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27/10/2010 | FRANCE | N°10/00094

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4o chambre sociale, 27 octobre 2010, 10/00094


BR/ RVM COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4o chambre sociale

ARRÊT DU 27 Octobre 2010

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 00094

ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 NOVEMBRE 2009 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE BEZIERS No RG08/ 00185

APPELANTE :

SAS CHEVALLIER SUD prise en son établissement secondaire ZA Béziers Ouest RN 112 BP418 34504 BEZIERS CEDEX 2 Boulevard Sarrians 84170 MONTEUX Représentant : la SELARL BITTARD SARDIN THELLYERE (avocats au barreau de LYON)

INTIME :

Monsieur Larbi X...... 34370 CREI

SSAN Représentant : la SCP GUIRAUD-LAFON-PORTES (avocats au barreau de BEZIERS) (bénéficie d'une aide juri...

BR/ RVM COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4o chambre sociale

ARRÊT DU 27 Octobre 2010

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 00094

ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 NOVEMBRE 2009 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE BEZIERS No RG08/ 00185

APPELANTE :

SAS CHEVALLIER SUD prise en son établissement secondaire ZA Béziers Ouest RN 112 BP418 34504 BEZIERS CEDEX 2 Boulevard Sarrians 84170 MONTEUX Représentant : la SELARL BITTARD SARDIN THELLYERE (avocats au barreau de LYON)

INTIME :

Monsieur Larbi X...... 34370 CREISSAN Représentant : la SCP GUIRAUD-LAFON-PORTES (avocats au barreau de BEZIERS) (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/ 6955 du 18/ 05/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 SEPTEMBRE 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président, chargé d'instruire l'affaire, Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président Madame Bernadette BERTHON, Conseillère Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Brigitte ROGER

ARRÊT :

- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président, et par Mme BOTHAMY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* **

EXPOSE DU LITIGE

M. X... a été embauché en qualité de cariste par la société ITS CEBE (ultérieurement devenue CHEVALLIER SUD) suivant contrat à durée déterminée ayant pris effet le 18 février 2002 pour courir jusqu'au 18 avril 2002. La relation de travail s'est ensuite poursuivie à durée indéterminée.
Après avoir été mis à pied à titre conservatoire le 4 mars 2008 et convoqué à un entretien préalable par lettre recommandée avec accusé de réception du même jour, Monsieur X... a été licencié par lettre recommandée du 19 mars 2008 pour les motifs suivants :
" Le mardi 4 mars 2008 vers 9h15, nous vous avons demandé de rejoindre l'atelier tri-palettes. Avant de commencer votre travail, Monsieur Z..., contremaître au sein de cet atelier et donc votre responsable sur ce poste, vous a demandé de faire équipe avec lui et vous a demandé ensuite si vous préféreriez poser le tapis de sol en plastique sur les palettes ou évacuer les cartons ainsi que les palettes abîmées. " Vous avez répondu que vous ne saviez pas mettre les tapis de sol en plastique. Le travail de manutention a alors commencé. Au bout de quelques palettes, lorsqu'il a fallu évacuer les premières palettes abîmées, vous avez répondu que vous ne vouliez pas les porter seul. Monsieur Z... votre responsable vous a spécifié que tous les autres salariés les portaient seuls et qu'il n'y avait pas de raisons que vous ne fassiez pas comme les autres. " Vous vous êtes énervé. Devant votre comportement, Monsieur Z... votre responsable vous a proposé de faire ce travail à votre place. " Vous avez tenu les propos suivants : " Si t'es pas content, tu vas te faire enculer, tu les porteras tout seul tes palettes ". " Voyant la situation devenir incontrôlable, Monsieur Z... s'est dirigé vers le téléphone pour prévenir Monsieur A..., le Directeur de site. Vous avez alors tenté de frapper par derrière Monsieur Z.... Seul un cri unanime de vos collègues de travail présents dans l'atelier a permis de vous arrêter dans votre élan et d'éviter le pire. " Dans le bureau de Monsieur A... et en sa présence, vous avez tenu les propos suivants à l'encontre de Monsieur Z... : " Je vais de casser la gueule, t'es pas mon responsable, vas te faire enculer ". Après quelques tentative désespérées, et voyant que vous ne pouviez pas être calmé, Monsieur A... votre directeur de site vous a notifié verbalement votre mise à pied conservatoire et vous a demandé de quitter l'entreprise. " Vous avez alors menacé et insulté Monsieur A... en tenant les propos suivants : " Toi je vais te casser la tête, fais gaffe à toi, je connais du monde là haut (en montrant du doigt en direction de la ville de Béziers), ça en restera pas là. " " Cette conduite met en cause la bonne marche du service. Ces faits sont constitutifs d'une faute grave ".

Le 25 mars 2008, M. X... sollicitant, d'une part, la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, et arguant, d'autre part, de ce que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, a saisi le Conseil de prud'hommes de BEZIERS lequel, par jugement du 26 novembre 2009, a cé la SAS CHEVALIER SUD, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Monsieur X... les sommes de :
1630 Euros au titre d'indemnité de requalification 730, 67 Euros au titre du salaire correspondant à la période de mise à pied injustifiée 3260 Euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis 399 Euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente au préavis et a la mise à pied 978 Euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement 10 000 Euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ordonné l'exécution provisoire concernant l'indemnité compensatrice de préavis, et l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
Rejeté le surplus des demandes ;
Condamné la SAS CHEVALIER SUD aux entiers dépens.
La SAS CHEVALLIER SUD a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Dans des écritures que son conseil a développées oralement à l'audience et auxquelles la Cour renvoie expressément pour un exposé complet de ses moyens, la société CHEVALLIER SUD conclut à la réformation du jugement aux fins de voir, à titre principal.
X... débouté de l'intégralité de ses demandes, aux motifs : d'une part, que la requalification du contrat de travail à durée déterminée conclu régulièrement en février 2002 pour un surcroît d'activité avéré, n'est pas justifié ; d'autre part, que le comportement de M. X... tel que décrit dans la lettre de licenciement est parfaitement établi et est constitutif d'une faute grave.

La SAS CHEVALLIER SUD conclut à titre subsidiaire que le licenciement est à tout le moins fondé sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse.
Dans des écritures que son conseil a développées à l'audience et auxquelles la Cour se réfère expressément, M. X... a demandé à la présente juridiction de :
Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel ;
Recevoir Monsieur X... en son appel incident Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :- requalifié le contrat de travail à durée déterminée du 18 février 2002 en contrat à durée indéterminée-déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse-condamné la SAS CHEVALLIER SUD au paiement de la somme de 730, 67 € au titre du salaire correspondant à la mise à pied-condamné cette société aux dépens de première instance ;

Le réformer pour le surplus ;
Condamner la SAS CHEVALLIER SUD au paiement des sommes de :-1. 834, 98 € à titre d'indemnité de requalification.-6. 171, 40 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis-690, 21 € brut à titre d'indemnité de congés payés afférente au préavis et à la mise à pied-4. 937, 11 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement : 1234, 28 €-30. 000 € net de CSG et de CRDS à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner la SAS CHEVALLIER SUD à payer à la SCP GUIRAUD LAFON PORTES, avocat de Monsieur X..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, la somme de 1. 200 € au titre de la procédure d'appel par application de l'article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;
La condamner aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
Le contrat à durée déterminée ne peut avoir, ni pour objet, ni pour effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, quel que soit son motif. Cependant, l'entreprise peut conclure un contrat à durée déterminée notamment pour faire face à un accroissement temporaire d'activité.
Il est constant, en l'espèce, que le contrat à durée déterminée conclu en février 2002 l'a été pour le motif suivant : « Surcroît d'activité dans le cadre du démarrage de l'activité ITS sur le site de BSN GLASSPACK ».
La société CHEVALLIER SUD a soutenu qu'il s'agissait du démarrage d'une nouvelle activité et qu'elle ne pouvait savoir si le contrat ITS serait pérenne, l'activité ne s'étant transformée en activité permanente qu'ultérieurement, lorsque le contrat de travail, conclu pour une durée de deux mois avec M. X..., s'est lui-même poursuivi à durée indéterminée.
Toutefois, alors que la société ITS (devenue par la suite SAS CHEVALLIER SUD) ne produit pas le contrat de sous-traitance qu'elle venait alors de passer avec la société BSN GLASSPACK pour l'activité de transport liée à l'usine de fabrication de MAUREILHAN et ne permet donc pas à la Cour de vérifier que ce contrat n'aurait été lui-même conclu que pour une durée temporaire de deux mois, et non point, comme l'affirme la partie intimée, pour plusieurs années, force est de constater que les emplois, notamment de caristes, créés à l'occasion de cette nouvelle activité étaient liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
Dès lors, l'entreprise qui a invoqué à tort un surcroît d'activité ne remplissait pas les conditions légales pour conclure un contrat à durée déterminée. Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié le contrat à durée déterminée initialement conclu par le M. X... en contrat à durée indéterminée.
Le salarié pouvant dès lors prétendre à une indemnité au moins égale à un mois de salaire, il convient, réformant le jugement de ce chef, de lui allouer la somme de 1. 834, 98 € de ce chef.
Sur le bien fondé du licenciement
Un employeur ne peut licencier un salarié que pour autant qu'il soit en mesure d'invoquer un motif réel et sérieux. La faute grave est celle qui rend impossible le maintien de la relation de travail, serait-ce pendant la durée limitée du préavis. Il appartient à l'employeur qui l'invoque, d'en rapporter la preuve.
Les termes de la lettre de licenciement fixent les limites du litige.
Les propos injurieux et le comportement agressif et menaçant que le salarié a adoptés au cours de la matinée du 4 mars 2008 à l'égard de ses deux supérieurs hiérarchiques, Messieurs Z... et A..., tels que ces faits sont décrits dans la lettre de licenciement, sont établis tant par la « main courante » versée aux débats que par les attestations de salariés, témoins des faits.
Si ces faits ne sont pas admissibles de la part d'un salarié, d'autres salariés témoignent par contre de la courtoisie, du sérieux et du professionnalisme de M. X... au cours des six années qu'a duré la relation de travail, ainsi que du contexte particulier de l'entreprise à l'époque de l'incident (relation direction-personnel tendue à la suite d'un conflit collectif), le médecin traitant certifiant, de son côté, que M. X... présentait alors (mars 2008) un accès hypertensif secondaire à l'état de stress développé dans l'exercice de sa profession.
Il convient dans ces conditions que le licenciement n'est pas fondé sur une faute grave, mais néanmoins sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera réformé en conséquence.
Il convient dans ces conditions de débouter M. X... de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail, mais par contre de faire droit à ses demandes en paiement du salaire retenu au titre de la mise à pied conservatoire injustifié (730, 67 €) et en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents au préavis et à la mise à pied, et de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
Concernant le montant de l'indemnité de préavis et celui de l'indemnité de licenciement, c'est à juste raison que le salarié, bien que n'appartenant pas à cette catégorie professionnelle, a considéré qu'il convenait de lui faire application de l'annexe IV de la Convention collective des transports, relative aux ingénieurs et cadres.
Il est en effet de principe que la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre des salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence.
En l'espèce, l'article 15 de l'annexe IV précité prévoit que la durée du délai congé dû aux cadres en cas de licenciement est de trois mois, alors que les autres salariés relevant de cette convention collective n'ont droit qu'à un préavis de deux mois après deux ans d'ancienneté.
Il ne résulte nullement des dispositions de la convention collective considérée que les partenaires sociaux qui l'ont négociée aient justifié objectivement la différence qui est faite d'une catégorie à l'autre au regard de la durée du préavis ou encore du mode de calcul de l'indemnité de licenciement en cas de licenciement du salarié.
La circonstance que les cadres occuperaient des postes plus qualifiés, avec plus de responsabilité, ne justifie en elle-même, de manière objective, ni une durée plus longue de délai-congé, ni un calcul plus avantageux de l'indemnité de licenciement. Il n'est nullement établi, au regard du marché de l'emploi, que le salarié cadre mettrait plus de temps à retrouver un emploi ou l'employeur plus de temps pour lui trouver un remplaçant.
L'indemnité compensatrice de préavis due à M. X... doit dont être fixée à (2. 252, 27 + 1. 878, 57 + 1. 878, 57/ 3 = 2. 057, 13x3 =) 6. 171, 40 € brut.
L'indemnité de licenciement, quant à elle, doit être fixée conformément à l'annexe IV, soit la somme de 2. 057, 13x4/ 10x6 = 4. 937, 11 €.
Il est enfin équitable au sens de l'article 700 du Code de procédure civile d'allouer à M. X... une indemnité à titre de participation aux frais, non compris dans les dépens qu'il a dû exposer pour assurer sa défense.
DECISION
Par ces motifs,
La Cour,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, excepté en ce qu'il a condamné la SAS CHEVALLIER SUD à payer à M. X... la somme de 730, 67 € brut au titre du salaire correspondant à la période de mise à pied injustifiée ;
Et statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de M. X... repose non point sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SAS CHEVALLIER SUD à payer à M. Larbi X... les sommes de : 1. 834, 98 € au titre de l'indemnité de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ; 6. 171, 40 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ; 690, 21 € brut au titre des congés payés afférents à la mise à pied et au préavis ; 4. 937, 11 € brut au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

Condamne la SAS CHEVALLIER SUD à payer à la SCP GUIRAUD LAFON PORTES, avocat de Monsieur X..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, la somme de 1. 200 € au titre de la procédure d'appel par application de l'article 700 du Code de procédure civile et de l'article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ; Déboute M. X... de ses demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la SAS CHEVALLIER SUD aux dépens.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4o chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/00094
Date de la décision : 27/10/2010
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2010-10-27;10.00094 ?
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