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24/02/2009 | FRANCE | N°08/00578

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Ct0433, 24 février 2009, 08/00578


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re Chambre Section AO1
ARRÊT DU 24 FÉVRIER 2009
Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 00578
Décision déférée à la Cour : Arrêt du 17 JANVIER 2008 de la COUR de CASSATION de PARIS sur pourvoi en cassation n° V06 18 419 (n° 47 FD) après arrêt de la COUR d'APPEL de MONTPELLIER en date du 23 Mai 2006 (n° 04. 5565) sur appel du jugement du TRIBUNAL de GRANDE INSTANCE de PERPIGNAN en date du 11 Octobre 2004 (n° 03. 2059)

APPELANTE :
CRCAM SUD MEDITERRANEE, prise en la personne de son Président en exercice, domici

lié en cette qualité au siège social sis 30 rue Pierre Bretonneau, BP 243 66000 PERPIGN...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re Chambre Section AO1
ARRÊT DU 24 FÉVRIER 2009
Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 00578
Décision déférée à la Cour : Arrêt du 17 JANVIER 2008 de la COUR de CASSATION de PARIS sur pourvoi en cassation n° V06 18 419 (n° 47 FD) après arrêt de la COUR d'APPEL de MONTPELLIER en date du 23 Mai 2006 (n° 04. 5565) sur appel du jugement du TRIBUNAL de GRANDE INSTANCE de PERPIGNAN en date du 11 Octobre 2004 (n° 03. 2059)

APPELANTE :
CRCAM SUD MEDITERRANEE, prise en la personne de son Président en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis 30 rue Pierre Bretonneau, BP 243 66000 PERPIGNAN représentée par la SCP SALVIGNOL-GUILHEM, avoués à la Cour assistée de Me CODERCH HERRE, avocat de la SCP SAGARD CODERCH-HERRE, avocats au barreau de PERPIGNAN

INTIMES :
Monsieur Denis X...... représenté par la SCP DIVISIA-SENMARTIN, avoués à la Cour assisté de Me Bernard VIAL, avocat de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE, avocats au barreau de PERPIGNAN

MUTUELLES DU MANS ASSURANCES (MMA), prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis 10 boulevard Alexandre Oyon 72030 LE MANS CEDEX 9 représentée par la SCP DIVISIA-SENMARTIN, avoués à la Cour assistée de Me Bernard VIAL, avocat de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE, avocats au barreau de PERPIGNAN

CAISSE REGIONALE DE GARANTIE DES NOTAIRES, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis 565 avenue des Apothicaires, Maison du Notariat, Parc Euromédecine 34000 MONTPELLIER représentée par la SCP DIVISIA-SENMARTIN, avoués à la Cour assistée de Me Bernard VIAL, avocat de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE, avocats au barreau de PERPIGNAN

ORDONNANCE de CLÔTURE du 15 JANVIER 2009
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le MARDI 20 JANVIER 2009 à 14H, en audience publique, Madame Nicole FOSSORIER, Président de Chambre ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Madame Nicole FOSSORIER, Président Monsieur Hervé BLANCHARD, Conseiller Monsieur Richard BOUGON, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mlle Marie-Françoise COMTE
ARRÊT :
- contradictoire,- prononcé publiquement par Madame Nicole FOSSORIER, Président,- signé par Madame Nicole FOSSORIER, Président, et par Mlle Marie-Françoise COMTE, Greffier présent lors du prononcé.

Vu le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Perpignan, le 11. 10. 2004, dont appel par la CRCAM ayant donné lieu à l'arrêt de cette Cour en date du 23 Mai 2006, cassé par décision rendue par la Cour de Cassation le 17 janvier 2008, pour violation de l'article 1382 du code civil ;
Vu la déclaration de saisine de cette Cour par la CRCAM SUD MÉDITERRANÉE en date du 25 Janvier 2008, dirigée contre Monsieur Denis X..., LES MUTUELLES DU MANS ASSURANCES et la CAISSE RÉGIONALE DE GARANTIE DES NOTAIRES ;
Vu les conclusions d'appel principal notifiées le 6 Juin 2008, par la CRCAM SUD MÉDITERRANÉE qui demande de constater que son action est recevable au regard des dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce, de juger que Monsieur Denis X... est responsable du préjudice qu'elle subit, consécutif au fait qu'elle ne peut prétendre à aucun droit sur le prix d'adjudication de l'immeuble ayant appartenu à Monsieur et Madame Georges Y...,

d'infirmer le jugement dont appel et de condamner in solidum monsieur X..., la Caisse de garantie des notaires du ressort de la COUR D'APPEL de MONTPELLIER et la société LES MUTUELLES DU MANS ASSURANCES à lui payer à titre de dommages-intérêts la somme de 45 405, 48 Euros outre intérêts au taux légal depuis le 8 avril 2003, jour de l'assignation, ainsi qu'au paiement de la somme de 4 000 euros à titre de frais et honoraires non compris dans les dépens ;
Vu les conclusions notifiées le 12. 1. 2009, par Monsieur Denis X..., LES MUTUELLES DU MANS ASSURANCES et la CAISSE RÉGIONALE DE GARANTIE DES NOTAIRES qui demandent de constater que la CRCAM ne justifie d'aucun préjudice, que c'est sa propre faute qui a concouru à l'intégralité de son dommage et de la débouter de ses demandes, Subsidiairement, dans l'hypothèse où il serait jugé que la faute du notaire a pu participer au dommage, de réduire celui-ci à un pourcentage purement symbolique, de condamner la CRCAM au paiement de la somme de 3 000 euros à titre de frais et honoraires non compris dans les dépens ainsi qu'aux dépens ;

SUR QUOI :
Monsieur Denis X..., LES MUTUELLES DU MANS ASSURANCES et la CAISSE RÉGIONALE DE GARANTIE DES NOTAIRES ne contestent plus que l'action de la CRCAM ait été engagée dans les délais voulus et soit recevable. Le jugement dont appel doit être en conséquence infirmé en ce qu'il déclare l'action irrecevable.
Par acte reçu le 29. 12. 1989 par Maître X..., notaire, les époux Georges Y... et Elisabeth Z... ont acquis en l'état futur d'achèvement, de la SCI LES IMPÉRIALES, un immeuble dont le prix a été financé à hauteur de 540 000 francs par un prêt consenti par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel, actuellement CRCAM Sud Méditerranée. Ce prêt devait être garanti par une inscription hypothécaire de premier rang aux termes tant de la procuration donnée le 5. 10. 1989 par la CRCAM à maître X..., que de l'acte notarié, page 28.
Ensuite de la procédure de saisie immobilière engagée en 1992, par la CRCAM contre les époux Y... défaillants dans le remboursement du prêt, puis de l'adjudication à la CRCAM de l'immeuble au prix de 300 000 francs, il est apparu que deux hypothèques primaient la sienne. La CRCAM ne perçut rien sur le prix d'adjudication, attribué à hauteur de la somme de 45 405, 48 euros à la société WHITE SAS venant aux droits de la banque LA HENIN, ainsi que cela résulte du règlement provisoire d'ordre judiciaire du 28. 2. 2003. Trois hypothèques conventionnelles avaient en effet été inscrites au profit de cette banque en 1981, 1982 et 1983, en garantie d'un prêt consenti à la SCI LES IMPÉRIALES pour l'acquisition du terrain sur lequel l'immeuble vendu fut construit. La SARL DIFAZUR était bénéficiaire d'une hypothèque en deuxième rang, inscrite le 4. 11. 1983.
Il est établi par l'état hypothécaire et par la procédure d'ordre que deux créanciers étaient inscrits avant la CRCAM, dont les créances étaient toujours impayées le 29. 12. 1989. En ne s'assurant pas que la garantie qu'il s'était engagé à prendre pour le compte de la CRCAM ait le rang souhaité et en ne lui faisant pas savoir l'existence d'inscriptions antérieures pour des créances qui n'étaient pas apurées, Maître X... a commis une faute caractérisée.
Les intimés objectent que la CRCAM qui a perçu de la SCP THOMAS huissier, le 18 mars 1996, un chèque d'un montant de 355 622,57 francs, avait antérieurement reçu 300 000 francs soit 45 734,71 euros, ainsi que cela résulte de la correspondance de cet huissier et a donc été totalement désintéressée. Or, cette somme de 45 734,71 euros correspond au prix d'adjudication de l'immeuble Y... à la CRCAM, suivant jugement du 12. 11. 1993, ainsi qu'elle l'explique dans sa lettre antérieure du 3. 1. 1994. Il ressort du règlement provisoire d'ordre page 3 que la CRCAM n'avait pas consigné le prix de l'adjudication qui lui avait été remis par compensation. Elle escomptait le conserver, ce qui explique que l'huissier ait déduit dans son décompte cette somme " reçue directement " et qu'elle ne lui ait pas répondu ne pas avoir encaissé cette somme. Ce n'est qu'ensuite du projet de règlement amiable du 16 janvier 1998, postérieur au relevé de compte susvisé, et du règlement provisoire d'ordre du 28 février 2003, qu'il s'est avéré que la CRCAM ne percevrait pas la somme de 45 734,71 euros, et qu'elle n'a ainsi pas été totalement désintéressée. Il est dans ces conditions vain de lui reprocher de ne pas avoir réclamé les sommes dues. A supposer même qu'elle ait pu avoir quelque doute sur l'attribution du prix d'adjudication, elle ne pouvait se faire payer par le débiteur qui n'avait pas remboursé les mensualités dues, qu'en exerçant à son encontre d'autres voies de droit, abstention qui ne peut pas lui être reprochée alors qu'elle devait disposer d'une sûreté instrumentée.
Les intimés opposent également que la CRCAM a commis une faute en ne versant pas les fonds provenant du prêt au fur et à mesure de l'avancement des travaux entre les mains du notaire, mais à la SCI LES ROCADES, ce qui est à l'origine de son préjudice. La CRCAM produit pour preuve une lettre du 25 octobre 1999 adressée à maître A... (membre de la SCP de notaires X...- C...- A...). Or cette lettre qui a pour " objet : CRCAM C / Y... Daniel ", ne concerne pas la vente faite à Georges Y..., mais celle faite à Daniel Y... et à son épouse Josselyne B..., le même jour. La copie de l'acte du 29. 12. 1989, versée aux débats par les intimés, est d'ailleurs relative à cette vente portant sur le lot n° 79, conclue entre la SCI LES IMPÉRIALES et Daniel Louis Marie Y... né le 12. 1. 1949 et son épouse Josselyne B... née le 23. 6. 1953, distincte de celle à l'origine du présent litige, conclue entre Georges Louis François Noël, Y... né le 20. 12. 1952 et son épouse Elisabeth Z... née le 12. 2. 1950, portant sur le lot n° 78 (cf acte page 18).
Il est toutefois constant qu'aux termes de l'acte notarié de vente et de prêt du 29. 12. 1989, la CRCAM aurait dû verser la partie du prêt correspondant au solde du prix, au fur et à mesure de l'avancement des travaux, par crédit au compte du notaire. Cette clause s'imposait à elle, le montant du prêt étant placé sur un compte bloqué dont elle seule débloquait au vu des attestations d'architecte, la part correspondant à l'état d'avancement des travaux. Le notaire avait d'ailleurs envoyé à la CRCAM une note en date du 27. 12. 1989, (reçue le lendemain au vu du tampon de la CRCAM), lui demandant le versement du prêt à son compte étude.
Il n'en demeure pas moins que sa faute consistant à ne pas avoir remis les fonds entre les mains du notaire, ce qu'elle ne conteste pas, n'exonère pas maître X... de sa responsabilité. Cette faute n'était pour lui ni imprévisible, ni irrésistible. Alors qu'il avait rédigé de nombreux actes afférents à cette opération, dont celui du 24. 11. 1980 d'acquisition du terrain par la SCI LES IMPÉRIALES et de prêt à cette SCI par la HENIN, il connaissait l'importance de la clause susvisée destinée à permettre le remboursement de l'hypothèque de cette dernière. L'acte du 29. 12. 1989 prévoit que le vendeur exécutera son obligation d'achever au cours du deuxième trimestre 1990. Sachant que la construction n'en était qu'au stade des fondations (cf page 17), il aurait dû régulièrement contrôler la réception des fonds sur le compte étude, ce qui eut évité la faute adverse.
Les intimés soutiennent enfin qu'un accord est intervenu entre la CRCAM et les époux Y... qui a mis fin au litige et invoquent pour preuve l'arrêt rendu le 22 mars 2005, par cette Cour. Or, le litige objet de cet arrêt ne concerne pas Georges Y... et Elisabeth Z..., mais Denis Y... et Josselyne B... . A la différence des époux Georges Y..., ces derniers avaient intégralement remboursé le prêt consenti par la CRCAM et le litige les opposant à cette dernière avait un objet différent, sans aucune relation avec celui de l'espèce. Aucune transaction n'est dans ces conditions démontrée.
Le préjudice subi par la CRCAM s'élève au montant de la somme de 45 405,48 euros qui aurait dû lui revenir si elle avait été créancier hypothécaire en premier rang, et au paiement de laquelle seront condamnés monsieur X..., les Mutuelles du Mans Assurances et la Caisse régionale de garantie des notaires. Il est justifié de faire remonter les intérêts légaux portés par cette somme à compter du 8. 4. 2003, date de l'assignation.
Les entiers dépens doivent être mis à la charge de monsieur X..., des Mutuelles du Mans Assurances et la Caisse régionale de garantie des notaires, en application de l'article 696 du nouveau code de procédure civile. Il est équitable d'allouer à la CRCAM la somme de 4 000 euros au titre des honoraires d'avocat, ainsi que des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés, en application de l'article 700 du code de procédure civile, tout en déboutant la partie adverse de sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, par décision contradictoire, en dernier ressort, sur renvoi de cassation,
Infirme la décision dont appel dans toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau, condamne monsieur X..., les Mutuelles du Mans Assurances et la Caisse régionale de garantie des notaires à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée les sommes de QUARANTE-CINQ MILLE QUATRE CENT CINQ Euros QUARANTE-HUIT centimes, outre intérêts légaux à compter du 8. 4. 2003, et de QUATRE MILLE euros à titre d'honoraires d'avocat, ainsi que de frais non compris dans les dépens ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne monsieur X..., les Mutuelles du Mans Assurances et la Caisse régionale de garantie des notaires aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront ceux afférents à l'arrêt cassé et seront recouvrés par la SCP SALVIGNOL, Avoué, en application de l'article 699 du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Ct0433
Numéro d'arrêt : 08/00578
Date de la décision : 24/02/2009

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Faute.

Le fait pour un notaire de ne pas s'assurer que la garantie hypothécaire de premier rang qu'il s'est engagé à prendre pour le compte de sa cliente ait le rang souhaité et de ne pas informer cette dernière de l'existence d'inscriptions antérieures pour des créances non apurées est constitutif d'une faute caractérisée. La faute non imprévisible ni irrésistible d'une créancière n'est pas exonératoire de responsabilité pour le notaire.En l'espèce, la cliente aurait dû verser la partie du prêt correspondant au solde du prix, au fur et à mesure des travaux par crédit au compte du notaire. Ce dernier sachant que la construction n'en était qu'au stade des fondations aurait dû régulièrement contrôler la réception des fonds sur le compte étude, ce qui eut évité la faute adverse.


Références :

ARRET du 01 juillet 2010, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 1 juillet 2010, 09-13.896, Publié au bulletin

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2009-02-24;08.00578 ?
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