COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2o chambre
ARRET DU 10 MAI 2011
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 03304
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 DECEMBRE 2009 TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER No RG 2009014145
APPELANTE :
Maître Vincent X..., Mandataire Judiciaire, agissant en qualité de liquidateur à la Liquidation Judiciaire de la SA CONTINENTALE TMO, suivant Jugement du Tribunal de Commerce de Montpellier du 16 avril 2007, domicilié... ... 34000 MONTPELLIER représentée par la SCP Jean-Louis SALVIGNOL-Chantal SALVIGNOL GUILHEM, avoués à la Cour assistée de Me CHABAUD, avocat au barreau de NIMES
INTIMEE :
AFUL HOTEL CASTANIER LA PORTERIE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège social Villa L'Orée du Bois RD 543 Quartier le Boulard 13480 CABRIES représentée par la SCP NEGRE Eric-PEPRATX NEGRE Marie Camille, avoués à la Cour assistée de Me RENUCCI PEPRATX, avocat au barreau de MARSEILLE
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 31 Mars 2011
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 AVRIL 2011, en chambre du conseil, Monsieur Daniel BACHASSON, Président, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :
Monsieur Daniel BACHASSON, président, Monsieur Hervé CHASSERY, conseiller, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON
Ministère public : représenté lors des débats par M. Pierre VALLEIX, avocat général, qui a fait connaître son avis.
ARRET :
- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Daniel BACHASSON, président, et par Madame Sylvie SABATON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES
La société anonyme Continentale TMO a été placée, sur déclaration de son état de cessation des paiements, en liquidation judiciaire immédiate par jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 16 avril 2007, M. X... étant nommé liquidateur judiciaire.
L'Association foncière urbaine libre de l'Hôtel Castanier la Porterie (l'Aful) a déclaré le 16 mai 2007, sous la signature de « Christian D..., directeur de l'Aful », une créance de 2 785 329 euros au titre de factures dans le cadre d'un marché de travaux.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 6 février 2009, M. X..., ès qualités, a avisé l'Aful qu'il entendait contester la régularité de cette déclaration de créance au motif que son signataire n'avait pas qualité pour ce faire, qu'il proposerait donc le rejet de cette créance et a rappelé les dispositions de l'article L. 622-27 du code de commerce.
Ce courrier est resté sans suite.
Par ordonnance du 16 décembre 2009, le juge-commissaire a :
- dit la contestation recevable nonobstant le défaut de réponse du créancier dans les 30 jours de la lettre du liquidateur judiciaire,
- dit la déclaration de créance régulière comme émanant d'une personne ayant qualité pour représenter l'Aful,
- constaté qu'il n'était pas compétent pour trancher la question de fond sur laquelle repose la créance, renvoyé le créancier à saisir la juridiction compétente et sursis à statuer.
Cette ordonnance a été notifiée par le greffe du tribunal de commerce à M. X..., ès qualités, le 4 janvier 2010 avec précision qu'elle pouvait faire l'objet d'un recours devant le tribunal, conformément aux dispositions de l'article R. 621-21 du code de commerce.
M. X..., ès qualités, ayant exercé ce recours le 12 janvier 2010, le tribunal de commerce de Montpellier a déclaré, par jugement du 9 avril 2010, cette opposition irrecevable, renvoyant le liquidateur judiciaire devant la cour d'appel.
M. X..., ès qualités, a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 28 avril 2010.
Il a conclu :
- à titre principal, que le créancier n'ayant pas répondu à sa proposition de rejet de la créance, il convient de faire droit à cette proposition,
- subsidiairement, que la déclaration de créance est nulle faute d'émaner du représentant légal de l'Aful,
- à titre plus subsidiaire, à la confirmation de l'ordonnance entreprise.
Il soutient que :
- la notification de l'ordonnance du 16 décembre 2009 indiquant une voie de recours inadéquate n'a pas fait courir le délai dudit recours,
- faute pour l'Aful d'avoir répondu dans les trente jours à sa proposition de rejet de la créance, elle s'est fermée la possibilité de toute contestation ultérieure, conformément aux dispositions des articles L. 622-27 et L. 624-3, alinéa 3, du code de commerce, et cette déchéance est applicable lorsque la contestation repose, comme en l'espèce, sur un moyen de fond tiré de l'absence de qualité du signataire de la déclaration de créance,
- alors que les statuts de l'Aful donnent pouvoir à son président pour la représenter en justice, la créance a été déclarée par son directeur, M. D..., lequel ne disposait que de pouvoirs administratifs et financiers,
- le fait que l'Aful déclare avoir engagé la responsabilité de M. D... pour faute ne saurait pallier son absence de qualité pour la représenter dans le cadre de la déclaration de créance,
- si la cour devait admettre la régularité de la déclaration de créance, il reste que cette créance repose sur la question discutée de l'avancement d'un chantier, laquelle échappe à aux pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire.
L'Aful a conclu à :
- l'irrecevabilité de l'appel,
- la recevabilité de sa contestation de la proposition du liquidateur judiciaire tendant au rejet de la créance
-à la confirmation de l'ordonnance entreprise,
- au sursis à statuer jusqu'à ce qu'une décision définitive fixe sa créance conformément aux dispositions de l'article L. 622-24, alinéa 6 du code de commerce,
- la condamnation de M. X..., ès qualités, à lui payer 10 000 euros à titre de dommages et intérêts et 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que :
- M. X..., ès qualités, a formé opposition à l'ordonnance du juge-commissaire en méconnaissance des dispositions de l'article R. 624-7 du code de commerce,
- il n'est pas fondé à se prévaloir de l'irrégularité de la notification faite par le greffe du tribunal de commerce de Montpellier faute de justifier d'un grief qui en serait résulté,
- son appel a été interjeté tardivement,
- la proposition du liquidateur judiciaire de rejet de la créance étant fondée sur la régularité de sa déclaration, et, en outre, le juge-commissaire n'ayant pas entériné cette proposition, les dispositions de l'article L. 622-27 du code de commerce ne sont pas applicables,
- la déclaration de créance par M. D..., directeur et gérant de fait de l'Aful ayant reçu pouvoir et étant seul en mesure de connaître le montant de la créance, est régulière,
- les statuts de l'Aful permettent de dire que M. D... pouvait en sa qualité de directeur statutaire prendre toutes les mesures conservatoires pour le compte des copropriétaires dont il gérait les fonds et pour lesquels il faisait donc fonction de syndic,
- cette déclaration a été faite intentionnellement par M. D... en fraude des droits des créanciers afin d'être déclarée nulle et de voir la créance déclarée éteinte,
- le délai de déclaration de la créance de l'Aful n'a pas commencé à courir, et ne commencera à ce faire qu'à compter du jugement définitif, civil ou pénal, qui fixera cette créance,
- la persistance du liquidateur judiciaire dans sa volonté de voir rejeter la créance justifie sa condamnation au paiement de dommages et intérêts.
Le ministère public a conclu à la confirmation de l'ordonnance entreprise.
C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 31 mars 2011.
MOTIFS DE LA DECISION
1/ Sur la recevabilité de l'appel
Attendu que l'absence de mention ou la mention erronée dans l'acte de notification d'un jugement de la voie de recours ouverte, de son délai ou de ses modalités a pour effet de ne pas faire courir le délai de recours ;
Attendu que l'ordonnance du juge-commissaire du 16 décembre 2009 a été notifiée par le greffe du tribunal de commerce de Montpellier par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 21 décembre suivant ;
Que cet acte porte la mention suivante : « … vous avez conformément aux dispositions de l'article R. 621-21 du code de commerce la possibilité de former un recours devant le tribunal dans les dix jours de la notification … » ;
Que cette mention est erronée en ce que l'ordonnance du juge-commissaire statuant, comme en l'espèce, sur l'admission des créances est susceptible, aux termes de l'article R. 624-7 du code de commerce, d'un recours devant la cour d'appel ;
Que, dès lors, le délai d'appel n'ayant pas couru, le recours de M. X..., ès qualités, est recevable ;
2/ Sur la sanction de l'article L. 622-27 du code de commerce
Attendu que la sanction prévue par les articles L. 622-27 et L. 624-3, alinéa 2, du code de commerce en cas de défaut de réponse dans le délai de trente jours n'est applicable que s'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance autre que celles mentionnées à l'article L. 625-1 ;
Qu'elle ne peut être étendue lorsque la discussion porte sur la régularité de la déclaration de créance ;
Attendu qu'en l'espèce, il ressort du courrier du liquidateur judiciaire du 6 février 2009 que la contestation a porté sur la régularité de la déclaration de la créance, et non sur la créance elle-même ;
Qu'il s'ensuit que les dispositions légales précitées ne sont pas applicables et que l'Aful est recevable à contester la proposition du mandataire de justice ;
3/ Sur la régularité de la déclaration de créance
Attendu qu'aux termes de ses statuts, l'Aful est administrée par un président (article 16), qui dispose de tous pouvoirs pour agir en justice (article 17) ;
Attendu que la créance de l'Aful a été déclarée, non par son président, mais par M. D..., son directeur ;
Qu'aux termes du procès-verbal de l'assemblée générale de cette association tenue le 11 octobre 2004, M. D... disposait des pouvoirs suivants : « effectuer toutes les opérations nécessaires au bon fonctionnement du compte courant ouvert au nom de l'Aful : encaissement des fonds, émission et signature de chèques pour le règlement de factures dans le cadre des différents budgets votés par l'association » (p. 3) ;
Attendu qu'ainsi, M. D... n'a pas été désigné par les sociétaires de l'Aful pour agir en justice en son nom, ni n'a reçu pouvoir de son président pour déclarer une créance ;
Qu'en conséquence, la déclaration de créance de l'Aful du 16 mai 2007 est nulle au sens de l'article 117 du code de procédure civile pour avoir été faite par une personne dépourvue du pouvoir de la représenter ;
4/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Attendu que l'intimée succombant dans ses prétentions, celles relatives à l'article 700 du code de procédure civile et à l'allocation de et intérêts seront rejetées, et elle supportera les dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après débats en chambre du conseil,
Déclare l'appel recevable.
Infirme l'ordonnance entreprise.
Et statuant à nouveau,
Dit nulle la déclaration de créance.
Déboute l'intimée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et de celle formée à titre de dommages et intérêts.
Condamne l'intimée aux dépens de première instance et d'appel, et autorise la S. C. P. Salvignol-Guilhem, avoués, à recouvrer le montant de ceux d'appel aux forme et condition de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
D. B.