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12/11/2008 | FRANCE | N°08/03719

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 04, 12 novembre 2008, 08/03719


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4e chambre sociale

ARRÊT DU 12 Novembre 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 03719
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 AVRIL 2008 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE NARBONNE No RG 07 / 00183

APPELANT :
Monsieur Philippe X...... 11100 NARBONNE Représentant : Me Bruno SIAU (avocat au barreau de BEZIERS)

INTIME :
Monsieur Thierry Y...... 11100 NARBONNE Représentant : Me CONQUET substituant la SELARL SAUMADE CLEMENT SIMON MALBEC (avocats au barreau de NARBONNE)

COMPOSITION DE LA COUR :
L'af

faire a été débattue le 09 OCTOBRE 2008, en audience publique, Monsieur Pierre D'HERVE ayant fait ...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4e chambre sociale

ARRÊT DU 12 Novembre 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 03719
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 AVRIL 2008 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE NARBONNE No RG 07 / 00183

APPELANT :
Monsieur Philippe X...... 11100 NARBONNE Représentant : Me Bruno SIAU (avocat au barreau de BEZIERS)

INTIME :
Monsieur Thierry Y...... 11100 NARBONNE Représentant : Me CONQUET substituant la SELARL SAUMADE CLEMENT SIMON MALBEC (avocats au barreau de NARBONNE)

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 OCTOBRE 2008, en audience publique, Monsieur Pierre D'HERVE ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Pierre D'HERVE, Président Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller Monsieur Eric SENNA, Conseiller

qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme CHABBERT-LACAS
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement le 12 NOVEMBRE 2008 par Monsieur Pierre D'HERVE, Président.
- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président, et par Monsieur Henri GALAN, Greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCÉDURE
Philippe X... a été embauché en qualité de coiffeur par le groupement d'employeurs « coiffure esthétique services » à compter du 12 juin 2001 en contrepartie d'un salaire brut garanti de 7 531,00 francs pour 169 heures par mois, d'une commission sur les ventes de produits de 10 % et d'un intéressement sur le chiffre d'affaires « coiffure » réalisé personnellement de 17,04 % à partir de 30 000,00 francs, augmenté de 1 % supplémentaire par tranche de 5 000,00 francs, étant précisé qu'il sera amené à travailler dans les salons de coiffure de Narbonne ou de Perpignan.
L'article 10 du contrat prévoit en outre une clause de non-concurrence, valable deux ans après la cessation effective de la relation contractuelle, dans un rayon de 2 000 mètres à vol d'oiseau autour du salon, en contrepartie d'une prime de 300,00 francs mensuels.
Ce contrat a été transféré à compter du mois de janvier 2002 à Thierry Y..., artisan coiffeur exerçant sous l'enseigne « Franck PROVOST ».
Par avenant du 1er février 2004, le salaire de base de monsieur X... a été porté à 1 400,00 euros par mois pour 151,67 heures et le montant de la prime d'intéressement à 18 % au-delà de 4 575,00 euros, augmenté de 1 % supplémentaire par tranche de 762,00 euros ; il lui était également reconnu la qualification de manager coiffeur au coefficient 190.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 28 mars 2007, monsieur Y..., invoquant la nécessité de restructurer l'entreprise dans le but de restaurer sa compétitivité aujourd'hui en déficit (sic), a proposé à monsieur X... de le promouvoir au poste de responsable d'établissement, coefficient 300, avec le statut d'agent de maîtrise et de modifier sa rémunération, en fixant son salaire de base à 1 700,00 euros mensuels et l'intéressement sur le chiffre d'affaires « coiffure » total du salon à 1,50 %, sous réserve de l'atteinte d'un objectif de 28 000,00 euros TTC mensuels ; il lui était précisé qu'il disposait d'un délai d'un mois pour faire connaître sa décision, qu'à défaut de réponse, il serait considéré comme ayant accepté la modification et qu'en cas de refus, son licenciement économique pourrait être envisagé.
Monsieur X... a, par courrier recommandé du 10 avril 2007, refusé cette modification, estimant notamment que l'objectif prévu était difficilement réalisable.
Il lui a, par ailleurs, été demandé, par courrier de monsieur Y... en date du 12 avril 2007, de respecter les consignes relatives à la tenue des fiches « clients » et à l'affectation, sur leur compte, des prestations réalisées par chacun des collaborateurs.
Le 7 mai 2007, monsieur X... a adressé à l'employeur un nouveau courrier recommandé dans lequel, faisant référence à une proposition d'avenant faite par celui-ci lors d'une conversation du 5 mai 2007, il l'informait qu'il refusait de signer ledit avenant, qu'il saisirait le conseil de prud'hommes dans l'hypothèse ou il serait mis en application unilatéralement et qu'il se conformerait désormais aux horaires mentionnés sur l'affichage obligatoire situé dans le local réserve du salon.
Le 18 mai 2007, monsieur Y... a, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, demandé au salarié de ne pas tenir compte de son courrier du 28 mars 2007 et signifié à celui-ci qu'à compter du 1er juin 2007, l'objectif à réaliser était fixé à, au moins, 28 000,00 euros TTC mensuels de chiffre d'affaires « coiffure » total, donnant droit à une prime sur objectif de 2 %.
Monsieur X... lui a répondu, le 30 mai 2007, qu'il n'acceptait pas cet avenant.
Un avertissement lui a été notifié, le 31 mai 2007, pour divers manquements, qu'il a aussitôt contesté par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 13 juin 2007.
Par courrier recommandé en date du 7 juillet 2007, monsieur X... a pris acte de la rupture de son contrat de son contrat de travail, en ses termes :
" Je reçois aujourd'hui le bulletin de paie du mois de juin 2007, sur lequel je constate que vous avez persisté dans les manquements contractuels que vous avez commis à son encontre depuis plusieurs mois ; en effet, comme vous m'en menaciez et comme je le constatais, vous avez unilatéralement modifié mon contrat de travail, et notamment ma rémunération, et ce afin de me pousser à la démission pour restructurer votre salon.
De plus, vous avez de façon identique exercé des pressions intolérables sur moi, dans le même but : dénigrements, objectifs imposés et non réalisables, menaces, désorganisation, suppression des indemnités kilométriques, etc. Enfin, vous êtes informé de ce que ces agissements ont eu des répercussions sur mon état de santé, alors même que par conscience professionnelle je ne me suis jamais arrêté pour maladie.
L'ensemble de ces faits pour le moins, outre les autres abus que vous m'avez fait subir, constituent des inexécutions contractuelles trop graves pour permettre le maintien du lien contractuel. "

Le 18 juillet 2007, monsieur X... a saisi le conseil de prud'hommes de Narbonne de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 28 avril 2008, la juridiction prud'homale l'en a débouté.
Monsieur X... a régulièrement relevé appel de ce jugement, notifié le 30 avril 2008, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée le 26 mai 2008 au greffe de la cour.
En l'état des conclusions qu'il a déposées et soutenues oralement à l'audience, il demande à la cour d'infirmer le jugement et, en conséquence, de :
- condamner monsieur Y... à lui verser les sommes de :
• 2 011,54 euros de rappel de frais professionnels, • 457,55 euros (bruts) de rappel de commissions, • 43 746,67 euros (bruts) de rappel d'heures supplémentaires, • 1 078,72 euros (bruts) de DIF, • 15 499,86 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé, • 15 500,00 euros de dommages et intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence, • 5 683,28 euros (bruts) d'indemnité de préavis, • 1 549,99 euros d'indemnité de licenciement, • 2 583,31 euros de dommages et intérêts pour procédure irrégulière de licenciement, • 15 500,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, • 2 500,00 euros de dommages et intérêts pour préjudice distinct, • 3 203,04 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- annuler les avertissements disciplinaires des 12 avril et 31 mai 2007,
- ordonner la remise du certificat de travail, de l'attestation Assedic et des bulletins de paie depuis juillet 2002 jusqu'à juillet 2007 corrigés, sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard,
- ordonner que les intérêts légaux courront sur les condamnations financières depuis le 18 juillet 2007, jour de la saisine.
Au soutien de son appel, il fait essentiellement valoir que :
- le remboursement de ses frais professionnels a brusquement été interrompu en octobre 2006 et dès le mois de juin 2007, l'employeur a modifié unilatéralement les modalités de sa rémunération variables, telles qu'elles avaient été fixées par l'avenant du 1er février 2004,
- il a été amené, durant la relation salariale, à effectuer de nombreuses heures supplémentaires puisqu'il était présent au salon, du mardi au samedi, pendant l'ensemble des plages d'ouverture, soit de 9 heures à 18 heures 30,
- le reçu de solde de tout compte omet ses droits individuels à la formation (DIF) équivalent à 60 heures de salaire,
- la clause de non-concurrence est illicite dès lors qu'il avait été prévu un versement mensuel de la contrepartie financière,
- la rupture doit être imputée à l'employeur en raison des manquements à ses obligations, tenant le défaut de paiement des heures supplémentaires, les pressions exercées sur lui pour le forcer à accepter une modification de sa rémunération et même à démissionner, le caractère infondé des avertissements reçus les 12 avril et 31 mai 2007, le paiement tardif de sa rémunération en juin 2007 et la fixation des congés payés hors du mois d'août 2007.
Monsieur Y... conclut, pour sa part, à la confirmation du jugement, sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande en paiement de la somme de 2 246,35 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ; il sollicite en outre l'octroi de la somme de 2 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que jusqu'au terme de la relation contractuelle, le mode de rémunération prévu par l'avenant du 1er février 2004 a été appliqué, que monsieur X... a cessé de percevoir des indemnités kilométriques dès qu'il n'a plus eu à se rendre au salon de coiffure de Perpignan, qu'il n'a pas accompli d'heures supplémentaires, alors qu'il a signé ses feuilles de présence et était chargé de l'établissement des plannings et qu'il a méconnu la clause de non-concurrence en ouvrant son propre salon ; il estime infondés les manquements invoqués par le salarié à l'appui de sa prise d'acte de la rupture, soulignant que dès le 2 mai 2007 celui-ci avait entrepris des démarches visant à la reprise d'un fonds de commerce de coiffure.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1- Les demandes liées à l'exécution du contrat :
a) le rappel de frais professionnels :
Le contrat de travail conclu le 12 juin 2001 prévoit expressément que monsieur X... exercera ses fonctions dans les salons de coiffure exploités par l'employeur à Perpignan et à Narbonne.
Il résulte à cet égard des bulletins de salaire produits aux débats que l'intéressé a perçu des sommes variables à titre de remboursements de frais kilométriques de mai 2003 à septembre 2006 ; monsieur Y... soutient que ces remboursements ont cessé d'être versés au salarié dès l'instant où celui-ci n'a plus eu à se déplacer à Perpignan et monsieur X..., qui ne s'est plaint de la suppression de ses indemnités kilométriques que dans sa lettre de prise d'acte de la rupture, ne justifie pas avoir exposés de tels frais pour les besoins de son activité professionnelle depuis le mois d'octobre 2006.
Sa demande en paiement d'un rappel de frais professionnels a donc été justement rejetée par le premier juge.
b) le rappel de commissions :
Pour réclamer le paiement d'un rappel de commissions, monsieur X... se borne à soutenir que l'employeur a modifié unilatéralement à compter du 1er juin 2007 les modalités de sa rémunération variable, telles qu'elles avaient été fixées aux termes de l'avenant du 1er février 2004 à son contrat de travail ; si, par courrier du 18 mai 2007, monsieur Y... lui signifiait qu'à compter du 1er juin 2007 l'objectif à réaliser était fixé à, au moins, 28 000,00 euros TTC mensuels de chiffre d'affaires « coiffure » total, donnant droit à une prime sur objectif de 2 %, il n'en demeure pas moins que le calcul de la somme de 457,95 euros réclamée n'est pas explicité, au regard précisément des modalités fixées par l'avenant du 1er février 2004.
Ainsi, monsieur X... ne prétend pas que le chiffre d'affaires qu'il a personnellement réalisé au cours du mois de juin 2007 a excédé la somme de 4 575,00 euros ouvrant droit à la prime d'intéressement définie contractuellement au taux de 18 % jusqu'à 5 337,00 euros, augmentée de 1 % supplémentaire par tranche de 762,00 euros.
Il n'apparaît pas, dans ces conditions, fondé à réclamer le paiement d'un rappel de commissions, monsieur Y... indiquant que le chiffre d'affaires réalisé par le salarié en juin 2007 n'avait été que de 4 434,59 euros.
c) le rappel d'heures supplémentaires :
Il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail, que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; il lui appartient ainsi d'établir l'existence d'un horaire collectif applicable dans l'entreprise ou l'établissement du décompte quotidien individuel des heures de travail et du récapitulatif hebdomadaire, conformément aux articles D. 3171-2 et D. 3171-8.
Toutefois, le salarié doit fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.
Au cas d'espèce, monsieur X..., qui prétend avoir travaillé sans interruption de 9 heures à 18 heures 30 du mardi au samedi, soit 47,50 heures par semaine, communique les attestations de deux salariées (Cyrielle D..., Mélanie E...) affirmant, péremptoirement et sans plus de précision, qu'il effectuait un tel horaire ; il ajoute que ces horaires correspondent à ceux d'ouverture du magasin, dont il assurait lui-même en tant que manager l'ouverture et la fermeture.
Pour autant, le salarié reconnaît que ses horaires de travail étaient affichés dans le salon, même s'il en dénonce aujourd'hui le caractère « fallacieux » ; il produit lui-même la feuille d'horaires, qu'il a signée le 1er juillet 2006, prévoyant en particulier une coupure entre 13 heures et 15 heures ou entre 12 heures et 14 heures, sa journée de travail débutant à 9 heures et se terminant à 18 heures ou, un samedi sur deux, à 17 heures.
Il n'est pas discuté qu'au total six salariés étaient employés dans le salon et que monsieur X... était chargé de l'établissement des plannings ; ainsi, le fait que le salon soit ouvert sans interruption, de 9 heures à 18 heures 30 du mardi au samedi, n'impliquait pas nécessairement que l'intéressé ait été tenu d'y rester de façon permanente, en dehors de ses horaires de travail affichés ; l'employeur communique en outre diverses feuilles de présence, signées par le salarié courant 2005, 2006 et 2007, établies sur le base de 151,67 heures de travail mensuelles.
En l'absence d'éléments suffisants apportés par monsieur X..., le premier juge a, à bon escient, débouté celui-ci de sa demande en paiement d'un rappel de salaire.
L'existence d'une dissimulation d'heures salariées n'étant pas retenue, c'est également à juste titre qu'il a rejeté sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire de l'article L. 8223-1.
2- La demande d'annulation des avertissements notifiés les 12 avril et 31 mai 2007 :
En premier lieu, le courrier du 12 avril 2007, demandant à monsieur X... d'appliquer les consignes relatives à la tenue des fiches « clients » et à l'affectation, sur leur compte, des prestations réalisées par chacun des collaborateurs, ne constitue qu'un simple rappel à l'ordre, ne présentant pas le caractère d'une sanction disciplinaire.
Tel n'est pas, en revanche, le cas du courrier du 31 mai 2007, par lequel est notifié au salarié un avertissement pour une série de faits considérés comme fautifs par monsieur Y... (plaintes de clientes mettant en cause la qualité de son accueil et de son travail, mauvaise réception d'un colis « Franck PROVOST » et erreur dans le comptage des espèces lors de l'établissement du bordereau de caisse le 30 mai 2007, refus de signer les horaires de présence le 26 mai 2007, départ précipité du salon ce jour-là malgré le souhait exprimé par l'employeur de rencontrer l'équipe, retard dans la remise de la caisse du 25 mai 2007, interdiction faite au personnel de prendre ses repas dans la pièce pourtant prévue à cet effet, remise de la caisse du 5 mai 2007 sans bordereau de chèques, ni comptage des espèces, salon laissé ce jour-là dans un état déplorable, insultes proférées à l'encontre de l'employeur le 5 mai 2007).
Le salarié a contesté, point par point, les faits motivant cet avertissement, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 13 juin 2007 ; aucun élément n'est fourni par l'employeur permettant de vérifier l'existence de ces faits et de les imputer à faute à monsieur X... ; il convient dès lors de prononcer l'annulation de l'avertissement litigieux.
3- La rupture du contrat de travail et ses conséquences :
Lorsque le salarié prend acte de la rupture en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit d'une démission dans le cas contraire.
Après avoir proposé à monsieur X... de modifier, pour motif économique, le montant de sa rémunération en fixant son salaire de base à 1 700,00 euros mensuels et l'intéressement sur le chiffre d'affaires « coiffure » total du salon à 1,50 %, sous réserve de l'atteinte d'un objectif de 28 000,00 euros TTC mensuels, monsieur Y... a demandé au salarié, par courrier du 18 mai 2007, de ne pas tenir compte de cette proposition, dont il reconnaissait qu'elle ait pu l'inquiéter inutilement, compte tenu de la menace de licenciement que faisait peser sur lui le refus de la modification proposée.
Toutefois, dans ce même courrier du 18 mai 2007, l'employeur l'avisait qu'à compter du 1er juin 2007, l'objectif qu'il avait à réaliser, lui et son équipe, était d'au minimum 28 000,00 euros TTC mensuels de chiffre d'affaires « coiffure » total et que la prime lui revenant personnellement était fixée à 2 % du chiffre d'affaires total ; dans la lettre d'avertissement du 31 mai 2007, il indiquait en outre à monsieur X..., contestant cette modification, que l'objectif avait été fixé par lui unilatéralement, en vertu de son pouvoir de direction, et mettait celui-ci en demeure de respecter ses consignes.
Même si monsieur Y... prétend aujourd'hui qu'il avait finalement renoncé à réviser l'objectif, le courrier du 18 mai 2007 n'en contient pas moins une modification, imposée au salarié, du montant de la partie variable de sa rémunération ; par rapport aux modalités prévues dans l'avenant du 1er février 2004, le calcul de la prime se trouvait désormais assis sur le chiffre d'affaires TTC, non de monsieur X... personnellement, mais de l'ensemble des salariés du salon, et son taux revu, en conséquence, de 18 % au-delà de 4 575,00 euros, augmenté de 1 % supplémentaire par tranche de 762,00 euros, à 2 % au-delà de 28 000,00 euros de chiffres d'affaires, la modification s'effectuant ainsi dans un sens moins favorable à l'intéressé.
Monsieur Y... qui a modifié de la sorte un élément essentiel du contrat, sans l'accord du salarié, et qui ne justifie même pas en quoi cette modification était légitime, a manqué à ses obligations contractuelles ; la prise d'acte par monsieur X... de son contrat de travail aux torts de l'employeur se trouve, pour ce seul motif, justifié, contrairement à ce qu'a décidé le premier juge.
En l'état des propositions successives de modification, faites à monsieur X... depuis le mois de mars 2007, touchant au montant de sa rémunération, il ne peut lui être reproché d'avoir, dès le début du mois de mai 2007, entrepris des démarches en vue d'acquérir un fonds de commerce de coiffure, anticipant ainsi une probable rupture de la relation salariale en cas de maintien par l'employeur des modifications envisagées.
La prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat doit dès lors produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Tenant son ancienneté supérieure à deux ans, monsieur X... peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire, soit la somme de 4 492,70 euros (bruts), outre les congés payés afférents ; pour une ancienneté de 6 ans et deux mois, compte tenu du délai de préavis, il doit également lui être alloué, en prenant pour base un salaire de référence de 2 246,35 euros, une indemnité légale de licenciement de : (2 246,35 x 1/10ème x 6) + (2 246,35 x 1/10ème x 2/12ème) = 1 385,24 euros.
Lors de la rupture de son contrat, monsieur X... était âgé de 36 ans, comptait 6 ans d'ancienneté dans une entreprise de moins de 11 salariés et percevait un salaire brut mensuel de 2 246,35 euros ; il est justifié que depuis le mois de décembre 2007, il exploite, sous couvert d'une SARL LPMC, dont il est le gérant, un fonds de commerce de coiffure à l'enseigne « Domitia coiffure » situé à Narbonne ; en l'état de ces éléments, son préjudice consécutif à son licenciement intervenu sans respect de la procédure, ni cause réelle et sérieuse, peut être estimé, toutes causes confondues, à la somme de 15 000,00 euros sur le fondement de l'article L. 1235-5.
Il n'établit pas l'existence d'un préjudice distinct de la perte de son emploi, directement lié à des pressions exercées par l'employeur pour l'inciter à accepter une modification de son contrat, à l'avertissement, même injustifié, délivré le 31 mai 2007 ou à des paroles déplacées qu'il aurait tenu sur son compte en présence de la clientèle, l'attestation produite à cet égard (Mélanie E...) ne précisant même pas la nature des propos incriminés.
Il résulte, par ailleurs, de l'article L. 6323-17 que le droit individuel à la formation est transférable en cas de licenciement du salarié sauf pour faute grave ou faute lourde, que dans ce cas, le montant de l'allocation de formation correspondant aux heures acquises au titre du droit individuel à la formation et n'ayant pas été utilisées est calculé sur la base du salaire net perçu par le salarié avant son départ de l'entreprise, que lorsque le salarié en fait la demande avant la fin du préavis, les sommes correspondant à ce montant doivent permettre de financer tout ou partie d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation et qu'à défaut d'une telle demande, le montant correspondant au droit individuel à la formation n'est pas dû par l'employeur.
En l'espèce, monsieur X... n'avait pas utilisé son droit individuel à la formation à la date du 7 juillet 2007, alors qu'il avait acquis 60 heures de DIF au titre des exercices 2004-2005, 2005-2006 et 2006-2007 ; il a cependant été contraint de prendre acte, à cette date, de la rupture de son contrat en raison du manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles et, aux termes du présent arrêt, sa prise d'acte est considérée comme produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; ainsi, il n'a pas été mis en mesure, du fait de l'employeur, de solliciter le bénéfice d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation.
L'intéressé a donc perdu une chance de faire liquider, à l'issue de la relation salariale, ses droits en matière de DIF et le préjudice qu'il subit de ce chef peut être évalué à la somme de 800,00 euros.
Seules les sommes allouées à titre d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement produiront intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2007, date de réception par monsieur Y... de la convocation devant le bureau de jugement.
Enfin, il convient d'ordonner à l'employeur, selon des modalités qui seront précisées ci-après, de délivrer au salarié un certificat de travail, une attestation Assedic et un bulletin de salaire afférent au préavis ; rien ne justifie, en l'état, que cette mesure soit assortie d'une astreinte.
4- La validité de la clause de non-concurrence :
Le contrat de travail de monsieur X... prévoit une clause de non-concurrence insérée à l'article 10, valable deux ans à compter du jour de la cessation effective du contrat, sur un territoire situé dans un rayon de 2000 mètres à vol d'oiseau du salon où il exerçait ; il est stipulé à cet égard qu'en contrepartie de cette clause, le salarié percevra une prime de 300,00 francs (45,73 €) mensuels pour 169 heures de travail, qui s'ajoutera à la rémunération prévue à l'article 4 ; des primes dites de non-concurrence ont ainsi été payées, de juin 2001 à juillet 2007, à monsieur X..., qui figurent sur ses bulletins de salaire pour la somme totale de 3 504,67 euros.
Il est de principe que le montant de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, dont l'objet est d'indemniser le salarié des restrictions apportées à l'exercice d'un autre emploi après la rupture de la relation salariale, ne peut dépendre uniquement de la durée d'exécution du contrat, ni son paiement intervenir avant la rupture ; la clause insérée à l'article 10 du contrat, dont la contrepartie financière avait ainsi été stipulée payable durant l'exécution du contrat, s'avère donc illicite.
Une clause de non-concurrence illicite ne cause cependant un préjudice qu'autant que le salarié, lié par une telle clause, l'a effectivement respectée ; tel n'est pas le cas en l'espèce puisque les pièces produites établissent qu'après la rupture de son contrat de travail, monsieur X... a exercé, à compter du mois de décembre 2007, l'activité interdite en ouvrant à proximité immédiate du salon de coiffure de monsieur Y... (...), à moins de 2 000 mètres à vol d'oiseau, un salon concurrent (5, rue de la Parerie), qu'il exploite sous couvert d'une SARL LPMC.
Sa demande en paiement de dommages et intérêts a dès lors été justement rejetée par le premier juge.
5- Les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Au regard de la solution apportée au règlement du litige, il convient de condamner monsieur Y... aux dépens de première instance et d'appel, mais sans que l'équité commande l'application, au profit de monsieur X... des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Narbonne en date du 28 avril 2008 en ce qu'il a débouté monsieur X... de ses demandes en paiement de rappels de frais professionnels, de commissions et d'heures supplémentaires, de sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire de l'article L. 8223-1 et de sa demande dommages et intérêts consécutifs au respect d'une clause de non-concurrence illicite,
Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,
Prononce l'annulation de l'avertissement du 31 mai 2007,
Dit que la prise d'acte par Philippe X... de la rupture de son contrat de travail doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne en conséquence Thierry Y... à lui payer les sommes de :
- 4 492,70 euros (bruts) à titre d'indemnité de préavis,- 449,27 euros (bruts) au titre des congés payés afférents,- 1 385,24 euros à titre d'indemnité de licenciement,- 15 000,00 euros à titre de dommages et intérêts compensatoires de son préjudice consécutif à son licenciement intervenu sans respect de la procédure, ni cause réelle et sérieuse,- 800,00 euros en réparation de son préjudice lié à la perte de la chance de faire liquider de ses droits acquis en matière de DIF,

Dit que les sommes allouées à titre d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement produiront intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2007,
Ordonne à monsieur Y... de délivrer à monsieur X... un certificat de travail, une attestation Assedic et un bulletin de salaire afférent au préavis, dans les quinze jours suivant la notification du présent arrêt,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne monsieur Y... aux dépens de première instance et d'appel,
Dit n'y avoir lieu à l'application, au profit de monsieur X... des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 08/03719
Date de la décision : 12/11/2008
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Narbonne, 28 avril 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2008-11-12;08.03719 ?
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