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25/02/2010 | FRANCE | N°09/00644

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Ct0706, 25 février 2010, 09/00644


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3ème CHAMBRE CORRECTIONNELLE

ARRET N
DU 25 / 02 / 2010
DOSSIER 09 / 00644 GN / BR
prononcé publiquement le Jeudi vingt cinq février deux mille dix, par la troisième Chambre des appels correctionnels, par Monsieur RAJBAUT, en application des dispositions de l'article 485 dernier alinéa du code de procédure pénale.
et assisté du greffier : Mademoiselle ROUGY
qui ont signé le présent arrêt
en présence du ministère public près la Cour d'Appel
sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance de BEZIERS du 27 JUI

LLET 2007

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré : Président : Monsieur R...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3ème CHAMBRE CORRECTIONNELLE

ARRET N
DU 25 / 02 / 2010
DOSSIER 09 / 00644 GN / BR
prononcé publiquement le Jeudi vingt cinq février deux mille dix, par la troisième Chambre des appels correctionnels, par Monsieur RAJBAUT, en application des dispositions de l'article 485 dernier alinéa du code de procédure pénale.
et assisté du greffier : Mademoiselle ROUGY
qui ont signé le présent arrêt
en présence du ministère public près la Cour d'Appel
sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance de BEZIERS du 27 JUILLET 2007

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré : Président : Monsieur RAJBAUT
Conseillers : Madame BRESDIN Monsieur SALVATICO

présents lors des débats :
Ministère public : Monsieur DEVILLE
Greffier : Madame BOURBOUSSON

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :
PREVENUS
Z... Michel Louis Né le 24 janvier 1959 à BEZIERS (34), fils de Z... Jacques et d'A... Arlette, vigneron, de nationalité française, demeurant... Libre Prévenu, intimé Comparant Assisté de Maître MIMRAN Isabelle, avocat au barreau de NIMES
C... Marc Patrick Né le 04 juillet 1962 à AUBENAS (07), fils de C... Georges et de D... Juliette, sans profession, de nationalité française, demeurant... Libre Prévenu, intimé Comparant Assisté de Maître MALGRAS Cyril, avocat au barreau de MONTPELLIER

LE MINISTERE PUBLIC, appelant
PARTIES CIVILES
G... Claude, demeurant... Partie civile, appelant Comparant Assisté de Maître BRINGER Marc, avocat au barreau de BEZIERS

Compagnie assurances GROUPAMA, Maison de l'agriculture-Bat 2 Place Chaptal-34000 MONTPELLIER Partie intervenante, intimée Représentée par Maître MALGRAS Cyril, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituant Maître MARIGNAN Thierry, avocat au barreau de MONTPELLIER

RAPPEL DE LA PROCEDURE :
Par jugement contradictoire du 27 juillet 2007 le Tribunal correctionnel de BÉZIERS saisi par citation directe a :
Sur l'action publique :
Déclaré recevable l'intervention volontaire de la Caisse régionale de réassurance mutuelle agricole du Sud (GROUPAMA SUD),
Renvoyé M. Michel Z... et M. Marc C... des fins de la poursuite
* pour avoir à NISSAN-LEZ-ENSERUNE le 25 septembre 2005 et depuis temps non couvert par la prescription :
- par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, causé à M. Claude G... une atteinte à l'intégrité de sa personne, suivie d'une incapacité totale de travail de plus de trois mois,
infraction prévue par l'article 222-19 AL. 1 du Code pénal et réprimée par les articles 222-19 AL. 1, 222-44, 222-46 du Code pénal
-commis une infraction aux règles d'hygiène et de sécurité :
- en omettant d'organiser au bénéfice de M. Claude G... une formation adaptée à sa sécurité,
- en omettant de munir une cuve de thermovinification d'un dispositif préservant suffisamment la sécurité des travailleurs,
infraction prévue par les articles L. 4741-1 AL. 1 1, L. 4111-1, L. 4111-2, L. 4111-3, L. 4111-6 du Code du travail et réprimée par les articles L. 4741-1 AL. 1, AL. 9, L. 4741-5 AL. 1 du Code du travail

Sur l'action civile : a reçu la constitution de partie civile de M. Claude G... et a débouté celui-ci de l'ensemble de ses demandes.

APPELS :
Le Ministère Public a régulièrement interjeté appel principal de ce jugement le 27 juillet 2007.
M. Claude G..., partie civile, a régulièrement interjeté appel incident de ce jugement par déclaration au Greffe en date du 2 août 2007.

DEROULEMENT DES DEBATS :

Initialement fixée à l'audience du 25 juin 2009 l'affaire a été successivement renvoyée à la demande des parties à l'audience du 8 octobre 2009 puis, contradictoirement, à celle du 28 janvier 2010 à 8 h 30.
A l'appel de la cause à l'audience publique du 28 JANVIER 2010 Monsieur le Président a constaté l'identité du prévenu, puis a fait le rapport prescrit par l'article 513 du code de procédure pénale.
A cette audience :
M. Michel Z... est présent, assisté de son avocat.
M. Marc C... est présent, assisté de son avocat.
M. Claude G..., partie civile, est présent, assisté de son avocat.
Maître BRINGER pour M. Claude G..., partie civile est entendu en sa plaidoirie. Il dépose des conclusions, lesquelles ont été visées par le président et la greffière, mentionnées par cette dernière aux notes d'audience et jointes au dossier.
GROUPAMA SUD est représentée par son avocat.
Maître MALGRAS substituant Maître MARIGNAN pour GROUPAMA SUD est entendu en sa plaidoirie. Il dépose des conclusions, lesquelles ont été visées par le président et la greffière, mentionnées par cette dernière aux notes d'audience et jointes au dossier.
La direction départementale du travail est représentée par M. X..., inspecteur du travail.
Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions.
Maître MIMRAM pour M. Z... Michel est entendue en sa plaidoirie. Elle dépose des conclusions, lesquelles ont été visées par le président et la greffière, mentionnées par cette dernière aux notes d'audience et jointes au dossier.
Maître MALGRAS pour M. C... Marc est entendu en sa plaidoirie. Elle dépose des conclusions, lesquelles ont été visées par le président et la greffière, mentionnées par cette dernière aux notes d'audience et jointes au dossier.
Les prévenus ont eu la parole en dernier.
A l'issue des débats, la Cour a mis l'affaire en délibéré et Monsieur le Président a averti les parties que l'arrêt serait prononcé à l'audience publique du 25 FÉVRIER 2010.

FAITS
M. Claude G... était employé comme ouvrier saisonnier pour les vendanges 2005 par la cave coopérative de NISSAN-LEZ-ENSERUNE lorsque le 24 septembre 2005 vers 23 h 30, alors qu'il assurait le fonctionnement et l'entretien final de la chaîne termocompact, il rencontre un problème d'évacuation de la vendange de la cuve de la chaîne no 2.
Il pénètre alors dans la cuve pour aider à l'évacuation de la vendange alors que la pompe d'évacuation située sous la cuve fonctionne ; son pied gauche glisse dans le trou au fond de la cuve et est happé par la vis de la pompe d'évacuation, bloquant sa jambe au fond de la cuve, la vis sans fin broyant celle-ci. Evacué en urgence au CHG de BÉZIERS il a dû subir une amputation du tiers moyen de la jambe gauche.
Le contrôle d'alcoolémie de la victime n'a révélé aucune imprégnation alcoolique au moment des faits.
La chaîne de thermo-vinification se compose d'une cuve de stockage, d'un poste chaufferie, d'un poste thermocompact et d'un poste de refroidissement. La cuve litigieuse est de forme circulaire en inox de 6, 70 m de haut et de 3 m de diamètre, il y a une trappe de 400 x 530 mm à 1, 80 m du sol pour le nettoyage de la cuve en fin de travail. A sa base un manchon sert à l'aspiration et l'évacuation du produit, un moteur électrique actionnant une vis sans fin permettant d'évacuer la vendange pour la pousser vers les pressoirs.
M. Claude G... déclare avoir commencé son travail le 5 septembre 2005 en poste aux cuves de thermo-vinification (trois ouvriers en 3X8) pour la tranche 14 h / 22 h assurant ce soir-là une autre tranche horaire avec l'accord de son supérieur. Il connaissait le fonctionnement final de la chaîne de thermo-vinification. La cuve était encombrée de deux mètres de vendanges (jus, rafle, pépins, grains), il a commencé à nettoyer la cuve mais il restait de la vendange dans le fond sur une épaisseur importante, il est alors entré dans la cuve par la trappe mais sous son poids une plaque de vendange est partie et a entraîné sa jambe gauche qui s'est prise dans la vis sans fin. Il indique n'avoir eu aucune formation concernant le poste qu'il occupait, il s'est formé sur le tas, il n'a jamais reçu la consigne de ne jamais entrer dans les cuves.
M. Marc C..., directeur général de la coopérative Les Vignerons du pays d'Enserune est le responsable du personnel. Il précise que M. Claude G... n'avait pas de qualification particulière et ne pouvait donc travailler au décuvage (réservé au personnel habilité et volontaire). Il indique que la cuve n'est pas prévue pour qu'une personne y pénètre, la trappe ne servant que pour le nettoyage de la cuve à partir de l'extérieur à l'aide d'un jet d'eau sous pression. La cuve sert à la macération de la thermo-vinification (la vendange arrive par le haut chauffée entre 50 et 70o, elle macère tout en étant évacuée doucement par la pompe vers les pressoirs, la chaîne est entièrement automatique). En cas de blocage la pompe s'arrête automatiquement et l'ouvrier chargé du poste doit appeler le responsable qui avertit le fabricant. Il indique encore que l'ensemble du personnel (y compris les saisonniers) est formé à la prévention des risques (1 / 2 journée pour les saisonniers).
M. Michel Z... est le président du conseil d'administration de la coopérative des vignerons du pays d'Ensérune.
Un procès-verbal a été dressé le 26 septembre 2005 par M. Xavier X..., inspecteur du travail auprès du service départemental de l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricoles de l'Hérault. Il relève que M. Claude G... n'a reçu aucune formation spécifique sur son poste de travail (art. L 231-3-1 du code du travail). En outre la cuve est un équipement de travail qui doit être équipé de manière à préserver la sécurité et la santé des travailleurs (art. L 233-5-1, L 233-5 III et R 233-83 du code du travail), c'est une machine qui doit être conçue et équipée de façon à limiter les causes d'intervention (art. 1. 3. 7, 1. 6. 4 de l'annexe 1 visée à l'art. R 233-84 du code du travail). Or cette cuve n'est pas munie d'un dispositif de sécurité permettant la vidange en sécurité (pas de dispositif entraînant l'arrêt de tous les éléments mobiles dont la vis sans fin qui restait accessible alors qu'elle était en rotation). L'inspecteur du travail relève donc une infraction à l'art. L 233-5-1 du code du travail (interdiction d'utiliser des équipements de travail exposant les travailleurs à un danger pour leur santé et leur sécurité).

PRÉTENTIONS DES PARTIES
M Michel Z... a déposé le 28 janvier 2010 des conclusions au terme desquelles il demande à la Cour de confirmer, au besoin par substitution de motifs, le jugement qui l'a relaxé en faisant valoir qu'il bénéficie d'une délégation de pouvoirs et de responsabilité consentie à M. Marc C... et résultant à la fois des statuts de la SCA Les vignerons du pays d'Ensérune et du contrat de travail de M. Marc C... ; subsidiairement il demande la confirmation de la décision dont appel.
M. Marc C... a déposé le 28 janvier 2010 des conclusions au terme desquelles il demande à la Cour de le relaxer des fins de la poursuite et de déclarer irrecevables les demandes de M. Claude G... en faisant valoir l'absence de caractérisation des infractions visées à la prévention (pas de lien de causalité direct, pas de manquement aux règles de sécurité relatives au matériel, pas de manquement aux règles de formation des salariés), il conteste en outre l'existence d'une délégation de responsabilité pénale non écrite.
M Claude G..., partie civile, a déposé le 8 octobre 2009 des conclusions réitérées à l'audience au terme desquelles il demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire les prévenus coupables des faits qui leur sont reprochés et de les condamner solidairement sous " exécution provisoire " à lui payer la somme de 5. 000 € par application de l'article 475-1 du code de procédure pénale.
Il fait valoir l'absence de formation à la sécurité et la mise à disposition d'une machine ne permettant pas l'intervention d'un opérateur en toute sécurité ainsi que l'existence d'une violation délibérée d'une règle de sécurité et une faute caractérisée du fait de la connaissance du risque encouru par les salariés obligés de rentrer à l'intérieur de la cuve pour la nettoyer et de l'absence de toute faute de la victime.
M. X..., inspecteur du travail, a été entendu à titre de simple renseignements pour expliciter son procès-verbal du 26 septembre 2005.
Le Ministère Public estime que M. Marc C... a bien reçu une délégation de responsabilité et requiert donc la relaxe de M. Michel Z... eu égard à cette délégation expresse de responsabilité. En ce qui concerne M. Marc C... il requiert également sa relaxe pour le délit de blessures involontaires en l'absence de preuve d'une violation délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de faute caractérisée. En ce qui concerne les deux infractions au code du travail il estime les infractions constituées à l'encontre de M. Marc C... dans la mesure où M. Claude G..., sous contrat à durée déterminée, devait recevoir une formation renforcée à la sécurité et où le matériel était potentiellement dangereux. Il requiert donc à l'encontre de M. Marc C... deux amendes de 3. 000 € chacune et l'affichage obligatoire de la décision à intervenir pendant six mois aux portes de l'entreprise.

SUR QUOI
Attendu qu'il sera statué contradictoirement à l'encontre de toutes les parties présentes ou représentées.
Attendu que les appels sont réguliers pour avoir été interjetés dans les formes et délais légaux.
Sur l'action publique :
En ce qui concerne M. Michel Z... :
Attendu que M. Michel Z... est le président du conseil d'administration de la SCA Les vignerons du pays d'Ensérune ;
Attendu que le jeu exonératoire de la délégation de pouvoirs n'est admis que si le chef d'entreprise rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à un préposé investi par lui et pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour veiller à l'observation des dispositions en vigueur, que cette preuve n'est soumise à aucune forme particulière et peut être rapportée par tous moyens ;
Attendu qu'il résulte des statuts de la SCA Les vignerons du pays d'Ensérune que le président du conseil d'administration représente la société en justice (article 23, al. 2) tandis que le personnel salarié est placé sous les ordres du directeur qui embauche et licencie le personnel (article 29, al. 7) ;
Attendu que la convention collective nationale des caves coopératives vinicoles et leurs unions définit ainsi qu'il suit les fonctions de directeur :
" Cadre administratif, technique ou commercial prenant toutes initiatives nécessaires au bon fonctionnement de la coopérative et assumant, en fait, la direction de la coopérative par délégation du président. Il exerce, effectivement, des fonctions de responsabilité sur le personnel, notamment en matière d'embauche et de licenciement et dispose, de ce fait, d'un pouvoir de décision que lui a délégué le président et le conseil d'administration de la coopérative ; sa fonction influe sur l'activité générale de la coopérative et engage celle-ci vis-à-vis des tiers. "
Attendu qu'il ressort de son contrat de travail que M. Marc C... a été engagé comme directeur général salarié et assure, en fait, la direction générale " par délégation de pouvoirs du Président et du Conseil d'Administration (..) Hors de toute notion hiérarchique ", le contrat rappelant notamment qu'il embauche et licencie le personnel après avis du président ; qu'il percevait " en rémunération de son activité professionnelle dans le cadre du présent contrat " un salaire annuel brut de 63. 000 € en 2004 outre l'attribution, à titre d'avantage en nature, d'un véhicule de fonction ;
Attendu en outre que M. Marc C..., cadre âgé de 42 ans lors de son embauche, bénéficiait déjà d'une expérience dans le milieu vinicole et d'une compétence particulière expressément relevées dans son contrat de travail (article 6, 2ème paragraphe) ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. Marc C..., par son expérience professionnelle et ses compétences, par les pouvoirs qui lui étaient conférés tant au titre de son contrat de travail qu'en vertu de la convention collective applicable et par les moyens financiers et matériels mis à sa disposition, disposait bien de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour veiller à l'observation des dispositions en vigueur ;
Attendu en conséquence que M. Michel Z... peut se prévaloir d'une délégation de pouvoirs et de responsabilité à l'égard de M. Marc C..., l'exonérant de toute responsabilité pénale, que par ces motifs, se substituant à ceux des premiers juges, le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il l'a relaxé et renvoyé des fins de la poursuite ;
En ce qui concerne M. Marc C... :
A) L'absence de dispositif préservant suffisamment la sécurité des travailleurs :
Attendu qu'en l'absence de dispositions spécifiques relatives à la sécurité des machines mises à la disposition des employés des caves coopératives, il convient de se référer aux dispositions générales de l'article L 233-5-1 du code du travail, applicable à l'époque des faits, d'ailleurs expressément visé tant par l'inspection du travail dans son procès-verbal qu'à la prévention ;
Attendu que ce texte dispose que les équipements de travail et les moyens de protection mis en service ou utilisés dans les établissements doivent être équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la sécurité et la santé des travailleurs, y compris en cas de modification de ces équipements de travail et de ces moyens de protection ;
Attendu que l'inspection du travail estime que la cuve de thermo-vinification n'était pas munie d'un dispositif de sécurité permettant sa vidange en sécurité à l'aide d'un dispositif entraînant l'arrêt de tous les éléments mobiles en cas d'entrée dans la cuve ;
Mais attendu que les chaînes de thermo-vinification ont fait l'objet, en 1998 et 1999, de travaux de mise en conformité, que les services de l'inspection du travail ont effectué en 2004 des visites qui n'ont relevé aucun manquement aux règles de sécurité du matériel en ce qui concerne les cuves de thermovinification (courriers des 16 août et 25 octobre 2004) ;
Attendu en conséquence qu'il ne peut être relevé à l'encontre de M. Marc C... aucune infraction à l'article L 233-5-1 précité, alors surtout qu'il n'est normalement prévu aucun accès à l'intérieur de ces cuves ;
Attendu que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a relaxé M. Marc C... de ce chef ;
B) L'absence de formation à la sécurité :
Attendu qu'en l'absence de dispositions spécifiques à la formation de personnels saisonniers dans les caves coopératives vinicoles, il convient de se référer aux dispositions générales de l'article L 231-3-1 du code du travail, applicable à l'époque des faits, d'ailleurs expressément visé tant par l'inspection du travail dans son procès-verbal qu'à la prévention ;
Attendu que ce texte dispose que tout chef d'établissement est tenu d'organiser une formation pratique et appropriée en matière de sécurité, au bénéfice notamment des travailleurs liés par un contrat de travail temporaire, ceux-ci devant recevoir une information adaptée dans l'entreprise dans laquelle ils sont occupés, dès lors qu'ils ont été affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ;
Attendu que l'article R 231-34 du code du travail, applicable à l'époque des faits, précise que la formation à la sécurité a pour objet d'instruire le salarié des précautions à prendre pour assurer sa propre sécurité et, le cas échéant, celle des autres personnes occupées dans l'établissement et qu'à cet effet, les informations, enseignements et instructions nécessaires lui sont données en ce qui concerne les conditions générales de circulation dans l'entreprise, l'exécution de son travail et les dispositions qu'il doit prendre en cas d'accident ou de sinistre ;
Attendu qu'en l'espèce M. Claude G..., salarié saisonnier, était affecté aux cuves de thermo-vinification et, à ce titre, occupé à des tâches potentiellement dangereuses nécessitant le respect de consignes de sécurité, que l'enquête a établi qu'il n'avait reçu aucune formation spécifique à la sécurité ;
Attendu en effet qu'il ressort du témoignage du directeur adjoint, M. Philippe K..., que la victime n'était pas présente à la réunion de sensibilisation sur les risques dans le travail des caves coopératives et n'a pas reçu le livret édité à cette fin par la Mutualité Sociale Agricole, qu'en fait M. Claude G... a été immédiatement mis en formation avec le permanent assurant le poste sur lequel il devait travailler ;
Attendu qu'une telle formation sur le tas ne saurait s'apparenter à une formation renforcée à la sécurité telle que définie par le code du travail, qu'il apparaît ainsi qu'aucune consigne claire et précise n'avait été donnée quant à l'interdiction complète d'intervenir dans la cuve ;
Attendu en effet que l'affiche de consignes de sécurité photographiée par les gendarmes et mentionnant notamment : " TRAVAUX DANS LES CUVES. Ne jamais pénétrer dans une cuve SANS PRÉVENIR et en L'ABSENCE D'ASSISTANCE à l'extérieur. Avant l'accès VENTILER et CONTRÔLER l'évacuation du gaz carbonique. Utiliser des baladeuses en 24 VOLTS. MAINTENIR LA VENTILATION pendant les travaux " ne concerne que les cuves de vinification traditionnelle et est relative à la nécessité de les ventiler pour évacuer le gaz carbonique et ne s'applique pas aux cuves de thermo-vinification pour lesquelles il n'existait aucun panneau d'avertissement particulier ainsi que le précise M. Jean-Luc L..., responsable technique de la cave, dans son attestation du 15 mars 2007 ;
Attendu qu'en l'absence de toute formation spécifique à la sécurité donnée à M. Claude G... il apparaît que l'infraction aux dispositions de l'article L 231-3-1 du code du travail, applicable à l'époque des faits, est constituée ;
Attendu que le jugement déféré sera donc partiellement infirmé de ce chef et que, statuant à nouveau, M. Marc C... sera déclaré coupable de cette infraction et, en répression, condamné à une amende de 2. 000 € qui apparaît justifiée et proportionnée à la nature de l'infraction et à la personne du prévenu ;
Attendu que conformément aux dispositions de l'article L 263-6 du code du travail, applicable à l'époque des faits, et de l'article 131-35 du code pénal, il sera ordonné l'affichage du présent arrêt pendant une durée de deux mois, aux portes de la cave coopérative de NISSAN-LEZ-ENSERUNE aux frais du prévenu, sans le coût puisse excéder le montant de l'amende encourue ;
C) Les faits de blessures involontaires :
Attendu que M. Marc C... est poursuivi pour atteinte à l'intégrité de la personne de M. Claude G... " par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements " au visa de l'article 222-19, premier alinéa du code pénal, lequel renvoie à l'article 121-3 ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que M. Marc C..., qui au demeurant n'était pas présent sur les lieux au moment de l'accident, n'a pas causé directement le dommage ;
Attendu que l'article 121-3 précité, dans son troisième alinéa, dispose que dans cette hypothèse, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, ne sont responsables pénalement que s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérise et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ;
Attendu qu'il en résulte que la simple démonstration de la violation d'une règle de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement n'est pas suffisante en elle-même pour caractériser le délit, qu'il est en effet nécessaire de rapporter la preuve de ce que cette violation a été commise de façon manifestement délibérée ;
Attendu qu'en l'espèce cette preuve n'est pas rapportée, le Ministère Public requérant sur ce point la relaxe de M. Marc C... et la partie civile se contentant de déduire cette violation manifestement délibérée de la seule absence de formation spécifique à la sécurité sans relever de manquement précis à l'encontre de M. Marc C... personnellement ;
Attendu qu'il n'est pas davantage rapporté la preuve à l'encontre de M. Marc C... d'une quelconque faute caractérisée qui aurait exposé M. Claude G... à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ;
Attendu en effet que sur ce point également le Ministère Public requiert sa relaxe tandis que la partie civile relève l'existence d'une faute " sur la connaissance du risque encouru par les salariés obligés de rentrer à l'intérieur de la cuve pour la nettoyer " alors qu'il est établi par l'enquête qu'au contraire en aucun cas les salariés ne devaient pénétrer à l'intérieur de la cuve, son nettoyage par jet à haute pression devant se faire de l'extérieur par la trappe conçue à cette seule fin, ainsi que cela ressort notamment des déclarations du responsable technique, M. Jean-Luc L... ;
Attendu dès lors qu'en l'absence de preuve d'une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité ou d'une faute caractérisée à l'encontre de M. Marc C..., les conditions posées par l'article 121-3, 3ème alinéa du code pénal pour pouvoir retenir sa responsabilité pénale personnelle ne sont pas remplies ;
Attendu que le jugement déféré qui l'a relaxé et renvoyé des fins de la poursuite du chef de blessures involontaires sera donc confirmé de ce chef ;
Sur l'action civile
Attendu que le jugement déféré, qui a débouté M. Claude G... de l'ensemble de ses demandes, sera partiellement infirmé en ce qui concerne M. Marc C... et que, statuant à nouveau, M. Claude G... sera déclaré recevable en sa constitution de partie civile à son encontre en ce qui concerne les faits d'absence de formation à la sécurité ;
Attendu qu'il sera donné acte à la partie civile de ce qu'elle n'intervient qu'au soutien de l'action publique ;
Attendu que pour le surplus le jugement déféré sera confirmé sur l'action civile à l'égard de M. Michel Z... ;
Attendu qu'il sera alloué à M. Claude G..., en équité, la somme de 1. 500 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel conformément aux dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale, sa demande d'exécution provisoire étant sans objet en cause d'appel ;
Attendu que le présent arrêt sera déclaré opposable à GROUPAMA SUD.

PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi.
EN LA FORME
Reçoit les appels.
AU FOND
Sur l'action publique :
Confirme, par substitution de motifs, le jugement déféré en ce qu'il a relaxé et renvoyé M. Michel Z... des fins de la poursuite pour l'ensemble des faits qui lui sont reprochés.
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a relaxé et renvoyé M. Marc C... des fins de la poursuite pour les faits d'absence de dispositif préservant suffisamment la sécurité des travailleurs et de blessures involontaires.
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a relaxé et renvoyé M. Marc C... des fins de la poursuite pour les faits d'absence de formation à la sécurité et, statuant à nouveau de ce chef :
Déclare M. Marc C... coupable des faits d'absence de formation à la sécurité et, en répression, le condamne à la peine de DEUX MILLE EUROS (2. 000 €) d'amende.
Ordonne l'affichage du présent arrêt pendant une durée de deux mois, aux portes de la cave coopérative de NISSAN-LEZ-ENSERUNE aux frais de M. Marc C..., sans le coût puisse excéder le montant de l'amende encourue.
Sur l'action civile :
Infirme partiellement le jugement déféré sur l'action civile qui a débouté M. Claude G..., partie civile, de l'ensemble de ses demandes et, statuant à nouveau de ce chef :
Reçoit M. Claude G... en sa constitution de partie civile à l'encontre de M. Marc C... en ce qui concerne les faits d'absence de formation à la sécurité.
Donne acte à la partie civile de ce qu'elle n'intervient qu'au soutien de l'action publique.
Confirme pour le surplus le jugement déféré sur l'action civile en ce qui concerne M. Michel Z....
Déclare le présent arrêt opposable à GROUPAMA SUD.
Condamne M. Marc C... à payer à M. Claude G... la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1. 500 €) au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Déclare sans objet la demande d'exécution provisoire du présent arrêt.
Dit que le condamné sera soumis au paiement du droit fixe d'un montant de CENT VINGT (120) EUROS prévu par l'article 1018A du code général des impôts.
Informe le condamné que le montant du droit fixe de procédure et le montant de l'amende seront diminués de VINGT POUR CENT (20 %), sans que cette diminution puisse excéder 1. 500 €, s'il s'en acquitte dans le délai d'un mois à compter du prononcé du présent arrêt.
Le tout conformément aux articles visés au jugement et au présent arrêt et aux articles 512 et suivants du code de procédure pénale.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique les jours, mois et an susdits ; le présent arrêt a été signé par le Président et le greffier présents lors de son prononcé.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Ct0706
Numéro d'arrêt : 09/00644
Date de la décision : 25/02/2010

Analyses

RESPONSABILITE PENALE - Chef d'entreprise - Exonération - Cas - Délégation de pouvoirs -

Le jeu exonératoire de la délégation de pouvoirs n'est admis que si le chef d'entreprise rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à un préposé investi par lui et pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour veiller à l'observation des dispositions en vigueur, cette preuve n'est soumise à aucune forme particulière et peut être rapportée par tous moyens. En l'espèce le prévenu, par son expérience professionnelle et ses compétences, par les pouvoirs qui lui étaient conférés tant au titre de son contrat de travail qu'en vertu de la convention collective applicable et par les moyens financiers et matériels mis à sa disposition, disposait bien de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour veiller à l'observation des dispositions en vigueur. Lorsque l'article 121-3 du code pénal est applicable, la simple démonstration de la violation d'une règle de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement n'est pas suffisante en elle-même pour caractériser le délit de blessures involontaires, il est en effet nécessaire de rapporter la preuve de ce que cette violation a été commise de façon manifestement délibérée


Références :

Décision attaquée : Tribunal correctionnel de Béziers, 27 juillet 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2010-02-25;09.00644 ?
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