SD/ PDHCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4o chambre sociale
ARRÊT DU 18 Mai 2011
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 04821
ARRÊT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 AVRIL 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER No RG09/ 404
APPELANTE :
SARL ART TECH, prise en la personne de son gérant 5 place du 8 Mai 1945 34070 MONTPELLIER Représentant : Me Christine HUNAULT LEVENEUR (avocat au barreau de MONTPELLIER)
INTIME :
Monsieur Philippe Z...... Représentant : Me Vincent LECROISEY (avocat au barreau de MONTPELLIER)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 MARS 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre Monsieur Richard BOUGON, Conseiller Monsieur Philippe DE GUARDIA, Vice-Président placé
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *
FAITS ET PROCEDURE
Philippe Z...a été embauché par la SARL ART TECH en qualité de dessinateur projeteur, suivant contrat de travail à durée déterminée du 28 mai 2002 jusqu'au 30 novembre 2002 en raison d'un " accroissement temporaire d'activité due aux études préliminaires du tramway de Toulouse " ; par avenant du 1er décembre 2002, ce contrat a été renouvelé pour une durée de 6 mois prenant effet le 1er décembre 2002 pour s'achever le 31 mai 2003.
Par " contrat de chantier " à durée indéterminée du 1er juin 2003, monsieur Z...a été embauché par la dite société en qualité de dessinateur projeteur, coefficient 325.
Le 30 avril 2005, il a été signé entre les parties, une " lettre de mission " dans laquelle la fonction de Philippe Z...devient " chargé d'études ", avec des " missions " énumérées.
Par lettre datée du 15 octobre 2008, remise en main propre le même jour, monsieur Z...a été convoqué par son employeur à un entretien en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, entretien fixé au 29 octobre 2008 à 17 heures ; cette convocation est assortie d'une mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre recommandée datée du 10 novembre 2008, réceptionnée le 17 novembre suivant, l'employeur, indiquant qu'il avait de nouveaux griefs à faire valoir, a convoqué le salarié à un second entretien préalable en vue du licenciement, entretien fixé au 21 novembre 2008 à 11h30 ; dans cette convocation, il est indiqué que la mise à pied conservatoire précédemment notifiée est maintenue.
Par lettre recommandée du 17 novembre 2008, le salarié a protesté de la longueur de sa mise à pied conservatoire, indiquant que n'étant pas rémunéré pendant cette période, il était confronté à des difficultés financières.
Suivant lettre datée du 26 novembre 2008, notifiée par huissier de justice le même jour, monsieur Z...a été licencié par son employeur pour les motifs suivants :
" Nous faisons suite à notre entretien préalable du 29 octobre 2008 complété par l'entretien préalable du 21 novembre 2008 au cours desquels nous vous avons exposé les nombreuses et graves erreurs qui vous sont reprochées sur l'opération " HORIZON VILLREROY " réalisée par le promoteur et maître d'ouvrage, la SAS HELENIS, et consistant en la construction de 60 maisons d'habitation à SETE.
Les griefs sont les suivants :
- nombreuses et importantes erreurs de calcul de surface habitable sur les plans de vente définitifs, notamment sur les lots no23, 26, 27, 29, 30. Les erreurs de surface habitable oscillent entre 1 et 1, 30 m2 !- erreurs de calculs des surfaces de terrasses, notamment sur le lot no49.- non concordances de représentation entre les plans de vente et les plans du dossier marchés.- erreur de calcul de la surface de terrain de 5 m2 sur le lot no1- fautes de dessins rendant notamment une suite parentale non aménageable en l'état sur le lot no54
Au jour de la rédaction de la présente lettre, nous ignorons si d'autres erreurs ont été commises à l'occasion de votre intervention et de celle de votre chef de projet, madame C....
Vous n'ignorez pas que la phase gros oeuvre du chantier HORIZON VILLREROY est aujourd'hui réalisée à 80 %.
En ce qui concerne la suite parentale non aménageable en l'état du lot no54, la SAS HELENIS a exigé qu'une réunion ait lieu pour évoquer ce problème. Cette réunion a eu lieu sur le chantier le 14 novembre 2008. Nous avons été contraints de proposer au maître d'ouvrage une démolition/ reconstruction, seule solution acceptable à notre sens, pour ne pas rendre cette pièce impropre à sa destination.
Cela entraînerait un coût supplémentaire de travaux démolition/ reconstruction dont la SAS HELENIS ne manquera pas de nous en réclamer le remboursement ultérieurement, sans compter les conséquences de retard dans la livraison de ce lot que le promoteur a déjà vendu. Les acquéreurs du lot no54 risquent eux même de subir un préjudice lié notamment au retard dans leur emménagement, ce qui pourrait les amener à réclamer une indemnisation.
Vous collaboriez en qualité de chargé d'études/ projeteur au sein de notre agence.
A ce titre, vous aviez la charge de la réalisation des dessin et plans de l'opération " HORIZON VILLEROY ".
En l'espèce, vous avez gravement failli à votre mission en établissant des dessins et des plans erronés, ce qui génère des conséquences graves. Or, vous n'ignorez pas que les plans de vente sont remis au promoteur et sont annexés aux actes authentiques de vente signés avec les différents acquéreurs des lots et engagent contractuellement le promoteur.
De plus les erreurs et non concordances entre les plans du dossier marchés et les plans de vente occasionnent d'importants problèmes en phase d'exécution et qui ne manqueront pas d'avoir des répercussions financières (à titre d'exemple : non concordances fenêtres et portes fenêtres dans des cuisines)
Votre négligence et votre comportement irresponsable ont des conséquences lourdes :
- Menace d'assignation en justice par le promoteur ou par les acquéreurs. A cet égard, le maître d'ouvrage, la SAS HELENIS nous a déjà adressé un courrier de mise en demeure le 25 septembre 2008 au terme duquel il souligne des erreurs sur six maisons, soit 10 % du programme. La SAS HELENIS a constaté des baisses de surface de la chambre de 1, 30 m2 passant à 8, 50 m2, rendant cette pièce quasi inutilisable !
La SAS HELENIS souligne également qu'une de leurs clientes s'est désistée et réclame des dommages et intérêts.
La SAS HELENIS précise enfin avoir transmis le dossier à son avocat et se réserve de chiffrer ultérieurement le montant de son préjudice.
A l'égard du promoteur et maître d'ouvrage, notre responsabilité contractuelle va être engagée et nous sommes tenus par une obligation de résultat.
- Conflit avec l'un de nos plus importants clients. Vous n'ignorez pas en effet que le promoteur, la SAS HELENIS est un important maître d'ouvrage pour notre société et avec lequel nous entretenions des bonnes relations commerciales depuis quelques années. La perte de ce client entraînerait inéluctablement une perte de chiffre d'affaires pour notre agence.
- Préjudice commercial et détérioration importante de notre image de marque et de notre réputation auprès des autres promoteurs de la région, ce qui risque d'entraîner des conséquences financières pour l'agence.
- Préjudice financier certain, dont l'importance est à ce jour réservée dans son chiffrage.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, qui sont intolérables et particulièrement préjudiciables à notre agence, nous sommes dans l'impossibilité de continuer à vous confier une quelconque mission au sein de notre société.
Les explications que vous nous avez données lors de notre entretien du préalable du 29 octobre 2008 complété par l'entretien préalable du 21 novembre 2008, ne nous a pas permis de modifier notre appréciation de ces faits. En conséquence, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave. Compte tenu de la gravité des fautes qui vous sont reprochés et de ses conséquences, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible.
Votre licenciement pour faute grave prend donc effet immédiatement, dés la notification de la présente lettre par l'huissier que nous avons mandaté.../... "
Contestant la régularité et le bien fondé de son licenciement, monsieur Z...a saisi au mois de mars 2009, le conseil de prud'hommes de Montpellier lequel par jugement du 30 avril 2010 a dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société ART TECH à payer au salarié la somme de 2355 € pour non respect de la procédure, celle de 3140 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, celle de 4170 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, celle de 785 €) titre de congés payés sur rappel de salaire et indemnité de préavis, celle de 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 650 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, rejetant les demandes reconventionnelles de l'employeur et condamnant ce dernier aux dépens.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 17 juin 2010, la SARL ART TECH a régulièrement relevé appel de ce jugement qui lui a été notifié le 11 juin 2010.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société appelante demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, statuant à nouveau de dire et juger le licenciement du salarié pour faute grave bien fondé, de débouter en conséquence l'intimé de tous ses chefs de demande, et à titre reconventionnel de condamner ce dernier à lui payer la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi et celle de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
A l'appui de son appel, elle soutient pour l'essentiel :
- que s'agissant de l'irrégularité de la procédure de licenciement, la lettre de convocation au second entretien préalable a été envoyée le 10 novembre 2008, qu'elle n'est pas responsable du service de distribution des plis postaux, que le salariée a été assisté lors de ce second entretien et n'a donc subi aucun préjudice ;- que lors du premier entretien préalable ont été évoqués tous les griefs dont l'employeur avait alors connaissance et qu'en raison d'erreurs grossières découvertes postérieurement au premier entretien préalable, le salarié a été convoqué à un second entretien pour que tous les griefs y compris ceux qui venaient d'être découverts puissent être débattus contradictoirement ; que dans son courrier du 2 décembre 2008, le salarié
a reconnu que de nouveaux griefs ont été débattus contradictoirement à cette occasion ;- qu'il est faux de prétendre qu'au cours des deux entretiens préalables il a été refusé au salarié de lui présenter les plans de l'opération HORIZON VILLEROY, ce qu'elle n'avait aucun intérêt à faire ; qu'en droit, l'article L 1332-2 du code du travail ne fait pas obligation de communiquer au salarié les pièces susceptibles de justifier l'éventuelle sanction disciplinaire ; que l'article 14 du code de procédure civile et la jurisprudence invoqués par le salarié sont hors sujet ;- que contrairement à ce soutient le salarié, tous les griefs ont été débattus lors des deux entretiens préalables ; que par ailleurs, la lettre de licenciement peut faire état de faits non invoqués lors de l'entretien préalable, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;- que les dispositions de l'article IV. 2- IV. 2. 1 de la convention collective applicable n'ont pas été méconnues de sorte qu'il ne peut être soutenu que le licenciement a été notifié hors délai ; qu'à cet égard, l'analyse du salarié retenue par les premiers juges est erronée au regard tant des dispositions du code du travail que des dispositions de la convention collective, compte tenu des nouveaux griefs découverts à la suite du premier entretien préalable ; que les dispositions conventionnelles ne fixent aucune restriction quant à la faculté pour l'employeur d'organiser un second entretien préalable permettant d'arrêter définitivement sa décision ; qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait pris sa décision de licencier à l'issue du premier entretien préalable ; que le délai de 10 jours prévu par la convention collective a nécessairement commencé à courir postérieurement au second entretien préalable au cours duquel ont été débattu contradictoirement l'ensemble des griefs reprochés au salarié ; qu'en outre, le texte conventionnel ne précise pas à partir de quel moment le délai de 10 jours francs commence à courir de sorte qu'il est inapplicable ;- qu'en toute hypothèse, il ne peut s'agir que d'une irrégularité de procédure et non une irrégularité de fond ;- qu'il n'y a pas violation des dispositions de l'article L 1332-4 du code du travail relatif à la prescription ; que c'est au vu du " bilan des erreurs sur les plan de ventes définitifs du 3 avril 2008 " daté du 17 septembre 2008 et d'un second bilan rectifié du 23 septembre 2008, remis par Madame C...que l'employeur a eu connaissance de la multiplicité et de l'importance des erreurs commises, et initié une procédure de licenciement avec une première convocation du 15 octobre 2008 à un entretien préalable fixé au 29 octobre suivant ; que postérieurement à cet entretien, l'employeur a découvert d'autres erreurs, particulièrement des erreurs de dessins du lot no54, les premières erreurs concernant des erreurs de surfaçage ; que ces erreurs de dessins entraînaient une impropriété à destination ; qu'après la découverte de cette impropriété à destination, il a été organisé en urgence une réunion sur le chantier avec Helenis le 14 novembre 2008 ; que cela a justifié l'organisation d'un second entretien préalable suivant convocation du 10 novembre 2008, fixé au 21 novembre 2008 ; qu'il est faux de prétendre que le délai de 2 mois a commencé à courir le 6 août 2008, dans la mesure où à cette date, Helenis ne se plaignait que d'une erreur de surface du lot no29 ; que par courrier du 25 septembre, Helenis s'est plaint que six lots (et non simplement le lot no29) étaient affectés d'erreurs ; que le délai de 2 mois n'a pu commencer à courir au plus tôt à compter du 17 septembre 2008 si l'on tient compte du premier bilan remis par madame C...; que l'on peut même considérer que ce n'est qu'à compter du 14 novembre 2008, date de la réunion de chantier que le délai de prescription a pu commencer à courir ;- qu'il est de jurisprudence qu'une faute dite " ancienne (de plus de deux mois) peut être sanctionnée, si cette faute s'inscrit dans un phénomène répétitif ou si l'employeur découvre de nouveaux faits fautifs à la condition que ces nouveaux faits soient découverts moins de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire, ce qui est le cas en l'espèce ;- que la réalité et l'importance des erreurs commises sur l'opération Horizon Villeroy sont démontrées, que les plans et dessins réalisés par monsieur Z...contiennent des erreurs grossières qui lui sont bien imputables étant le dessinateur projeteur de l'opération ; que d'importantes fautes ont été commises rendant certaines pièces inaménageables sur plusieurs lots ; que la non concordance de représentation entre les plans de vente et les plans des dossiers marchés est établie, que les procédures fixées par l'agence et notamment la Charte qualité n'ont pas été respectées ; que le salarié a omis sciemment d'informer sa hiérarchie des difficultés majeures rencontrées sur le projet ;- qu'à titre infiniment subsidiaire, les demandes du salarié sont déraisonnables compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise ;- que sa demande reconventionnelle que le premier juge n'a même pas évoqué est justifié compte tenu du préjudice commercial qu'elle a subi.
Formant appel incident, Philippe Z...sollicite à titre principal sa réintégration au sein de l'entreprise et l'indemnisation du préjudice subi par le paiement des salaires entre le 15 octobre 2008 et le jour de sa réintégration, à titre subsidiaire la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré le licenciement abusif et la condamnation de la société appelante à lu payer la somme de 2706 € à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière, celle de 3872 € à titre de salaire sur mise à pied du 15 octobre au 26 novembre 2008, celle de 5412 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, celle de 928 € à titre de congés payés sur salaire et préavis, celle de 3653 € à titre d'indemnité de licenciement, celle de 50000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et celle de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir en substance pour sa part :
- que la seconde convocation à entretien préalable lui a été remise tardivement du fait de la mention d'un code postal inexact sur l'adresse ;- que lorsqu'il a été reçu par l'employeur lors du premier entretien préalable, ce dernier a invoqué une erreur de surface sur une chambre du lot no29 du programme de Sète en indiquant que cette erreur avait été détectée sur d'autres chambres ; qu'il a demandé que les plans lui soient présentés afin de s'expliquer sur le reproche formulé, ce que l'employeur a catégoriquement refusé ; qu'en le privant de l'effectivité de son droit à s'expliquer sur les griefs invoqués, l'employeur a vidé de leur sens les dispositions de l'article L 1232-3 du code du travail ;- que son licenciement est intervenu au-delà du délai maximum conventionnel et pour des fautes dont l'employeur a eu connaissance depuis plus de deux mois ;
- qu'ainsi l'article IV-2-1 de la convention collective applicable prévoit que si au terme de l'entretien préalable la décision de licenciement est prise, " l'employeur la notifie au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai maximum de 10 jours francs " ; que le licenciement prononcé sans respect de la procédure conventionnelle est un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, suite à convocation du 15 octobre 2008 à un entretien fixé au 29 octobre suivant, l'employeur disposait d'un délai jusqu'au 8 novembre 2008 pour notifier le licenciement ; que jusqu'au 8 novembre 2008, l'employeur n'a pris aucune décision et se trouve prescrit, au delà de cette date pour décider d'un licenciement ; que le second entretien ne peut faire renaître, deux jours après son terme, un délai échu de sorte que le licenciement est intervenu hors délai ;- que par ailleurs, outre le fait que le délai conventionnel est en tout état de cause expiré, il n'y a pas de faits nouveaux, puisque par courrier du 15 octobre 2008, soit avant le premier entretien préalable, la société Helenis a averti l'employeur de l'anomalie constatée au rez de chaussée des villas T5 dont fait partie le lot no54 ; que si l'employeur n'a pas évoqué ce point lors du premier entretien préalable, ce n'est pas parce qu'il l'ignorait, mais parce qu'il s'agit d'une erreur de conception des plans relevant de la seule responsabilité de l'architecte ;- que lorsque l'employeur l'a convoqué le 15 octobre 2008 au premier entretien préalable ne concernant que l'erreur de surface de la chambre no1 du lot no29, l'employeur en était informé depuis un courrier de la société Helenis du 6 août 2008, de sorte qu'il ne peut prétendre n'avoir pris connaissance des défauts qu'après le 10 septembre 2008 ; que tenant les dispositions de l'article L 1332-4 du code du travail, son licenciement pour ce deuxième motif est sans cause réelle et sérieuse ;- que le contexte dans lequel s'est déroulée l'opération Horizon Villeroy (opération réalisée dans la précipitation à cause du peu de personnel qui y a été affecté à savoir un architecte chef de projet et un dessinateur projeteur, et du fait que le projet portait sur 60 villas avec des plans à retravailler plusieurs fois compte tenu des demandes du promoteur) et la réaction de l'employeur lorsqu'il a été informé des erreurs constatées (maintenu dans son poste pour achever un autre projet à savoir le concours îlot Du Guesclin devant être rendu le 15 octobre 2008) montrent qu'il n'a pas commis de faute grave ;- que l'employeur a sanctionné collectivement le même jour pour faute grave les deux salariés affectés à l'opération Horizon Villeroy (Mme C...et lui même), sans tenir compte de leurs responsabilités respectives ni rechercher qui avait effectivement commis des erreurs ; que pour sa part, il occupait une fonction de dessinateur projeteur, chargé de réaliser et d'organiser les travaux de sa spécialité sous le contrôle de Madame C..., architecte ; qu'à l'exception du 5ème grief, les erreurs mentionnées concernent non le dessin mais le récapitulatif des surfaces de certains lots ; que les pièces produites par l'employeur ne permettent pas d'établir avec certitude que ces erreurs lui seraient imputables, ce qui explique que l'employeur a toujours refusé de communiquer les plans au cours des entretiens préalables, en conciliation et jusqu'à quelques jours de l'audience ; que le calcul de la surface des parcelles est tributaire des plans du géomètre ; qu'en ce qui concerne le premier grief, les erreurs constatées de surfaces habitables ne proviennent pas nécessairement des plans d'origine, mais des modifications apportées par la suite par madame C..., lui même ou l'un des 7 autres intervenants sur le projet ; qu'en ce qui concerne le 2ème grief relatif aux erreurs de calcul des surfaces de terrasses, ce grief n'a été invoqué ni lors du premier entretien, ni lors du second, et ces erreurs ne peuvent lui être attribuées avec certitude ; qu'il n'est pas davantage établi que il soit responsable de la non concordance entre les plans de ventes et les plans du dossier marchés, troisième grief invoqué lors du second entretien ; que le 4ème grief concernant une erreur de calcul de la surface de terrain sur le lot 1, n'a été invoqué ni lors du premier entretien ni lors du second et rien n'établit que ce soit lui plus que madame C...ou l'un des autres intervenants qui ait mentionné une surface de parcelle erronée sur ce lot ; que le 5ème grief invoqué lors du second entretien relatif à des fautes de dessins sur le lot 54 relève de la seule responsabilité de l'architecte, madame C..., chef de projet ou de ses supérieurs qui seuls ont négocié le plan de ce lot avec le promoteur tout au long des aménagements successifs ;- que le dernier bilan du 25 septembre 2008 de madame C...dans lequel cette dernière l'accuse nommément, contrairement aux deux bilans précédents, ne peut être retenu, compte tenu du contexte dans lequel il a été réalisé, l'intéressée ne s'exprimant pas librement mais ne faisant que répondre à une demande de l'employeur pour tenter de " sauver sa peau ", compte tenu du fait qu'il n'est trouvé aucune trace des remarques que cette dernière lui aurait faites tout au long du projet et compte tenu du fait que si les accusations de madame C...portées à son encontre lui avait paru fondées, on ne voit pas pourquoi l'employeur aurait licenciée cette dernière pour faute grave ;- que la sanction dont il a fait l'objet est discriminatoire, dans la mesure où le projet Horizon Villeroy n'est pas le seul où des erreurs ont été commises, puisque les 8 et 10 octobre 2008, le même promoteur Helenis s'est plaint de plans de vente définitifs faux et de différentes anomalies sur plusieurs villas du lotissement du projet Château Cézanne ; qu'il n'a pas su qu'après ces erreurs, une suite disciplinaire ait été donnée à ces plaintes.
Pour un exposé complet des moyens et arguments des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites reprises oralement à l'audience.
MOTIFS DE LA DECISION
1. sur la rupture du contrat de travail
L'article IV-2-1 de la convention collective des entreprises d'architecture applicable dans l'entreprise est rédigée comme suit : " Conformément à la procédure prévue par le code du travail, le licenciement est obligatoirement précédé d'un entretien au cours duquel l'employeur indique les motifs de la rupture envisagée et recueille les observations du salarié. Celui-ci a la faculté de se faire assister par la personne de son choix. Si la décision de licencier est prise, l'employeur la notifie au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai maximum de 10 jours francs ".
Ces dispositions conventionnelles qui édictent des règles de fond plus favorables que la loi, sont impératives ; dès lors si le licenciement à titre disciplinaire a été prononcé en méconnaissance des dites dispositions, il doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, le salarié intimé a été convoqué le mercredi 15 octobre 2008 avec mise à pied conservatoire pour un entretien préalable en vue de son licenciement fixé au mercredi 29 octobre 2008.
A l'issue de cet entretien, l'employeur n'a pas licencié le salarié, mais l'a convoqué par lettre recommandée du lundi 10 novembre 2010 à un autre entretien préalable fixé au vendredi 21 novembre 2010 en indiquant qu'il avait " de nouveaux griefs à faire valoir ", soit compte tenu du fait que le 8 novembre 2008 tombait un samedi, dans le délai de 10 jours francs prévu les dispositions conventionnelles sus visées.
Il résulte du compte rendu de l'entretien préalable du 29 octobre 2008 signé du conseiller ayant assisté le salarié et accompagné d'une pièce justifiant de son identité (Eric E...), que l'employeur a indiqué lors de cet entretien, avoir été alerté il y a un mois et demi à deux mois par le maître d'ouvrage d'une erreur de surface sur une chambre du lot no29 de type F3 du programme de Sète (projet Horizon Villeroy) et que cette erreur a aussi été détectée sur d'autres chambres, qu'il a reproché à cette occasion au salarié de ne pas avoir vérifié les plans de sa propre production.
Ce compte rendu d'entretien qui ne saurait être écarté des débats, est à rapprocher d'une lettre du " maître d'ouvrage " la société HELENIS, en date du 6 août 2008 que l'employeur a réceptionné le 7 août 2008, dans laquelle cette société indique que la cliente de la villa no29 du programme Horizon Villeroy (Sète) signale que la surface de la chambre no1 prévue dans son plan de vente définitif, soit une superficie de 9, 80 m2 n'est pas respectée sur le plan d'exécution, la surface réelle étant de 8, 54 m2, et d'une lettre de la même société en date du 21 août 2008 qui indique malgré le nouveau plan corrigé qui lui a été adressé, la surface de la chambre no1 reste inférieure à 9 m2.
Le " bilan des erreurs sur les plans de vente définitifs " du 17 septembre 2008 établi par madame C...fait état de 15 erreurs, à savoir une erreur sur la surface de parcelle affectant les villas (maisons) no 1 et 34, des erreurs sur la surface de parcelle et des pièces en étages et sur la typologie affectant les villas no 18 et 19, des erreurs sur la surface des pièces en étage et la typologie affectant la villa no20, des erreurs sur la surface de parcelle et sur la chambre 3 affectant les villas no23, 32, 35 et 38, des erreurs sur la surface de parcelle et sur la chambre 1 affectant les villas no26, 27, 29 et 30, une erreur sur la surface de la chambre 3 affectant la villa no41 et un erreur sur la surface de parcelle et de la terrasse 2 affectant la villa no49.
Le " bilan des erreurs sur les plans définitifs de vente définitifs " du 23 septembre 2008 établi par madame C...ne fait plus état que des erreurs affectant les villas no 23, 26, 27, 29, 30 et 49.
Il résulte du compte rendu de l'entretien préalable du 21 novembre 2008, signé du même conseiller ayant assisté le salarié que lors de cet entretien l'employeur a invoqué, à titre de faits nouveaux, d'une part un problème sur la chambre de la villa no54, la configuration ne permettant pas la mise en place d'un lit de façon normale pour rendre la pièce propre à sa destination et d'autre part une discordance entre les plans de vente, les plans D. C. E et les plans marchés ;
Or il résulte d'une correspondance de la société HELLIS en date du 15 octobre 2008 que cette société s'est inquiétée auprès de l'employeur qui l'a reçu le 17 octobre 2008, de " la surface de la chambre du rez de chaussée des villas T 5 qui ne permet pas d'installer un lit " ; que la villa no54 fait partie des villas T 5 ; qu'ainsi, l'employeur, lors de l'entretien du 29 octobre 2008, connaissait déjà le problème de surface de la chambre de la villa no54, de sorte qu'il ne s'agit pas d'un fait nouveau.
Par ailleurs, s'agissant des non concordances de représentation entre les plans de vente et les plans du dossier marchés invoquées par l'employeur, les pièces produites aux débats font apparaître qu'il s'agit de plans établis au mois de mars 2008 pour les plans DCE et au mois de juin 2008 pour les plans " marché ", de sorte que les non concordances invoquées étaient nécessairement connues de l'employeur tant au moment de la convocation à entretien préalable du 15 octobre 2008 que lors de l'entretien du 29 octobre 2008.
En l'absence de faits nouveaux inconnus de l'employeur de nature à justifier une seconde convocation à entretien préalable, le délai pour licencier le salarié a commencé à courir à l'issue du premier entretien préalable.
Force est de constater que le licenciement du salarié est intervenu alors que le délai pour licencier était expiré, de sorte que ce licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse.
2. sur les conséquences à en tirer
En l'état d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, le salarié est fondé à réclamer le paiement d'un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire injustifiée pour la période du 15 octobre 2008 au jour du licenciement, soit, en l'état des bulletins de paie produits aux débats, la somme de 3767, 82 € brut ; outre celle de 376, 78 € brut à titre de congés payés afférents.
Par ailleurs, le salarié est fondé à réclamer le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire, soit, en l'état des bulletins de salaire produits aux débats, la somme de 5382, 46 € brut, à laquelle il convient d'ajouter celle de 538, 25 € brut à titre de congés payés afférents.
En outre, l'intimé peut prétendre au paiement d'une indemnité de licenciement, laquelle, selon les dispositions de l'article IV. 3 de la convention collective applicable, est égale pour les salariés ayant plus de deux années d'ancienneté dans l'entreprise, à 18 % du salaire mensuel brut par année de présence au prorata des années incomplètes, le salaire brut à prendre en considération pour le calcul de cette indemnité étant le 1/ 12 de la rémunération brute des 12 derniers mois précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, le 1/ 3 des 3 derniers mois, étant entendu que dans ce cas toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel qui aura été versée au salarié pendant cette période ne sera prise en compte que dans la limite d'un montant calculé prorata temporis.
Il ressort des bulletins de paie du salarié que le tiers des trois derniers mois précédant le licenciement (soit les mois de juillet, août et septembre 2008), la prime exceptionnelle de 750 € versée avec le salaire de juillet 2008 étant prise en compte prorata temporis, est la formule la plus avantageuse pour l'intimé ; compte tenu de l'ancienneté de l'intéressé dans l'entreprise à la date du licenciement (6 ans et 6 mois), il sera allouée à monsieur Z..., à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, la somme de 2820, 90 € X 18 % X 6, 5 = 3300, 45 €.
Enfin, compte tenu de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise occupant habituellement au moins 11 salariés (6 ans et 6 mois) et de son âge (51 ans) à la date de la rupture, de son niveau de rémunération, de sa situation professionnelle et matérielle postérieurement à la rupture (indemnisé au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi du 1er février 2009 au 28 février 2011) et des circonstances de la rupture, il sera alloué au salarié la somme de 35 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail.
Il convient en outre d'ordonner d'office le remboursement par la société ART TECH, à Pole Emploi, des indemnités de chômage versées au salarié, et ce dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage. L'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement ne se cumulant pas avec celle allouée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail, le jugement déféré qui a alloué des dommages et intérêts pour vice de procédure sera donc réformé sur ce point, sans qu'il y ait lieu d'examiner si la procédure de licenciement est ou non entachée d'une irrégularité.
3. sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Eu égard à la solution apportée au règlement du présent litige, les dépens d'appel seront supportés par l'appelante laquelle devra en outre verser à l'intimé la somme supplémentaire de 1000 € au titre des frais non inclus dans les dépens qu'il a pu engager en cause d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement du salarié dénué de cause réelle et sérieuse, alloué à ce dernier une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné l'employeur aux dépens,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SARL ART TECH à payer à Philippe Z...les sommes suivantes :
-3767, 82 € brut à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire injustifiée,-376, 78 € brut à titre de congés payés afférents,-5382, 46 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-538, 25 € brut à titre de congés payés afférents,-3300, 45 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,-35 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Déboute Phiippe Z...de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure irrégulière,
Ordonne d'office le remboursement par la SARL ART TECH à Pole Emploi des indemnités de chômage versées à Philippe Z..., dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,
Dit que conformément aux dispositions de l'article R. 1235-2 du Code du Travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le Greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure le salarié.
Condamne la SARL ART TECH aux dépens d'appel et à payer à Philippe Z...la somme supplémentaire de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT