La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/03/2011 | FRANCE | N°10/00343

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4o chambre sociale, 02 mars 2011, 10/00343


DV/ PDH COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4o chambre sociale
ARRÊT DU 2 mars 2011

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 00343
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 NOVEMBRE 2009 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER No RG08/ 1887

APPELANT :
Monsieur Frédéric X...... 34970 LATTES Représentant : Me ARSLAN substituant la SCP DURAND-LOYGUE-LEGRAIN (avocats au barreau de CAEN)

INTIMEE :
SARL NETNOE, prise en la personne de Frédéric Y..., gérant... 78990 ELANCOURT Représentant : Me SARAZIN substitua

nt la SCP LEHMAN et Associés (avocats au barreau de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a...

DV/ PDH COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4o chambre sociale
ARRÊT DU 2 mars 2011

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 00343
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 NOVEMBRE 2009 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER No RG08/ 1887

APPELANT :
Monsieur Frédéric X...... 34970 LATTES Représentant : Me ARSLAN substituant la SCP DURAND-LOYGUE-LEGRAIN (avocats au barreau de CAEN)

INTIMEE :
SARL NETNOE, prise en la personne de Frédéric Y..., gérant... 78990 ELANCOURT Représentant : Me SARAZIN substituant la SCP LEHMAN et Associés (avocats au barreau de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 JANVIER 2011, en audience publique, Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre Monsieur Philippe DE GUARDIA, Vice-Président placé Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Dominique VALLIER
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement initialement prévu le 23 février 2011 et prorogé au 2 mars 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre, et par Madame Dominique VALLIER, Adjointe administrative f. f. de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *

FAITS ET PROCEDURE
Après avoir travaillé pendant plusieurs années pour le compte de la SARL NETNOE en qualité de travailleur indépendant, Frédéric X... a été embauché par la dite société, en qualité de développeur, suivant contrat de travail B durée indéterminée du 2 mai 2005, moyennant un salaire mensuel de 3000 € brut pour 35 heures de travail par semaine. Le contrat de travail précise qu'il est soumis à la convention collective Synthec. Dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, la rémunération mensuelle du salarié, qualification non cadre, niveau 3 échelon 1 coefficient 230, s'élevait à 3718 € brut.
Le 7 octobre 2008, Monsieur X... a saisi le Conseil de prud'hommes de Montpellier pour voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail en l'état de plusieurs manquements de l'employeur et obtenir le paiement de diverses sommes.
Par lettre recommandée du 6 février 2009, la société NETNOE l'a convoqué à un entretien préalable en vue d'une mesure de licenciement, entretien fixé au 16 février suivant, en lui confirmant une mise à pied conservatoire « notifiée par courriel du 30 janvier 2009 à 18h43 »
Monsieur X... a été licencié par son employeur pour faute grave suivant lettre recommandée du 24 février 2009 rédigée comme suit :
« Nous avons eu à déplorer de votre part des manquements constitutifs d'une faute grave, ce dont nous vous avons fait part lors de notre entretien le 16 février 2009, au cours duquel vous avez été assisté.
Pour mémoire, nous avions déjà eu à subir votre non-disponibilité lors des « plantages » répétés du système informatique. Celui-ci connaissait en effet un nombre inhabituel de pannes informatiques sans que vous ne puissiez être joint, cela alors même que votre réactivité devait être la contrepartie de l'exceptionnelle liberté dont vous disposiez.
Ce comportement s'inscrivait de surcroît dans une véritable stratégie de chantage au licenciement, n'hésitant pas à user de votre pouvoir de nuisance pour nous pousser à vous licencier.
Vous avez également refusé de nous communiquer la documentation technique du logiciel que vous aviez développé pour la société, agissement qui a fait l'objet d'une plainte devant le Procureur de la République de Montpellier.
Considérant la fréquence des « plantages » précités, nous nous doutions que vous n'aviez pas consacré à vos fonctions salariées l'essentiel de votre activité. Nous étions toutefois loin de nous imaginer l'ampleur de vos carences et de leur répercussion sur le système informatique.
L'informaticien qui a travaillé à tenter de sauver tes serveurs indispensables à l'activité de la société a en effet mis en lumière toute ! a mesure de vos erreurs.
Après étude des programmes développés, il nous a remis ses conclusions le 3 février 2009.
Il apparaît notamment que :
Sur la base de données :
- il n'y a aucune cohérence entre l'indexation des tables et la façon dont les requêtes interroge ces tables (d'où un ralentissement pénalisant le système),- vous avez utilisé des fonctions dans les clauses WHERE (ce qui implique une non utilisation des quelques index créés),- vous avez fait une mauvaise utilisation des verrous (Iock) sur les tables (ce qui entraîne des blocages temporaires de la base de données),- vous avez fait une utilisation massive de Vues (ce qui est très gourmant en ressources : il aurait fallu utiliser des procédures stockées),- les requêtes SQL n'utilisent que peu de fois les jointures (on retrouve souvent des clauses WHERE xxx IN qui sont très gourmandes et longues),- on trouve beaucoup de redondances dans les données (multiples tables pour la même information),- vous avez eu recours à des Création (CREATE) et Destruction (DROP) de tables au lieu d'utiliser des tables temporaires (ex : stable),- vous faisiez un DROP + CREATE pour vider une table sans en garder trace, alors qu'il faut faire un TRUNCATE TABLE, ce qui accélère considérablement les temps de réponse,- vous n'avez communiqué aucune documentation sur la structure de la base,- les structures de base de données de nos clients sont mélangées avec la structure de l'entreprise, exemple ; Nespresso,

Sur les programmes VB :
- vous n'avez pas prévu de transaction ADO, alors que cela permet de mettre en file les demandes et éviter ainsi qu'elles s'entrechoquent et bloquent le système,- vous avez paramètré de multiples appels à la base de données pour les mêmes demandes,- vous n'avez pas paramètré l'exploitation du fichier de configuration stockant les paramètres de l'applicatif,- vous n'avez pas paramètré la destruction des objets utilisés après utilisation (d'où une perte de mémoire),- chaque programme n'est pas conçu comme une partie de l'application mais comme un programme à part entière,- vous avez mélangé les sources et les exécutables dans les mêmes dossiers,- vous avez mélangé des applications clientes avec le c œ ur du métier,- vous n'avez inséré quasiment aucun commentaire dans les programmes,- vous n'avez remis aucune documentation sur les réalisations,- appels via de requêtes à la place de procédures stockées qui accélèrent le traitement. L'accès au fichier de configuration de toute l'application (config. txt), incluant les mots de passes d'accès à toutes les bases de données était sans aucune protection et accessible via un simple navigateur web.
Sur l'interface ASP ;
- vous n'avez pas prévu de transaction ADO,- les jeux d'enregistrement (recordSet) ne sont pas fermés, ni détruits,- vous n'avez pas utilisé des pool de connexions ADO,- vous n'avez pas prévu la destruction des objets utilisés après utilisation (d'où une perte de mémoire),- vous n'avez remis aucune documentation sur les réalisations-utilisation de requêtes à la place de procédures stockées qui accélèrent le traitement.
Il s'agit de manquements flagrants aux règles élémentaires de la programmation, de celles qu'est sensé maîtriser tout développeur, a fortiori un développeur de votre expérience. Chaque semaine, voir chaque jour, nous découvrons de nouvelles erreurs.
Compte tenu de leur ampleur et de leur importance, il ne saurait s'agir d'erreurs fortuites, commises de bonne foi, mais du résultat d'un travail tout simplement bâclé, si ce n'est pire, erreurs dont l'accumulation, la fréquence et l'ampleur caractérisent une faute grave.
Pour un exemple de conséquence de votre travail bâclé { absence de cohérence tables/ requêtes et absence de clauses WHERE) sur lequel nous avons du intervenir la semaine dernière : les requêtes de transfert DTS étaient réalisées le matin en 5 minutes (après ré-indexation nocturne) et de 30 minutes à1h40 en fin de journée. Après modification (1 heure de travail), ces mêmes requêtes ne dépassent pas 1 minute quelque soit le moment de la journée (idem pour les programmes mailing M3/ M6 qui sont réalisés en 3 minutes au lieu de 1h50).
Il est manifeste que nous n'aurions pas eu à subir les graves conséquences de ces « bugs » si vous aviez consacré l'attention et le soin requis à vos travaux de développement pour notre société.
Cette énumération de vos multiples erreurs de développement explique les innombrables dysfonctionnements dont notre système Informatique a été victime, lesquels ont causé un important préjudice d'image et financier à notre société, qui a perdu de ce fait plusieurs clients importants.
Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet ; nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé dé vous licencier pour faute grave.
Compte tenu de la gravité de celle-ci et de ses conséquences, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, même durant un préavis.
Le licenciement prend dont ; effet immédiatement dès réception de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis, ni de licenciement, ni droits au D. I. F. »
Par jugement du 27 novembre 2009, la juridiction prud'homale saisie a condamné la société NETNOE à payer à Frédéric X... la somme de 1176, 66 € à titre d'indemnités de primes de vacances et celle de 300 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, débouté les parties de leurs autres demandes et dit chaque partie aura la charge de ses propres dépens.
Par lettre recommandée du 12 janvier 2010, Monsieur X... a régulièrement relevé appel de ce jugement qui lui a été notifié le 28 décembre 2009.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
L'appelant demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de condamner la société NETNOE à lui payer la somme de 40 763, 44 € brut à titre d'heures supplémentaires, celle de 4076, 34 € brut à titre de congés payés afférents, celle de 31 984, 60 € net à titre d'indemnité pour repos compensateur acquis au delà du contingent légal non pris, celle de 2115, 23 € brut au titre de la prime de vacances et celle de 31 343, 58 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé, de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts et griefs de l'employeur, de condamner la société NETNOE à lui payer la somme de 4850, 79 € brut à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, celle de 485, 07 € brut à titre de congés payés afférents, celle de 4353, 33 € brut à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement (à défaut d'indemnité pour travail dissimulé), celle de 10 447, 86 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, celle de 1044, 78 € brut à titre de congés payés afférents et celle de 52 239, 30 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire de dire et juger que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et de condamner l'employeur au paiement des sommes ci dessus énoncées, en tout état de cause de dire que les sommes à caractère de salaire produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation en conciliation valant mise en demeure, et celles à caractère indemnitaire à compter de l'arrêt à intervenir, de condamner la société à lui remettre ses bulletins de paie et l'attestation Pôle Emploi rectifiés sous astreinte journalière et au paiement d'une somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Il rappelle qu'il a saisi le Conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur avant que ce dernier ne prononce son licenciement, de sorte que la Cour doit initialement se prononcer sur les manquements de l'employeur qu'il invoque à l'appui de sa demande résiliation judiciaire, avant de statuer, si par extraordinaire sa demande était rejetée, sur la légitimité du licenciement.
Il fait valoir qu'il était employé sur la base d'un horaire de travail de 35 heures par semaine, n'était assujetti à aucune convention de forfait, qu'il bénéficiait d'une liberté dans l'organisation de son travail, travaillant à son domicile depuis un poste de travail informatique et que cette liberté d'organisation s'est transformée en une totale disponibilité à l'égard de l'employeur, étant amené ainsi à effectuer régulièrement des heures supplémentaires non rémunérées, y compris le week end et même pendant ses congés payés et une partie de la nuit, et ce à la demande de l'employeur.
Il indique que conformément à l'article 2 de son contrat de travail, il informait systématiquement son employeur des travaux accomplis ainsi que de son temps de travail, en lui adressant les " suivis d'activité " ; que lorsque, par erreur, ce compte rendu n'était pas adressé à temps, l'employeur le réclamait, de sorte que l'employeur, pleinement informé, ne peut exciper de l'absence de demande expresse pour l'accomplissement d'heures supplémentaires.
Il souligne qu'il produit des éléments de nature à étayer sa demande d'heures supplémentaires qui est justifiée, considère que le premier juge ne pouvait pour les motifs qu'il a retenu, rejeté sa demande alors que la liberté d'organisation impliquant une certaine autonomie tel un travail à domicile ne permet pas à l'employeur d'échapper à la législation sur la durée du travail sauf à constater l'existence d'une convention de forfait compensant les dépassements d'horaires.
Il soutient par ailleurs que l'employeur n'a pas respecté les dispositions du code du travail relatives au repos quotidien et hebdomadaire ainsi qu'à la durée maximale de travail dans la journée et dans la semaine, que les relevés d'activité transmis à l'employeur montrent que les durées quotidiennes et hebdomadaires étaient régulièrement dépassées et que les durées de repos quotidien et hebdomadaire étaient systématiquement insuffisantes.
Il ajoute que l'employeur ne lui a pas payé la prime de vacances prévue à l'article 31 de la convention collective applicable, le montant de cette prime devant tenir compte des rappels de salaire.
Il fait valoir également que l'employeur l'a contraint à interrompre ses congés payés ce qui est interdit, seule la modification des dates initialement fixées étant autorisée par la loi en cas de circonstances exceptionnelles.
Il soutient en outre que l'employeur n'a pas respecté ses promesses de revaloriser son salaire et d'embaucher un second développeur. Il considère que tous ces manquements de l'employeur justifient que soit prononcée la résiliation de son contrat de travail aux torts de ce dernier.
A titre subsidiaire, il souligne tout d'abord que la mise à pied à titre conservatoire n'a pas été concomitante à l'envoi d'une convocation à un entretien préalable de sorte que la période comprise entre la mise à pied et la convocation à l'entretien préalable doit être considérée comme une mise à pied disciplinaire et qu'en conséquence l'employeur ne pouvait pour les mêmes motifs lui notifier une sanction sous la forme d'une mesure de licenciement.
Par ailleurs, il considère que les manquements reprochés ne sont pas établis, l'employeur n'apportant aucun élément permettant d'établir la réalité et la gravité de la faute invoquée, soulignant en outre qu'il n'est pas démontré que les faits reprochés seraient des faits nouveaux postérieurs à l'avertissement qui lui a été notifié au mois d'août 2008 ; il ajoute que le " rapport " dont fait état l'employeur n'est pas contradictoire et a été financé par l'employeur.
Enfin, il fait valoir que son licenciement est intervenu alors que son contrat de travail était suspendu, n'ayant pas subi de visite médicale de reprise suite à son arrêt de travail pour maladie.
La société intimée demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à payer au salarié la somme de 1176, 66 € à titre de prime de vacances et celle de 300 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, de confirmer le jugement entreprise en ce qu'il a débouté le salarié de ses autres demandes, de condamner l'appelant à lui payer la somme de 37 000 € à titre de dommages et intérêts, celle de 4000 € pour procédure abusive et celle de 3000 € sur le fondement de l'article 700vdu code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Elle fait valoir tout d " abord que l'appelant n'a jamais réclamé le paiement d'heures supplémentaires ni émis la moindre réserve à propos d'éventuelles heures supplémentaires lors de la réception de ses bulletins de salaires, qu'il n'apporte pas la preuve qu'il a réalisé des heures supplémentaires, et que l'hypothèse de la réalisation d'heures supplémentaires est en contradiction avec les conditions de travail de l'appelant et des attestations de plusieurs salariés de l'entreprise.
Elle relève que le contrat de travail du salarié prévoit en son article 6 que l'accomplissement d'heures supplémentaires ne peut se faire que sur demande expresse de la hiérarchie, compte tenu que le salarié travaillait à son domicile, que les tableaux informatiques produits par le salarié ont été établis par lui même et que les dates et heures de nombreux courriels adressés par lui à la société ne correspondent pas aux horaires reportés dans ces tableaux ; elle ajoute que compte tenu de l'entière liberté dont disposait le salarié dans l'organisation de son travail effectué à son domicile ou ailleurs, le contrôle de son temps de travail comme celui de son activité était réduit matériellement à sa plus simple expression ; elle souligne également que le salarié était " autorisé à exercer une autre activité professionnelle pour son propre compte ou celui de tiers " (article 11 du contrat de travail).
Elle soutient qu'elle n'a jamais exigé que son salarié travaille la nuit ou le dimanche, et que si l'appelant a travaillé la nuit ou le dimanche, c'est de sa seule volonté, ayant toute latitude dans l'organisation de son travail ; elle souligne à cet égard les délais de réponse du salarié aux demandes qui lui étaient adressées par courriers électroniques par la société.
S'agissant des primes de vacances, elle considère que le salarié a reçu à ce titre des sommes supérieures à celles qu'il prétend lui être dues, au regard des dispositions de l'article 31 de la convention collective applicable.
Elle indique par ailleurs qu'aucune promesse d'augmentation de salaire n'a été faite au salarié dont par contre la rémunération a régulièrement progressé, qu'elle n'a pas cherché à recruter un autre développeur pour seconder l'appelant, mais pour le remplacer ce dernier ayant demandé à être licencié et que le salarié n'a pas interrompu ses congés payés malgré la demande qui lui a été faite, le salarié étant par ailleurs à l'origine des dysfonctionnements survenus pendant cette période.
Elle estime donc en définitive que les manquements invoqués à son encontre se révèlent inconsistants et ne justifient pas la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.
S'agissant du licenciement, elle indique tout d'abord que l'avertissement du 8 août 2008 sanctionne des manquements survenus entre le 28 et le 31 juillet 2008, que le courriel du 30 janvier 2009 qui fait référence à l'envoi d'une convocation à un entretien préalable mentionne clairement que la mise à pied est de nature conservatoire, confirmée par la lettre de convocation à l'entretien préalable intervenue trois jours après le début de la mise à pied conservatoire et que le licenciement d'un salarié qui se trouve en arrêt de travail pour maladie peut être justifié par un motif réel et sérieux lié à l'intérêt de l'entreprise et autre que la maladie.
Elle soutient par ailleurs que les manquements du salarié sont établis et que leur accumulation justifie un licenciement pour faute grave.
Enfin, elle affirme que les fautes du salarié ont entraîné pour elle un important préjudice financier et en terme d'image justifiant sa demande en paiement de dommages et intérêts en réparation de ce préjudice, ajoutant que l'action du salarié a dégénéré en abus.
Pour un exposé complet des moyens et arguments des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions écrites reprises oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DECISION
1. sur la rupture
Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat en raison de faits qu'il reproche à l'employeur, tout en restant au service de celui-ci et que ce dernier le licencie par la suite, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat est justifiée, et c'est dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur ; si la demande de résiliation judiciaire est justifiée, le juge fixe la date de rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement, sans avoir à examiner les motifs du licenciement.

Il résulte de l'article L 3171-4 du code du travail, que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié au regard notamment des dispositions des articles D. 3171-2 et D. 3171-8 du dit code.
En l'espèce, le salarié produit :
- le contrat de travail conclu entre les parties qui précise que le salarié est " soumis à la durée du travail en vigueur telle qu'elle résulte des dispositions légales et conventionnelles ; pour les besoins de l'activité les horaires sont définis comme tel : du lundi au vendredi de 9h20 à 12h30 et de 14h à 17h50 "- des " suivis d'activité " hebdomadaires mentionnant pour chaque jour de la semaine, les horaires de travail, le nombre d'heures de travail et les travaux réalisés ; qu'il est produit ces suivis hebdomadaires pour la période de juillet 2005 à juillet 2008 ;- les courriers électroniques adressés au cours de cette période par le salarié à sa hiérarchie, envoyant les suivis d'activité de la semaine ;- des décomptes mensuels des heures supplémentaires hebdomadaires établis à partir des suivis d'activité, faisant ressortir le nombre d'heures supplémentaires majorées à 25 % et à 50 % et leur chiffrage ;- un récapitulatif établi mois par mois pour chaque année concernée par la période de juillet 2005 à juillet 2008 mentionnant le nombre total d'heures supplémentaires par mois et son chiffrage.
Ces éléments sont suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre.
Il n'est pas discuté que le salarié n'était pas soumis à un horaire collectif.
L'employeur fait valoir tout d'abord que le salarié n'a jamais réclamé le paiement d'heures supplémentaires ni émis la moindre réserve à la réception de ses bulletins de paie pendant la période considérée, argument qui n'est pas de nature à répondre aux éléments précis fournis par le salarié quant aux horaires réalisés par ce dernier.
La société intimée se prévaut ensuite du contrat de travail conclu le 2 mai 2005 selon lequel : " En cas de nécessité, il pourra être demandé à Mr Frédéric X... d'effectuer des heures supplémentaires. Les heures supplémentaires ne devront être effectuées par Mr Frédéric X... que lorsqu'elles résulteront d'une demande expresse de sa hiérarchie ".
Cependant en l'état des suivis d'activité hebdomadaires qui lui étaient adressé régulièrement par le salarié, l'employeur ne pouvait ignorer les heures de travail accomplies par l'appelant de sorte qu'elles l'ont été avec son accord implicite.
Par ailleurs, la lecture des courriers électroniques produits aux débats ne fait pas apparaître que le salarié n'était pas au travail au jours et heures de travail mentionnés dans les suivis d'activité ; que les décomptes mensuels des heures hebdomadaires accomplies ne sont pas en contradiction avec les suivis d'activité, ni pour la grande majorité d'entre eux avec les courriers électroniques échangés entre les parties.
Si Monsieur X... travaillait à son domicile et à Elancourt comme prévu au contrat de travail, ou parfois d'une résidence située au Maroc comme su et accepté par l'employeur, et que le salarié bénéficiait d'une certaine autonomie dans l'organisation de ses horaires de travail, il exerçait ses fonctions " sous l'autorité et selon les directives du responsable Y... Frédéric auquel il (devait) rendre compte de son activité ", ce que le salarié a fait en adressant régulièrement à sa hiérarchie les suivis d'activité hebdomadaires mentionnant les travaux réalisés ainsi que les horaires de travail et le nombre d'heures de travail.
L'employeur fait valoir également que le salarié, selon le contrat de travail, était " autorisé à exercer une autre activité professionnelle pour son propre compte ou pour celui de tiers " ; toutefois, il n'est pas démontré qu'au cours de la période de juillet 2005 à juillet 2008, le salarié a effectivement travaillait pour son propre compte ou celui de tiers, les pièces produites par la société intimée se rapportant à des périodes postérieures à celle concernée par la demande d'heures supplémentaires, pour certaines d'entre elles postérieures au licenciement du salarié et ne mettent pas en évidence la réalisation par ce dernier de travaux pour son propre compte ou celui de tiers.
Enfin les attestations de Christophe Z..., d'Olivier A... et d'Alexandre B..., produites par l'employeur, outre qu'elles ne sont pas accompagnées d'un document officiel justifiant de l'identité de leur auteur, se limitent à indiquer que l'appelant disposait d'une " liberté de travail " ou d'une " grande liberté en ce qui concerne la gestion de ses horaires ", ce qui est insuffisant pour justifier des horaires réalisés au regard des dispositions de l'article D 3171-8 du code du travail et contredire les éléments précis apportés par le salarié.
Par suite, et contrairement à ce que le premier juge a retenu, la demande en paiement d'heures supplémentaires est bien fondée et justifiée dans son montant compte tenu des décomptes produits aux débats.
Selon l'article L 3121-27 du code du travail dans sa rédaction en vigueur au cas de l'espèce, dans les entreprises de vingt salariés et moins, les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires conventionnel ou réglementaire, ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % de chaque heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent.

Le salarié qui n'a pas été mis en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, est fondé à obtenir une indemnisation qui comporte le montant d'une indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos, auquel s'ajoute le montant de l'indemnité de congés payés afférents.
En l'espèce, le contingent annuel d'heures supplémentaires applicable est de 130 heures, ainsi qu'il en ressort des dispositions de la convention collective Syntec.
En l'état des décomptes produits par le salarié faisant ressortir un nombre d'heures supplémentaires accomplies de 334, 50 heures en 2005, 491heures en 2006, 472 heures en 2007 et 143, 25 heures en 2008, et eu égard au taux horaires applicables, la cour est en mesure de chiffrer le montant de son préjudice consécutif aux repos compensateurs non pris, à la somme de 11 430 €.
Si en cause d'appel, le salarié ne demande plus un rappel de salaire pour travail de nuit et travail le dimanche, les " suivis d'activité " hebdomadaires transmis par le salarié à sa hiérarchie font apparaître que l'appelant travaillait parfois plus de 10 heures par jour contrairement à ce qui est prévu par l'article L 3121-34 du code du travail, et ne bénéficiait pas toujours d'un repos quotidien d'une duré minimale de 11 heures consécutives tel que prévu par l'article L 3131-1 du dit code.
L'appelant réclame la somme de 2115, 23 € à titre de prime de vacances ; pour parvenir à ce montant, le salarié procède à l'addition de ses salaires bruts perçus depuis son embauche et des rappels de salaire dus, total sur lequel il applique le taux de 10 % à titre de congés payés et retenir au final le 1/ 10ème de ces congés payés comme constituant la somme réclamée.
Ce calcul n'est pas conforme aux dispositions de la convention collective applicable qui dans son article 31 indique que l'ensemble des salariés bénéficie d'une prime de vacances d'un montant au moins égal à 10 p. 100 de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l'ensemble des salariés ; toutes primes ou gratifications versées en cours d'année à divers titres et quelle qu'en soit la nature peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu'elles soient au moins égales aux 10 p. 100 prévus à l'alinéa précédent et qu'une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre.
Par ailleurs, il n'est pas produit les éléments permettant de vérifier si en l'état des primes exceptionnelles ou bonus exceptionnels versés au salarié ainsi qu'il en résulte de ses bulletins de salaire, l'appelant a été ou non rempli de ses droits, et il n'est pas formulé de demande de pièces à cet égard.
Par suite, ce chef de demande, contrairement à ce que le premier juge a retenu, sera rejeté et le salarié ne peut invoquer un manquement de l'employeur sur ce point.
S'il est établi que l'employeur a demandé au salarié d'interrompre puis d'annuler ses vacances au cours du mois d'avril 2008, il n'est pas démontré pour autant que l'appelant a effectivement interrompu ses vacances et qu'il a du reprendre son travail sans avoir bénéficié des congés prévus.
Rien n'établit que l'employeur avait pris l'engagement ferme et définitif de procéder à une revalorisation du salaire de l'appelant dont la rémunération mensuelle est passée de 3000 € brut lors de l'embauche à 3468 € brut en mars 2006, 3618 € brut en janvier 2007 et 3718 € brut en janvier 2008 ; par ailleurs, l'embauche d'un second développeur relevait du pouvoir d'appréciation de l'employeur.
Le faits ci dessus retenus, concernant les heures supplémentaires, le repos compensateur, la durée maximale de travail par jour et le repos quotidien constituent des manquements suffisamment graves de l'employeur à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail et justifient que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur, la rupture devant être fixée au 24 février 2009 date d'envoi par l'employeur de la lettre prononçant le licenciement du salarié.
2. sur les conséquences à en tirer
La résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dés lors, l'appelant est fondé à réclamer en premier lieu un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire injustifiée, soit, en l'état des bulletins de salaire produits aux débats, la somme de 3452, 43 € brut outre celle de 345, 24 € brut à titre de congés payés afférents.
Il est également en droit de prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois du salaire qu'il aurait perçus s'il avait accompli son préavis en application de l'article 15 de la convention collective applicable, avec prise en compte des heures supplémentaires, soit la somme de 8024, 34 € brut outre celle de 802, 43 € brut à titre de congés payés afférents.
La dissimulation d'emploi salarié, prévue par l'article L 8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur les bulletins de paie, un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
En l'occurrence, l'employeur n'a pas porté sur les bulletins de paie du salarié pour la période concernée, le nombre d'heures de travail réellement effectuées par ce dernier, alors qu'il ne pouvait ignorer l'accomplissement d'heures supplémentaires en l'état des suivis d'activité hebdomadaires qui lui étaient adressé régulièrement, ce qui caractérise l'intention de l'employeur de dissimuler une partie de l'activité salariale.
Par suite, l'appelant est fondée à réclamer l'indemnité prévue par l'article L 8223-1 du code du travail ; pour déterminer le montant de cette indemnité, il convient de retenir la rémunération mensuelle du salarié (3718 €) étant observé qu'il n'a pas été accompli d'heures supplémentaires au cours des six mois précédant la rupture, de sorte que cette indemnité forfaitaire sera fixée à la somme de 22 308 €.
Cette indemnité n'est pas cumulable avec l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement à laquelle le salarié aurait pu prétendre en application de l'article 19 de la dite convention collective si l'indemnité prévue par l'article L 8223-1 du code du travail n'avait pas été allouée.
Enfin, compte tenu de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise (3ans et 10 mois) et de son âge (35 ans) à la date de la rupture, de son niveau de rémunération mensuelle, en l'état des éléments fournis sur sa situation professionnelle et matérielle postérieurement à la rupture, l'entreprise occupant habituellement moins de 11 salariés, il y lieu de lui allouer la somme de 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause et réelle.
3. sur les autres demandes
Les sommes allouées à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2008, date de réception par la société NETNOE de la convocation devant le bureau de conciliation ; quant aux sommes allouées à titre indemnitaire, elle seront productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
La délivrance par l'employeur au salarié de Frédéric X... des bulletins de paie et d'une attestation Assedic (Pôle Emploi) rectifiés et conformes au présent arrêt s'impose, sans qu'il besoin d'une mesure d'astreinte journalière.
La solution apportée au règlement du présent litige conduit à rejeter les demandes reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts formées par la société intimée tant à titre de réparation de préjudice que pour procédure abusive ; le jugement déféré sera confirmé sur ce point. Enfin, les dépens de première instance et d'appel doivent être mis à la charge de la société intimée laquelle sera en outre condamnée à payer à l'appelant la somme de 1200 € au titre des frais non inclus dans les dépens que ce dernier a pu exposer tant en première instance qu'en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement déféré mais seulement en ce qu'il a débouté la société NETNOE des ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour préjudice et pour procédure abusive ainsi que de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Le réforme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail liant les parties aux torts de l'employeur à la date du 24 février 2009,
Condamne la SARL NETNOE à payer à Frédéric X... les sommes suivantes :-40 763, 44 € brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,-4076, 34 € brut à titre de congés payés afférents,-11 430 € en réparation du préjudice consécutif aux repos compensateurs non pris,-22 308 € à titre d'indemnité forfaitaire en application de l'article L 8223-1 du code du travail,-3452, 43 € brut à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire,-345, 24 € brut à titre de congés payés afférents,-8024, 34 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-802, 43 € brut à titre de congés payés afférents,-25 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause et réelle,
Déboute Frédéric X... de sa demande de rappel au titre de la prime de vacances,
Dit que les sommes ci dessus allouées à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2008 et celles à caractère indemnitaire à compter du jour du présent arrêt,
Condamne la SARL NETNOE à remettre à Frédéric X... des bulletins de paie et d'une attestation Assedic (Pôle Emploi) rectifiés et conformes au présent arrêt, et ce sans astreinte.
Condamne la SARL NETNOE aux dépens de première instance et d'appel et à payer à l'appelant la somme de 1200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4o chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/00343
Date de la décision : 02/03/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2011-03-02;10.00343 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award