La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/12/2009 | FRANCE | N°09/02316

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4o chambre sociale, 09 décembre 2009, 09/02316


BR/ RVM/ BR COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4o chambre sociale
ARRÊT DU 09 Décembre 2009

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 02316
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Recours sur l'arrêt du 21 JANVIER 2009 rendu par la COUR DE CASSATION No RG65 F-D

APPELANT :
Monsieur Fikry X......... 06000 NICE Représentant : Me Eric ROCHEBLAVE (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :
SA HOTEL NEGRESCO, prise en la personne de son représentant légal 37 promenade des Anglais 06000 NICE Représentant : la SCP AUCHE-HEDOU, AUCHE AUCHE (av

oués à la Cour) Représentant : Me HALLIER substituant la SCP MARRO (avocats au barreau de NICE)
...

BR/ RVM/ BR COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4o chambre sociale
ARRÊT DU 09 Décembre 2009

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 02316
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Recours sur l'arrêt du 21 JANVIER 2009 rendu par la COUR DE CASSATION No RG65 F-D

APPELANT :
Monsieur Fikry X......... 06000 NICE Représentant : Me Eric ROCHEBLAVE (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :
SA HOTEL NEGRESCO, prise en la personne de son représentant légal 37 promenade des Anglais 06000 NICE Représentant : la SCP AUCHE-HEDOU, AUCHE AUCHE (avoués à la Cour) Représentant : Me HALLIER substituant la SCP MARRO (avocats au barreau de NICE)

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 NOVEMBRE 2009, en audience publique, Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président Madame Bernadette BERTHON, Conseillère Madame Nicole MORIAMEZ, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Brigitte ROGER

ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président, et par Mme Brigitte ROGER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *

EXPOSE DU LITIGE
M. Fickry X... a été embauché par la société HOTEL NEGRESCO selon contrat à durée déterminée à compter du 12 décembre 1988 jusqu'au 31 mars 1989 en qualité de peintre. La relation contractuelle s'est poursuivie au-delà du terme.
M. X... a été victime le 10 janvier 1990 d'un accident du travail qui a entraîné un arrêt de travail jusqu'au 10 janvier 1992. Lors de la reprise du travail, le médecin du travail ayant exclu le port de charges lourdes ainsi que les travaux réalisés au plafond, le salarié a été promu contremaître le 1er juillet 1992. Le 7 décembre 1002, il a été victime d'un second accident du travail. Le 16 novembre 1993, le médecin du travail a déclaré le salarié apte à la reprise de son poste de peintre sans port de charges supérieures ou égales à 20 kilos et sans peindre les plafonds. Après avoir été victime le 12 décembre 1994 d'un troisième accident du travail, le salarié, classé par la COTOREP, travailleur handicapé catégorie B, a été déclaré inapte à reprendre son ancien poste de peintre le 2 décembre 2002, le médecin du travail préconisant un reclassement sur un autre poste, sans manutention, avec possibilité de travail « assis-debout », par exemple agent administratif ou standardiste. Après deux nouveaux examens les 1er et 16 septembre 2003, le salarié a été déclaré inapte à tout poste dans l'entreprise
Après avis des délégués du personnels, M. X... a été convoqué 18 septembre 2003 à un entretien préalable fixé au 24 septembre 2003 et s'est vu notifier son licenciement suivant lettre recommandée en date du 26 septembre 2003 dans les termes suivants :
... " En effet, à la suite de votre accident du travail en date du 12 décembre 1994 et à votre reclassement en qualité d'handicapé COTOREP, vous avez suivi une formation d'agent administratif jusqu'à fin 2002.
En vue de votre reclassement et après avis favorable de la Médecine du Travail, nous vous avons proposé un poste de standardiste à la LOGE, poste pour lequel nous avons pris en charge une formation de langue.
Cette première tentative de reclassement s'est avérée infructueuse.
Pour une deuxième tentative de reclassement, nous avons créé un poste d'agent administratif au service des travaux, toujours avec un avis favorable de la Médecine du Travail.
Par une décision de ce même organisme en date du 16 septembre 2003, vous avez été déclaré " Inapte définitivement à votre poste ".
Toutes tentatives considérées, nous sommes à ce jour contraints de vous confirmer votre licenciement pour non reclassement possible au sein de notre entreprise... "
Le 16 septembre 2004 M. X... saisissait le Conseil de Prud'hommes de NICE. Il contestait la légitimité de son licenciement, faisant notamment valoir que l'employeur avait failli à l'obligation de reclassement renforcé qui pesait sur lui. Il estimait par ailleurs avoir été victime d'un harcèlement moral de la part de son employeur. Il sollicitait, outre un complément à l'indemnité spéciale de licenciement, des dommages et intérêts tant à raison de la rupture abusive de son contrat de travail qu'à raison du harcèlement et du comportement discriminatoire qu'il imputait à son employeur. Par jugement du 17 mai 2006, le Conseil des prud'hommes de NICE déboutait M. X... de ses demandes et le condamnait aux dépens.
Le 15 juin 2006, Monsieur X... relevait appel de cette décision.
Par arrêt du 21 mai 2007, la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE a confirmé la décision prud'homale sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité spéciale de licenciement et condamné la société HOTEL NEGRESCO à payer au salarié à ce titre un complément de 2. 451, 20 €, outre 1. 200 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. X... a formé un pourvoi en cassation.
Par arrêt du 21 janvier 2009, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE, mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour les préjudices subis en raison des fautes contractuelles de l'employeur et au paiement de l'indemnité spéciale de licenciement.
Dans des écritures développées oralement à l'audience et auxquelles la Cour renvoie expressément pour un exposé complet de ses moyens, M. X... demande à la Cour de condamner la société HOTEL NEGRESCO à lui payer les sommes de :
-4097, 55 Euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents-5. 549, 71 Euros à titre de rappel d'indemnité spéciale de licenciement-12. 000 Euros de dommages et intérêts pour non respect des périodes de suspensions du contrat de travail en raison d'une maladie ou d'un accident-100. 000 Euros de dommages et intérêts pour non-respect des préconisations du médecin du travail en violation des dispositions de l'article L. 4624-1 et des articles L 4121-1 et suivants du Code du travail-50. 000 Euros de dommages et intérêts pour discrimination d'un travailleur handicapé-10. 000 Euros de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de l'employeur de faire subir au salarié une visite médicale de reprise-10. 000 Euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des changements intempestifs des dates de congés payes imposes par l'employeur-100. 000 Euros de dommages et intérêts pour-harcèlement moral et non respect de l'obligation pour l'employeur de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral-1. 951, 12 Euros de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement-200. 000 Euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article L. 1226-15 du Code du travail maintenue en cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties-6. 000 Euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation des dispositions de l'article L. 1226-12 alinéa 1 du Code du travail-1. 951, 12 Euros de dommages et intérêts pour violation des dispositions de l'article L. 1226-7 du Code du travail-3. 902, 24 Euros de dommages et intérêts pour remise tardive de l'attestation ASSEDIC-980, 90 Euros à titre de rappel de prime d'ancienneté-5. 866, 04 Euros à titre de garantie conventionnelle de complément de rémunération pour accident du travail-2. 500 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile Il demande en outre à la Cour de dire :- que les condamnations pécuniaires prononcées ainsi que l'obligation ordonnée de délivrance des documents de fin de contrat (Attestation ASSEDIC, certificat de travail...) et de l'intégralité des bulletins de salaires rectifiés et conformes à la décision prononcée et aux dispositions légales et réglementaires, seront assorties d'une astreinte provisoire de 100 Euros par jour de retard, par document, par euro impayé, à compter de la notification de la décision.- que les intérêts de droits sur toutes les sommes objet de la décision à intervenir se capitaliseront à daté du jour de la demande introductive d'instance de Monsieur Fikry X... par devant le Conseil de Prud'hommes de Nice et ce suivant le mécanisme de l'anatocisme, article 1154 du Code civil.
Il prétend que son salaire de référence s'élève à 1951, 12 € équivalent à la moyenne des salaires des trois derniers mois.
Il sollicite le doublement de la durée de son préavis en application des dispositions en faveur des travailleurs handicapés.
Compte tenu de son ancienneté (14 ans et 9 mois), il réclame une indemnité spéciale de licenciement équivalente au moins à un dixième de mois plus un quinzième de mois par année d'ancienneté au delà de dix ans, multipliée par deux.
Il estime que l'employeur a commis des fautes contractuelles :- en ne respectant pas les périodes de suspension de travail-en ne se conformant pas aux prescriptions du médecin du travail,- en ne prenant aucune mesure positive eu égard à son handicap afin d'assurer une égalité de traitement avec les autres salariés,- en n'organisant aucune visite de reprise après ses accidents du travail,- en changeant les dates de ses congés payés de manière intempestive,- en commettant des agissements de harcèlement moral,- en faillant à son obligation de sécurité,- en manquant à son obligation de faire connaître par écrit et préalablement au licenciement les motifs s'opposant au reclassement,- en remettant au salarié des documents de fin de contrat irrégulier et de manière tardive-en omettant de lui payer sa prime d'ancienneté et son complément conventionnel de rémunération.
Il ajoute que le délai entre la convocation et l'entretien préalable n'ayant pas été respecté et la présence d'un délégué du personnel ayant été imposée par l'employeur, son licenciement est irrégulier.
Il estime que son employeur a failli à son obligation de reclassement et n'a pas régulièrement sollicité l'avis des délégués du personnel.
Il fait valoir que son licenciement est nul et demande sa réintégration ainsi que les indemnités auxquelles il peut prétendre.
Dans des écritures développées oralement à l'audience et auxquelles la Cour se réfère expressément, la société HOTEL NEGRESCO conclut, en premier lieu, au visa de l'article 638 du Code de procédure civile, au débouté de Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions sur les chefs non déférés à la Cour de renvoi de Montpellier, en rappelant que la Cour de cassation n'avait renvoyé la cause et les parties que sur les trois chefs suivants : 1) la demande de dommages et intérêts pour les préjudices subis en raison de fautes contractuelles de l'employeur 2) le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis 3) le paiement de l'indemnité spéciale de licenciement. Elle en déduit que c'est à tort que M. X... développe à nouveau des demandes au titre de la procédure de licenciement.
En deuxième lieu, sur les points effectivement déférés à la Cour, la société HOTEL NEGRESCO demande à celle-ci de :
1) sur l'indemnité compensatrice de préavis :
dire que la SA NEGRESCO doit verser au profit de Monsieur X... la somme de 1835, 38 euros
2) sur l'indemnité spéciale de licenciement :
fixer l'indemnité spéciale de licenciement due à la somme de 3670, 76 euros Constater qu'à ce titre la SA NEGRESCO a déjà verser la somme de 1441, 80 euros
en conséquence, dire que la SA NEGRESCO doit verser au profit de Monsieur X... la somme de 2228, 96 euros
Et au titre des fautes contractuelles alléguées :
3) sur le non-respect de la suspension du contrat de travail en raison d'une maladie ou d'un accident :
constater l'absence de preuve rapportée par le demandeur et débouter M. X... de toutes ses demandes de ce chef
4) sur les dommages intérêts en réparation résultant du non respect despréconisations du médecin du travail et de l'obligation générale de sécurité de l'employeur :
dire que la faute de l'employeur doit être rapportée in abstracto, constater que Monsieur X... ne rapporte pas la preuve d'une faute inexcusable de la part de son employeur et en conséquence débouter M. X... de toutes ses demandes de ce chef ;
5) sur les dommages et intérêt en réparation du préjudice résultant de la discrimination d'un travailleur handicapé
constater que le demandeur invoque la loi 2005-102 du 11 février 2005 Constater que la procédure de licenciement a eu lieu en septembre 2003, dire qu'il ne peut y avoir de rétroactivité et d ébouter M. X... de toutes ses demandes de ce chef ;
6) sur les dommages intérêts en réparation du préjudice résultant des changements de date de congés débouter M. X... de toutes ses demandes de ce chef ;
7) sur les dommages intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral
dire qu'il n'existe aucun harcèlement moral de la part de l'employeur ; constater que Monsieur X... n'a jamais porté plainte suite à la diffusion du tract raciste ; constater que M. X... n'en rapporte en tout cas pas la preuve ; et en conséquence débouter M. X... de toutes ses demandes de ce chef ;
8) sur la prévention des agissements de harcèlement moral
constater que M. X... ne rapporte pas la preuve et débouter M. X... de toutes ses demandes de ce chef ;
9) Sur l'irrégularité des documents de fin de contrat de travail et leur délivrance tardive
donner acte de la bonne foi de la SA NEGRESCO de sa volonté de se conformer à l'arrêt à intervenir et de produire en conséquence les documents (bulletin de salaires et attestation de fin de contrat) rectifiés et conformes ; rejeter les demandes de condamnation sous astreinte et débouter M. X... de toutes les autres demandes de ce chef
10) sur la prime d'ancienneté
constater que la SA NEGRESCO n'a pas modifié unilatéralement les éléments de la rémunération de M. X... et débouter M. X... de toutes ses demandes de ce chef

11) Sur le complément de rémunération
constater que M. X... n'a pas adressé en temps et en heure les arrêts de travail entre 1992 et 2003
La société HOTEL NEGRESCO sollicite la condamnation de X... à lui verser la somme de 4. 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La société HOTEL NEGRESCO fait notamment valoir que la Cour ne saurait examiner que trois chefs de demande :- les dommages et intérêts en raison des fautes contractuelles de l'employeur-l'indemnité compensatrice de préavis-l'indemnité spéciale de licenciement
Elle fixe le salaire moyen à la moyenne des trois derniers salaires perçus en septembre, octobre et novembre 1994 soit 1835, 38 €.
Elle prétend qu'il ne peut prétendre qu'à un mois de salaire au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et à deux mois de salaire au titre de l'indemnité spéciale de licenciement.
S'agissant des fautes contractuelles :- elle estime que le salarié n'établit ni le non respect des périodes de suspension ni le manquement à son obligation de sécurité,- elle ajoute que la Cour d'appel a déjà retenu qu'elle avait respecté les préconisations du médecin du travail-elle fait valoir que les dispositions favorisant l'égalité de traitement sont entrées en vigueur postérieurement à son licenciement et qu'en tout état de cause le salarié a suivi des stages-elle précise avoir convoqué le salarié à des visites de reprise-elle affirme n'avoir commis aucun manquement quant à la fixation des congés payés-elle conteste avoir commis des agissements de harcèlement moral ou n'avoir pas pris les mesures pour les éviter
Elle dit qu'elle remettra les documents de fin de contrat rectifiés à la fin de la procédure.
Elle relève que la prime d'ancienneté est intégrée au salaire de base.
Elle prétend que le salarié n'a pas adressé régulièrement ses arrêts de travail.
MOTIFS DE LA DECISION
A. Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail
1. Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant d'un non respect de la suspension du contrat de travail en raison d'une maladie ou d'un accident
A ce titre, M. X... invoque, en premier lieu, le fait que son employeur l'aurait contacté, alors qu'il était placé en arrêt de travail, afin de lui communiquer des informations utiles à la bonne marche de l'entreprise.
Toutefois, le fait – au demeurant unique – que l'employeur lui ait écrit le 7 août 1992 (lettre produite aux débats), alors qu'il se trouvait en arrêt de travail, pour « le prier de bien vouloir prendre contact avec le Directeur, dès réception » ne peut constituer en lui-même une quelconque faute de la part de l'employeur, alors qu'il n'est nullement établi – ni même allégué – qu'il aurait eu à la suite de ce contact, à fournir une quelconque prestation de travail pendant la suspension de son contrat de travail, l'employeur indiquant, pour sa part, que l'envoi de cette lettre qu'il qualifie de courrier type tenait à ce que le salarié ne lui avait pas retourné ses avis d'arrêt maladie ou de prolongation dans les 48 heures.
M. X... soutient encore qu'alors même qu'il se trouvait en arrêt de travail du 15 juin 1994 au 13 septembre 1994, l'employeur lui aurait demandé le 8 septembre 1994 d'annuler l'intervention chirurgicale initialement prévue le 14 septembre 1994 et l'aurait menacé de le licencier s'il ne reprenait pas son travail le 12 septembre 1994.
Toutefois, M. X... ne rapporte nullement la preuve de ses allégations et notamment des pressions que l'employeur aurait exercées sur lui, l'unique document produit étant un billet de pré-admission au CHU de NICE avec une mention manuscrite : « Annulation opération ». Il est à noter d'ailleurs qu'il a bien été remis à l'employeur un arrêt de travail portant mention par le médecin d'une reprise du travail au 12 septembre 1994, et que cet arrêt n'a pas été médicalement prorogé.
Il n'est pas davantage justifié de ce que l'employeur l'aurait obligé à travailler à d'autres moments où M. X... bénéficiait d'arrêts de travail.
Il ne peut dès lors être reproché à l'employeur un quelconque non respect des suspensions du contrat de travail en raison d'une maladie ou d'un accident, susceptible d'engager sa responsabilité. M. X... sera en conséquence débouté de la demande de dommages et intérêts qu'il a formée de ce chef.
2. Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non respect des préconisations du médecin du travail et de l'obligation générale de sécurité de l'employeur
M. X... soutient, à cet égard, que si la société HOTEL NEGRESCO avait pris en considération les préconisations du médecin du travail, d'une part, M. X... n'aurait pas été victime de trois accidents du travail et, d'autre part, il n'aurait pas vu son état de santé se dégrader au point d'être reconnu salarié handicapé, puis déclaré inapte à son poste et enfin licencié pour inaptitude.
Toutefois, il convient d'observer, en premier lieu, que si M. X..., embauché en 1988 par la société HOTEL NEGRESCO en qualité de peintre, a été victime d'un premier accident du travail le 10 janvier 1990, puis d'un deuxième le 7 décembre 1992, et enfin d'un troisième le 12 décembre 1994, ce n'est que par un avis du médecin du travail en date du 17 décembre 2002 qu'il sera déclaré définitivement inapte au poste de peintre et que son reclassement s'imposera légalement à l'employeur.
Jusqu'à cette date (17 décembre 2002), tous les avis du médecin du travail qui furent émis, ont déclaré M. X... apte au métier de peintre avec toutefois une restriction concernant à la fois le port de charge et les travaux sur les plafonds (21 mars 1991 : « limitant les ports de charges (maxi 20 kilos,) ne peut faire les travaux sur les plafonds »-17 février 1994 « éviter les interventions sur les plafonds, ainsi que le port de charges 20 kg »-9 septembre 1995 « éviter le port de charges 20 kg »-14 février 1995 : « éviter toujours les travaux de plafond et le port de charge 20 kg »-29 avril 1999 « sans travaux en hauteur et sans port de charges »).
Il convient d'observer que ces préconisations du médecin prohibant le port de charges lourdes et l'intervention sur les plafonds (de 1991 à 1995) avaient pour but la sauvegarde du dos fragilisé de M. X... et que si le deuxième accident survenu le 7 décembre 1992 et le troisième le 12 décembre 1994 sont consécutifs à la chute d'une échelle – accessoire usuel pour l'exécution de travaux de peinture-il n'est pas établi que ce fût à l'occasion de travaux exécutés sur un plafond et que ce soit précisément le non respect des préconisations du médecin du travail qui ait été à l'origine de ces chutes.
Il est à noter au surplus que le 1er juillet 1992, l'employeur avait explicitement proposé un aménagement de poste de travail, avec l'attribution d'un salaire de contremaître, lui permettant avec un ouvrier placé sous ses ordres, de ne pas faire les travaux pénibles. Il n'est pas contesté qu'un salaire de contremaître lui a alors été attribué à compter de sa reprise du travail.
Par ailleurs, il est constant que postérieurement à l'avis donné le 17 décembre 2002 « Inapte peintre ; à reclasser à un poste sans manutention avec possibilité de travail assis-debout ; apte à un poste administratif (par exemple standard) avec possibilité de position assis-debout », l'employeur procédait à une première tentative de reclassement à un poste de standardiste, après lui avoir fait suivre une formation de perfectionnement en anglais à l'institut Wall Street Institute, puis, cette tentative ne s'étant pas avérée concluante, s'engageait dans un deuxième processus de reclassement sur un poste d'agent administratif travaux. Il convient d'observer en outre que ces tentatives de reclassement ont été faites en considération du fait que M. X..., d'origine égyptienne, était à la fois francophone et anglophone et qu'il indiquait avoir un niveau Bac + 4 en comptabilité.
En conséquence, il ne peut être soutenu par le salarié que les préconisations du médecin du travail n'ont pas été respectées par l'employeur et que celui-ci aurait failli de ce chef à son obligation générale de sécurité.
3. Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la discrimination d'un travailleur handicapé
M. X... qui se prévaut de ce qu'il a été reconnu par la COTOREP travailleur handicapé catégorie B à compter du 20 octobre 1994, estime que l'employeur a manqué à l'obligation que lui imposait la loi no 2005-102 du 11 février 2005 de prendre des mesures positives afin d'assurer une égalité de traitement entre travailleurs valides et travailleurs handicapés.
Toutefois si cette loi, entrée en vigueur le 13 février 2005, a effectivement transposé dans un nouvel article L 5213-6 du Code du travail, la directive 2000/ 78/ CE du 27 novembre 2000 relative à l'égalité de traitement d'emploi et de travail, il résulte de la dite directive que les Etats membres disposaient jusqu'au 2 décembre 2003 pour adopter les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour s'y conformer.
Or en l'espèce, il est constant que le contrat de travail qui liait les parties a pris fin par la notification à M. X... de son licenciement suivant lettre du 26 septembre 2003 et que durant la période d'exécution du contrat de travail la société HOTEL NEGRESCO n'avait donc pas l'obligation de respecter des dispositions qui n'étaient pas entrées en vigueur.
En tout état de cause, il a été précédemment établi que l'employeur a mis en œ uvre deux tentatives de reclassement dans un emploi de standardiste, puis dans un emploi d'agent administratif, dès que le salarié a été déclaré inapte à son poste de peintre.
4. Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation des dispositions des articles R 4624-21 et R 4624-22 du Code du travail
M. X... soutient que l'employeur n'a pas respecté son obligation de lui faire subir une visite de reprise dans les huit jours qui suivirent ses arrêts de travail :
- du 10 janvier 1990 au 4 févier 1990- du 27 juillet 1990 au 23 octobre 1990- du 22 décembre 1990 au 30 décembre 1991- du 19 juillet 1991 au 1er septembre 1991- du 1er août 1992 au 1er septembre 1993- du 20 mars 1993 au 9 mai 1993
Il résulte effectivement des pièces du dossier que les visites de reprises sont intervenues avec un certain retard par rapport au délai de huit jours exigé par les règlements : visites des 26 février 1990, 12 mars 1990, 12 avril 1990, 6 novembre 1990...
Un tel retard dans l'obligation qui pèse sur l'employeur, a nécessairement causé un préjudice au salarié, lequel est toutefois limité. Il convient d'allouer de ce chef au salarié une somme de 1. 500 € à titre de dommages et intérêts.
5. Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des changements intempestifs des dates de congés payés imposés par l'employeur
L'employeur a, justificatifs à l'appui, répondu point par point aux griefs que le salarié a exprimé à cet égard.
Il en résulte notamment que du fait de l'arrêt de travail de M. X... en 1993, et de la perturbation que cela a entraîné dans l'organisation des congés payés du service où il était affecté, ses congés ont dû être reportés, l'employeur – ce qui n'est pas contesté – lui ayant alors remboursé les billets d'avion achetés.
Il est justifié également de la difficulté d'organiser les congés payés de M. X... pour l'année 1994, dans la mesure où M. X... s'est trouvé en arrêt de travail du 15 juin 1994 au 13 décembre 1994.
Il est établi en outre que pour la célébration du Noël orthodoxe, M. X... n'avait fait sa demande que le 5janvier 1995, soit la veille des jours de congés sollicités (du 6 janvier 1995 au 9 janvier 1995).
Il est enfin justifié de ce que l'employeur auquel le salarié avait dénoncé le 3 juin 2003 le fait que le premier poste de reclassement n'était pas adapté à ses capacités, avait été contraint, dès lors qu'il lui fallait trouver une autre solution de reclassement, de demander à son salarié de prendre ses congés.
M. X... qui n'établit aucune faute délibérée de la part de la part de l'employeur dans l'organisation de ses congés payés, doit être débouté de la demande de dommages et intérêts qu'il a formée de ce chef.
6. Sur les demandes de dommages et intérêts au titre d'un harcèlement moral
Aux termes de l'article 1151-2 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L 1152-4 énonce que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Si les faits que le salarié dénonce, en l'espèce, se situent dans leur majeure partie à une époque antérieure à la promulgation de la Loi du 17 janvier 2002 dont sont issues les dispositions précitées, la notion de harcèlement moral existait, quoique exprimée en des termes quelque peu différents, et était incluse dans la notion générale de comportement déloyal et fautif de l'employeur.
M. X... dénonce, d'une part, des faits de harcèlement de la part de l'employeur lui-même et d'autre part, le fait que l'employeur n'a pas pris toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir des agissements de harcèlement moral, notamment de la part de ses collègues de travail. Estimant avoir de ce fait subi deux préjudices distincts, il sollicite, du moins dans le corps de ses conclusions, deux fois la somme de 100. 000 € en réparation de ces préjudices.
Toutefois, concernant la première demande formée par M. X..., celui-ci n'établit pas de faits qui permettraient de présumer l'existence d'un harcèlement de la part de l'employeur lui-même.
En effet, il a été établi plus haut que, contrairement à ce que prétendait M. X..., il ne peut être fait grief à l'entreprise de n'avoir pas respecté les suspensions du contrat de travail à raison d'une maladie ou d'un accident, ou encore commis une faute délibérée dans l'organisation des congés payés de M. X.... Il n'a pas davantage été établi que l'employeur aurait méconnu les préconisations du médecin du travail. Ne peut non plus constituer un fait laissant présumer l'existence d'un harcèlement la vérification par la CPAM du bien fondé d'une prolongation des indemnités journalières au titre de l'accident du travail du 12 décembre 1994. Par ailleurs, il n'est nullement établi que l'employeur aurait délibérément adressé à la CPAM des attestations de salaires irrégulières dans le but de priver M. X... de ressources, alors qu'il est justifié que l'employeur a transmis des attestations rectifiées dès qu'il a été informé de leur rejet pour non-conformité par la CPAM. Quant à la lettre produite aux débats émanant d'un médecin donnant des explications sur la pathologie de M. X..., elle n'établit nullement en elle-même la mise en œ uvre d'une « man œ uvre » de l'employeur pour accéder à son dossier médical, comme le prétend M. X....
M. X... doit en conséquence être débouté de la demande de dommages et intérêts qu'il a formée du chef de harcèlement moral de la part de l'employeur lui-même.
Par contre, il résulte des débats et des pièces produites que M. X... a été victime à plusieurs reprises de l'hostilité et du comportement raciste de certains de ses collègues.
Dans une lettre qu'il lui adresse le 21 avril 1994, M. X... demande à son employeur d'intervenir pour mettre fin au comportement belliqueux que M. Michel Y..., chef d'équipe continuait à adopter à son égard, rappelant, d'une part, l'agression physique dont il avait fait l'objet de sa part le 8 janvier 1993 – le certificat médical du 9 janvier 1993 attestant des blessures occasionnées à M. X... à cette occasion, étant versé aux débats-et, d'autre part, en substance, le fait qu'il avait alors renoncé à déposer plainte pour ne pas nuire à la réputation de l'hôtel.
Par une lettre du 8 mars 1995, M. X..., français d'origine égyptienne, dénonçait à nouveau les agressions quotidiennes à caractère raciste dont il faisait l'objet de la part de ses collègues et particulièrement de M. Michel Y... et surtout l'affichage dans l'entreprise d'un tract raciste où il était cité nommément, et dont il joignait à son courrier une photocopie, demandant instamment à l'employeur de faire cesser ces agissements qui lui occasionnaient une grande souffrance morale.
Ce tract produit aux débats relève du plus vil des racismes, puisqu'on y lit :
« Ministère des transports – nouvelles propositions : Si vous écrasez un arabe …. + 2 points Si vous écrasez un couple ….. + 6 points Si vous écrasez une arabe enceinte. + 3 points Si vous écrasez une arabe avec une poussette + 14 points. … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …. » Il y était ajouté : « Si vous écrasez Fikry (prénom de M. X...) = 1500 points »
Le 9 août1995, le Dr Z..., neurologue, certifiait que « M. Fickry X... semble présenter, en plus de ses douleurs séquellaires et conséquentes de ses accidents et de leur exacerbation par le syndrome dépressif réactionnel au harcèlement raciste qu'il subit ».
Le même médecin écrivait encore à la COTOREP le 8 septembre 1995 : « Il est chrétien mais subit intensément des agressions verbales antiraciales et antimusulmanes » et le 28 décembre 1995 au médecin-conseil : « Il supporte très mal l'atmosphère de son lieu de travail »
Dans un courrier adressé à son employeur le 1er janvier 1996, M. X... dénonçait à nouveau la « campagne raciste » menée contre lui, écrivant notamment : « depuis plusieurs mois, j'ai perdu mon sommeil du fait des agressions racistes répétées de mes collègues, je suis suivi par un psychiatre et un neurologue et actuellement je subis un traitement dans un centre hospitalier spécialisé ».
L'employeur reconnaissait les agissements subis par M. X... de la part de ses collègues, puisque dans un courrier produit aux débats que la société hôtel Negresco adressait le 20 août 1996 sous la signature de son président directeur général, Mme A..., au Professeur B... du service de Neuro-chirurgie de l'hôpital Pasteur de NICE, il est écrit :
« Depuis 1990 ayant été très irrégulier dans ses présences au travail, ses collègues ont pensé qu'il était de mauvaise foi, et profitait des avantages offerts en France au maximum. Ceci a créé dans l'équipe une ambiance difficile à supporter pour lui.
Je suppose qu'il était sincère et son moral s'en est trouvé affecté.
Mais d'un autre côté, la situation étant connue de tous dans la maison, nul n'ignorait que depuis janvier 1990 la Société avait dû débourser pour Monsieur Fickry un complément de maladie s'élevant à 57. 360, 55 francs.
Je crois que c'est ce problème financier qui a déclenché cette haine … »
Si dans le même courrier, la signataire indique qu'elle « fera réintégrer M. X... et qu'elle le fera respecter à l'avenir », l'employeur, en dépit de cette pétition de principe, ne justifie nullement, alors que le salarié, preuves à l'appui, dénonçait régulièrement depuis avril 1994 les agissements dont il était victime, avoir pris une quelconque mesure concrète pour y mettre un terme et prévenir tout renouvellement. En particulier, il n'est justifié d'aucune enquête interne, et a fortiori d'aucune conclusion qui en aurait été tiré tant sur le plan des mesures individuelles, au besoin disciplinaires, à prendre que sur le plan de l'organisation interne du travail au sein de l'entreprise à mettre en place pour prévenir le harcèlement à caractère raciste dont faisait l'objet M. X... de la part de ses collègues.
L'employeur qui a laissé sur une très longue période se développer au sein de son établissement ces manifestations racistes à l'encontre d'un salarié, a donc failli à l'obligation de sécurité de résultat qui pèse sur lui en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, et particulièrement en matière de harcèlement moral à caractère raciste. Ces faits sont constitutifs d'une exécution particulièrement fautive et déloyale du contrat de travail au sens des articles 1134 et 1147 du Code civil.
La Cour dispose en conséquence des éléments d'appréciation suffisants pour fixer à la somme de 30. 000 € la réparation du préjudice de ce fait par M. X....
B. Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail
M. X... soutenant que son licenciement a été prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L 1226-10 à L 1226-12 du Code du travail et que son licenciement est dès lors nul, demande à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L 1226-15 du dit Code. Ainsi, après avoir exprimé une demande de réintégration avec maintien des avantages acquis, il sollicite la condamnation de la société HOTEL NEGRESCO à lui verser la somme de 200. 000 € représentant, outre le préjudice moral, le préjudice financier subi au cours de la période comprise entre son licenciement et sa future réintégration, et le maintien de cette condamnation au paiement de dommages et intérêts à son profit en cas de refus de réintégration par l'autre partie. A l'appui de ses prétentions, M. X... invoque, comme autant de violation des articles L 1226-10 et L. 1226-12, l'inadaptation des deux postes de reclassement qui lui ont été successivement proposés, après l'avis d'inaptitude du médecin du travail à son poste de peintre, le non respect de l'obligation de consulter les délégués du personnel et l'absence de justification par l'employeur de l'impossibilité totale dans laquelle celui-ci se serait trouvé de mettre en œ uvre le reclassement du salarié.
Or, la question de la légitimité du licenciement de M. X... au regard de l'obligation de reclassement qui pesait sur l'employeur – qu'il s'agisse de l'analyse des deux postes de reclassement proposés, de la démonstration par l'employeur de l'impossibilité dans laquelle il se trouvait de reclasser le salarié déclaré inapte ou encore du respect par l'employeur de la procédure de consultation des délégués du personnel – a été définitivement tranchée par l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence maintenu en ces dispositions par suite du rejet du moyen de cassation (1er et 2ème moyens réunis).
M. X... doit donc être déclaré irrecevable en sa demande par application des dispositions de l'article 638 du Code de procédure civile, aux termes duquel l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.
Par contre, M. X... est recevable en sa demande de réparation du préjudice distinct qu'a pu lui causer le non respect par l'employeur de l'obligation – prescrite à l'article L 1226-12 alinéa 1 du Code du travail – de lui faire connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement, dès lors qu'une telle demande n'avait jusqu'à présent jamais été formée et qu'il ne revient à M. X..., à la suite du débouté confirmé en appel, aucune indemnité au titre d'une irrégularité de fonds du licenciement pour inaptitude, avec laquelle une telle demande n'aurait pu se cumuler.
En l'espèce, il est constant que la société HOTEL NEGRESCO n'a pas respecté l'obligation d'adresser à son salarié un tel écrit préalablement à la notification qui lui a été faite le 26 septembre 2003 de son licenciement pour impossibilité de le reclasser à la suite de sa déclaration définitive d'inaptitude à son poste. Le défaut de notification préalable des motifs s'opposant à son reclassement à nécessairement causé à M. X... un préjudice qu'il convient de réparer en lui allouant la somme de 2. 000 € à titre de dommages et intérêts.
Sont également recevables, comme n'ayant jamais été présentées jusqu'à présent, les demandes liées aux irrégularités ayant pu affecter le déroulement de la procédure de licenciement.
Aux termes de l'article L 1226-12 alinéa 3 du Code du travail, l'employeur, s'il prononce le licenciement respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III. Par ailleurs, l'article L 1226-15 alinéa 4 du Code du travail énonce que, lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l'article L 1226-12, il est fait application des dispositions prévues par l'article L 1235-2 en cas d'inobservation de la procédure de licenciement.
A cet égard, M. X... fait valoir, en premier lieu, que par la présentation au salarié le vendredi 19 septembre 2003 de la lettre de convocation datée du 18 septembre à un entretien préalable fixé au jeudi 24 septembre 2003, l'employeur n'a pas respecté un délai de cinq jours ouvrable et que la procédure de licenciement est ainsi viciée.
Toutefois l'article L 122-14 du Code du travail (recodifié L1232-2) ne prévoyait dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 24 juin 2004, le respect d'un délai de cinq jours ouvrables après présentation de la lettre recommandée qu'en cas d'absence d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise.
Or, en l'espèce il est constant qu'il existait de telles institutions au sein de l'entreprise, de sorte qu'en l'absence d'un délai légal minimal, l'employeur se devait seulement de convoquer le salarié suffisamment longtemps à l'avance pour lui permettre de pouvoir y réfléchir et de recourir éventuellement à l'assistance d'un membre du personnel.
Tel est le cas en l'espèce d'une convocation par lettre recommandée présentée le vendredi 19 septembre 2003 pour un entretien fixé au jeudi au jeudi 24 septembre 2007, de sorte qu'aucune irrégularité n'affecte la procédure de licenciement de ce chef.
M. X... fait également grief à l'employeur de lui avoir imposé, lors de l'entretien préalable, la présence de M. Georges C..., délégué du personnel, et ce, alors que non seulement lui-même n'avait pas demandé son assistance et qu'en outre il existait un différend important entre M. X... et M. C....
Il résulte de la correspondance que M. C... adressera ultérieurement à la société HOTEL NEGRESCO (lettre du 27 janvier 2005) où celui-ci fait état de sa « présence symbolique » lors de l'entretien où il ne s'est rendu qu'en qualité de « témoin pour assister de manière impartiale à la bonne marche de l'entretien », que celui-ci en tout cas n'est pas intervenu comme conseil du salarié, choisi par ce dernier, et que sa présence comme « témoin » n'a été possible que sur la demande de l'employeur ou du moins avec son autorisation. Cette présence imposée à M. X... d'un « témoin » vicie la procédure de licenciement et M. M. X... est de ce chef fondé à demander réparation du préjudice qui en est nécessairement résulté, celui-ci ayant fait état dans un courrier adressé à l'employeur le 18 novembre 2003 de la gêne et du trouble que lui avait occasionnés la présence de cette personne à côté du Directeur, ce qui l'avait empêché de s'exprimer librement.
Il sera en conséquence alloué à M. X... une somme de 1. 951, 12 € à titre de dommages et intérêts, soit dans la limite du montant fixé à l'article L1235-2 du Code du travail.
En application de l'article L1226-16 du Code du travail, les indemnités prévues aux articles L 1226-14 et L1226-15 sont calculées sur la base du salaire moyen qui aurait été perçu par l'intéressé au cours des trois derniers mois, s'il avait continué à travailler au poste qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail provoquées par l'accident du travail ou la maladie professionnelle.
Ce salaire de référence s'établit en l'espèce sur la base des trois derniers mois d'activités avant que M. X... ne voit constater par le médecin du travail son inaptitude définitive à son poste comme conséquence d'un accident du travail, soit les mois de juin à août 2003. Il résulte tant des montants portés aux bulletins de paie correspondants que de ceux figurant sur l'attestation ASSEDIC que la moyenne s'établit à la somme de 1. 951, 12 €.
En application de l'article R1234-2 du Code du travail et compte tenu de l'ancienneté de M. X... (14 ans et 9 mois), l'indemnité légale de licenciement s'élève à la somme de : (1/ 10e x 1. 951, 12 x 14, 75 + 1/ 15e x 1. 951, 12x 4, 75 = 2. 877, 90x = 615, 85 = 3. 495, 52 €
L'indemnité spéciale prévue à l'article L 1226-14 du Code du travail est donc de : 3. 495, 52x2 = 6. 991, 51 €
M. X..., n'ayant perçu à ce titre qu'une somme de 1. 441, 80 €, est fondé en sa demande en paiement de la somme de 5. 549, 71 €.
Alors qu'il est justifié que M. X... a été déclaré par la COTOREP travailleur handicapé catégorie B à compter du 20 octobre 1994, celui-ci a droit, par application combinée des articles L 1226-14, L. 1 234-1, L 1234-5 et L 5213-9 du Code du travail à un doublement de l'indemnité compensatrice de préavis sans avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis. La durée de préavis normal compte tenu de l'ancienneté de M. X... dans l'entreprise étant de deux mois, ce dernier en application des textes précités est fondé à solliciter une indemnité de préavis égale à trois mois de salaires, soit la somme de 1. 951, 12 € x 3 = 5. 853, 36 €, outre 585, 33 € au titre des congés payés y afférents. Il reste donc dû à M. X... qui a perçu à ce titre la somme de 2. 341, 15 €, la somme de 4. 097, 54 €, au paiement de laquelle il convient de condamner la société HOTEL NEGRESCO.
C. Sur les demandes annexes
Sur l'irrégularité des documents de fin de contrat de travail et des bulletins de paie délivrés au salarié
Il est constant que l'attestation ASSEDIC délivrée à M. X... mentionnent la durée d'emploi de ce dernier comme suit : « du 12/ 12/ 88 au 31/ 01/ 00 » et du « 17/ 11/ 01 au 29/ 09/ 03 ». De même le certificat de travail ne mentionne pas les périodes de stage de réadaptation, de rééducation et de formation professionnelle suivi par M. X... après avis de la COTOREP du 31 décembre 2000 au 16 novembre 2001. Les bulletins de paie mentionnent une ancienneté de 11 ans et 2 mois.
Il s'ensuit que l'ensemble de ces documents ne sont pas conformes aux exigences de l'article L 1226-7 du Code du travail aux termes duquel la durée des périodes de suspension du contrat de travail d'un salarié victime d'un accident du travail est prise en compte pour la détermination de tous les avantages légaux ou conventionnels liés à l'ancienneté dans l'entreprise, qu'il s'agisse de la suspension pendant la durée de l'arrêt de travail que de la suspension pendant le délai d'attente et la durée du stage de réadaptation, de rééducation ou de formation professionnelle que doit suivre le salarié conformément à l'avis de la COTOREP.
M. X... avait donc en réalité lors de son licenciement une ancienneté de 14 ans 11 mois et18 jours.
Il convient en conséquence d'ordonner, sous astreinte, la délivrance des documents sociaux et des bulletins de paie rectifiés en conséquence et de condamner la société HOTEL NEGRESCO à verser à M. X... la somme de 600 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui a causé la délivrance de documents sociaux établis en violation de l'article L 1226-7 du Code du travail.
Sur la délivrance tardive de documents de fin de contrat
Il est constant que si le licenciement a été notifié à M. X... le 26 septembre 2003, la société HOTEL NEGRESCO n'a établi l'attestation ASSEDIC que le 30 novembre 2003, de sorte que l'inscription au chômage et la perception des indemnités correspondantes ont été retardées de deux mois. Il en est résulté pour M. X... un préjudice certain qu'il convient de réparer par l'allocation d'une somme de 1. 500 € à titre de dommages et intérêts.
Sur le rappel de prime d'ancienneté
Il résulte de l'accord RTT de 1999 produit par la société HOTEL NEGRESCO que la prime d'ancienneté de 90 francs qui apparaissait sur les bulletins de paie délivrés à M. X... jusqu'en 1998, a été intégrée dans le salaire de base, de sorte que M. X... n'est pas fondé en sa demande en paiement d'un rappel de primes.
Sur le complément de rémunération
Aux termes de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants, M. X... devait bénéficier, compte tenu de son ancienneté, d'une garantie conventionnelle de complément de rémunération dans les conditions prescrites à la dite convention.
La société HOTEL NEGRESCO admet à cet égard son erreur, la mettant sur le compte du grand nombre d'arrêts de travail et d'un changement d'équipe au sein du bureau du personnel et de la comptabilité qui a considéré pendant un certain temps que M. X... ne faisait plus partie des effectifs.
Au vu du décompte produit et vérifié, M. X... a droit pour l'ensemble des périodes d'arrêts de travail qui se sont échelonnés du 2 octobre 1998 au 28 octobre 2003 à la somme totale de 5. 866, 04 € au titre de la garantie conventionnelle de complément de rémunération.
Sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile
Il est équitable, au sens de l'article 700 du Code de procédure civile, d'allouer à M. X... une indemnité à titre de participation aux frais, non compris dans les dépens, qu'il a dû exposer pour assurer sa défense. La société HOTEL NEGRESCO qui succombe partiellement à l'instance, sera déboutée de la demande qu'elle a formée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et sera tenue aux dépens.
DECISION
Par ces motifs,
La Cour,
Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 21 janvier 2009,
Déclare M. Fickry X... irrecevable en ces chefs de demande non atteints par la cassation ;
Sur les autres chefs de demande,
Réformant, en tant que de besoin, le jugement rendu le 17 mai 2006 par le Conseil de prud'hommes de NICE,
Condamne la société HOTEL NEGRESCO à payer à M. Fickry X... les sommes suivantes :
-4097, 55 Euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ;
-5. 549, 71 Euros à titre de rappel d'indemnité spéciale de licenciement ;
-1. 500 Euros de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de l'employeur de faire subir au salarié une visite médicale de reprise ;
-30. 000 Euros de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil pour non respect de l'obligation pour l'employeur de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral à caractère raciste subi par son salarié ;
-1. 951, 12 Euros de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement ;
-2. 000 Euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation des dispositions de l'article L. 1226-12 alinéa 1 du Code du travail ;
-600 Euros de dommages et intérêts pour violation des dispositions de l'article L. 1226-7 du Code du travail ;
-1. 500 Euros de dommages et intérêts pour remise tardive de l'attestation ASSEDIC ;
-5. 866, 04 Euros à titre de garantie conventionnelle de complément de rémunération pour accident du travail ;
-2. 500 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
Ordonne à la société HOTEL NEGRESCO de délivrer à M. X... les documents de fin de contrat (Attestation ASSEDIC, certificat de travail...) et l'intégralité des bulletins de salaires rectifiés et conformes à la décision prononcée et aux dispositions légales et réglementaires, dans le délai d'un mois suivant la notification par le Greffe de la Cour de la présente décision ;
Assortit cet ordre d'une astreinte provisoire de 50 Euros par jour de retard une fois expiré le délai précité ;
Déboute M. X... de toutes ses demandes plus amples ou contraires ;
Condamne la société HOTEL NEGRESCO SA aux dépens de première instance et d'appel ;


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4o chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/02316
Date de la décision : 09/12/2009
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Harcèlement - Harcèlement moral - Existence - / JDF

1) Antérieurement à la loi du 17.01.2002 la notion de harcèlement moral était incluse dans la notion générale de comportement déloyal et fautif de l'employeur. Dès lors, l'employeur qui a laissé à cette époque se développer au sein de son établissement des manifestations racistes à l'encontre d'un salarié a failli à l'obligation de sécurité de résultat qui pèse sur lui. Ces faits sont donc constitutifs d'une exécution partiellement fautive et déloyale du contrat de travail au sens des articles 1134 et 1147 du code civil. 2) Aux termes de l'article L. 122-14 ancien du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 24.06.2004, en l'absence d'un délai légal entre la lettre de convocation et l'entretien préalable en cas d'existence d'institutions représentatives du personnel, l'employeur doit seulement convoquer le salarié suffisamment en avance pour lui permettre de pouvoir réfléchir et recourir éventuellement à l'assistance d'un membre du personnel. 3) La présence d'un témoin, qui plus est réputé hostile au salarié, imposée lors d'un entretien préalable vicie la procédure de licenciement. 4) La durée des périodes de suspension du contrat de travail d'un salarié victime d'un accident du travail est prise en compte pour la détermination de tous les avantages légaux ou conventionnels liés à l'ancienneté


Références :

ARRET du 21 juin 2011, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 21 juin 2011, 10-11.690, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2009-12-09;09.02316 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award