COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre
ARRET DU 21 OCTOBRE 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 05336
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 JUILLET 2007 TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN N° RG 2006-02437
APPELANTE :
SA SOCIETE GENERALE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social 29 boulevard Haussmann 75009 PARIS représentée par la SCP GARRIGUE-GARRIGUE, avoués à la Cour assisté de Me GIPULO de la SCP LACHAU-GIPULO-BRAZES, avocat au barreau de PERPIGNAN
INTIMES :
Monsieur Alain B...... 66280 SALEILLES représenté par la SCP JOUGLA-JOUGLA, avoués à la Cour assisté de la SCP FITA-BRUZI, avocats au barreau de PERPIGNAN
SARL GARAGE B... prise en la personne de son gérant en exercice domicilié ès qualités au siège social... 66330 CABESTANY représentée par la SCP JOUGLA-JOUGLA, avoués à la Cour assistée de la SCP FITA-BRUZI, avocats au barreau de PERPIGNAN
Maître X... André, agissant en sa qualité d'administrateur judiciaire de la SARL GARAGE B... en vertu du jugement de redressement judiciaire en date du 20 / 09 / 2006 du Tribunal de Commerce de PERPIGNAN, domicilié en cette qualité...... 66000 PERPIGNAN représentée par la SCP JOUGLA-JOUGLA, avoués à la Cour assistée de la SCP FITA-BRUZI, avocats au barreau de PERPIGNAN
Maître Y... Pierre Jean, agissant en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SARL GARAGE B... en vertu du jugement de redressement judiciaire en date du 20 / 09 / 2006 du Tribunal de Commerce de PERPIGNAN, domicilié en cette qualité...... 66000 PERPIGNAN représentée par la SCP JOUGLA-JOUGLA, avoués à la Cour assistée de la SCP FITA-BRUZI, avocats au barreau de PERPIGNAN
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 11 Septembre 2008
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 SEPTEMBRE 2008, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Daniel BACHASSON, Président et Madame Annie Plantard, conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Daniel BACHASSON, Président Madame Annie PLANTARD, Conseiller Mme Noële-France DEBUISSY, Conseiller
Greffier, lors des débats : Melle Colette ROBIN
ARRET :
- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Daniel BACHASSON, Président, et par Mlle Colette ROBIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Par une convention de trésorerie courante, du 13 avril 2000, la Société Générale a consenti à la société garage B..., une ouverture de crédit, utilisable par débit en compte courant, d'un montant de 300 000 francs (45 734, 71 euros). Par acte du même jour, Alain B..., dirigeant de la société, s'est porté caution solidaire, pour un montant de 260 000 francs, incluant le principal, les intérêts, les frais et accessoires. En garantie, la société B..., en qualité de locataire gérant, et Jean B..., propriétaire et bailleur du fonds, ont consenti un nantissement sur le fonds de commerce, qui a été inscrit, le 12 juillet 2000, en garantie de la somme de 390 000 francs.
Une société civile immobilière a été créée par Alain B..., et le parc de véhicules d'occasion a été agrandi. L'activité s'est développée et la société a sollicité de la banque, le 8 novembre 2004, un crédit de trésorerie, réalisable sous forme de billets " spot " pour une période d'un an, renouvelable les années suivantes, pour un montant maximum de tirage de 80 000 euros. En exécution de cette convention, une lettre de change a été tirée par la société B..., le 31 août 2006, et avalisée par Alain B..., pour la somme de 80 000 euros.
La société B... a fait l'objet de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, le 20 septembre 2006. La banque a déclaré sa créance pour les sommes de 362 890, 39 euros au titre du solde débiteur du compte, et celle de 80 000 euros, au titre du crédit de trésorerie mobilisable par billets. Dans le même temps, elle a mis en demeure Alain B... de lui régler les sommes de 80 000 euros, montant du billet, et de 39 636, 74 euros, montant de son engagement de caution.
Le 24 novembre 2006, la Société Générale a assigné Alain B... en paiement de ces sommes. La société B..., ainsi que son administrateur judiciaire, maître X..., et le mandataire judiciaire, maître Y..., sont intervenus volontairement à l'instance.
Par jugement du 3 juillet 2007, le tribunal de commerce de Perpignan a rejeté la demande de la Société Générale, en déchargeant Alain B... de son engagement de caution, au motif que si les dépassements importants du découvert n'ont pas aggravé l'engagement de la caution, en revanche, il n'en va pas de même de l'aval du billet de trésorerie, non assorti de garanties complémentaires prises par la banque. Il a condamné la Société Générale à payer à la société B..., et à Alain B..., la somme de 100 000 euros, à titre de dommages et intérêts.
La Société Générale a relevé appel de cette décision, pour demander son infirmation, et pour que la cour dise que l'intervention volontaire de la société B... et des organes de la procédure collective est irrecevable, et condamne Alain B... à lui payer les sommes de 80 000 euros au titre du billet de trésorerie, avec intérêts contractuels au taux de 8, 6 % l'an, à compter du 11 octobre 2006, de 39 636, 74 euros avec intérêts contractuels, au taux de 9, 6 % l'an, à compter du 11 octobre 2006, le tout avec application de l'article 1154 du code civil, sur la capitalisation des intérêts, et enfin de celle de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour critiquer la décision, elle soutient que la société B... et Alain B... n'ont pas qualité pour agir en soutien abusif contre elle, et qu'en tout état de cause, l'action, régie par l'article L 650-1 nouveau du code commerce, ne remplit pas les conditions prévues par cette disposition.
Les intimés demandent la confirmation, et l'allocation de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Ils font valoir que la banque a très largement dépassé les conditions strictes posées par la convention de trésorerie, puisque le découvert atteint représentait 10 fois celui autorisé, et qu'elle n'a pris aucune garantie complémentaire. Ils estiment que la caution doit être déchargée de son engagement, sur le fondement de l'article 2314 du code civil, du fait de l'inaction de la banque à prendre des garanties complémentaires. Ils font aussi valoir que la responsabilité de la banque est engagée du fait de la faute commise, en octroyant un découvert dépassant très largement les capacités de remboursement de la société et en générant une disproportion fautive. Dans le cas où la cour ne confirmerait pas le jugement, elle devrait prononcer la nullité de l'engagement de caution, sur le fondement de l'article L 650-1 du nouveau du code de commerce, compte tenu de la disproportion. Subsidiairement, ils invoquent la novation, qui a un effet extinctif de l'obligation originaire et interdit au banquier de se prévaloir des sûretés d'origine.
SUR QUOI
Attendu que dans le dispositif de ses conclusions, la banque demande à la cour de déclarer irrecevable l'intervention volontaire de la société Garage B... et des organes de la procédure. Cette prétention n'est pas soutenue dans les motifs, qui portent sur l'irrecevabilité pour défaut de qualité de Alain B... et la société B... à agir en soutien abusif. La cour retiendra donc la validité de l'intervention volontaire de la société B... et des organes de la procédure collective et répondra à l'irrecevabilité pour défaut de qualité à agir.
Attendu que le découvert autorisé par la convention de trésorerie du 13 avril 2000, de 45 734, 71 euros, s'élevait au mois de janvier 2006, à la somme de 256 000 euros, pour atteindre celle de 332 000 euros au mois de septembre. Alain B... était le gérant de la société depuis au moins l'année 2000, et était donc nécessairement parfaitement informée de l'ampleur du découvert, dont il ne pouvait ignorer les risques encourus, tant pour la société que pour lui-même. Il ne peut être admis qu'un dirigeant expérimenté, à la tête d'une entreprise qui avait été créée en 1993, ayant donc un passé qui avait rôdé les réflexes administratifs de gestion, puisse reprocher à la banque qui l'a aidé à développer son activité, à sa demande, de lui avoir accordé un découvert, abusivement. Il importe peu que la banque n'ait pas respecté les termes de la convention prévus en matière de dépassement de découvert, dès lors que la société usait en connaissance de cause des crédits que la banque lui accordait.
Attendu que Alain B... et la société B..., assistée des organes de son redressement judiciaire, seront déboutés de leur demande en dommages et intérêts pour soutien abusif, par voie de réformation de la décision déférée, qui a condamné la Société Générale à leur payer la somme de 100 000 euros à ce titre. Il est donc inutile d'apprécier au fond l'existence du soutien abusif allégué, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, ainsi que le caractère disproportionné du concours, pouvant entraîner l'annulation des garanties accordées dans le cas où la responsabilité de la banque est reconnue, sur le fondement de l'article L 650-1 du code commerce invoqué pèle mêle, par les intimés.
Mais attendu que la société Générale demande la condamnation de Alain B..., en sa qualité de caution, à lui payer le montant de son engagement et de l'aval de la lettre de change. Elle ne répond pas aux contestations émises par celui-ci devant la cour, ainsi que devant les premiers juges, et qui les ont conduits, à retenir l'application de l'article 2314 du code civil et à décharger la caution de ses obligations.
Attendu que pour que la caution soit déchargée de son engagement, la banque doit avoir commis une faute, empêchant la caution d'être subrogée aux droits, hypothèques et privilèges du créancier. Ce fait peut être constitué, non seulement par un fait positif, mais aussi par une omission ou une négligence. En l'espèce, la négligence de la banque invoquée par Alain B..., consistant " à avoir ignoré les conditions contractuelles drastiques de sa propre convention de découvert, jusqu'à laisser filer celui-ci, pour atteindre 10 fois le découvert initialement prévu, sans prendre le moindre nantissement sur le fond ", ne constitue pas le fait de négligence qui a empêché la caution d'être subrogée dans les sûretés de la créancière. La banque, avait, contrairement aux dires de Alain B..., inscrit un nantissement sur le fonds de la société, le 12 juillet 2000, et n'avait aucune obligation de souscrire une garantie complémentaire en cas de dépassement du montant du découvert, ce qui aurait entraîné, pour elle, une acceptation de l'augmentation du découvert, ce qu'elle ne pouvait faire que par écrit, si elle était d'accord. Alain B... ne peut donc pas soutenir avoir perdu le bénéfice de la subrogation par le fait de la banque, qui n'a pas commis de faute ayant eu pour effet de lui faire perdre le bénéfice de la subrogation dans les droits, hypothèques et privilèges de la banque.
Attendu qu'il convient de réformer la décision des premiers juges, qui en ont décidé autrement, et de condamner Alain B... à payer à la banque les sommes qu'elle sollicite au titre de l'aval de l'effet et du cautionnement.
Attendu que Alain B... et la société B..., qui succombent, doivent supporter la charge de frais exposés par la banque, et non compris dans les dépens, à hauteur de 1 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme la décision déférée, et statuant à nouveau :
Condamne Alain B... à payer à la Société Générale, les sommes de :-80 000 euros, au titre de l'aval de la lettre de change, outre intérêts au taux de 8, 60 % l'an à compter du 11 octobre 2006,- de 39 636, 74 euros, au titre du solde débiteur du compte, avec intérêts au taux de 9, 6 % l'an, à compter du 11 octobre 2006.
Dit que les intérêts se capitaliseront pourvu qu'ils soient dus pour une année entière, conformément à l'article 1154 du code civil.
Déboute les intimés de leur demande reconventionnelle
Condamne Alain B... et la société B..., à payer à la Société Générale la somme de 1 500 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne les mêmes aux entiers dépens, qui seront recouvrés pour ceux d'appel, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.