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08/06/2011 | FRANCE | N°10/05644

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre sociale, 08 juin 2011, 10/05644


CB/ YR

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER4o chambre sociale

ARRÊT DU 08 Juin 2011

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 05644

ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 JUIN 2010 TRIBUNAL D'INSTANCE DE BEZIERS No RG11-09-0016

APPELANTS :

Monsieur Boubacar X......... 34070 MONTPELLIER Représentant : Me Guy VIRDUCI (avocat au barreau de MONTPELLIER)

Monsieur Stéphan Z... C/ Daniel Y...... 11100 NARBONNE Représentant : Me Guy VIRDUCI (avocat au barreau de MONTPELLIER)

Monsieur Christophe B...... 34300

AGDE Représentant : Me Guy VIRDUCCI (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMES :
Monsieur Bruno D...... 34300...

CB/ YR

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER4o chambre sociale

ARRÊT DU 08 Juin 2011

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 05644

ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 JUIN 2010 TRIBUNAL D'INSTANCE DE BEZIERS No RG11-09-0016

APPELANTS :

Monsieur Boubacar X......... 34070 MONTPELLIER Représentant : Me Guy VIRDUCI (avocat au barreau de MONTPELLIER)

Monsieur Stéphan Z... C/ Daniel Y...... 11100 NARBONNE Représentant : Me Guy VIRDUCI (avocat au barreau de MONTPELLIER)

Monsieur Christophe B...... 34300 AGDE Représentant : Me Guy VIRDUCCI (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMES :
Monsieur Bruno D...... 34300 AGDE Représentant : Me PORTE loco Me Michel PIERCHON (avocat au barreau de MONTPELLIER)

Monsieur Jean Philippe G...... 34200 SETE Représentant : Me GUIBAL-MARTELLI (avocat au barreau de MONTPELLIER)

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 AVRIL 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller Monsieur Philippe DE GUARDIA, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats : Mme Chantal BOTHAMY
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre, et par Mme Chantal BOTHAMY, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *

EXPOSE DU LITIGE

Messieurs Boubacar X..., Stéphan Z... et Christophe B..., marins-pêcheurs, étaient régulièrement embarqués sur le chalutier « ...-immatriculé ... » appartenant à M. Bruno D..., patron pêcheur, respectivement depuis 1999 pour M. X..., janvier 2007 pour M. Z... et mars 2008 pour M. B....

Courant 2009, M. D... entrait en pourparlers avec M. Jean-Philippe G... pour la vente du navire et un compromis de vente était signé le 26 septembre 2009 prévoyant la réitération par acte sous-seing-privé au plus tard le 15 novembre 2009, un avenant du 28 septembre 2009 venant préciser qu'en cas de non réitération à la date prévue le compromis serait nul et non avenu.
Le 13 octobre 2009, M. D... proposait à ses salariés une rupture conventionnelle de leur contrat de travail que MM. X..., Z... et B... refusaient par courrier du 19 octobre 2009.

20 octobre 2009 M. D... était victime d'un accident du travail entraînant un arrêt de travail ; par courrier du 27 octobre 2009 il informait officiellement ses employés de son indisponibilité et de l'impossibilité de faire sortir le bateau jusqu'au 20 novembre 2009 " sous réserve d'une éventuelle prolongation ".

Par un deuxième avenant au compromis de vente, les cocontractants prévoyaient le 30 octobre 2009 le transfert des contrats de travail des six employés de M. D... à l'acquéreur du chalutier, à compter de la cession définitive.
Le 3 novembre 2009, cinq des six marins embarqués sur le chalutier saisissaient l'administrateur des affaires maritimes de Marseille d'une tentative de conciliation portant sur les points suivants :
- " non paiement de l'intégralité du salaire " à la part " entre octobre 2008 et octobre 2009 : 10 409 € par marin ;- congés payés depuis le premier embarquement ;- forfait carénage 2008 (37 jours) et 2009 (32 jours) ;- reversement des ristournes gazole et de la prime gazole pour 2009 : 15 000 € par marin ;- paiement débarquement du 20 octobre au 9 novembre 2009 ".

Après négociations entre les parties, cette démarche aboutissait à un « procès verbal de non-conciliation » en date du 24/ 11/ 2009.

Entre-temps, les cinq marins sollicitaient par requête du 5 novembre 2009 la saisie conservatoire du navire, qui était autorisé par ordonnance du juge de l'exécution en date du 9 novembre 2009.
M. D... avisait le 19 novembre 2009 ses salariés de la prolongation de son arrêt de travail jusqu'au 19 décembre 2009 " sous réserve d'une éventuelle prolongation ", laquelle interviendra le 17/ 12/ 2009 jusqu'au 26 février 2010, puis par la suite, une intervention chirurgicale étant prévue pour le 13 avril 2010.
Néanmoins, il avisait les intéressés par courrier du 11 décembre 2009 de sa décision d'embaucher en son absence M. G... pour assumer les fonctions de capitaine et leur demandait de se présenter à l'embarquement mardi 15 décembre 2009 à 4 h.
Pour toute réponse, MM. X..., Z... et B... répondaient chacun par un courrier daté des 14 ou 15 décembre 2009, rédigé en des termes identiques :
".../... il me semble difficile compte tenu de la saisie du navire autorisée par décision de justice de pouvoir embarquer sur ce navire pour aller pêcher le 15 décembre prochain à 4h du matin avec pour capitaine M. G... qui n'est autre que votre potentiel acquéreur. Je vous rappelle en outre que vous m'avez proposé une rupture conventionnelle de mon contrat de travail ce que j'ai refusé puisque vous vouliez me faire signer des documents antidatés et que je perdais de ce fait mon emploi. Vous m'avez débarqué depuis le 20 octobre 2009 date depuis laquelle je ne suis plus rémunéré par vos soins. Je considère donc être licencié de fait ce d'autant que vous m'avez remis un reçu pour solde de tout compte. Vous n'abuserez personne par le biais de telles pratiques.../... ".

Puis, par acte d'huissier du 16 décembre 2009, les cinq marins faisaient citer M. D... devant le tribunal d'instance de Béziers qui, après citation en intervention forcée de M. G..., statuait de la façon suivante par jugement du 11 juin 2010 :
Le Tribunal,
Déboute MM L..., X..., N..., Z... et B... de l'ensemble de leurs demandes relatives à la rupture abusive de leur contrat de travail ;
Condamne M. Bruno D... à payer les sommes de : •.../... • 16 907 € d'indemnité de congés payés depuis 2005 à M. M... X... ; •.../... • 10 182 € d'indemnité de congés payés depuis 2007 à M. Stéphan Z... ; • 4887 € d'indemnité de congés payés depuis 2008 à M. Christophe B... ;

Condamne M. Bruno D... à payer, au titre des jours non pêchés mais travaillés les sommes de : •.../... • 7214, 13 € à M. M... X... ; •.../... • 5920, 20 € à M. Stéphan Z... ; • 4687, 97 € à M. Christophe B... ;

Déboute MM L..., X..., N..., Z... et B... de leurs demandes relatives au paiement des rappels de salaires d'octobre 2008 à octobre 2009 et de novembre 2009 au mars 2010, de la ristourne et des primes de gazole et de l'indemnité de nourriture ;
Rejette les demandes d'expertises,
Déboute MM L..., X..., N..., Z... et B... de leurs demandes de dommages-intérêts,
Déboute MM L..., X..., N..., Z... et B... de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de M. G...,
Ordonne la remise par M. D... à M. X... de ses bulletins de salaire de janvier 2005 à octobre 2009, à M. Z... de ses bulletins de salaire de janvier 2007 à octobre 2009 et à M. B... de ses bulletins de salaire de mars 2008 à octobre 2009,
Déboute M. Bruno D... de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles au titre de l'indemnisation du préavis et des dommages-intérêts pour faute lourde des salariés,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.../... ".
Par déclaration déposée au greffe de la cour d'appel de Montpellier le 22 juin 2010, MM. X..., Z... et B... interjetaient appel de cette décision.
Ils concluent à la recevabilité de l'appel, à l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour, statuant à nouveau, de dire que leur prise d'acte de la rupture de leur contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner M. D... à payer à :
M. X... :
• 128 432 € de dommages-intérêts pour licenciement abusif, • 6421, 60 € d'indemnité légale de licenciement, • 3000 € d'indemnité pour licenciement irrégulier, • 10 702, 66 € d'indemnité de préavis, • 1070, 26 € d'indemnité de congés payés sur préavis, • 69 713 € de rappel de salaires pour l'année 2008 et 2009, • 26 699, 20 € d'indemnité de congés payés, • 7214 € de rappel de salaires au titre des jours non pêchés travaillés mais non payés depuis 2005, • 4000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

M. Z... :
• 64 075 € de dommages-intérêts pour licenciement abusif, • 19 222, 50 € d'indemnité légale de licenciement, • 3000 € d'indemnité pour licenciement irrégulier, • 10 679, 16 € d'indemnité de préavis, • 1067, 91 € d'indemnité de congés payés sur préavis, • 67 574 € de rappel de salaires pour l'année 2008 et 2009, • 19 222, 50 € d'indemnité de congés payés, • 5920 € de rappel de salaires au titre des jours non pêchés travaillés mais non payés depuis 2005, • 4000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

M. B... :
• 33 760 € de dommages-intérêts pour licenciement abusif, • 5907, 99 € d'indemnité légale de licenciement, • 3000 € d'indemnité pour licenciement irrégulier, • 2813, 33 € d'indemnité de préavis, • 281, 33 € d'indemnité de congés payés sur préavis, • 23 103 € de rappel de salaires pour l'année 2008 et 2009, • 6816 € d'indemnité de congés payés, • 4688 € de rappel de salaires au titre des jours non pêchés travaillés mais non payés depuis 2005, • 4000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ils sollicitent par ailleurs la condamnation sous astreinte de l'intimé à leur remettre les bulletins de salaire, d'octobre 2004 à octobre 2009 pour M. X..., de janvier 2007 à décembre 2009 pour M. Z... et de mars 2008 à décembre 2009 pour M. B..., ainsi que leur certificat de travail et attestation destinée à Pôle emploi.
Ils déclarent à l'audience se désister expressément de leur appel à l'encontre de M. G....
Ils font valoir en substance à l'appui de leurs demandes que :
- l'appel a été fait conformément aux dispositions des articles 932 et 931 du code de procédure civile et est donc recevable ;- leur décision de prendre acte de la rupture de leur contrat de travail repose sur les griefs qu'ils reprochent à leur employeur commun et fondent leurs demandes en rappel de salaires et paiement d'indemnités, savoir :

en l'absence de contrat de travail écrit et de bulletin de salaire contrairement aux dispositions combinées des articles 4, 9, 10-1 et 11 du code du travail maritime, ni le mode de rémunération " à la part " ni même la rémunération mixte incluant une partie dite " à la part " ne peuvent recevoir application et les contrats de travail doivent être qualifiés de contrats à durée indéterminée comportant une rémunération fixe non assise sur les produits de la pêche ; les attestation annuelles de rémunération produites par l'intimé lui-même et établies par son expert-comptable permettent de constater que M. D... a modifié unilatéralement les contrats de travail d'une année sur l'autre, ce qui entraîne pour eux un préjudice financier important ; M. D... les a débarqués le 20 octobre 2900 sans les avertir et sans leur verser de rémunération, alors qu'il ne pouvait se prévaloir d'aucun élément irrésistible, insurmontable et imprévisible constitutif de la force majeure dès lors qu'il aurait pu faire piloter le bateau par son père ou un salarié ; ils ont reçu un courrier posté le 30 octobre 2009 comportant un chèque " pour solde de tout compte ", mention qui révèle bien l'intention de l'employeur de rompre le contrat de travail ; le procès-verbal de constat dressé le 23 février 2010 établit que le navire ...est sortie en mer pour pêcher avec d'autres marins à bord.

M. D... conclut avant tout débat au fond à l'irrecevabilité de l'appel régularisé selon les modalités de la procédure avec représentation obligatoire et subsidiairement, en l'absence de tentative de conciliation devant le tribunal d'instance, à l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté " l'argument " d'irrecevabilité et à l'annulation de la citation du 16 décembre 2009 ainsi que l'ensemble de la procédure.
À titre très subsidiaire, il conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté les appelants de leurs demandes au titre de la rupture, des salaires et compléments de salaires non justifiés, à son infirmation en ce qu'il a fait droit à une partie des demandes, au débouté de toutes les demandes et à la condamnation de chacun des appelants à lui payer :
M. X... :
• 1873, 80 € au titre du mois de préavis non effectué malgré mise en demeure de reprendre le bord ; • 30 000 € à titre de dommages-intérêts pour faute lourde ; • 5000 € au titre de l'article 700 " du nouveau code de procédure civile " ;

M. Z... :
• 1643, 13 € au titre du mois de préavis non effectué malgré mise en demeure de reprendre le bord ; • 30 000 € à titre de dommages-intérêts pour faute lourde ; • 5000 € au titre de l'article 700 " du nouveau code de procédure civile " ;

M. B... :
• 2342, 32 € au titre du mois de préavis non effectué malgré mise en demeure de reprendre le bord ; • 30 000 € à titre de dommages-intérêts pour faute lourde ; • 5000 € au titre de l'article 700 " du nouveau code de procédure civile ".

Il fait valoir pour l'essentiel à l'appui de ses demandes que :
- l'appel en la matière est bien sans représentation obligatoire alors que " c'est un appel avec représentation obligatoire qui a été déposée au pôle enrôlement de la cour (et non au greffe de la chambre sociale) " ;- la procédure comporte un préliminaire obligatoire de conciliation qui n'a pas été respecté ;- la sortie du rôle d'équipage est en date du 20 octobre 2009 suite à la déclaration d'accident de travail de la seule personne apte à commander, à savoir lui-même ;- les appelants ont refusé de reprendre le bord lorsqu'il leur a été demandé de se présenter, une fois le remplacement du commandant assuré ;- les marins sont tenus de solliciter l'autorisation de l'inspection du travail maritime lorsqu'ils demandent l'arrêt du contrat pour inexécution des obligations, ce que les appelants n'ont pas fait ;- la rémunération était prévue " à la part " ; en toute hypothèse la seule obligation pesant sur lui est de justifier qu'il a réglé au moins l'équivalent du SMIC terrestre sur la période travaillée, les appelants ne contestant pas les montants annuels nets des salaires qu'ils ont perçus ; en outre, les demandes salariales ne sont aucunement justifiées ;- la prise d'acte de la rupture du contrat de travail ne prive pas le salarié de l'obligation de préavis inscrite à son contrat et le comportement des appelants doit être considéré comme une faute lourde compte tenu de l'intention de nuire qui les animait lorsqu'ils ont pris l'initiative de rompre leur contrat de travail.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions écrites auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les exceptions de procédure.

Il résulte des dispositions combinées des articles L5541-1, L5542-48 du code des transports et R 221-13 du COJ que le code du travail est applicable aux marins salariés des entreprises d'armement maritime ainsi qu'à leurs employeurs sous réserve des dispositions particulières prévues par le titre V du code des transports et que le différent qui peut s'élever, à l'occasion des périodes d'embarquement, entre l'employeur et les marins est porté devant le tribunal d'instance ; sauf en ce qui concerne le capitaine, cette instance est précédée d'une tentative de conciliation devant l'autorité compétente de l'État.
En application des articles R 1451-3 et R 1461-2 du code du travail, lorsque le tribunal d'instance est appelé à statuer en cette matière les demandes sont formées, instruites et jugées comme en matière prud'homale ; ce dont il se déduit notamment que l'appel doit être fait devant la chambre sociale de la cour d'appel selon la procédure sans représentation obligatoire.
Il est constant que l'appel a été formalisé en stricte conformité avec les indications figurant dans la lettre de notification de la décision déférée au « greffe de la cour d'appel » de Montpellier le 22 juin 2010, par un avoué à la cour qui fait partie des personnes à même de représenter une partie devant la chambre sociale de la cour d'appel en application de l'article 931 du code de procédure civil.
Il est tout aussi constant que l'acte d'appel a été transféré sans délai au greffe de la chambre sociale devant qui la procédure sans représentation obligatoire a été suivie.
L'appel est donc recevable.
La tentative de conciliation prévue par l'article L. 5542-48 du code des transports a eu lieu préalablement à l'acte introductif d'instance et a donné lieu à un procès verbal de non-conciliation.
En toute hypothèse, il n'existe pas de nullité sans texte et la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
En l'absence d'allégation du moindre grief, " l'argument d'irrecevabilité " tiré de l'absence de tentative de conciliation doit être rejeté.

Sur le contrat d'engagement.

En application des dispositions combinées des article 33 du code du travail maritime et 15 de l'" accord national pêche artisanale " du 28 mars 2001, la mise en oeuvre de la rémunération « à la part » est conditionnée par la signature d'un " contrat d'engagement maritime aux termes duquel la rémunération du marin consiste, en tout ou partie, en une part sur le produit des ventes ou sur d'autres éléments du chiffre d'affaires à définir. Le contrat d'engagement maritime doit mentionner de façon expresse les « frais communs », c'est-à-dire les charges et dépenses à déduire du produit brut, ou des autres éléments pris en compte pour former le produit net ou « net à partager ».../... ".

Les pièces communiquées, notamment la requête saisissant le directeur des affaires maritimes sur les modalités de calcul " du salaire à la part " appliqué par M. D... comme les demandes formulées en première instance et abandonnées en appel sur le " reversement des ristournes gazole et de la prime gazole ", démontrent que l'employeur a toujours appliqué ce mode de rémunération sans contestation des appelants qui revendiquaient même à l'occasion ce mode de calcul durant la phase de conciliation et en première instance.
Pour autant, en l'absence de signature de contrat écrit, l'employeur ne peut utilement s'en prévaloir devant les juridictions et c'est à juste titre que le premier juge a considéré que les contrats des appelants étaient à durée indéterminée et que le contrôle du mode de calcul et du montant de la rémunération devait se faire selon le droit commun, sans référence à la " part de pêche ".
La rémunération étant la contrepartie du travail fourni, les appelants ne peuvent, en l'absence de toute contestation sur la durée du travail effectivement accompli, se contenter d'arguer d'une différence de leur rémunération annuelle d'une année sur l'autre pour en déduire que l'employeur a, de façon unilatérale, modifié un élément de leur contrat de travail.
Les intéressés ne peuvent en effet prétendre bénéficier dans le même temps de la rémunération " à la part de pêche " et des dispositions du droit commun qui imposent à celui qui se prétend créancier de salaires de fournir au juge des éléments de nature à faire au moins présumer qu'il a effectivement travaillé en contrepartie de la rémunération qu'il réclame.
A cet égard le premier juge note avec pertinence qu'il n'est ni allégué ni démontré par les appelants qu'ils auraient perçu une rémunération inférieure au Smic terrestre brut pour une durée de travail correspondant au travail effectivement accompli à l'occasion des périodes d'embarquement.
Pour le surplus le premier juge a, par des motifs que la cour adopte, exactement relevé que les marins n'ayant pas travaillé du 20 octobre au 15 décembre 2009 pour des raisons qui n'étaient pas imputables à l'employeur, aucune rémunération ne leur était dû à ce titre.

Sur la prise d'acte.

Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués étaient suffisamment graves pour la justifier, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Sur la " modification unilatérale par M. D... des conditions de travail de ses salariés et notamment de leur rémunération ".

Outre que la modification " des conditions de travail " ressort du pouvoir de direction de l'employeur, les développements qui précèdent établissent que ce grief est inopérant.

Sur le débarquement inopiné sans rémunération.

Les pièces communiquées démontrent que le bateau n'est plus sorti en mer à compter du 20 octobre 2009 tout d'abord en raison de l'accident du travail dont M. D... avait été victime la veille, puis de la saisie du navire à l'initiative des marins à partir du 9 novembre 2009.
Il résulte par ailleurs des pièces communiquées que les marins étaient au courant de l'arrêt de travail de leur capitaine dès le 21 octobre 2009, date à laquelle M. B... avec un entretien avec lui sur l'organisation de ses congés.
Comme l'indique avec pertinence le premier juge, l'arrêt médicalement constaté du capitaine du navire et l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de pourvoir à son remplacement au moins avant le 9 novembre 2009 excluent que l'immobilisation du navire entre le 20 octobre et le 9 novembre constitue un manquement suffisamment grave pour justifier la rupture des contrats de travail des marins embarqués.
Quand à la situation postérieure au 9 novembre 2009, elle découle nécessairement de la saisie du navire, le directeur régional des affaires maritimes de Marseille confirmant l'interdiction de reprendre la mer par décision du 17 décembre 2009 ; étant précisé que la mainlevée de la saisie n'a été obtenue que le 11 janvier 2010 à la demande de l'intimé, soit postérieurement aux prises d'acte de rupture des contrats de travail.
Du reste la proposition faite par l'intimé aux appelants de reprendre la mer sous le commandement de M. G... embauché comme capitaine à cette fin s'est heurté à une fin de non-recevoir en raison des effets de la saisie du navire.
C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu que le fait que les appelants n'aient pu travailler entre le 20/ 10/ 2009 et le 14/ 12/ 2009 ne pouvait constituer un motif de rupture imputable à l'employeur.

Sur l'envoi d'un solde de tout compte.

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a retenu à juste titre que ce grief était insusceptible de rendre la rupture imputable à l'employeur.

Sur l'emploi d'autres marins.

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a retenu à juste titre que ce grief était insusceptible de rendre la rupture imputable à l'employeur.

Il se déduit des développements qui précèdent que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a retenu que la prise d'acte de la rupture de leur contrat de travail par les appelants produisait les effets d'une démission et rejeté les demandes en paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciements abusifs et irréguliers.

Sur les congés payés.

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a fait droit à la demande présentée de ce chef à hauteur de :
• 16 907 € pour M. X... ; • 10 182 € pour M. Z... ; • 4887 € pour M. B....

En effet l'intimé renvoie la cour comme le premier juge à l'examen détaillé de sa comptabilité mais ne prend pas la peine d'en extraire le moindre justificatif susceptible de prouver, en application des dispositions de l'article 1315 du code civil, qu'il s'est acquitté des obligations qu'il tient de l'article 92-1 du code du travail maritime.

Sur les jours non péchés mais travaillés.

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a fait droit à la demande présentée de ce chef à hauteur de :
• 7 214, 13 € pour M. X... ; • 5 920, 20 € pour M. Z... ; • 4 687, 97 € pour M. B....

Sur les bulletins de salaire.

M. D... s'oppose à l'établissement des bulletins de salaire demandés au motif qu'il " vient de se voir indiquer par son comptable que la saisie de bulletins de paie sur la période demandée par les marins devrait être faite en cohérence avec les revenus déclarés par les marins ", ce qui démontre à tout le moins une approche singulière des obligations qu'il tient du code du travail.
Nul ne lui demande d'être vertueux pour quatre et il lui appartient de s'en tenir aux rémunérations versées par ses soins, chacun des appelants étant responsable vis-à-vis du fisc de ses propres déclarations de revenus.
Ce chef de demande doit être confirmé.

Sur le préavis.

Il résulte des développements qui précèdent que le navire n'a effectivement repris la mer que le 23 février 2010.
L'intimé ne peut réclamer une somme quelconque à ce titre alors qu'il sait que le préavis ne pouvait être travaillé.

Sur la faute lourde.

Le premier juge a justement relevé que M. D..., sur qui pèse la charge de la preuve de la faute comme de son préjudice, n'établissait pas que les appelants avaient agi à son encontre dans l'intention de lui nuire, y compris en sollicitant la saisie du navire.
En effet, la chronologie des faits (projet de vente du navire-proposition de rupture conventionnelle-absence de sortie du navire) pouvait légitimement leur faire penser que l'employeur manoeuvrait pour les spolier.
Le seul fait que cette analyse se révèle erronée au vu des éléments objectifs du dossier, notamment de la réalité de l'arrêt de travail du capitaine, ne suffit pas à démontrer leur volonté de nuire.
PAR CES MOTIFS

La cour ;

Dit l'appel recevable mais non fondé ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties par le tribunal d'instance de Béziers le 11 juin 2010 ;
Rejette les demandes principales et incidentes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne les appelants aux dépens exposés en appel.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/05644
Date de la décision : 08/06/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2011-06-08;10.05644 ?
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