COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re Chambre Section D
ARRET DU 02 JUILLET 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 06056
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 MAI 2007 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER N° RG 04 / 7405
APPELANTES :
Madame Gisèle X... épouse Y... agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de feue Mme Elise Z... veuve X... née le 19 Avril 1931 à VILLENEUVE LES MAGUELONE (34750) de nationalité française... 34750 VILLENEUVE LES MAGUELONE
représentée par la SCP NEGRE- PEPRATX- NEGRE, avoués à la Cour assistée de Me CALAFELL, avocat au barreau de MONTPELLIER
Madame Nicole X... agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de feue Mme Elise Z... veuve X... née le 26 Juillet 1938 à VILLENEUVE LES MAGUELONE (34750) de nationalité française... 34750 VILLENEUVE LES MAGUELONE
représentée par la SCP NEGRE- PEPRATX- NEGRE, avoués à la Cour assistée de Me CALAFELL, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Maître Michel A... Administrateur judiciaire, agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de Mme Muriel B...... 34200 SETE
représentée par la SCP ARGELLIES- WATREMET, avoués à la Cour
assistée de Me V. ARCELLA substituant la SCP CARLIER RAYMOND PAILHE GANDILLON MOLLET, avocats au barreau de MONTPELLIER
Madame Muriel B... née le 11 Février 1970 à RODEZ (12000)... 34690 FABREGUES
représentée par la SCP ARGELLIES- WATREMET, avoués à la Cour assistée de Me V. ARCELLA substituant la SCP CARLIER RAYMOND PAILHE GANDILLON MOLLET, avocats au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE DE CLOTURE du 05 Juin 2008
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 JUIN 2008, en audience publique, M. Mathieu MAURI ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
M. Mathieu MAURI, Président de Chambre M. Jean- Marc ARMINGAUD, Conseiller Mme Gisèle BRESDIN, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Hélène LILE PALETTE
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par M. Mathieu MAURI, Président de Chambre.
- signé par M. Mathieu MAURI, Président de Chambre, et par Mme Hélène LILE PALETTE, greffière présente lors du prononcé.
Gisèle et Nicole X... sont propriétaires d'un ensemble immobilier situé à VILLENEUVE LES MAGUELONE.
Par acte du 23 septembre 1994 les locaux ont été loués à la Société MTB pour une durée de 9 années consécutives venant à expiration le 31 mai 2003.
Le fonds de commerce exploité par la Société MTB a été transféré à la SARL LE CAFE DES FLEURS puis le 27 mai 2002 cédé avec l'autorisation des bailleresses à Muriel B... .
L'acte de cession stipulait expressément que le principe du renouvellement du bail était accepté compte tenu de la date d'expiration dudit bail.
Désirant céder son fonds, Muriel B... a par acte d'huissier du 18 mai 2004 sollicité des bailleresses le renouvellement du bail.
Par acte d'huissier en date du 16 août 2004, les bailleurs lui notifiaient un refus de renouvellement du bail aux motifs :
- que les loyers n'étaient pas régulièrement payés,
- qu'elle ne justifiait pas de la souscription d'une assurance,
- qu'elle ne justifiait pas remplir les obligations du bail.
Prenant acte de ce refus, Muriel B... quittait les lieux le 10 septembre 2004.
Par acte du 1er décembre 2004, Muriel B... a fait assigner les consorts X... devant le Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER aux fins d'obtenir :
A titre principal,
- la nullité du refus de renouvellement pour défaut de motifs valables ;
- la condamnation des consorts X... à lui payer la somme de 247 430 euros à titre d'indemnité d'éviction outre celle de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de droit.
A titre subsidiaire,
Une mesure d'expertise afin d'évaluer le montant de l'indemnité d'éviction.
Elle fait valoir :
- qu'aucune mise en demeure ne lui a été adressée quant aux prétendus manquements aux obligations du bail ;
- qu'aux termes des dispositions de l'article L. 145-17 du Code de Commerce, une telle mise en demeure est exigée et l'infraction invoquée ne peut être retenue que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après la mise en demeure ;
- que le refus de renouvellement a pour effet d'entraîner la disparition du fonds ;
- que le refus de renouvellement non justifié ouvre droit au paiement d'une indemnité d'éviction dont le montant, aux termes de l'article 145-14 du Code de Commerce comprend, outre la valeur du fonds, les frais de déménagement, de réinstallation et de mutation ;
- que la valeur du fonds peut être estimée à 213 430 euros, selon le compromis de vente du 25 novembre 2003 ;
- que les frais divers s'élèvent à 34 000 euros.
S'agissant de l'abus de droit, elle fait valoir :
- qu'ayant trouvé un acquéreur pour son fonds de commerce, un compromis avait été signé le 25 novembre 2003 ;
- que le bail imposait au preneur d'appeler le bailleur à la cession du fonds ;
- que malgré plusieurs courriers adressés par Maître C..., notaire, aux consorts X..., ces derniers ne se sont jamais déplacés pour la signature de l'acte ni, ainsi que cela leur était proposé, donné procuration en cas d'empêchement, cf courriers du 13 janvier 2004,- LRAR du 21 janvier 2004,- sommation par exploit d'huissier en date du 28 janvier 2004 pour signer l'acte de renouvellement du bail et de cession du fonds
- qu'à la suite de ces multiples refus, le compromis de vente a été annulé le 20 février 2004 ;
- qu'elle subit de ce fait un réel préjudice.
Les consorts X... ont conclu au débouté de Muriel B... de l'ensemble de ses demandes en faisant valoir :
- qu'il n'était pas justifié d'un compromis de vente portant sur le fonds de commerce, ni d'un projet d'acte authentique ;
- que Muriel B... ne justifiait pas d'une exploitation réelle du fonds ni avoir satisfait aux manquements énoncés dans la notification du refus de renouvellement du bail ;
- que Muriel B... a quitté volontairement les lieux sans contester le refus de renouvellement.
A titre reconventionnel, les consorts X... ont sollicité une mesure d'expertise afin d'évaluer le coût de la remise en état des locaux loués et dégradés par Muriel B....
Muriel B... a été mise en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce en date du 16 décembre 2005.
Maître A... désigné en qualité de mandataire liquidateur a conclu aux mêmes fins que Muriel B... .
Par jugement du 30 mai 2007, le Tribunal a :
- dit le non- renouvellement du bail non fondé ;
- dit que Muriel B... a droit à recevoir une indemnité d'éviction ;
- dit que l'attitude des consorts X... n'est pas constitutive d'un abus de droit ;
- débouté Muriel B... de sa demande de dommages et intérêts.
Avant-dire droit sur les demandes financières, ordonné une expertise et commis François D... avec pour mission d'effectuer toutes investigations pour permettre au Tribunal de :
- fixer le montant de l'indemnité d'éviction,- chiffrer le coût de la remise en état des locaux.
APPEL :
Appelant de ce jugement, les consorts X... concluent à sa réformation sauf en ce qui concerne la remise en état, et au débouté de Muriel B... de ses demandes ils réclament 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Ils maintiennent leur explication quant aux divers manquements aux obligations du bail tels que visés dans la notification du refus de renouvellement et rappellent :
- que Muriel B... ne leur a jamais fait parvenir un exemplaire de l'acte de cession du fonds tel que prévu à l'article 21 du bail ;
- que préalablement à la vente du fonds il n'était pas exigé l'accord du bailleur ;
- que par suite les lettres adressées par le notaire n'avaient pas lieu d'être ;
- qu'en tout état de cause, la date de réception de ces envois ne leur permettait pas de satisfaire à la demande formulée, cf lettre du 21 janvier 2004 reçue le 29 janvier 2004 pour une convocation à la date du 26 janvier 2004,
- que l'annulation du compromis de vente fait suite à la réalisation de la condition suspensive de renouvellement du bail, imputable à Muriel B... seule, dont l'arriéré de loyer au 28 janvier 2004 s'élevait à 12 500 euros (cf lettre du notaire du 28 janvier 2004) ;
- que les locaux lors de la remise des clefs par voie d'huissier se sont révélés abandonnés et en mauvais état ;
- qu'ignorant cette situation, les bailleurs ne pouvaient adresser de mise en demeure au locataire.
Maître A... conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a dit non fondé le refus de renouvellement du bail et à son infirmation en ce qu'il a ordonné l'expertise et rejeté la demande de dommages et intérêts pour abus de droit.
Il maintient sa demande d'indemnité d'éviction à hauteur de 247 430 euros et sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 50 000 euros.
Il réclame en outre 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Il maintient ses explications quant au non-respect des dispositions de l'article 145-17 du Code de Commerce qui impose au bailleur d'adresser au preneur à qui il reproche des manquements aux obligations du bail une mise en demeure et rappelle :
- que le bail exigeait que le preneur qui souhaite céder son fonds appelle le bailleur et lui remette une expédition ou un exemplaire de l'acte, ce qui implique que le bailleur doit être présent lors de la signature de l'acte ;
- que c'est en raison de l'absence du bailleur que le notaire n'a pu établir l'acte de cession du fonds de commerce et que par suite le compromis de vente a dû être annulé.
S'agissant de l'état des locaux, il rappelle :
- que ceux- ci ont été rendus parfaitement nus et prêts à être reloués (cf constat de Maître E... HDJ du 10 septembre 2004).
MOTIFS :
Sur le refus de renouvellement du bail :
Attendu que pour justifier le refus de renouvellement, les bailleresses reprochent à Muriel B... :- de ne pas être à jour des loyers ;
- de ne pas remplir les conditions du bail ;
- de ne pas justifier de la souscription d'une police d'assurance ;
- un défaut d'entretien et l'inexécution des travaux incombant au preneur ;
Attendu que malgré une sommation interpellative délivrée le 5 mars 2004 à la requête de Muriel B..., les consorts X... n'ont pas daigné expliciter le motif du refus de renouvellement tiré du non-respect des obligations du bail ;
Attendu qu'il n'est pas contesté qu'aucune mise en demeure d'avoir à faire cesser les infractions qui lui sont reprochées n'a été adressée par les bailleresses à Muriel B..., conformément aux dispositions de l'article L. 145 A du Code de Commerce ;
Que par suite c'est à bon droit que le premier juge a, par des motifs pertinents que la Cour adopte, déclaré non fondé le refus de renouvellement du bail et fondée en droit la demande de Muriel B... au titre de l'indemnité d'éviction.
Sur l'abus de droit :
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier que l'annulation du compromis de vente signé le 25 novembre 2003 est fondée sur la non-réalisation de la condition suspensive de renouvellement du bail et non sur l'absence des bailleresses à l'acte authentique ;
Qu'en outre il ne ressort pas des dispositions du bail que les bailleresses devraient donner leur accord à la cession du fonds de commerce mais seulement qu'elles devaient être appelées par le preneur à ladite cession ;
Qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que le premier juge a par des motifs pertinents que la Cour adopte débouté Muriel B... de sa demande de dommages et intérêts.
Sur le montant de l'indemnité d'éviction et des travaux de remise en état :
Attendu que la Cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour apprécier lesdits montants ; qu'il convient de confirmer le jugement ayant ordonné sur ces deux points une mesure d'expertise.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Condamne les consorts X... à payer à Muriel B... 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamne les consorts X... aux dépens dont distraction au profit des avoués de la cause.