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23/03/2011 | FRANCE | N°10/05227

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4o chambre sociale, 23 mars 2011, 10/05227


CB/ YR COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4o chambre sociale
ARRÊT DU 23 Mars 2011

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 05227
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 JUIN 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN No RG08/ 00957
APPELANT : Monsieur Mohamed X......... 66000 PERPIGNAN Représentant : Me AMADO pour la SCP FITA-BRUZI (avocats au barreau de PYRENEES-ORIENTALES)
INTIMEE : SAS MASSILIA FRUITS DISTRIBUTION prise en la personne de son représentant légal 10/ 12 rue Ampère 13014 MARSEILLE 14 Représentant : Me

Jean Raymond DELISLE (avocat au barreau de MARSEILLE)
COMPOSITION DE LA COUR :
En ...

CB/ YR COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4o chambre sociale
ARRÊT DU 23 Mars 2011

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 05227
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 JUIN 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN No RG08/ 00957
APPELANT : Monsieur Mohamed X......... 66000 PERPIGNAN Représentant : Me AMADO pour la SCP FITA-BRUZI (avocats au barreau de PYRENEES-ORIENTALES)
INTIMEE : SAS MASSILIA FRUITS DISTRIBUTION prise en la personne de son représentant légal 10/ 12 rue Ampère 13014 MARSEILLE 14 Représentant : Me Jean Raymond DELISLE (avocat au barreau de MARSEILLE)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 FEVRIER 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller et Monsieur Philippe DE GUARDIA, Vice-Président placé, chargés d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller Monsieur Philippe DE GUARDIA, Vice-Président placé
Greffière, lors des débats : Mme Chantal BOTHAMY

ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre, et par Mme Chantal BOTHAMY, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *
EXPOSE DU LITIGE

M Mohamed X... était embauché à compter du 18 octobre 2004 par la société Massilia fruit distribution située " Min des arnavaux " à Marseille (la société) pour exercer les fonctions de « vendeur » " à Perpignan chez Rodriguez Guanter SAS ".
Il exerçait en réalité des fonctions de " contrôleur de qualité-agréeur " moyennant une rémunération mensuelle brute moyenne s'établissant en dernier lieu à 2071, 40 euros pour 35 heures hebdomadaires.
Il était convoqué par lettre du 23 janvier 2008 à un entretien préalable à une mesure de licenciement devant se tenir le 4 février 2008, à la suite duquel l'employeur renonçait à son projet tout en lui notifiant par courrier du 21 février 2008 le rappel de ses obligations.
Convoqué à un nouvel entretien préalable le 27 mai 2008, il était licencié par lettre recommandée avec AR du 13 juin 2008 rédigée en ces termes :
" (...) Vous avez été embauché le 18 octobre 2004 en qualité de vendeur et vous exercez les fonctions d'agréeur au sein de notre établissement de Perpignan. Concernant votre poste de vendeur, nous avons constaté que vos résultats sont quasiment nuls. C'est pourquoi nous avons basculé vers un poste d'agréeur. Cependant, même à ce poste nous avons constaté de nombreux problèmes de refus de la part de nos clients, une mauvaise gestion des stocks (palettes perdues, erreur de livraison). Nous vous avons adressé des courriers en date des 21/ 02/ 2008 et 19/ 03/ 2008 suite à ces différents problèmes ainsi qu'à votre manque d'assiduité au travail (nombreux retards), et nous constatons que vous ne respectez toujours pas les horaires pour lesquels vous vous êtes engagés. En effet vous arrivez à votre poste entre 8h30 et 9h00 plusieurs fois par semaine. En outre, nous avons eu connaissance à nouveau de problème de refus clients et après vérification des stocks effectués en mai nous avons pu constater que les erreurs perduraient. En conséquence, nous ne pouvons poursuivre nos relations contractuelles compte tenu du nombre de dysfonctionnements dans l'exécution de vos fonctions préjudiciables pour l'entreprise. Votre préavis d'une durée de deux mois débutera à première présentation de cette lettre et nous vous dispensons de l'effectuer. (…) ".

Estimant cette rupture abusive, M Mohamed X... saisissait le conseil de prud'hommes de Perpignan qui, par jugement du 15 juin 2010, le déboutait de ses demandes.
Par lettre recommandée reçue au greffe de la cour d'appel le 5 juillet 2010, M Mohamed X... interjetait appel de cette décision.
Il conclut à son infirmation et demande à la cour, statuant à nouveau, de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société à lui payer :
• 19 120 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; • 25 961, 83 euros de rappel d'heures supplémentaires ; • 2596, 18 euros de congés payés sur les heures supplémentaires ; • 11 472, 36 euros d'indemnité forfaitaire sur le fondement des dispositions de l'article L8223-1 du code du travail ; • 767, 09 euro net de solde d'indemnité de licenciement ; • 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il demande en outre que la société soit condamnée sous astreinte à lui remettre le certificat de travail, l'attestation ASSEDIC ainsi que l'ensemble des bulletins de paie rectifiés.
La société conclut à la confirmation du jugement déféré, au bien-fondé des motifs du licenciement, à l'absence de preuve de l'existence d'heures supplémentaires, au débouté de l'ensemble des demandes à titre principal, au remboursement de l'indemnité de licenciement perçue si la cour devait faire droit à la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé à titre subsidiaire, en tout état de cause à la condamnation de l'appelant à lui payer 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions écrites auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les heures supplémentaires.
En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.
Il est constant que le contrat de travail ne fixe pas l'horaire de travail quotidien ou hebdomadaire.
Si l'employeur argue de l'existence d'un horaire affiché dans le bureau mis à sa disposition par la société Rodriguez Guanter, force est de constater que non seulement il n'en rapporte pas la preuve mais qu'au surplus il s'abstient de préciser, y compris devant la cour d'appel, l'horaire journalier indiqué par cette affiche auquel aurait été tenu le salarié pendant près de quatre ans.
Le contrat de travail est taisant sur les fonctions effectivement exercées par l'appelant mais la lettre du 21 février 2008 adressée par l'employeur précise les différents aspects de ses fonctions : " a) débuter votre activité journalière chez nous à 8 heures. b) nous faire parvenir les agréages des remorques et des containers que nous recevons, une heure après leurs arrivées. c) nous faire parvenir les stocks physiques tous les soirs après les dernières sorties et ce sans tenir compte du stock Guanter. d) nous tenir informé tous les jours de l'état des marchandises et tenir compte impérativement des ordres des vendeurs pour la préparation des commandes. e) respecter les lots inscrits sur les bons de préparation, ou dans le cas où un changement de lot s'impose, informer immédiatement Massilia MARSEILLE, afin qu'un bon rectifié vous soit expédié dans les plus brefs délais. f) nous informer quotidiennement des colis écartés, des jets de voirie et de tout autre retrait de marchandises hors ventes. Ces informations doivent absolument être quantifiées par lot. g) vérifier rigoureusement toutes les commandes avant chargement, de manière à réduire de façon significative les réclamations de nos clients (…) ".
Pour étayer sa demande M Mohamed X... produit des relevés de télécopies, des listing de factures téléphoniques et des attestations (Y..., Z..., A..., B..., C..., D...) établissant qu'il travaillait de façon habituelle au-delà de 18 h, en raison d'une part de l'arrivée tardive de camions qui pouvaient être dédouanés jusqu'à 17h15, d'autre part de la nécessité dans laquelle il se trouvait d'attendre les camions chargés d'assurer la livraison des commandes destinées aux clients avant de faire l'état du stock.
Dès lors qu'il n'est pas sérieusement discuté que l'appelant prenait son travail entre 8h30 et 9h00 le matin et qu'il travaillait au minimum du lundi au vendredi, il donne des éléments permettant de présumer que les amplitudes de la journée et de la semaine de travail dépassaient 7 heures par jour et 35 heures par semaine et qu'il réalisait en conséquence des heures supplémentaires.
L'employeur le conteste sans justifier de l'horaire effectif du salarié, dont il reconnaît dans son courrier du 21/ 02/ 2008 qu'il était dépendant des heures d'arrivée et de départ de camions dont il n'indique pas le nombre, fut-ce en moyenne et en tenant compte des variations saisonnières.
Par ailleurs il s'abstient d'établir, alors qu'il est le seul en mesure de le faire, qu'eu égard au nombre de rotations de camions et de lots de marchandises contrôlés chaque jour, l'appelant était en mesure d'exécuter les tâches ressortissant de ses fonctions en 35 heures par semaine.
Il est remarquable que si M. Michel E..., directeur général adjoint de la société Guanter Rodriguez indique " notre travail consiste à recevoir des marchandises par camion, à les dédouaner et à les décharger dans nos entrepôts. Lors du déchargement, le personnel de Massilia effectue l'agréage des marchandises que nous stockons en frigo. Enfin, nous préparons les lots pour les livraisons ", il ne contredit pas les autres témoignages, y compris des salariés de sa propre société, précisant qu'en fin de journée M Mohamed X... au besoin recevait les courtiers et acheteurs éventuels pour leur montrer la marchandise, contrôlait que les transporteurs prenaient la marchandise destinée aux clients et si nécessaire les rappelait etc... opérations qui pouvaient durer jusqu'à 19/ 20 heures.
Alors que l'examen des bulletins de salaire démontre que l'appelant n'a bénéficié d'aucune heure supplémentaire pendant toute la durée de son contrat de travail, la société ne formule aucune critique précise sur le mode de calcul des heures supplémentaires réclamées à hauteur de 25 961, 83 euros pour la période du 1er octobre 2004 au 30 juin 2008.
Il y a donc lieu de faire droit à ce chef de demande, en ce compris l'incidence des congés payés.

Sur le travail dissimulé.
Il résulte de la démonstration qui précède que, par nature, les fonctions de M Mohamed X... ne peuvent s'exercer dans le cadre d'un horaire fixe pré-établi et que l'employeur ne s'est pas donné les moyens d'assurer le contrôle de l'horaire de travail effectif.
Pour autant, il n'est pas démontré l'intention de l'employeur de dissimuler l'activité salariée correspondante et l'appelant doit être débouté de la demande d'indemnité présentée de ce chef.

Sur la rupture.
L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail est tenu d'énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige.
Les motifs avancés doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalant à une absence de motif.
La référence dans la lettre du 13 juin 2008 aux conditions dans lesquelles l'intéressé aurait exercé des fonctions de " vendeur " est d'autant moins compréhensible que le salarié établi qu'il ne les a jamais exercées nonobstant la mention relative à l'emploi figurant sur ses bulletins de salaires, ce que l'employeur ne conteste pas.
Le salarié reconnaît qu'il ne se présentait pas au travail à 8 heures précises chaque matin, contrairement à l'injonction figurant dans le courrier que lui avait adressé l'employeur le 21 février 2008.
Le non-respect des consignes données par l'employeur est effectivement blâmable mais cette attitude ne peut être considérée comme constituant un motif de licenciement dès lors qu'il est établi, comme indiqué supra, que le salarié travaillait plus que ce que prévoyait son contrat de travail, au surplus sans qu'il soit payé des heures supplémentaires effectuées.
Le motif essentiel du licenciement est manifestement les " problèmes de refus clients " rencontrés par la société, dont elle justifie en produisant deux courriers, l'un émanant de la centrale de " Système U " daté du 11/ 02/ 2008, l'autre de la société EFES daté du 18/ 04/ 2008.
Ces courriers ont trait au " manque de qualité " et à la " sélection de la marchandise que vous nous livrez " jugée déficiente, les deux clients estimant que les contrôles opérés par la société " à Perpignan " étaient en cause.
La cour ne peut que constater que l'intimée s'abstient de mettre en parallèle les fiches de marchandises reçues par ces clients avec celles établies par M Mohamed X..., ce qui ne permet pas d'établir la responsabilité de ce dernier dans les griefs relevés alors que :
M Mohamed X... produit un nombre significatif de « fiche de réception » (pièces 26 et 38) faisant état des défauts ou non-conformités constatés par ses soins. Figure par exemple une fiche datée du 24/ 01/ 08 mentionnant que des lots de tomates no 622-623-624 étaient " non conformes suite à la décision des fraudes-à déclasser cat II ", qui éclaire peut-être d'un jour particulier le refus par " Système U " de lots de tomates reçues le même jour. De la même façon il notait le 17/ 03/ 08 " l'absence d'homogénéité et l'aspect vieillissant des tomates-présence de pourris occasionnelle " sur plusieurs lots, qui peut expliquer la décision du même jour de " Système U " de refuser des lots de tomates.
Le 20 mars 2008, la société reprochait au salarié de ne pas " avoir retiré les étiquettes de refus du client précédent " et fait valoir que ce n'est pas parce qu'un lot a été refusé par un client qu'il ne peut pas être revendu à un autre client " moins exigeant sur la qualité ".
Eu égard à ces éléments de fait, l'employeur ne pouvait prétendre que l'appelant ne remplissait pas ses fonctions de « contrôleur qualité » sans fournir les « fiches de réception » correspondantes aux lots refusés par les clients mécontents, seul moyen de savoir si c'est bien l'intéressé qui a failli dans ses opérations de contrôle ou si la situation n'est que le résultat d'une politique volontariste de vente de lots dont l'agréeur avait souligné la non-conformité et/ ou les défauts.
Il s'en déduit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise à la date de la rupture, de sa rémunération et de l'absence de justification d'un préjudice particulier, la cour est en mesure d'évaluer le montant des dommages-intérêts à la somme de 13 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail.
L'appelant ne peut prétendre bénéficier de dispositions législatives qui ne sont entrées en vigueur que postérieurement à la rupture et sa demande de complément d'indemnité de licenciement doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS
La cour ;
Infirme le jugement rendu par la section commerce du conseil de prud'hommes de Perpignan le 15 juin 2010 ;
Et, statuant à nouveau sur le tout ;
Dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Massilia fruits distribution SAS à payer à M Mohamed X... :
• 25 961, 83 euros de rappel de salaires bruts pour la période du 1er octobre 2004 au 30 juin 2008 ;
• 2596, 18 euros de rappel de congés payés bruts pendant la même période ;
• les intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du 27 novembre 2008 date de la convocation devant le bureau de conciliation valant demande en justice ;
• 13 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société à lui remettre l'attestation ASSEDIC rectifiée ainsi qu'un bulletin de paie reprenant l'intégralité des rappels ordonnés par la présente décision ;
Dit que cette remise devra intervenir dans le mois de la notification de la présente décision et à défaut sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
Déboute l'appelant de ses demandes d'indemnité pour travail dissimulé et de complément d'indemnité de licenciement ;
Condamne la société intimée à payer en outre 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
La condamne enfin aux dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4o chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/05227
Date de la décision : 23/03/2011
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2011-03-23;10.05227 ?
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