La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/2011 | FRANCE | N°10/05143

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4o chambre sociale, 23 mars 2011, 10/05143


CB/ PDG COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4o chambre sociale
ARRÊT DU 23 Mars 2011

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 05143
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 JUIN 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN No RG08/ 00970
APPELANT : Monsieur Rachid X...... 34000 MONTPELLIER Représentant : Me LLATI loco Me François PARRAT (avocat au barreau de PERPIGNAN)
INTIMEE : SA COOP E. T. E. T. P. ENERGIE prise en la personne de son représentant légal 3, rue des Prairies 66180 VILLENEUVE DE LA RAHO Représentant : Me GA

RCIA pour la SELARL CAPSTAN PYTHEAS (avocats au barreau de MONTPELLIER)
COMPOSITION...

CB/ PDG COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4o chambre sociale
ARRÊT DU 23 Mars 2011

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 05143
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 JUIN 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN No RG08/ 00970
APPELANT : Monsieur Rachid X...... 34000 MONTPELLIER Représentant : Me LLATI loco Me François PARRAT (avocat au barreau de PERPIGNAN)
INTIMEE : SA COOP E. T. E. T. P. ENERGIE prise en la personne de son représentant légal 3, rue des Prairies 66180 VILLENEUVE DE LA RAHO Représentant : Me GARCIA pour la SELARL CAPSTAN PYTHEAS (avocats au barreau de MONTPELLIER)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 FEVRIER 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller et Monsieur Philippe DE GUARDIA, Vice-Président placé, chargés d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller Monsieur Philippe DE GUARDIA, Vice-Président placé
Greffière, lors des débats : Mme Chantal BOTHAMY

ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre, et par Mme Chantal BOTHAMY, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *
FAITS ET PROCÉDURE

Rachid X... a été engagé par la société E. T. E. T. P. à compter du 3 juin 1991. Il exerçait en dernier lieu la fonction de contremaître de chantier, avec un salaire mensuel brut de 1. 815, 00 €, augmenté d'indemnités de transport et de repas. Le 12 août 2008, il a fait l'objet d'une mesure de mise à pied disciplinaire de deux jours pour avoir tenu des propos " tout aussi dénigrants, vexatoires que relevant d'un agissement d'intimidation " à l'encontre du chef de chantier de l'agence de Lattes. Il a pris acte de la rupture par lettre du 24 novembre 2008 en raison des manquements suivants qu'il reprochait à son employeur : " J'ai eu l'occasion à plusieurs reprises, mais en vain, d'attirer votre attention sur le non paiement d'heures que vous refusez de considérer comme du temps de travail. Par ailleurs, je ne supporte plus le comportement de Monsieur Y... qui s'est complu à m'agresser verbalement de manière régulière en osant même user de la dénonciation calomnieuse à mon égard... "
Soutenant que la rupture produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Perpignan qui, par décision de départage en date du 1er juin 2010, l'a débouté de ses demandes.
Rachid X... a régulièrement interjeté appel. Il conclut à l'infirmation, à l'octroi à titre principal des sommes de :- rappel de salaires : 9. 234, 82 €- congés payés sur rappel de salaires : 923, 48 €- rappel de salaire correspondant à la mise à pied : 172, 90 €- congés payés sur rappel de salaire correspondant à la mise à pied : 17, 29 €- indemnité compensatrice de préavis : 3. 790, 30 €- congés payés sur préavis : 379, 03 €- indemnité de licenciement : 8. 765, 02 €- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 40. 000, 00 €- indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 11. 370, 90 €- article 700 du code de procédure civile : 1. 500, 00 € et à la remise sous astreinte d'une attestation destinée au Pôle emploi, d'un certificat de travail et de bulletins de paie conforme à la décision à intervenir.
La S. C. O. P. E. T. E. T. P. ENERGIE demande à la cour de confirmer le jugement et de lui allouer les sommes de 3. 787, 00 € à titre de préavis non effectué et de 2. 700, 00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I-SUR LA MISE A PIED DISCIPLINAIRE :
Attendu que l'employeur ne juge pas utile de fournir une attestation de Monsieur Y... ; Que, cependant, l'attestation de Monsieur Z..., produite par le salarié lui-même, établit qu'au cours d'une altercation qui l'opposait à Monsieur Y..., chef de chantier, Rachid X... est intervenu et s'est " emporté " à l'encontre de son supérieur hiérarchique ; Que, ni dans sa lettre de contestation du 16 août 2008 ni dans ses conclusions, il ne discute les menaces qui lui sont reprochées (" toi, méfies-toi, je l'ai déjà dit, méfies-toi... fais attention à toi "), invoquant seulement le comportement antérieur du chef de chantier qui aurait été à l'origine de plusieurs démissions dans l'entreprise ;
Attendu que quels qu'aient été les griefs de Rachid X... à l'encontre de son supérieur hiérarchique, ceux-ci ne pouvaient justifier les menaces prononcées, en sorte que la sanction limitée que constitue une mise à pied disciplinaire de deux jours est justifiée ;

II-SUR LA PRISE D'ACTE DE LA RUPTURE :
1o/- Attendu que lorsque le salarié prend acte de la rupture en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit d'une démission dans le cas contraire ; Qu'il incombe donc à la cour de se prononcer sur les faits invoqués par le salarié et qui, s'ils étaient établis et suffisamment graves, caractériseraient un manquement de l'employeur à ses obligations justifiant qu'il se considère comme licencié sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que l'employeur fait valoir, d'une part, que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif et, d'autre part, qu'il appartient au salarié réclamant le paiement d'heures supplémentaires de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;
Attendu, cependant, qu'est un travail effectif au sens de l'article L. 3121-1 du code du travail, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles ; Que si, aux termes de l'article L. 3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel entre le domicile du salarié et le lieu d'exécution du travail n'est pas un temps de travail effectif, le temps de transport entre l'entreprise et le chantier constitue un temps de travail effectif ; Qu'en outre, il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que lorsque le salarié fournit au juge des éléments suffisamment précis pour étayer sa demande, il appartient à l'employeur d'apporter des éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés ;
Attendu que Rachid X... produit la fiche horaire des agents du site de Lattes, établie par l'employeur, sur laquelle figurent des " heures de route " de 7 heures à 8 heures et à partir de 17 heures en ce qui concerne le retour au dépôt (16 heures pour le vendredi) ; Que le " comparatif temps de travail, modalités de paiement " de l'entreprise mentionne deux heures de trajet par jour ; Que le salarié fournit également des attestations émanant de salariés de l'agence desquelles il résulte qu'ils étaient tenus de se présenter à 7 heures au dépôt de l'entreprise " afin de récupérer leurs ordres de mission, le matériel et le véhicule d'entreprise " puis, qu'à partir de 17 heures (ou 16 heures le vendredi), ils quittaient les chantiers pour retourner au dépôt où ils effectuaient le bilan de la journée et remettaient les dossiers terminés ; Que Monsieur A... ajoute " qu'il n'était pas possible de se rendre directement sur les chantiers mais qu'il fallait bien passer au dépôt pour tout ce qui était nécessaire " ;
Attendu que, pour sa part, la société E. T. E. T. P. ENERGIE, à laquelle il incombait de justifier des horaires effectivement réalisés, ne produit aucun élément, notamment des attestations, susceptible d'établir qu'elle n'aurait " jamais imposé aux monteurs de faire étape à l'entrepôt " ou que les équipes, et singulièrement Rachid X..., ne " passaient pas systématiquement au dépôt avant de se rendre chez les clients " ;
Attendu qu'en définitive, il résulte des éléments fournis par les deux parties que les salariés se rendaient dans l'entreprise avant d'être transportés sur les chantiers avec un véhicule de l'entreprise puis qu'ils y retournaient à l'issue de leur journée de travail, en sorte que pendant ce temps de transport, ils ne pouvaient vaquer librement à leurs occupations personnelles ;

Attendu qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande de rappel de salaires et de congés payés afférents, exactement calculée ;
2o/- Attendu que le manquement de l'employeur à son obligation contractuelle de payer au salarié la rémunération qui lui est due, justifiait la prise d'acte de la rupture qui produit dès lors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que le salarié a exactement calculé le montant des indemnités de rupture lui revenant, au demeurant non contesté par la partie adverse ;
Attendu qu'au regard de l'importante ancienneté de Rachid X..., de son salaire moyen au moment du licenciement et à défaut d'élément sur sa situation familiale et l'évolution de sa situation professionnelle après le licenciement, il y a également lieu de lui allouer la somme de 30. 000, 00 € (trente mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

III-SUR LE TRAVAIL DISSIMULE :
Attendu qu'au vu des articles L. 3121-1 et suivants du code du travail relatifs au travail effectif et de leur interprétation possible, l'employeur pouvait penser que le temps de trajet entre l'entreprise, d'une part, et le chantier ou le lieu d'intervention, d'autre part, constituait un temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail, lequel n'est pas un temps de travail effectif ; Qu'il n'est donc pas établi qu'il ait, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ;
Attendu que la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé doit dès lors être rejetée ;
* * *
Attendu que le certificat de travail a été remis ;
Attendu que l'employeur doit également être condamné à reprendre les sommes allouées à titre de rappel de salaires, de congés payés et d'indemnités de rupture sous forme d'un bulletin de paie ainsi qu'à rectifier, conformément au présent arrêt, l'attestation destinée au Pôle emploi, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;
Attendu qu'enfin, l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel ;

PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirmant le jugement en ses dispositions relatives au rappel de salaires et aux effets de la prise d'acte, et statuant à nouveau de ces seuls chefs,
Condamne la S. C. O. P. E. T. E. T. P. ENERGIE à payer à Rachid X... :- la somme de 9. 234, 82 € à titre de rappel de salaires ;- la somme de 923, 48 € à titre de congés payés sur salaires ;- la somme de 3. 790, 30 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;- la somme de 379, 03 € à titre de congés payés sur préavis ;- la somme de 8. 765, 02 € à titre d'indemnité de licenciement ;- la somme de 30. 000, 00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;- la somme de 1. 300, 00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la S. C. O. P. E. T. E. T. P. ENERGIE à reprendre les sommes allouées à titre de rappel de salaires, de congés payés et d'indemnités de rupture sous forme d'un bulletin de paie ainsi qu'à délivrer une attestation destinée au Pôle emploi, rectifiée conformément au présent arrêt ;
Rejette toute autre demande ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Condamne la S. C. O. P. E. T. E. T. P. ENERGIE aux dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4o chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/05143
Date de la décision : 23/03/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2011-03-23;10.05143 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award