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12/01/2011 | FRANCE | N°10/02643

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre sociale, 12 janvier 2011, 10/02643


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4e chambre sociale

ARRÊT DU 12 Janvier 2011

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02643

ARRÊT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 JANVIER 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER No RG08/ 1645

APPELANTE :

EURL X...LE PAVIE, prise en la personne de son représentant légal Mr Hervé X......34070 MONTPELLIER Représentant : Me Laurence Marie FOURRIER (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :

Madame Nathalie Z...épouse A......34130 SAINT AUNES Représenta

nt : la SCP DENEL, GUILLEMAIN, RIEU, DE CROZALS, TREZEGUET (avocats au barreau de MONTPELLIER)

COMPOSITION ...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4e chambre sociale

ARRÊT DU 12 Janvier 2011

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02643

ARRÊT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 JANVIER 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER No RG08/ 1645

APPELANTE :

EURL X...LE PAVIE, prise en la personne de son représentant légal Mr Hervé X......34070 MONTPELLIER Représentant : Me Laurence Marie FOURRIER (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :

Madame Nathalie Z...épouse A......34130 SAINT AUNES Représentant : la SCP DENEL, GUILLEMAIN, RIEU, DE CROZALS, TREZEGUET (avocats au barreau de MONTPELLIER)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 NOVEMBRE 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président, chargé d'instruire l'affaire, Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président Madame Bernadette BERTHON, Conseillère Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Brigitte ROGER

ARRÊT :

- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président, et par Mme Brigitte ROGER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Mme Nathalie A...a été embauchée suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 21 févier 2001 par la SNC Pharmacie LE PAVIE en qualité de pharmacienne assistante, coefficient 400.
Au mois de juillet 2007, M. Hervé X..., gérant de l'EURL X...LE PAVIE, a fait l'acquisition de l'officine.
Suivant lettre recommandée en date du 29 janvier 2008, l'EURL X...LE PAVIE délivrait à Mme A...un avertissement aux motifs suivants :
- Un samedi, alors que des clients étaient encore présents dans la pharmacie, vous avez délibérément éteint les lumières prétextant qu'il était 18h30 et que vous aviez fini votre journée alors que j'étais moi-même au comptoir entrain de servir un client.- Non-respect des ordres de la Direction : critiques, insubordination délibérée, plaintes à la clientèle de la pharmacie, volonté avérée de se substituer à la Direction.- Manque de respect total envers votre employeur.

Mme A...contestait cet avertissement par lettre recommandée en date du 30 janvier 2008.
Le 28 avril 2008, l'EURL X...LE PAVIE convoquait Mme A...à un entretien préalable, tout en lui notifiant une mise à pied à titre conservatoire.
Suivant courrier recommandé en date du 19 mai 2008, l'EURL X...LE PAVIE lui notifiait son licenciement pour cause réelle et sérieuse en ces termes :
« Je fais suite à l'entretien que nous avons eu le mardi 13 Mai 2008 à l'occasion duquel je vous ai fait part du motif qui me conduisait à envisager votre licenciement, à savoir, votre comportement d'insubordination. Vous vous êtes présentée accompagnée d'un représentant des salariés. Je vous ai rappelé l'avertissement dont vous aviez fait l'objet pour un comportement similaire, or, en date du 28 Mars 2008 et postérieurement à cet avertissement, vous m'avez interpellé en ces termes : « levez-vous et dépêchez vous d'aller servir ». I1 s'avère que je travaillais dans mon bureau dans lequel vous avez fait irruption sans frapper, et que vous m'avez interpellé ainsi au motif qu'il y avait beaucoup de clients dans l'officine où vous étiez postée. En réalité, un seul client attendait et lorsque je vous ai fait remarquer que votre comportement n'était pas justifié cela a semblé vous amuser. Vous avez agi de la sorte devant le personnel de la pharmacie. Ceci constitue un acte d'insubordination notoire pouvant être qualifié de faute grave. Je ne retiens cependant pas la faute grave, mais la cause réelle et sérieuse … »

Suivant requête en date du 14 août 2008, Mme A...a saisi le Conseil de prud'hommes de MONTPELLIER aux fins de contester tant l'avertissement que le licenciement dont elle a fait l'objet. Suivant jugement en date du 18 janvier 2010, le Conseil de prud'hommes a :
- dit que l'avertissement délivré à Mme A...était fondé ;- dit que le licenciement de Mme A...est contraire aux dispositions d'ordre public et donc dépourvu de cause réelle et sérieuse ;- condamné l'EURL X...LE PAVIE à verser à Mme A...les sommes de 50. 000 € à titre de dommages et intérêts et de 900 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'EURL X...LE PAVIE a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Dans des écritures que son conseil a développées oralement à l'audience et auxquelles la Cour renvoie expressément pour un exposé complet de ses moyens, l'EURL X...LE PAVIE demande, à titre principal, de réformer la décision en ce qu'elle l'a condamnée au paiement de dommages et intérêts ; de dire que le licenciement n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse ; de valider l'avertissement notifié par lettre du 29 janvier 2008 et de débouter Mme A...de l'intégralité de ses demandes.
A titre « secondaire », l'EURL X...LE PAVIE demande à la Cour, « tenant la demande légitime de mainlevée du secret médical et vu l'ensemble des requêtes déposées en ce sens par M. X...auprès de ses pairs », d'ordonner que la Cour se saisisse du dossier médical de Mme A...« afin de vérifier la date exacte du traitement suivi par cette dernière, notamment par l'examen des prescriptions médicales antérieures à l'arrivée de l'employeur au sein de la pharmacie du PAVIE, et dégager de facto la prétendue responsabilité invoquée de M. X..., indépendante de la prise initiale de médicaments évoquée par la salariée ».
A titre « subsidiaire », l'EURL X...LE PAVIE demande à la Cour de diminuer le montant des dommages et intérêts, notamment à raison des graves difficultés financières rencontrées par l'officine, la Banque de France lui attribuant la cotation X8 (capacité de l'entreprise à honorer ses engagements « menacée »).
L'EURL X...LE PAVIE sollicite enfin la condamnation de Mme A...à lui payer une indemnité de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans des écritures développées oralement et auxquelles la Cour se réfère expressément, Mme A...conclut à la réformation partielle du jugement, de sorte que soit annulé l'avertissement du 29 janvier 2008 en vertu des dispositions de l'article L 1333-2 du Code du travail et que l'EURL X...LE PAVIE soit condamnée à lui verser la somme de 3. 000 € à titre dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui a causé l'avertissement injustifié. Elle demande que le jugement soit confirmé en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, mais que les dommages et intérêts alloués soient portés, compte tenu de son ancienneté et du préjudice qu'elle a subi, à la somme de 90. 000 €. Enfin, elle demande la condamnation de son employeur à lui verser une somme de 5. 000 € en réparation du préjudice que lui cause l'absence de mention dans la lettre de licenciement du droit individuel à formation. Mme A...sollicite enfin la condamnation de l'EURL X...LE PAVIE à lui verser une indemnité de 10. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande aux fins de communication du dossier médical de Mme A..., formée par la partie appelante
Il convient d'observer que la mesure d'instruction demandée par l'employeur n'a aucun lien avec le litige (demande d'annulation de l'avertissement et contestation du licenciement) et ne peut influer en aucune façon sur la solution qu'il convient d'y apporter. En particulier et contrairement à ce que laisse entendre l'EURL X...LE PAVIE dans ses écritures l'action de Mme A...ne tend en aucune façon à rechercher la responsabilité de l'employeur en raison d'une quelconque dégradation de son état de santé. Il convient de rejeter cette demande d'instruction.
Sur la demande d'annulation de l'avertissement délivré le 29 janvier 2008
Aux termes de l'article L1333-2, le Conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
Des motifs invoqués dans lettre de notification de l'avertissement, tels qu'ils sont reproduits plus haut, seul le premier relatif à l'extinction des lumières est précis et vérifiable. Les deux autres motifs énoncés en termes généraux ne sont au surplus nullement explicités dans les écritures de l'employeur et ne peuvent dès lors nullement fonder cet avertissement.
Alors que l'heure de fermeture de l'officine est à 18 h 30, Mme A...indique – sans être contredite sur ce point – qu'en éteignant quelques spots de l'espace vente – en réalité, selon elle, à 18 h 40 et non point à 18 h 30 – pour avertir ainsi la clientèle de la fermeture de la pharmacie-elle n'a fait que se conformer à la consigne qu'elle avait reçue de la précédente titulaire de l'officine et qu'elle avait suivie pendant 7 ans et demi. L'employeur ne justifie pas lui avoir donné, préalablement à l'avertissement, une consigne contraire. En tout cas, le caractère « délibéré », comme procédant d'une intention maligne, évoqué dans la lettre de notification de l'avertissement n'est nullement établi, de sorte que cet avertissement donné à la pharmacienne adjointe doit être annulée. Cet avertissement injustifié ne pouvait que revêtir un caractère vexatoire qui a nécessairement causé un préjudice à cette salariée, qui n'avait jamais fait l'objet de reproche quant à ses qualités professionnelles. Il convient en conséquence des lui allouer une somme de 2. 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de ce préjudice. Il convient de réformer le jugement en conséquence.
Sur la légitimité du licenciement
Par application de l'article L1232-1 du Code du travail, un employeur ne peut procéder au licenciement d'un salarié pour motif personnel que pour autant que celui-ci est justifié par une cause réelle et sérieuse. La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
Aux termes de la lettre de licenciement, reproduite plus haut, le grief fait à Mme A...qui avait depuis 7ans la position de pharmacienne adjointe au sein de l'officine de pharmacie est d'avoir fait irruption sans frapper dans le bureau du gérant en l'interpellant en ces termes « levez-vous et dépêchez vous d'aller servir », au motif qu'il y avait beaucoup de clients dans l'officine.
Mme A...qui se prévaut d'une consigne donnée par l'ancienne titulaire de l'officine (document versé aux débats intitulé « lettre de mission : gestion du comptoir » signée par cette dernière et par la salariée) – non remise en cause par le nouveau titulaire-selon laquelle le client ne doit pas attendre et qu'il faut appeler pour aider à servir, reconnaît avoir demandé à M. X...de venir aider à la vente, compte tenu de l'affluence, mais nie formellement avoir fait irruption sans frapper – la porte du bureau étant entrouverte – et avoir employé les termes reproduits dans la lettre de licenciement. Elle en veut pour preuve le compte rendu de l'entretien préalable rédigé très précisément par le conseiller de la salariée et selon lequel M. X...a exposé comme suit les raisons de la mise à pied conservatoire et de l'entretien préalable : « insubordination de votre part le 28 mars dernier, vous êtes venue me chercher dans mon bureau pour me demander de venir servir ; or, un salarié n'a pas à donner d'ordre à son patron », exposé où ne figurent nullement les propos prêtés à Mme A...dans la lettre de licenciement.
Il convient d'observer que la salariée, Mme B..., qui se trouvait alors dans le bureau de M. A...n'a pas établi d'attestation ; que les salariées dont l'employeur avait déjà produit les attestations en première instance n'ont pas assisté à « l'incident » du 28 mars 2008 et relatent des faits non visés à la lettre de licenciement. Seule Mme C...dont l'employeur verse une attestation pour la première fois en cause d'appel, dit avoir entendu Mme A...prononcer les paroles reproduites dans la lettre de licenciement, et ce, alors qu'il est constant qu'elle se trouvait à ce moment-là dans le local de vente, occupée à servir les clients, et qu'une déléguée pharmaceutique atteste que des propos tenus dans le bureau du titulaire de l'officine ne sont pas audibles du fait de son éloignement du comptoir et de l'espace de vente.
Quoi qu'il en soit, compte tenu de la position et de la responsabilité de la salariée dans l'officine, de son ancienneté de 7 années au sein de cette officine, des consignes reçues en cas d'affluence, la sanction de licenciement était manifestement disproportionnée au grief invoqué dans la lettre de licenciement, et ce d'autant plus qu'il résulte d'attestations circonstanciées de salariées de l'officine que cette sanction est intervenue dans un climat d'animosité du nouveau titulaire de l'officine vis-à-vis de Mme A...(« prise en grippe », utilisation pour la désigner d'un sobriquet en rapport avec son apparence physique, imitation caricaturale de sa voix et de son comportement, licenciement de la salariée fêté au champagne).
Mme A..., mère de deux enfants, avait 43 ans lors de son licenciement et une ancienneté de plus de 7ans dans l'établissement. Elle percevait un salaire mensuel brut de 2. 850, 25 €. Depuis lors, Mme A...qui justifie de différentes périodes de chômage, n'a pu effectuer que des contrats de travail à durée déterminée pour assurer le remplacement de pharmaciens titulaires dans différentes officines. La Cour dispose en conséquence des éléments suffisants pour lui allouer une somme de 57. 000 € en réparation du préjudice que lui a causé la rupture abusive de son contrat de travail.
Par ailleurs, l'absence de mention dans la lettre de licenciement, en contravention avec les dispositions de l'article L6323-18 du Code du travail, des droits du salarié en matière de droit individuel à la formation et notamment de la possibilité de demander pendant le préavis à bénéficier d'une action de bilan de compétence, de validation des acquis, de l'expérience ou de formation, a nécessairement occasionné à Mme A.... Il convient de lui allouée rune somme de 1. 500 € en réparation de son préjudice.
Il est équitable au sens de l'article 700 du Code de procédure civile d'allouer à la salariée une indemnité à titre de participation aux frais, non compris dans les dépens, qu'elle a dû exposer pour assurer sa défense.
DECISION Par ces motifs,

La Cour,
Rejette la demande d'instruction formée par la partie appelante ;
Confirme le jugement en ce qu'il a dit le licenciement de Mme Nathalie A..., née Z..., dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Le réforme pour le surplus,
Annule le l'avertissement délivré le 29 janvier 2008 à Mme A...;
Condamne l'EURL X...LE PAVIE à payer à Mme Nathalie A..., née Z...les sommes de :
-2. 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'avertissement injustifié ;-57. 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;-1. 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le défaut d'information sur les droits au DIF ;-2. 300 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile (en ce compris l'indemnité allouée sur le même fondement par le jugement entrepris) ;

Condamne l'EURL X...LE PAVIE aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02643
Date de la décision : 12/01/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2011-01-12;10.02643 ?
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