des époux X...,
- la société Carayon ne produit pas l'acte par lequel Mme Fatma X... se serait portée caution de la société X... Frères, le simple fait qu'elle soit l'épouse de M. Mehmet X... ne suffisant pas à démontrer qu'elle a effectivement donné son consentement exprès à l'acte de cautionnement,
- par ailleurs, l'article 1422 du Code civil dispose que « Les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens de la communauté. Ils ne peuvent non plus, l'un sans l'autre, affecter l'un de ces biens à la garantie de la dette d'un tiers ». Or, rien ne démontre que Mme Fatma X... ait souscrit un quelconque engagement, l'acte de cautionnement n'ayant d'ailleurs été signé que par M. Mehmet X....
- un acte de cautionnement doit, à peine de nullité, respecter les prescriptions édictées par le code de la consommation et notamment l'article L. 341-2 concernant la référence aux intérêts et pénalités de retard ; en l'espèce, l'engagement souscrit ne reprend pas cette mention manuscrite obligatoire.
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La société Carayon conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de M. X... à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait notamment valoir que :
- Mme Fatma X... n'a été assignée que dans la mesure où elle a donné son consentement exprès au cautionnement souscrit par son mari ; les bien communs peuvent être engagés par ce cautionnement, mais la condamnation de Mme X... au paiement des sommes dues n'est pas sollicitée,
- M. X... avance la nullité du cautionnement dans la mesure où il n'est pas précisé que la somme de 80 000 euros porte bien sur le principal, les intérêts et, le cas échéant, les pénalités de retard ; cependant, l'acte mentionnant que M. X... se porte caution pour la somme de 80 000 euros sans autre précision, cela induit nécessairement que la caution est limitée à cette somme et ne peut en aucun cas l'excéder,
- comme le montre un courrier du 2 novembre 2009, M. X... n'a à aucun moment contesté son engagement de caution, reconnaissant au contraire cet engagement en spécifiant qu'il n'a pas les moyens de régler les sommes dues ; il s'agit d'un aveu extrajudiciaire qui lui interdit de contester aujourd'hui l'acte au titre duquel il a souscrit cet engagement.
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C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 16 juin 2011.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu qu'encourt la nullité l'engagement de caution, pris par acte sous seing privé par une personne physique envers un créancier professionnel, qui ne comporte pas la mention manuscrite exigée par l'article L. 341-2 du code de la consommation, et uniquement celle-ci, laquelle conditionne la validité même de l'acte ;
Qu'en l'espèce, le cautionnement souscrit le 15 septembre 2008 par M. X... envers la société Carayon comporte la mention manuscrite suivante : « En me portant caution de Sarl X... Frères, pour toutes les sommes que cette dernière doit ou pourrait être amenée à devoir à la société Carayon dans la limite de 80 000 € et pour la durée de dix ans, je m'engage à rembourser au créancier la somme due sur mes revenus et mes biens si Sarl X... n'y satisfait pas lui-même » ;
Que cette formule diffère de celle prévue par le texte précité, notamment en ce qu'elle ne vise pas « le paiement du principal, des intérêts et, le cas, échéant, des pénalités ou intérêts de retard », et ce défaut d'identité ne résulte pas d'une erreur matérielle ;
Qu'il s'ensuit que cet engagement de caution est nul ;
Attendu que le jugement entrepris sera donc infirmé, et la demande rejetée ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par la société Carayon ;
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris.
Et, statuant à nouveau,
Déclare le cautionnement nul.
Rejette la demande.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société Carayon aux dépens de première instance et d'appel, et autorise la S. C. P. Divisia-Senmartin, avoués, à recouvrer le montant de ceux d'appel aux forme et condition de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
D. B.